Publié le lundi 31 octobre 2005 | http://prison.rezo.net/2005-population-carcerale-et/ DES MAINTENANT EN EUROPE Samedi 10 septembre 2005, 10h-17h Population carcérale et « numerus clausus » débat autour Animé par Pierre V. Tournier "Déviances Et Socialisme Maintenant en Europe", c/o M. Pierre V. Tournier « DES MAINTENANT » ? Club de réflexion, fondé à Paris le 28 octobre 2004, dans la mouvance de la social-démocratie, « Déviances & Socialisme, Maintenant en Europe » (« DES Maintenant ») a vocation à faire travailler ensemble adhérents et sympathisants du Parti Socialiste et des autres partis de la gauche française, qui pour des raisons professionnelles et/ou militantes s’intéressent à la question des "déviances" et de leur "contrôle" et ressentent le besoin impérieux d’un débouché politique, résolument progressiste, à leur réflexion, à leur action sur le terrain, à leur engagement militant. * Se fondant sur les travaux scientifiques les plus pertinents, réalisés dans le champ criminologique en France et à l’étranger, "DES Maintenant" a pour objectif premier d’être une force de propositions vis-à-vis des instances de toutes les composantes de la gauche sur les questions de sécurité, de prévention et/ou de répression de la délinquance et de la criminalité et sur les transformations structurelles à entreprendre dans les institutions pénales (au sens large du terme). I. - Population sous écrou au 1er septembre 2005 Extrait d’Informations Criminogiques Hebdo, ICH n°104, 12 sept. 2005 Par Pierre V. TOURNIER pierre-victor.tournier@wanadoo.fr Au 1er septembre 2005, l’effectif de la population sous écrou est de 57 582 (métropole et outre-mer). En excluant les 755 condamnés placés sous surveillance électronique et les 232 condamnés placées à l’extérieur sans hébergement, on obtient une densité carcérale de 56 595 pour 51 129 places opérationnelles, soit 111 détenus pour 100 places. 6 établissements ou quartiers ont une densité égale ou supérieure à 200 p. 100., 42 ont une densité comprise entre 150 et 200, 72 entre 100 et 150. On notera les densités des maisons d’arrêt de Béziers (235 p. 100 places), de Lyon Montluc (223 détenus pour 100), du Puy (211 p . 100), de La Roche sur Yon (207 p. 100), de Lyon Perrache -Saint Paul et Saint Joseph (202 p. 100), ... La proportion de prévenus, parmi l’ensemble des personnes écrouées, est de 35 %. Des chiffres essentiels que l’on cite rarement a- Population des centres de détention (CD), maisons centrales (MC) et quartiers CD ou MC des centres pénitentiaires : 16 869 personnes détenues pour 18 018 places opérationnelles, soit 1 149 places inoccupées (6,5 % de ce parc). b- Population des Centres de semi-liberté (CSL) autonomes : 385 personnes détenues pour 638 places, soit 253 places inoccupées (40 % de ce parc) c- Population des maisons d‘arrêts (MA) et CSL non autonomes et des quartiers MA des centres pénitentiaire : 39 341personnes détenues pour 32 473 places. Il manque donc 6 868 places (soit 21 % du parc existant). Dit d’une autre manière, il y a 6 868 condamnés de trop en maison d’arrêt. Attention : ce raisonnement devrait être affiné en prenant en compte séparément chaque établissement (il existe des maisons d’arrêt avec une densité inférieure à 100 : Mont de Marsan, Pau, Châlons-en-Champagne, Nevers, Arras, Aurillac, Ajaccio, Versailles, etc.) II. - Rapport Mermaz (L), Floch (J), Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur la situation dans les prisons françaises, Tome I, Rapport, Tome II, Auditions Assemblée nationale, n°2521, 28 juin 2000. « Instaurer un numerus clausus » / Chapitre V. C. p. 277 et suivantes. « La proposition d’instaurer un numerus clausus fixant un nombre maximum de personnes incarcérées implique une révolution complète de la gestion de l’administration pénitentiaire ; il s’agit de ne plus considérer la capacité des établissements pénitentiaires comme infiniment adaptable et ajustable mais de l’imposer, au contraire, comme une constante invariable. Un renversement de la logique s’impose : la gestion de la population pénale ne saurait se contenter de mesures ponctuelles, apportant un soulagement certes immédiat mais néanmoins