IV - Rencontres ... avec ceux qui travaillent en prison
1. Entrevue avec Monsieur Marié, directeur des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) de l’administration pénitentiaire.
Dans le cadre des différentes rencontres avec les professionnels de la prison, la commission avait exprimé le besoin de connaître les actions menées au quotidien par les travailleurs sociaux appartenant à l’Administration Pénitentiaire. Aussi est-elle rentrée en contact avec M. MARIE, Directeur des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (DSPIP) des prisons de Lyon (milieu fermé) et du milieu ouvert.
Dans un premier temps, il nous a expliqué les différentes actions menées au sein du milieu ouvert, c’est-à-dire la gestion des peines alternatives à la prison comme le Travail d’Intérêt Général (TIG), le Contrôle Judiciaire (CJ), le Sursis Mise à l’Epreuve (SME), ainsi que les Libertés Conditionnelles (LC). Plusieurs initiatives témoignent de la volonté du service de donner un sens à la peine : par exemple, la mise en place d’un TIG en collaboration avec la prévention routière dont l’objectif est de sensibiliser les personnes sous main de justice, consécutivement à des problèmes d’alcoolémie au volant.
Dans un deuxième temps, M. MARIE nous a donné un aperçu des différentes initiatives pour l’insertion des sortants de prison.
Pour les actions menées au sein même de la prison, une forme de “chantier extérieur d’insertion” réservé à quelques détenus, en fin de peine, est envisagée. Il s’agirait d’offrir l’opportunité à ces détenus d’être hébergés le soir à l’hôtel social “Riboud” et la journée d’essayer de mener un projet professionnalisant au sein du “GREP”. On peut également souligner l’existence d’un chantier extérieur, en collaboration avec l’association “ David et Jonathan ”, où les détenus, en contrat emploi solidarité, sont les acteurs de la construction d’un centre de cure pour toxicomanes. Il est à signaler qu’une convention existe également entre l’Administration Pénitentiaire et l’ANPE, ce qui a permis la création d’un poste de correspondante ANPE nommée aux prisons de Lyon et de Villefranche-sur-Saône.
Pour finir, la mise en place d’un kit pour sortants de prison “indigents” comprenant une carte de téléphone, des tickets de transport, des chèques services et un livret avec toutes les adresses utiles est en cours d’élaboration.
A l’issue de cette rencontre prédomine le sentiment d’une réelle volonté de prendre en main les sortants de prison et de redonner un semblant de sens à la peine en général. Mais, parallèlement, on a l’impression qu’il s’agit d’un combat contre une administration quelque peu figée et qui ne se donne peut-être pas toujours les moyens d’une action véritablement efficace.
2. Rencontre avec les syndicalistes.... avec ceux qui s’y rendent
Seul le syndicat CGT n’a pu être entendu par la Commission, qui a multiplié les tentatives de contact, sans résultat.
L’UFAP est le premier syndicat régional et national (37 % d’adhérents). FO (30 %) et CGT (17 %).
Syndicat du personnel UFAP, le 10 mai 2000
Les syndicalistes attirent notre attention sur les points suivants :
Concernant un contrôle extérieur, ils souhaitent une grande transparence. Toutefois, celle-ci doit être équilibrée. Ils craignent, par exemple, que le détenu ne soit favorisé par rapport au personnel s’il est assisté d’un avocat lors de sa comparution devant le prétoire.
Ils sont favorables aux travaux d’intérêt général (TIG), aux peines de substitution et au bracelet électronique afin de désengorger les prisons.
Leurs missions ne cessent de s’accroître, alors que le personnel est en nombre insuffisant. "On demande beaucoup trop à la prison. Il y a un “ avant ” et un “ après ” qui devraient être pris en compte".
? A la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône, il manque une dizaine de surveillants.
Ils réclament un véritable droit d’expression collective :
• Une ordonnance du 6 août 1958 (article 3) relative au statut spécial des personnels de l’administration pénitentiaire leur interdit toute cessation concertée du service, sous peine de sanctions.
• Un décret du 21 novembre 1966 leur interdit, en son article 80, tout acte ou propos de nature à déconsidérer le corps auquel ils appartiennent.
Syndicat du personnel FO, le 22 mai 2000
Le syndicaliste rencontré regrette qu’il n’y ait pas eu de visite de la prison Montluc où les problèmes y sont plus importants (beaucoup de conflits et de nombreuses femmes ont des problèmes psychiatriques).
Le manque de personnel (besoins couverts seulement à 95 %) est à l’origine des difficultés rencontrées, pour la participation aux stages de formation par exemple. Il regrette à ce propos le manque de formation des surveillants.
Selon lui, le personnel pénitentiaire trouverait plus d’intérêt à sa mission s’il se sentait investi d’une dimension sociale.
