Publié le dimanche 26 juin 2005 | http://prison.rezo.net/iii-le-fonctionnement-des/ II. LA BIBLIOTHÈQUE EST DÉSORMAIS UN LIEU ANCRÉ DANS L’ESPACE CARCÉRAL, MAIS SON FONCTIONNEMENT ACTUEL N’EST PAS SATISFAISANT 1. Les textes réglementaires Les textes réglementaires (Cf. Annexe) qui encadrent le développement de l’action culturelle en prison inscrivent clairement la bibliothèque dans l’espace carcéral et établissent les bases d’une programmation régulière des activités culturelles. Cette base réglementaire et la logique de développement issue de la circulaire interministérielle de décembre 1992, cosignée par le directeur de l’administration pénitentiaire et le directeur du livre et de la lecture, ont donné à la bibliothèque de prison une véritable légitimité, renforcée par la conviction désormais partagée par la majorité du personnel de l’administration pénitentiaire selon laquelle la bibliothèque est un espace fondamental dont l’activité s’inscrit dans l’ensemble des propositions socio-éducatives offertes aux détenus. Cet espace permanent est devenu une base physique et concrète à partir de laquelle se développe une multitude d’activités culturelles. L’espace bibliothèque et l’usage de cet espace sont donc des acquis apparemment irréversibles. Mais cette inscription dans l’espace est une première étape. La prochaine étape doit être celle de la structuration pérenne du fonctionnement des bibliothèques qui va de pair avec l’amélioration des locaux dévolus à cette activité. 2. L’espace de la bibliothèque Des surfaces variables, des locaux souvent modestes Les configurations et les surfaces varient de manière aléatoire d’un endroit à l’autre et d’une région administrative à une autre. Mais qu’il s’agisse d’une région comme Rhône-Alpes (moyenne des surfaces de bibliothèques : 30,4 m2), Poitou-Charentes (49 m2), Basse- Normandie (30 m2) ou Limousin (29,75 m2), les chiffres sont excessivement médiocres, mis à part quelques cas particuliers (Haute-Normandie 100 m2). La surface moyenne de la bibliothèque de prison demeure très restreinte. On peut l’estimer à environ 40 m2. Elle se situe nettement en-dessous des normes recommandées. Il existe bien sûr de brillantes exceptions, comme la médiathèque du Centre pénitentiaire de Rennes (280m2). Les bibliothèques des établissements pour peine, ou celles du programme des 13 000 sont aussi souvent mieux dotées. Mais dans l’ensemble, la confrontation avec les deux étalons préalablement déterminés, que ce soit la bibliothèque publique ou les normes indicatives à l’usage des établissements pénitentiaires, n’est pas encourageante. A titre de comparaison, on rappellera en effet que : Questions d’aménagement L’agrément et l’aménagement rentrent aussi largement en compte. Mieux vaut parfois un lieu petit, clair, accueillant, qu’un grand local aveugle et lugubre. Très souvent localisée dans le quartier socio-éducatif, la bibliothèque est généralement pourvue du mobilier spécifique de base, comme étagères, banque de prêt, bacs et parfois présentoirs. Les serre-livres - un petit détail qui a son importance - semblent une denrée peu répandue. Le mobilier destiné à la lecture de détente - chauffeuse, table basse - n’est pas assez présent. Une tendance forte à la dissémination Les programmes de nouvelles constructions d’établissements pénitentiaires Les programmes de nouvelles constructions vont dans le même sens en accentuant fortement la tendance. A la suite du programme des 13 000 (15 établissements ouverts entre 1987 et 1992, où l’espace réservé à la bibliothèque était assez généreux), le programme des 4000 (2000 - 2004, en dernière phase de réalisation) comprend l’ouverture de 6 établissements avec pour chacun une capacité de 600 détenus environ. Dans la programmation initiale, une bibliothèque centrale de 80 à 100 ou 120 m2 était prévue dans ce qu’il est convenu d’appeler "la grand’ rue", c’est-à-dire le lieu qui concentre toutes les activités des détenus. Dans les prisons récemment ouvertes, les bibliothèques n’ont pas pu fonctionner selon ce schéma, à la fois pour des raisons de sécurité incendie [3] et à cause des difficultés de service engendrées par la circulation des différents groupes de détenus se rendant à la bibliothèque. 