temporaire. Il est nécessaire de raisonner en ayant une vision globale et prospective de la population pénale. Beaucoup, parmi les personnes auditionnées par la commission d’enquête se sont déclarées favorables au numerus clausus ou ont du moins considéré qu’il s’agissait d’une piste de réflexion intéressante. Dans le système préconisé, chaque juge de la détention se verrait attribuer un nombre de places de prison dans son arrondissement ; il lui reviendrait alors de gérer ces places en fonction de l’état de ses enquêtes, du nombre d’affaires en cours, de leur évolution, en coopération directe avec l’administration pénitentiaire. Il est utile de rappeler que cette gestion de la population pénale n’est ni plus ni moins l’organisation évaluée et réfléchie d’une pratique fondée actuellement sur les grâces, les amnisties et les réductions de peine. Il paraît, de plus, curieux de repousser une réforme au motif des inégalités qu’elle serait susceptible de créer, quand on connaît les inégalités qui existent actuellement dans les conditions de détention. Il faut savoir entre deux maux choisir le moindre. C’est donc par un appel à une véritable réflexion sur la réforme du système pénal actuel que se concluent ces cinq mois de commission d’enquête. III. - Textes du Conseil de l’Europe A. Conseil de l’Europe, Le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale, recommandation N°R (99) 22, adoptée par le Comité des Ministres le 30 septembre 1999 et rapport élaboré avec l’assistance d’André. Kuhn, Pierre V. Tournier et Roy Walmsley, coll. Références juridiques, 2000, 212 pages. Recommandation 6. - Il convient, pour éviter des niveaux de surpeuplement excessifs, de fixer, pour les établissements pénitentiaires, une capacité maximale. R 18. - Dans l’application de la loi, les procureurs et les juges devraient s’efforcer de tenir compter des ressources disponibles, notamment sur le plan de la capacité carcérale. A cet égard, une attention permanente devrait être accordée à l’évaluation systématique des incidences, sur l’évolution de la population carcérale, des structures existantes et des politiques envisagées en matière de prononcé des peines. R19. - Les procureurs et les juges devraient être impliqués dans le processus de conception des politiques pénales, par rapport au surpeuplement des prisons et à l’inflation carcérale, en vue d’obtenir leur soutien et d’éviter les pratiques de prononcé des peines susceptibles de provoquer des effets pervers. B.1 Conseil de l’Europe, Règles pénitentiaires européenne, projet de texte consolidé, Strasbourg, le 5 juillet 2005 / PC-CP (2004) 8 rev 7, Attention : il s’agit d’un projet et non d’un texte adopté par le Conseil de l’Europe. Règle 1. Les personnes privées de liberté doivent être traitées dans le respect des droits de l’homme. Règle 4. Le manque de ressources ne saurait justifier des conditions de détention violant les droits de l’homme. Règle 5. La vie en prison est alignée aussi étroitement que possible sur les aspects positifs de la vie à l’extérieur de la prison. Règle 8. Toutes les prisons doivent faire objet d’une inspection gouvernementale régulière ainsi que du contrôle d’une autorité indépendante. Règle 15. -1. Les détenus doivent être répartis autant que possible dans des prisons situées près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale. Règle 15- 2. La répartition doit aussi prendre en considération les exigences relatives à la poursuite et aux enquêtes pénales, à la sécurité et à la sûreté, ainsi que la nécessité d’offrir des régimes appropriés à tous les détenus. Règle 15 - 3. Dans la mesure du possible les détenus doivent être consultés concernant leur répartition initiale et concernant chaque transfèrement ultérieur d’une prison à une autre. Règle 16. 1. Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des détenus pendant la nuit, doivent satisfaire les exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d’hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l’espace au sol, le volume d’air, l’éclairage, le chauffage et l’aération. Règle 16 - 4. Le droit interne doit prévoir des mécanismes garantissant le respect de ces conditions minimales, même en cas de surpeuplement carcéral. Règle 16 - 5. Chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle, sauf lorsqu’il est considéré comme préférable pour lui qu’il cohabite avec d’autres détenus. Règle 16 - 6. Une cellule doit être partagée uniquement si elle est adaptée à un usage collectif et doit être occupée par des détenus reconnus aptes à cohabiter. Règle 16 - 7. Dans la mesure du possible, les détenus doivent pouvoir choisir avant d’être contraints de partager une cellule pendant la nuit. Règle 91. Les prisons doivent être inspectées régulièrement par un organisme gouvernemental, de manière à vérifier si elles sont gérées conformément aux normes juridiques nationales et internationales et aux dispositions des présentes Règles. Règle 92. - 1. Les conditions de détention et la manière dont les détenus sont traités doivent être contrôlées par un ou des organes indépendants, dont les conclusions doivent être rendues publiques. Règle 92 - 2. Ces organes de contrôle indépendants doivent être encouragés à coopérer avec les organismes internationaux légalement habilités à visiter les prisons. *** B2. Conseil de l’Europe, Projet de commentaire Règles pénitentiaires européenne, Strasbourg, le 17 juin 2005 PC-CP (2004) 9 rev 6. Attention : il s’agit d’un projet et non d’un texte adopté par le Conseil de l’Europe. Règle 16. Cette Règle porte sur les conditions de logement des détenus. L’évolution de la législation européenne en matière de droits de l’homme exige un renforcement des règles à ce propos. Les conditions de logement en général, et le surpeuplement en particulier, peuvent constituer une forme de peine ou de traitement inhumain ou dégradant allant par conséquent à l’encontre de l’article 3 de la CEDH. Ce fait est aujourd’hui pleinement reconnu dans un certain nombre d’arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (voir, par exemple, l’arrêt rendu dans l’affaire Kalashnikov c. Russie - requête n° 47095/99 - 15/07/2002). Les autorités doivent en outre tenir compte des besoins spéciaux des détenus : maintenir en détention une personne gravement handicapée sans lui fournir certains équipements supplémentaires peut constituer une forme de traitement inhumain ou dégradant (voir l’affaire Price c. Royaume-Uni - requête n° 33394/96 - 10/07/2001). [...] La Règle 16 contient quelques éléments nouveaux. Le premier, à la Règle 16.3, vise à obliger les gouvernements à inscrire dans le droit interne des normes spécifiques et chiffrées en ce domaine. Ces normes doivent tenir compte à la fois des exigences générales de respect de la dignité humaine et des considérations pratiques en matière de santé et d’hygiène. Le CPT, dans son analyse des conditions d’hébergement et de l’espace au sol disponible dans les établissements pénitentiaires de divers pays, a commencé à définir des valeurs minimales. Elles sont de 4 m² par détenu dans un dortoir et de 6 m² dans une cellule. Elles doivent cependant être modulées en fonction des résultats d’analyses plus approfondies du système pénitentiaire ; il convient notamment de prendre en compte le temps que les détenus passent effectivement dans leur cellule. Ces valeurs minimales ne doivent pas être considérées comme la norme. Bien que le CPT n’ait jamais établi directement de telle norme, il semble qu’elle pourrait être de l’ordre de 9 à 10 m² par détenu. Il s’agit d’un domaine dans lequel le CPT peut continuer à apporter des éléments utiles en s’appuyant sur le travail déjà effectué à cet égard. Il est nécessaire de procéder à un examen détaillé des dimensions des cellules pouvant être considérées comme acceptables pour l’hébergement d’un certain nombre de détenus (voir, par exemple, les conclusions du CPT au sujet du nombre de détenus dans des cellules de diverses tailles en Slovaquie ; CPT/Inf (97) 2, paragraphe 86). Le nombre d’heures que les détenus passent enfermés dans leur cellule doit être pris en compte dans la définition des dimensions appropriées. Même dans le cas des détenus passant une grande partie de leur temps en dehors de leur cellule, il convient de définir clairement un espace minimum conforme au