Au cours de sa détention, le prisonnier condamné a de fortes chances de connaître plusieurs établissements pénitentiaires. La décision d’affectation n’est jamais définitive et peut être motivée tout au long de la peine, entraînant le transfert du détenu d’une prison à une autre. Les motifs d’une telle décision sont divers. Le changement d’affectation peut avoir été demandé par le détenu, par exemple pour se rapprocher de sa famille. Il peut également être imposé au prisonnier par l’administration pénitentiaire, pour des raisons d’encombrement ou pour des motifs de sécurité. Il n’est pas rare qu’un condamné se retrouve de nouveau en maison d’arrêt dans le courant de l’exécution de sa peine, après avoir été affecté en maison centrale ou centre de détention. Certains détenus considérés comme dangereux ou perturbateurs font souvent l’objet de ce qu’on appelle le « tourisme pénitentiaire », à savoir un changement d’établissement pénitentiaire tous les deux à six mois, ce qui participe à l’entreprise de déstabilisation d’une personne détenue et du délitement de ses liens familiaux.
445 Quand L’affectation peut-elle être modifiée ?
L’affectation peut être modifiée soit à la demande du condamné, soit à la demande du chef d’établissement dans lequel il exécute sa peine. Dans les deux cas, l’affectation ne sera modifiée que si « un fait ou un élément d’appréciation nouveau » est survenu depuis la décision initiale. Le condamné peut motivé sa demande notamment par la nécessité d’un rapprochement familial, la volonté de suivre un enseignement ou une formation dispensée dans un autre établissement, le souhait de changer de régime de détention, etc. lorsqu’elle émane du chef d’établissement, la demande de changement d’affectation peut reposer sur des motifs favorables ou défavorables au détenu. Elle peut intervenir par exemple au bénéfice d’un condamné en fin de peine, que le directeur propose d’affecter dans un établissement particulier en préparation de sa sortie. Les condamnés incarcérés en maison centrale dont le comportement s’est « amélioré » aux yeux de l’administration sont également susceptibles d’être proposés pour une affectation dans une autre catégorie d’établissement. A l’inverse, le chef de l’établissement pourra demander le transfert d’un condamné dont il considère qu’il compromet l’ordre ou la sécurité de la prison, parce que son comportement paraît inadapté à un régime de centre de détention. Un certain nombre de détenus jugés « difficiles » sont même soumis à des déplacements permanents, là encore pour des raisons de sécurité. D’autre part, et bien qu’il ne figure pas parmi les sanctions prévues par le Code de procédure pénale, le transfert est fréquemment utilisé en réponse à un manquement à la discipline. Enfin, indépendamment de toute demande de changement d’affectation émanant du condamné ou du chef d’établissement, le ministre de la Justice peut charger le Centre national d’observation d’effectuer un bilan d’évolution de la personnalité du condamné dans la perspective d’un changement d’affectation.
Articles D.82, D.82-4 et D.97 du Code de procédure pénale
446 Quelle est la procédure en cas de demande de changement d’affectation ?
Le chef d’établissement doit constituer un dossier permettant d’établir le bien fondé de la démarche, comprenant les éléments favorables au changement d’affectation, mais aussi les renseignements relatif à la conduite du détenu et aux incidents en détention. Le service d’insertion et de probation (SPIP) doit, de son côté, élaborer une synthèse des éléments pertinents à l’appui de la demande. Une enquête complémentaire peut lui être demandé par le ministre ou le directeur régional sur la situation familiale ou sociale du condamné. Le dossier doit également être transmis aux médecins intervenant dans l’établissement afin qu’ils fassent valoir tous les éléments utiles à la procédure en cours. Si c’est le chef d’établissement qui demande un changement d’affectation, il doit tenir compte de la situation familiale de l’intéressé. Quant au détenu qui souhaite changer de prison, il doit formuler sa demande par écrit et expliquer les raisons de sa démarche. Cette requête, dont il est recommandé au détenu de conserver une copie, est enregistrée au greffe et remise au chef d’établissement. Celui-ci doit obligatoirement constituer et instruire un dossier de « demande de changement d’affectation », même dans le cas où la requête lui paraît injustifiée. La requête du détenu est ensuite transmise à la direction régionale puis, le cas échéant, au ministre. Néanmoins, une demande présentée directement par le détenu auprès de l’autorité chargée de la décision demeure valable. En pratique, il est rare que le condamné obtienne gain de cause s’il n’a pas séjourné un certain temps dans son lieu de détention actuel. Enfin, la décision de changement d’affectation est prise, sauf urgence, après avis du juge de l’application des peines et du procureur de la République. Mais toute cette procédure prévue par les textes n’est pas systématiquement respectée en pratique. Lorsque la demande du chef d’établissement repose sur des motifs d’ordre et de sécurité, le dossier de changement d’affectation se résume le plus souvent à un courrier au directeur régional, faisant état d’un incident, d’un mouvement collectif ou de suspicions concernant une préparation d’évasion. Il n’est alors pas tenu compte de la situation personnelle de l’intéressé sur le plan des relations familiales, de l’emploi ou de la formation.
Articles 717-1-1, D.82, D.82-1 et D.97 du Code de procédure pénale, circulaire JUSE0340044C du 18 avril 2003 relative à la procédure d’orientation et aux décisions d’affectation des condamnés.
447 Qui décide du changement d’affectation ?
L’autorité initialement compétente pour décider de l’affectation le demeure pour les changements d’affectation, à une exception près : les condamnés à une ou plusieurs peines dont la durée totale est supérieure ou égale à dix ans, et dont le reliquat de peine à subir est supérieur à cinq ans au moment de la condamnation définitive, font l’objet d’une décision de réaffectation du directeur régional (et non du ministre) lorsqu’au jour de la demande de changement d’affectation leur durée d’incarcération restant à subir n’excède pas trois ans. Comme en matière d’affectation initiale, le directeur régional n’est pas compétent lorsqu’il s’agit d’un détenu condamné pour acte de terrorisme, d’un détenu inscrit au répertoire des détenus particulièrement signalés ou pour une affectation en maison centrale. En revanche, le changement d’affectation d’un condamné incarcéré en maison centrale vers une autre catégorie d’établissements peut relever de la compétence du directeur régional.
Articles D.82 à D.82-1 du Code de procédure pénale, circulaire JUSE0340044C du 18 avril 2003
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