3. Collections et acquisitions 3.1 Le volume des collections : un stock aux proportions variables Les rayons des bibliothèques ne sont pas vides, loin de là. En 1984 déjà, l’une des premières enquêtes réalisées sur les bibliothèques des établissements pénitentiaires [5] établissait que, sur 159 bibliothèques, un tiers possédait plus de 3000 ouvrages. L’enquête la plus récente indique que, sur 141 bibliothèques, plus de la moitié (56%) a un fonds de livres égal ou supérieur à 4000 ouvrages [6]. 3.2 Des fonds à revitaliser ?? Un manque d’attractivité ? Le manque d’attractivité de ces fonds apparaît comme un défaut majeur, à l’égard d’une population qui, pour l’essentiel, n’a pas vraiment la lecture comme occupation favorite. L’état et la cohérence des fonds se sont améliorés. Le temps des ouvrages recouverts de papier kraft, dont l’existence était encore évoquée en 1995 [7], est certes bien révolu. Mais plus encore que dans une bibliothèque en milieu ouvert, le fonds destiné à une population souvent éloignée de l’écrit doit être débarrassé très régulièrement de ses scories, renouvelé et proche des préoccupations ou des goûts de ses utilisateurs. ? Les collections sont généralement pauvres en ouvrages techniques et documentaires ; elles comprennent peu de textes en langue étrangère. Les besoins à satisfaire portent sur les dictionnaires, les codes juridiques, et, régulièrement, sur les ouvrages de religion, de philosophie, psychologie, sur la poésie et sur le domaine médical. Le fonds de bandes dessinées, particulièrement prisé, serait à renouveler fréquemment. Les livres dans les langues des nouvelles nationalités représentées - langues des pays de l’Est, par exemple - sont rares. ? Les abonnements de périodiques (surtout les quotidiens), relativement chers, ne sont pas assez présents, alors que journaux et magazines sont peut-être les seules lectures pratiquées par une bonne partie de la population carcérale, en particulier les jeunes. [8] ? Enfin, à la différence de la plupart des bibliothèques publiques, les bibliothèques de prison ne remplissent pas encore les fonctions contemporaines des médiathèques. Les collections, sauf quelques exceptions, ne sont jamais multimédia. Uniquement vouées à l’imprimé, elles ne contiennent ni disques, ni cédéroms, ni audiovisuel. Se pose certes la question du matériel nécessaire pour écouter ou visionner. Les détenus ne sont d’ailleurs pas dépourvus de ce type de supports, qu’ils possèdent parfois à titre individuel. ?? L’insuffisance du suivi La régularité et le suivi sont indispensables au bon fonctionnement de la bibliothèque. Des budgets d’acquisition sont généralement dégagés par les SPIP ou par les établissements. Ils varient beaucoup suivant les lieux et suivant les années. Il peut arriver qu’une bibliothèque se voie dépourvue de livres neufs une année, voire plusieurs années de suite. Les dons sont trop fréquemment intégrés dans les collections sans tri préalable. Les choix d’ouvrages sont réalisés, souvent dans l’urgence, par l’un ou l’autre de ceux qui interviennent dans la bibliothèque - membres référents du SPIP, agents de justice, enseignants...- On comprend, dans ces conditions, les difficultés à conduire une politique d’acquisition sur le long terme, et au final, le manque d’adéquation des fonds aux attentes de leurs usagers. Deux exemples illustrent particulièrement ce qui vient d’être avancé. ? L’aide du Centre national du livre (CNL) ? Les pertes d’ouvrages 4. Un équipement informatique en progrès, mais de médiocre qualité et ne L’informatique, facteur d’amélioration, s’est installée dans les bibliothèques - une présence encore timide et parfois balbutiante. En 1998, la gestion (prêt et catalogue) de 54% des bibliothèques était informatisée ou en cours d’informatisation [11].En 2004, 62% des bibliothèques ayant répondu au questionnaire de l’administration pénitentiaire pratiquent le prêt informatisé. On ne peut guère parler de progression fulgurante. Le maniement du cahier et du crayon ou des fiches manuelles est encore largement répandu. L’achat