respect de la dignité humaine. La Règle 16.4, qui exige la mise en place de stratégies nationales, inscrites dans la législation, pour faire face au surpeuplement des établissements pénitentiaires, constitue aussi une innovation importante. Le fait est, même si cela est parfois difficile à admettre, que la taille de la population carcérale est déterminée tout autant par le fonctionnement du système de justice pénal que par l’évolution du taux de délinquance. Ce fait doit être pris en compte à la fois dans les stratégies générales en matière de justice pénale et dans les directives spécifiques concernant les mesures à prendre lorsque les prisons sont menacées par un niveau de surpopulation risquant d’empêcher l’application des normes minimales exigées par la Règle 16.3. La Règle 16.4 ne précise pas par quels moyens réduire la surpopulation carcérale. Il convient, cependant, d’attirer l’attention sur la pratique d’un certain nombre de pays qui consiste à restreindre ou même à interrompre les nouvelles admissions lorsque le taux d’occupation maximum est atteint et à mettre en place une liste d’attente pour l’admission des détenus dont le maintien en liberté ne pose pas de risques de sécurité graves. Une stratégie pour faire face à la surpopulation des prisons nécessite au moins la définition claire d’un taux maximum d’occupation de toutes les prisons d’un site particulier. La Recommandation (99) 22 du Comité des Ministres concernant le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale doit être prise en compte à la fois lors du développement des stratégies globales et de la définition des règles nationales spécifiques visant à prévenir la surpopulation. La Règle 16.5 maintient le principe de la cellule individuelle, laquelle devient souvent une « maison » pour les détenus de longue durée ou condamnés à perpétuité, bien que ce principe continue à être très largement enfreint en pratique. (La Règle 96 souligne que le même principe s’applique aux détenus non condamnés.) La non application de ce principe est parfois un moyen de faire face au surpeuplement des prisons et ceci est inacceptable en tant que solution à long terme. L’architecture des prisons peut également compliquer l’accueil des détenus dans des cellules individuelles. Toutefois, la Règle reconnaît qu’il peut être fait exception à ce principe dans l’intérêt du détenu. Il importe de noter que cette exception porte uniquement sur les cas dans lesquels un détenu peut clairement bénéficier de la cohabitation avec d’autres détenus. Cette condition est soulignée par la Règle 16.6 qui stipule que seuls des détenus reconnus aptes à cohabiter peuvent être logés ensemble. A titre d’exemple, les non-fumeurs ne devraient pas être contraints de cohabiter avec des fumeurs. En cas de cohabitation, il convient d’éviter le développement de toute forme de brimades, de menaces ou de violences entre détenus en mettant en place une surveillance adéquate par le personnel pénitentiaire. Le CPT a indiqué (11e Rapport général, paragraphe 29, CPT/Inf (2001)16) que les dortoirs de grande taille sont fondamentalement à éviter. Ceux-ci ne présentent généralement aucun avantage par rapport aux cellules individuelles. L’hébergement des détenus en cellules individuelles pendant la nuit n’implique pas de restriction particulière des contacts entre détenus pendant la journée et l’avantage de la cellule individuelle durant les heures de sommeil est donc à mettre en rapport avec le bénéfice procuré par les contacts humains aux autres moments (voir la Règle 48.1.). Dans la nouvelle version des Règles, la nécessité d’assurer aux détenus des conditions d’hébergement adéquates est soulignée par le fait que cette question est traitée conjointement avec celle de la répartition des détenus. Les règles à ce propos ont été renforcées en indiquant clairement et simplement les diverses catégories de détenus qui doivent être séparées les unes des autres. La Règle 16.8.c de séparation des détenus jeunes des détenus plus âgés doit être lue conjointement avec la Règle 10 qui exige qu’aucun mineur de moins de 18 ans ne soit détenu dans une prison pour adultes. La séparation des