Publié le vendredi 5 août 2005 | http://prison.rezo.net/2005-prison-contamination-au-vih/ Prison, contamination au VIH et aux hépatites : entre intolérance et insouciance. On imagine facilement que les contaminations aux VIH et aux hépatites, dont il a été révélé qu’elles ont eu lieu en prison, se réalisent soit par l’usage de drogue par voie intraveineuse (avec de vraies insulines ou des seringues artisanales) ou par des relations sexuelles. C’est oublié d’autres facteurs de risques. Pour preuve. Je suis séropositif au VIH (Virus de l’Immunodéficience Humaine) et au VHC (Virus hépatite C) depuis plus de 20 ans, je pense donc savoir de quoi je parle, d’autant plus que j’ai été militant associatif dans la lutte contre le sida depuis 1995. D’ailleurs, je le suis encore, on ne se refait pas. Pour preuve. Je suis incarcéré à la Maison d’arrêt de la Santé (à Paris) qui est rattachée à l’hôpital Cochin dans le 14ème arrondissement de Paris. Question prévention, seul des préservatifs sont à disposition à l’infirmerie. Il ne faut pas rêver, les seringues stériles, ce n’est pas pour demain. Il est également proposé de faire un test de dépistage dès votre arrivée. Question information, c’est le néant total. Rien. Pas une affiche, pas un seul document ne vous est proposé. Et pourtant... Pour preuve. Etre séropositif en prison, une règle absolue est à prendre, n’en parler à personne sous peine d’être mis à l’écart définitivement. Vous vous souvenez au début de l’épidémie de Sida la réaction des gens ? Ici, on y est encore. Ca n’a vraiment pas évolué. « Si tu es séropo, t’as pas de pot » et tu risques de ne pas avoir de pote. « Chut, soit malade et tais-toi. » Je suis dans une cellule où l’on est trois. Je n’ai pas grand-chose, je range donc mon peu d’affaires dans un placard, je fais mon lit et je fais connaissance avec mes co-détenus. Pour donner une explication par rapport à mes médicaments, je m’invente une maladie. Je suis diabétique et j’ai un problème rénal. Jusque là, tout va bien. Le lendemain, c’est le jour de la douche. J’en profite pour me raser et par précaution, je jette mon rasoir, que je casse, à la poubelle. Dans la trousse de toilettes, j’ai un coupe-ongles, de retour en cellule, je décide de me couper les ongles. Erreur. L’un de mes co-détenus n’en a pas et me demande de lui prêter le mien. Là, c’est la tuile, la catastrophe, l’embarras total. Je refuse en expliquant que pour des raisons d’hygiène, un coupe-ongles, comme un rasoir et une brosse à dents, cela ne se prête pas. Mais il insiste en me disant qu’il n’a pas d’argent pour s’en acheter un et qu’il a les ongles trop longs. Avec ce comportement, c’est sa vie qu’il va se raccourcir. J’essaye de le convaincre, mais il ne veut rien entendre. Il ne comprend pas pourquoi je refuse de lui prêter mon coupe-ongles. Il m’a offert un café, alors pourquoi je ne lui prête pas mon coupe-ongles ? Ben voyons. C’est non et pour couper court à la conversation, car en plus il s’énerve franchement, je m’installe sur mon lit et finit par l’ignorer. Non seulement, je n’ai pas envie de le contaminer, mais moi aussi, je n’ai pas envie de me surcontaminer ou de m’infecter avec je ne sais quel microbe. J’ai une vingtaine de CD4 qui se battent entre eux, alors vraiment non merci. Et chaque jour qui passe, il remet cela, toujours et encore. J’ai même peur qu’il me le prenne en douce ou par la force, alors je le cache. Ce qu’il ne faut pas faire. J’ai trop de pression sur les épaules. Pour couronner le tout, je suis incarcéré pour des agressions sexuelles, mon affaire était dans la presse, donc tout le bâtiment finit par le savoir et on me fait comprendre clairement que cela va être « chaud pour ma paume. » Ce genre de délit est très mal vu en prison. Au bout d’une semaine, je n’en peux plus. Je suis capable de me défendre, mais contre tous, je ne suis pas suicidaire. Je craque et finis par voir le chef de détention pour lui expliquer pourquoi il serait préférable que je sois seul en cellule. Il me rétorque que je dois assumer mes actes et me renvoie en cellule. Le vendredi après-midi, j’ai la chance de voir mon médecin et je lui explique ce qui s’est passé en cellule à propos du VIH. Il n’a pas de pouvoir pour les changements de cellule mais il fait une lettre au chef de détention. De retour en cellule, c’est le psychologue qui m’appelle. Je raconte à nouveau mon histoire à propos de ma maladie, mais aussi de mon affaire et aux menaces que j’ai reçues. Je suis vraiment à bout et je lui dis que si on ne me met pas en cellule seul, je demanderai à aller au mitard (quartier disciplinaire) tout de suite. Je ne retournerai pas en cellule à cause de ma maladie, et dans le bâtiment pour ma sécurité. Il voit que je ne plaisante pas, mais il veut savoir si je ne suis pas suicidaire. Je le convaincs et il appelle le chef de détention devant moi. Une bonne demi-heure plus tard, il raccroche ? Je change de cellule et de bâtiment le lundi suivant. Depuis, je ne me cache plus pour prendre mes médicaments mais d’autres soucis arrivent très vite quant à l’observance de mon traitement. Etre séropositif en prison ? « Sois malade et tais-toi ! » Didier Robert |