du matériel, par l’établissement ou le SPIP, ne fait pas problème, mais l’opération elle-même reste du domaine professionnel, et difficile à lancer sans l’intervention d’une bibliothèque publique. Les logiciels utilisés sont de qualité très inégale. Au mieux, ce sont de petits logiciels du commerce (du type Winbib ou Atalante), au pire, des produits "maison" développés localement par un féru d’informatique ou une association (comme BIB 3 en Bretagne). L’idéal consisterait en un logiciel compatible avec celui de la bibliothèque territoriale partenaire, une tendance qui est loin de prédominer, mis à part quelques exceptions comme en Aquitaine. Les performances médiocres - ou l’absence - des systèmes informatiques rendent la gestion des fonds très imprécise : on ne sait pas bien ce que l’on possède, ce que l’on prête, ce que l’on perd, ce dont on aurait besoin. L’incompatibilité de ces petits logiciels entre eux et avec les systèmes extérieurs empêche aussi tout travail en réseau. L’idée même de "réseau" est mal perçue à l’intérieur des établissements pénitentiaires, l’absence de bibliothécaires professionnels constituant un facteur aggravant. Il est cependant admis que l’informatique soit utilisée auprès des détenus par un personnel stable et fiable, institutionnel, comme les enseignants. Mais ses dangereuses facultés de transmettre des données à l’extérieur continuent de susciter une grande suspicion. L’informatique documentaire, bien que par nature fermée sur elle-même, ne fonctionne donc jamais en réseau, même dans les très gros établissements comportant de nombreuses bibliothèques - Fleury-Mérogis ou la Santé. La prison ne saurait rester à l’écart des évolutions technologiques, surtout lorsqu’elles apportent un supplément d’efficacité. Dans ces conditions, l’évolution actuelle vers une multiplication de petits lieux à l’intérieur d’une même prison est préoccupante : pas de catalogue unique, aucune possibilité efficace de prêt entre les micro-structures. 5. Le personnel : une combinaison aléatoire et fragile On ne peut guère parler de personnel, au sens classique du terme, pour désigner celles et ceux grâce à qui la bibliothèque fonctionne. Pour une bonne raison : dans l’espace carcéral, il existe très peu de bibliothécaires permanents chargés de sa bonne marche, comme les enseignants peuvent l’être de l’éducation, ou le personnel médical de la santé. C’est davantage la somme des bonnes volontés qui permet à ce lieu d’exister et d’assurer la disponibilité régulière des documents. Les intervenants sont multiples et les fonctions variables. Succinctement, les rôles des acteurs sont les suivants : Les conseillers d’insertion et de probation (CIP) désignés comme référents s’impliquent souvent aussi dans sa gestion même, et l’achat de nouveaux documents. Les limites de l’action des SPIP tiennent d’une part au peu de temps qu’ils peuvent consacrer à la culture avec l’accroissement de leurs tâches sociales et administratives (cf. III.3), d’autre part à une rotation des personnels parfois rapide qui introduit des ruptures dans un domaine où la légitimité ne s’acquiert que sur une certaine durée. Les agents de justice (emplois jeunes) venus en renfort, ne doivent pas s’appréhender comme une simple force d’appoint. lls ont vite trouvé leur place dans un dispositif qui conjugue faiblesse et dispersion des moyens humains avec des besoins constants d’assistance quotidienne et de coordination. Leur activité varie en fonction des établissements et des personnes : les profils d’emploi se bâtissent à pied d’oeuvre sur le terrain. Chargés ici de la gestion d’une bibliothèque - par exemple celle des mineurs, qui par nature ne dispose pas de détenu-bibliothécaire - là de tâches administratives, ils coordonnent aussi les activités culturelles, assurent les relations avec les associations et les intervenants ou la parution du journal des détenus. Ils remplissent un rôle multiforme et nécessaire. Les détenus-bibliothécaires présents dans beaucoup de bibliothèques, sont des acteurs essentiels, grâce au travail technique qu’ils effectuent [12], et au rôle qu’ils tiennent auprès de leurs camarades. Les