jeunes détenus des détenus adultes est conforme à la norme impérative du droit international, énoncée à l’article 37.3.c de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, sur la séparation des enfants et des adultes (est considéré comme enfant dans ce contexte tout individu de moins de 18 ans). La Règle 16.8.c vise aussi à permettre la séparation des jeunes détenus, parfois appelés jeunes adultes, qui ont plus de 18 ans mais ne sont pas encore prêts à l’intégration avec les détenus adultes, conformément à la définition plus souple des mineurs contenue dans l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour les mineurs. On admet aujourd’hui que la séparation entre les diverses catégories de détenus mentionnées dans la Règle 16.8 ne doit pas toujours être comprise de façon stricte. Ce type de séparation, cependant, a été introduit afin de protéger les détenus potentiellement plus faibles, qui demeurent vulnérables à certains mauvais traitements. La Règle 16.9 permet de déroger à l’exigence de séparation stricte mais seulement lorsque les détenus y consentent. Cette dérogation, en outre, doit s’inscrire dans le cadre d’une politique délibérée des autorités pénitentiaires conçue dans l’intérêt des détenus ; elle ne peut être envisagée comme un moyen de résoudre un problème pratique comme celui du surpeuplement. Contribution de Liliane CHENAIN « La pensée, le concept du droit se fit tout d’un coup valoir et le vieil édifice d’iniquité ne put lui résister [...]. Depuis que le soleil se trouve au firmament et que les planètes tournent autour de lui, on n’avait pas vu l’homme se placer la tête en bas, c’est à dire se fonder sur l’idée et construire d’après elle la réalité [...]. C’était donc là un superbe lever de soleil. » Hegel. La question du numerus clausus c’est avant tout la réaffirmation d’un principe de droit, comme le stipule le Code de Procédure Pénale, à l’emprisonnement individuel (art.719-D.83.D.4) . Mais c’est aussi et peut-être surtout, celui clairement établi par l’article 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, repris par l’article 3 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de L’homme et des Libertés Fondamentales de 1950 : « Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitement inhumains ou dégradants ». C’est pourtant bien ce qui se passe en France, principalement dans bon nombre des 115 maisons d’arrêt françaises, lesquelles sont chargées de « garder » les 34 % des 58 033 personnes détenues en France au 1er août 2005, soit 19 731 personnes. Sans oublier les personnes condamnées, lesquelles constituent dans les maisons d’arrêt une partie presque équivalente à celle des personnes prévenues (voir à cet égard les chiffres donnés par Pierre V. Tournier). Et les chiffres parlent d’eux-mêmes, (voir ceux donnés par Pierre V. Tournier dans ICH du 28 août dernier) : au 1er août 2005, la densité carcérale est de 114 personnes détenues pour 100 places et c’est ainsi que certaines maisons d’arrêt ont des taux d’occupation qui dépassent l’imagination : maison d’arrêt de Lyon Montluc (265 détenus pour 100 places, maison d’arrêt du Mans 214 pour 100, de la Roche sur Yon (212 pour 100), de Béziers (227 pour 100 ) ... Si nous abandonnons les chiffres à leur sécheresse, la surpopulation carcérale signifie plus concrètement pour les personnes détenues, une promiscuité excessive et imposée qui entraîne l’absence totale d’intimité et des tensions morales et psychologiques permanentes liées au manque d’espace, au bruit, aux crises d‘insomnies des uns et des autres et aux pulsions incontrôlées, sans parler de toutes les violences que cela provoque. Le calme relatif qui semble régner dans les établissements pénitentiaires n’est dû qu’à l’usage immodéré de la camisole chimique, c’est à dire à la consommation excessive de médicaments que les détenus les plus fragiles absorbent par désespoir, en attendant des jours meilleurs. A défaut de pouvoir s’isoler, le recours aux drogues constitue une méthode de survie. La télévision, quant à elle, demeure la camisole privilégiée, cette fois cathodique, pour éviter de penser à sa vie, à celle