Publié le lundi 23 mai 2005 | http://prison.rezo.net/sans-papiers-en-prison/ 0., 33 ans, est marocain. Au Maroc, il était mécanicien bateau. il a appris le métier grâce à son père. Il n’a pas de diplôme, mais connaît bien le métier pour l’avoir exercé trois ans. En France depuis douze ans, il a malheureusement connu, une fois, la prison pour une période de trois mois. Il témoigne, ici, de ce qu’il y a vécu et de son indignation quant au traitement réservé aux détenus étrangers, aux « sans papiers. » Passer une nuit, en cellule « arrivant », c’est le lot de tous les détenus entrants ! C’est le lendemain que l’on m’affecte dans un bâtiment. L’affectation se fait par origine culturelle. Les Maghrébins avec les Maghrébins, les Africains avec les Africains, les François avec les Français. La punition suprême, c’est de se retrouver au bloc C. Même si tu es Français, mais que tu as des origines africaines, tu peux t’y retrouver. Le bloc C, c’est le bloc des « sans papiers », de ceux qui n’ont aucune visite de I’extérieur ou de leur famille, ceux qui ne reçoivent jamais de courrier. Le bloc C, c’est la misère totale. Si tu demandes une cigarette à quelqu’un, tu n’as aucune chance d’en obtenir une, car personne n’en possède. Au troisième étage, il y a ceux qui sont « riches », parce qu’ils avaient de l’argent avant d’enter en prison. Ceux-là ne sont pas du tout solidaires. En seulement trois mois de prison, j’ai vu des « sans papiers », sans cesse aller et revenir, sans jamais que leur situation n’évolue. Sauf leur peine. Au début, on vous condamne à trois mois, puis à six mois. J’ai vu un gars être condamné à dix-huit mois, seulement parce qu’il n’avait pas de papiers. Son seul délit, s’être fait attraper plusieurs fois. J’aurais préféré que l’on me mette avec des détenus plus solidaires. Même les services sociaux m’ont ignoré. Mais même les mauvais jours ont une fin. Le jour de ma sortie de prison, j’ai connu celle qui est devenue ma femme. Elle me demandait, à moi, sortant de prison, où se diriger pour se rendre à une adresse. Je lui ai proposé de lui offrir un café, histoire de parler avec quelqu’un, elle est devenue la mère de mes quatre enfants. N’y a-t-il pas un proverbe qui dit « avec l’amour, on peut traverser des montagnes ? » Propos recueillis par Didier Robert Revue EGO - Alterego le journal n°47 / 1er trimestre 2005 |