tâches bibliothéconomiques quotidiennes comprennent le prêt, le classement et le ?? La rémunération. Suivant les établissements, les détenus-bibliothécaires sont répertoriés en classe 3, 2 ou plus rarement en classe 1 (la plus élevée, à l’égal des cuisiniers). La modicité des émoluments proposés oblige parfois à recruter des détenus plus âgés, parce qu’ils ont le complément d’une petite retraite. Une harmonisation serait nécessaire, dans le sens d’une meilleure considération de la fonction. ?? La formation. Elle s’effectue le plus souvent "sur le tas" : le détenu acquiert les notions de bibliothéconomie en autodidacte, ou avec l’aide de bibliothécaires professionnels. Les formations extérieures, du type de celles dispensées par l’Association des bibliothécaires français (ABF) ou par l’enseignement à distance, sont très rarement pratiquées, peut-être faute de passerelles avec le service chargé de la formation professionnelle. L’expérience acquise à la bibliothèque par le détenu n’est guère prise en compte [13], alors que l’on pourrait penser à une validation professionnelle des acquis (VAE). Les bibliothécaires professionnels, personnels des collectivités territoriales Ils appartiennent aux bibliothèques municipales et/ou aux bibliothèques départementales proches des établissements pénitentiaires desservis, sans que le partage des tâches soit systématisé. A grands traits, les bibliothèques départementales de prêt (BDP) interviennent plus souvent sur la formation et le dépôt d’ouvrages (renouvelé deux à trois fois par an), cependant que les BM assurent la fourniture de livres spécialisés et propose des animations ; la gestion et le désherbage sont du ressort des unes et des autres. Ce schéma est loin d’être général. Le partage du territoire n’est pas davantage formalisé, les nouvelles implantations de prison à l’extérieur des grandes villes contribuant à brouiller les cartes [14]. Des conventions formalisent la plupart du temps les relations entre les différents partenaires. Beaucoup sont anciennes car une remise à jour régulière nécessiterait une dépense d’énergie sans commune mesure avec son objet. Elles sont fragiles, et peuvent s’interrompre très rapidement, leur existence ne garantissant pas forcément les prestations qui y sont stipulées. Le partenariat avec les bibliothèques territoriales reste difficile à mettre en oeuvre, dans les nombreux cas où les bibliothèques l’assument sans moyens supplémentaires. La disponibilité des personnels, qui doivent être volontaires, voire quelque peu militants, constitue le plus gros obstacle. Ce partenariat ne sera réellement effectif que si les bibliothèques des établissements pénitentiaires sont considérées par les collectivités territoriales comme des éléments ordinaires de leur réseau, selon la formule : une prison, une bibliothèque territoriale. Les bénévoles Il serait plus juste de dire qu’il est mal intégré, puisque des associations interviennent, seules, dans de très gros établissements avec éventuellement l’aide de bénévoles. "Lire, c’est vivre" gère ainsi les huit bibliothèques de Fleury-Mérogis, "Bibliothèques pour tous" les 7 bibliothèques de la Maison de la Santé à Paris. [16] S’agit-il de méfiance de la part des bibliothèques publiques ou de déficit des vocations ? Tout se passe comme si le monde des professionnels et celui du bénévolat n’étaient pas inter-pénétrables, si l’on excepte quelques bibliothécaires retraités volontaires. Mis à part la maison d’arrêt de Valence, où des bénévoles choisis et formés par la médiathèque publique apportent leur aide, la mission n’a pas eu connaissance de cas où le volontariat soit régulièrement impliqué par les professionnels dans le fonctionnement de la bibliothèque. La mission regrette d’autant plus cet état de fait que l’appel au bénévolat, s’il est convenablement encadré par des professionnels, lui semble constituer un réservoir de forces vives à ne pas négliger dans un contexte de pénurie, d’autant que le recours à des bénévoles est utilisé avec profit depuis de longues années par les bibliothèques départementales de prêt. Les chargés de mission régionaux 6. L’amélioration de