d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Avec une telle surpopulation, on nous expliquera comment les établissements pénitentiaires peuvent respecter le droit au travail, au sport, aux activités éducatives et culturelles ? Les listes d’attente ne cessent de s’allonger et certaines personnes détenues préfèrent créer des incidents pour pouvoir « jouir » du calme du quartier disciplinaire. Enfin que dire de la situation des parloirs pour les familles épuisées par les difficultés de prise de rendez-vous ... ? Cette situation est d’autant plus paradoxale lorsqu’elle concerne en majorité des prévenus, c’est à dire des personnes n’ayant pas été encore jugées. Compte tenu de la situation, il n’y a plus qu’à espérer être libéré rapidement, bien évidemment ou condamné sans trop attendre, à plus d’un an si possible, pour pouvoir bénéficier de conditions de détention acceptables. On se souviendra que dans les établissements pour peine, les détenus sont seuls en cellule. Au XVIIIème siècle, Beccaria écrivait : « Il existe en France un usage barbare de punir les coupables, lors même qu’ils ne sont pas encore déclarés ». Il semble de fait que les choses n’aient guère changé.... Mais comment instaurer un numerus clausus ? L’instauration d’un numerus clausus n’est sans doute pas aisée tant au regard des pratiques professionnelles judiciaires, qu’au regard des dispositifs à créer. On peut toutefois penser qu’il peut exister un numerus clausus tacite quand un magistrat s’inquiète des places disponibles dans l’établissement de son ressort, notamment en province. Le numerus clausus, une partie immergée d’un grand débat Un détenu, une cellule et la construction de places de prison supplémentaires ne sauraient constituer des solutions satisfaisantes. La course arithmétique entre l’augmentation du nombre des personnes incarcérées et le nombre de places est illusoire et sans fin. Malgré une logique apparente simpliste, elle ne fait qu’évacuer la véritable question qui est de savoir : A quoi sert la prison ? Le rôle des militants associatifs doit être d’informer et de convaincre leurs concitoyens que l’incarcération et la longueur des peines causent plus de dommages qu’elles ne renforcent la sécurité publique. Faute de réponses précises à apporter aux grands problèmes de société qui sont les nôtres, nouvelle répartition du travail, inégalités et chômage, mondialisation, brouillage des codes et des repères... on voit se développer des politiques sécuritaires répressives qui n’ont d’autres buts que de détourner l’attention publique des véritables questions. Défendre l’idée d’un numerus clausus qui a toute sa légitimité, c’est permettre quoi qu’il advienne, un nouveau débat sur la prison, ses fonctions et le sens de la peine qui ne peut surgir et s’élaborer que dans le respect de la dignité. V. - Responsabiliser les acteurs Contribution de Sylvie STANKOFF Quelques éléments de réflexion suite à la réunion du 25 juin 2005 qui s’est tenue à l’Estran. 1. - L’idée d’un numerus clausus se défend parfaitement du point de vue du respect de la personne (dignité et intimité) mais également du point de vue de l’efficacité de la peine (limitation du caïdat, contexte plus propice à une prise en charge individuelle en vue d’une réflexion sur l’acte et d’une préparation à la sortie). En revanche, elle est plus difficile à admettre du point de vue des politiques publiques, si les contraintes matérielles devenaient le critère déterminant des politiques pénales. 2. - Les modalités pratiques sont assez difficiles à imaginer notamment en l’absence de toute expérience européenne. Quelques questions : Une contrainte en terme de prononcé ou de mise à exécution des décisions ? Une contrainte absolue en terme de décision apparaît difficilement acceptable, le choix de la réponse pénale se faisant avant tout au regard des circonstances de l’affaire et de la personnalité de l’intéressé et aucune marge de manoeuvre n’existant pour certaines décisions. En revanche, il serait intéressant d’inciter les magistrats avant le prononcé de leurs décisions à prendre en considération les modalités d’exécution et notamment la capacité d’accueil des établissements. C’est