Dans le même ordre d’idée, il regrette que le recrutement soit souvent externe au détriment de la mobilité interne, ce qui est préjudiciable au déroulement de la carrière.
L’entretien des locaux n’est pas fait par manque de techniciens. La présence de ces derniers inciterait peut-être à respecter le matériel.
Le personnel travaille dans de mauvaises conditions : pas ou peu de matériel informatique pour l’administration.
Son souhait serait de voir se développer le port du bracelet électronique à la cheville (surveillance des allées et venues des détenus en milieu ouvert à Grenoble par exemple).
Il regrette la suppression des quartiers de haute sécurité du fait de la dangerosité de certains individus, ce qui remet en cause l’égalité des détenus.
Il n’a pas de réponse particulière de la part de l’Administration pénitentiaire sur la question de la fermeture de la prison de Perrache.
Par ailleurs, il s’interroge sur le coût de la détention et sur l’utilité de la prison ; souhaitant qu’il y ait moins de détenus plutôt que plus de personnel , il fait remarquer que les centres de détention sont préférables aux maisons d’arrêt.
Il soutient le développement en France des unités de vie familiale, comme c’est le cas en Espagne.
Quant à la présence de l’avocat au prétoire, il estime que cela entraînerait la suppression du prétoire “ les surveillants ne feraient pas le poids devant les avocats ”.
La réforme de la prison ne peut se faire sans les surveillants : un travail de groupe avec des psychologues commence à se mettre en place.
Face à la situation de détresse du personnel pénitentiaire et des conditions de travail (un wek-end complet toutes les sept semaines), la création de groupes de travail serait utile.
En conclusion, ce syndicaliste nous a longuement expliqué sa façon d’aborder le problème des prisons en scindant d’une part ce qui avait trait à son travail et à son rôle au sein du syndicat, et d’autre part son approche de citoyen, considérant qu’une remise à plat du problème des prisons était nécessaire.
3. Les familles
Les membres de la Commission ont souhaité une rencontre avec les familles de détenus, avec une profonde conscience de leur difficulté pour s’exprimer sur une réalité présente et une histoire douloureuse.
Nous avons par ailleurs entendu l’appel des familles de détenus décédés en prison. Nous les évoquons dans le rapport.
Cependant, il était important de laisser une place au témoignage sur le quotidien, banal, d’une famille. Ce témoignage est celui de l’un d’entre nous confronté, il y a quelques années, à cette situation.
Les deux premiers sentiments éprouvés par les familles sont la honte et la douleur. Le regard et le jugement des autres sont insupportables pour eux.
Leur première préoccupation est de savoir où est incarcéré leur proche.
Se posent ensuite les questions pratiques :
• comment lui faire parvenir du linge, un mandat,
• comment obtenir un permis de visite,
• comment subvenir aux besoins de la famille avec la perte d’un salaire,
• de nombreuses familles ont besoin d’assistance pour constituer leur dossier car beaucoup ne savent ni lire ni écrire.
Le parloir :
Après avoir obtenu du juge les autorisations nécessaires, il faut, pour chaque séance, se rendre au San Marco, annexe sociale de la prison, située hors les murs. Là ont lieu les réservations, le matin même, et il s’agit de ne pas manquer le rendez-vous.
A l’heure dite, l’appel des visiteurs a lieu à la porte de l’établissement pénitentiaire. Appel souvent fait sans ménagement, comme si une responsabilité globale enveloppait le prisonnier et son entourage.
Il faut ensuite veiller à passer sans encombre le fatal portique de sécurité, en ayant pris soin de laisser dans des casiers tout ce dont on se charge habituellement. Contrairement à la croyance, rien ne peut être apporté à la prison, en dehors de livres et de l’échange du linge.
Si les visiteurs n’ont pas été prévenus des précautions à prendre pour le passage du portique, ils peuvent être refoulés à l’entrée de la prison et devront refaire les démarches pour obtenir un nouveau rendez-vous.
Se pose également le problème de la garde des enfants pendant les parloirs, lorsque ces derniers n’ont pas de permis de visite.
Enfin, chacun s’installe dans un box et c’est l’arrivée des détenus, les longues et bruyantes conversations, et la sonnerie finale qui met un terme à ce moment tant attendu.
Note : à Chandollon, prison de Genève, les visites sont libres (après rendez-vous). Les contacts sont directs dans une salle confortable - genre brasserie - avec un minimum de convivialité.
Il arrive également que des familles arrivent de très loin pour un parloir et apprennent sur place le transfert de leur proche. Elles se trouvent alors dans la détresse car elles ne peuvent visiter leur proche, et elles ne connaîtront le nouveau lieu de détention que lorsque les formalités dans la nouvelle prison seront achevées.