l’accessibilité s’accompagne de résultats apparemment positifs mais difficilement mesurables Le prêt sur liste ou sur catalogue a pratiquement disparu et l’accès direct est partout la règle. La classification Dewey est largement utilisée, le classement artisanal reste une exception. Sur tous ces points, la circulaire d’application de décembre 1992 a été entièrement mise en pratique. Les réserves de la mission portent cependant sur : ? l’espace souvent trop restreint accordé à la consultation et la lecture sur place, alors qu’il s’agit d’une pratique habituelle du lectorat, au demeurant à encourager. Le taux d’inscription et le nombre de prêts sont difficiles à estimer, faute de statistiques informatisées dans la plupart des bibliothèques. Lorsqu’ils sont fournis, les chiffres de fréquentation atteignent des pourcentages importants : ils s’élèvent facilement à la moitié, voire aux trois quarts des détenus. Mais la notion de "lecteur inscrit", au sens où on l’entend d’ordinaire, ne peut pas être prise au pied de la lettre. Ces chiffres doivent être considérés avec précaution, puisque l’écart entre le nombre de personnes souhaitant se rendre à la bibliothèque, et ceux qui s’y rendent effectivement est susceptible de varier de manière très importante sous l’influence de divers facteurs. Tous les usagers n’empruntent pas, mais comme l’indique l’une des rares enquêtes de public effectuées dans ces établissements, ils déclarent venir consulter le journal et les livres exclus du prêt (codes pénaux, dictionnaires, etc), rencontrer les visiteurs de prison et les bibliothécaires, se tenir au courant des activités proposées [18]. Certains viennent sans doute aussi regarder les livres ou simplement passer un moment. 7. La place de la lecture souffre d’un cloisonnement entre activités d’insertion et activités culturelles ; le partenariat avec les enseignants est fluctuant, et relève rarement d’un projet global Alors que la réinsertion passe par la maîtrise de l’écriture et de la lecture, le partenariat est très loin d’être partout établi entre bibliothèques et services scolaires, pourtant géographiquement proches dans la prison. Certaines régions, comme l’Est, les Pays-de-la-Loire par exemple possèdent des habitudes de collaboration ou ont tissé des liens très étroits. Mais l’indifférence prévaut souvent, et s’accompagne parfois de méfiance réciproque. Pour éviter de scolariser la lecture, les enseignants sont peu associés aux projets d’activités culturelles. A l’inverse, la culture n’est pas formellement invitée à intervenir, par exemple, dans les actions relatives à la lutte contre l’illettrisme [19] menées par le secteur éducatif. Les enseignants disposent souvent par ailleurs de leur propre bibliothèque. Le cloisonnement entre les différents services, dont le SPIP et les établissements pénitentiaires ne sont pas exempts, reste un obstacle majeur au développement d’actions concertées de prévention de l’illettrisme, de préparation à la vie professionnelle ou d’éducation à la santé. La bibliothèque est du reste trop souvent perçue comme un lieu culturel, dédié au loisir et à la détente, au détriment de sa fonction de centre de ressources documentaires. Une clarification des domaines et compétences de chacun serait probablement utile. Le champ de l’éducation artistique permettrait de penser à nouveau une collaboration, ainsi qu’en témoigne l’expérience pilote menée en 2003 par le Languedoc-Roussillon, qui a montré l’intérêt des pratiques artistiques comme élément de dignité, de confiance en soi, et d’appétit culturel, mais aussi comme moteur du retour à la lecture [20]. Lieux symboliques, points de convergence, les bibliothèques ont en effet un rôle d’entraînement sur la diversification des pratiques culturelles qui leur est rarement contesté. 