la façon de fonctionner des juges des enfants qui avant de prononcer un placement recherchent l’établissement d’accueil. Une contrainte en terme de mise à exécution des décisions est envisageable, l’exécution des peines prononcées sans mandat de dépôt ou sans maintien en détention pouvant être différées. Cela concernerait donc avant tout les courtes et moyennes peines d’emprisonnement qui d’ailleurs actuellement ne sont pas toujours ramenées à exécution compte tenu du retard existant dans certaines juridictions et de l’effet des décrets de grâce. La limite de cette solution est de ne pas avoir d’impact direct sur la détention provisoire (sauf si une concertation se mettait en place au sein des juridictions sur le nombre de places réservées à la détention provisoire et sur le nombre de places réservées à l’exécution) et pourrait avoir pour effet pervers d’allonger excessivement les délais de mise à exécution (déjà très longs dans certaines juridictions). Un délai maximum de mise à exécution au delà duquel la décision ne serait pas mise à exécution ou serait automatiquement convertie devrait-il alors être envisagé ? Quel nombre de places ? Pour que le numerus clausus ait un véritable impact sur les pratiques et éviter une inflation des places carcérales, un débat de fond devrait s’engager sur la pertinence de la prison dans un certain nombre de situations (stupéfiants, étrangers, durée des peines en matière de délinquance sexuelle, petite et moyenne délinquance, détention provisoire...) et sur les alternatives pouvant exister. Mais cela posera nécessairement la question des moyens du milieu ouvert, celui-ci souffrant d’un manque de crédibilité compte tenu du nombre de mesures prononcées et du suivi qui apparaît insuffisant dans un grand nombre de situations. Cette situation poserait d’ailleurs également la question d’un numerus clausus en milieu ouvert qui apparaît tout aussi légitime en terme de recherche d’efficacité de la mesure. Cela aurait pour intérêt d’officialiser une situation de fait mais qui n’est pas assumée actuellement sur le plan politique. Théoriquement la question du nombre de place devrait être précédée d’un état des lieux au niveau local et régional (le numerus clausus ne devant pas remettre en cause le maintien des liens familiaux) pour analyser l’état de la délinquance au niveau territorial, les réponses souhaitables en terme judiciaire et les capacités de réponse. Actuellement, cette lisibilité n’existe pas et fait obstacle à la définition d’une politique pénale pertinente et à tout début d’évaluation. Dans une perspective de réponse à tout, on arrive à un système totalement engorgé, ineffectif en grande partie et très insatisfaisant. L’intérêt d’une telle démarche serait de responsabiliser les acteurs dans l’évaluation de leur activité, de mettre en évidence le décalage entre les objectifs et les moyens et de poser clairement la question des moyens que notre société veut mettre en place dans le fonctionnement de la justice et le cas échéant les choix à effectuer. 3. - Dans une optique intelligente mais très optimiste (surtout dans le contexte actuel), le numerus clausus pourrait avoir pour effet d’engager une véritable réflexion sur la justice pénale et de repositionner la réponse pénale parmi l’ensemble des réponses sociales et de renforcer son sens. Dans une optique moins ambitieuse, elle pourrait avoir pour effet de poser une limite au système carcéral à condition d’admettre que la solution n’est pas la création de nouvelles places mais également pour effet pervers d’accentuer les difficultés actuelles de fonctionnement et la “crise de sens” de notre système. La réflexion est à poursuivre ... Bobigny, le 18 août 2005. Contribution d’Olivier GUERIN A titre de contribution, voici ce que j’écrivais il y a plus de 11 ans, lorsque j’étais procureur à Lille, au sujet de la maison d’arrêt de Loos. Le problème de la surpopulation est sans doute un angle d’approche limité des problèmes pénitentiaires, mais il ne doit pas être négligé. La surpopulation encore relativement tolérée risque de devenir rapidement insupportable, tant en raison des difficultés de la vie en détention, que