8. Socle de la vie culturelle, la bibliothèque favorise le développement des Les bibliothèques sont historiquement les plus anciens lieux d’activité culturelle en milieu pénitentiaire. A ce titre, elles ont favorisé le développement d’ateliers de pratique liés à la lecture et à l’écriture, mais aussi celui d’autres activités artistiques, par exemple dans le domaine du théâtre ou des arts plastiques. Parfois, les animateurs des bibliothèques sont à l’origine de l’offre globale d’activités culturelles dans la prison (cinéma, musique), à l’instar de l’association « Lire c’est vivre » de Fleury-Mérogis. L’activité de la bibliothèque et plus fondamentalement l’existence de ce lieu ont plutôt un effet d’entraînement sur toutes les autres propositions : expositions, expression théâtrale, calligraphie, spectacles de contes, journal...De manière interactive, les activités artistiques ont toujours une conséquence et un prolongement directs sur le développement de la bibliothèque par l’acquisition de fonds d’ouvrages thématiques correspondant à ces activités. La bibliothèque joue ici un rôle essentiel de centre de ressources. ?? des ateliers réguliers de lecture et d’écriture, animés par des professionnels L’ouverture sur la vie culturelle locale est systématique, en lien avec les événements du calendrier culturel des territoires d’implantation des prisons ou à l’occasion des grandes fêtes nationales. La bibliothèque est aussi naturellement l’espace d’accueil : La mission a acquis la conviction, renforcée par le témoignage quasi unanime de tous les animateurs rencontrés, que la bibliothèque était bien ce lieu d’activités et d’échanges irremplaçable dont l’existence favorisait objectivement le développement global des activités artistiques et culturelles. 9. Les bibliothèques ont progressé par rapport à leur état antérieur, et doivent maintenant se rapprocher davantage du fonctionnement des bibliothèques publiques La conclusion de cet état des lieux s’impose d’elle-même. Les bibliothèques se sont intégrées à l’établissement pénitentiaire comme des lieux ordinaires, habituels, dont l’utilité et le bénéfice ne se discutent plus. Ainsi se trouve atteint l’objectif principal de la circulaire conjointe de décembre 1992. Si l’on se rapporte à leur état antérieur elles ont progressé sur plusieurs points : des surfaces certes faibles, mais généralement pourvues du mobilier professionnel adéquat, des collections de livres quantitativement suffisantes dans beaucoup d’établissements, une informatisation en progrès, l’accès direct aux collections désormais acquis et, pour couronner le tout, une fréquentation apparemment honorable. Enfin, les bibliothèques constituent le point de départ d’une politique de développement culturel fondée sur la lecture et l’écriture, qui fait partager et met en scène ces actes d’ordinaire intimes, grâce aux ateliers, aux interventions d’écrivains et d’artistes. Pour autant, la mission estime que la bibliothèque de prison ne peut pas remplir le rôle d’insertion qui lui est assigné si elle ne se rapproche pas davantage du fonctionnement des bibliothèques publiques, sur lequel elle accuse plusieurs dizaines d’années de retard. Alors que la circulaire de 1992 visait l’intégration des bibliothèques d’établissements pénitentiaires dans le réseau de lecture publique, l’évaluation fait apparaître bien des carences, et un grand déficit de modernisation. Certains défauts ne pourront pas être évités. Ils sont inséparables des contraintes de l’espace carcéral et de la logique sécuritaire. C’est le cas des surfaces allouées à la bibliothèque, souvent inférieures aux normes indicatives. L’orientation qui se dessine vers une désagrégation de la bibliothèque centrale au profit de petites unités dans les quartiers accentuera ce constat. Faute d’espace suffisant, elle risque de ne pouvoir offrir à ses usagers les services qui sont l’essence même de la bibliothèque publique : consultation sur place propice aux échanges et discussions entre lecteurs, animations autour du livre et de la lecture, activités diverses. On peut donc craindre que disparaissent en partie les qualités intrinsèques de ce lieu de sociabilité, facteur appréciable de détente et d’apaisement. [1] Dans un des deux cas, (Liancourt), les étagères n’étaient pas non plus réglables en hauteur. A noter que des réserves ont été émises auprès du gestionnaire par le directeur d’établissement de Toulon La Farlède [2] Voir : Jean-Louis Fabiani, Lire en prison, une étude sociologique, avec la participation de Fabienne Soldini, Bibliothèque publique d’information, 1995. (collection Etude et recherches). "Dans les bibliothèques en accès direct, particulièrement en centre de détention, la bibliothèque devient un lieu de sociabilité privilégié, au sein duquel l’environnement livresque n’est qu’une toile de fond que les détenus ne perçoivent pas nécessairement" [3] Une bibliothèque, établissement recevant du public, est une zone à risque en matière d’incendie. Un RIA supplémentaire, non prévu au départ, aurait été nécessaire, ce qui a été jugé trop onéreux par l’administration pénitentiaire [4] Par exemple 27 m2 + 15 m2 pour les mineurs à Liancourt ; 21,6 m2 X 3, soit 64,80 m2 au total à Meaux-Choconin [5] Ministère de la Justice, Service des études et de l’organisation, Les activités culturelles en prison, 1984, 11p [6] Cf Op. Cit. Note 1 [7] Fabienne Soldini (LAMES-CNRS), "Pratiques de lecture et incarcération", Actes des Rencontres nationales sur la lecture en prison, Paris, 27-29 novembre 1995, pp.47-55 [8] Véronique Le Goaziou, Pratiques lectorales des jeunes en voie de marginalisation et rapport à la lecture, rapport de recherche, septembre 2004. Ce travail concerne la maison d’arrêt de Metz-Queuleu [9] 17. Hormis la médiathèque de Rennes (390 CD, 110 films), on note par exemple la maison d’arrêt de Tulle, qui propose des cédéroms ; une expérience d’écoute s/place en Aquitaine (maison d’arrêt de Pau avec le soutien de la BDP 64) ; du prêt de CD à Villeneuve les Maguelonne en Languedoc-Roussillon. En Rhône-Alpes, aucune présence des CD, ni des vidéos, mais des cédéroms en consultation sur place à La Talaudière (42) et Saint-Quentin-Fallavier (38) [10] L’aide est subordonnée à certaines conditions - 10 heures d’ouverture et une possibilité d’accès direct. Seuls les ouvrages français peuvent être acquis, dans les domaines culturels, scientifiques et techniques, à l’exclusion des annuaires, dictionnaires... Les cédéroms et DVD à caractère culturel peuvent être acquis dans la limite de 10% du montant du projet total [11] Cf Enquête de l’administration pénitentiaire en 1998 [12] Bibliothèque & Lecture en prison, Guide à l’usage du détenu auxiliaire de bibliothèque, Coopération des bibliothèques en Aquitaine, Fédération française de coopération entre bibliothèques, 1997, 40 p [13] En Poitou-Charentes, les responsables de bibliothèques municipales intervenantes rédigent une attestation de validation des acquis du détenu-auxiliaire [14] Le cas de la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses est représentatif : implantée sur le territoire de Seysses, la prison n’est plus desservie par les bibliothécaires de cette ville, parce qu’elle représente une trop lourde charge pour une petite commune, cependant que la ville de Toulouse demande à ses bibliothécaires de se désengager, au motif que la prison ne se situe plus sur sa commune [15] Enquête DAP déjà citée. Les deux DRAC des Départements d’Outre-mer ayant répondu au questionnaire envoyé par la mission font cependant état d’un partenariat pratiquement inexistant avec les bibliothèques publiques [16] "Lire, c’est vivre" reçoit des subventions de la DRAC, du Conseil général 91, de la DR via le SPIP, et du CNL. [17] Aquitaine, Auvergne, Basse-Normandie, Bourgogne, Bretagne, Centre, Franche-Comté, Haute-Normandie, Languedoc-Roussillon, Limousin, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Picardie, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes. CF annexe [18] Etude réalisée en 2004 par le SPIP auprès d’un échantillon représentatif de personnes détenues à la Maison d’arrêt de Saint Brieuc, pour mesurer l’adéquation entre la programmation culturelle et les attentes. La médiathèque du centre de détention de Rennes, bien fournie, fait par ailleurs état de 7500 prêts en 2004 [19] De la même manière, les étudiants du GENEPI utilisent peu la bibliothèque dans le cadre de leurs activités [20] Il s’agissait d’ateliers écriture et musique, et destinés à provoquer un travail transversal entre le secteur scolaire et l’action culturelle afin d’intervenir auprès de détenus en grande difficulté de lecture |