de l’approche des beaux jours... On peut craindre d’ailleurs que les revendications des surveillants se conjuguent avec celles des détenus. Aussi pour ne pas avoir à subir un mouvement grave, une mutinerie, me paraît-il nécessaire d’examiner les mesures qui peuvent être prises. Il ne paraît pas possible d’attendre, encore plusieurs mois, les grâces du 14 juillet qui deviennent un mode de gestion habituel des effectifs de la détention ; leur portée est restée d’ailleurs limitée en 1993, les effectifs ayant diminué beaucoup moins qu’en 1992. Sauf à adopter, au parquet, une politique criminelle très différente dans certains domaines (...). Les libérations anticipées décidées dans le cadre légal peuvent difficilement être encore augmentées. C’est dans ces conditions que je me vois contraint de proposer un "numerus clausus", le nombre de détenus de la maison d’arrêt ne pouvant être accru sans limite. Le nombre de détenus "acceptable" devrait être fixé avec l’administration pénitentiaire, il devrait s’établir autour de 1050/1100 détenus, ce qui représente un taux d’occupation de 200 % par rapport à la capacité théorique de l’établissement. Il me paraît difficile d’intervenir de manière plus contraignante pour limiter les entrées, et l’opinion publique, comme la plupart des magistrats, comprendrait mal que des mandats de dépôt ne soient pas mis à exécution du fait de l’insuffisance des places en détention. Aussi, faute de pouvoir agir sur les entrées, il conviendrait d’intervenir sur les sorties, pour libérer des places pour les entrants. Si le JAP y consentait, ce qui n’est pas sûr, ces sorties avant terme pourraient trouver un habillage juridique dans des décisions de suspension ou de fractionnement de peine, le reliquat de peine n’étant pas mis à exécution. Mais elles pourraient éventuellement résulter d’une décision du parquet interrompant la peine en demandant le retour d’extraits mis à exécution. Il ne saurait s’agir d’une gestion trop rigide : la situation devrait être régulièrement examinée, au moins une fois par semaine ; les critères de sortie devraient être déterminés avec attention, selon la peine restant à subir, la nature des infractions. S’agissant de condamnés en maison d’arrêt, ne seraient concernés que des condamnés à d’assez courtes peines d’emprisonnement, avec des risques limités, et habituels, quant à la récidive à la sortie. Une telle proposition risque, bien sûr, de heurter et elle ne constitue qu’un expédient face à une situation très préoccupante. Il convient cependant de rappeler que cette procédure est appliquée, et acceptée, dans des pays proches. Un numerus clausus existe aussi en France, de fait, dans les établissements pour peines qui ne sont jamais remplis au-delà de leur capacité théorique. La gestion de la surpopulation pénitentiaire est par ailleurs une préoccupation de l’administration pénitentiaire, et le décret de grâces, maintenant annuel a comme objectif principal la diminution du nombre de détenus, il en est aussi, en partie, de même de la loi d’amnistie. Mais il n’est pas toujours possible d’attendre un anniversaire, ou une loi tous les sept ans. VII . - En prison comme en milieu ouvert Contribution de Jean-Louis DAUMAS Le numerus clausus ! On en parle depuis 20 ans... Aujourd’hui, je pense qu’il faut évidemment élargir le propos et ne pas oublier que le milieu ouvert prend en charge à peu près deux fois plus de personnes que le milieu fermé et que les travailleurs sociaux ont, en moyenne, 120 personnes placées sous main de justice à accompagner. Les récents (incessants ?) débats sur la « récidive » et l’efficience désormais régulièrement mise en cause du travail effectué hors les murs imposent que la question du numerus clausus soit traitée globalement : ce sont les normes, les capacités des services mandatés par l’autorité judiciaire qu’il convient de revoir. Il faut définir les moyens que l’administration donne, dans chaque arrondissement judiciaire, aux magistrats du siège et du parquet qui ont le pouvoir de décider ou requérir des mesures privatives ou restrictives de liberté dans leur ensemble : en prison, en milieu ouvert, sous surveillance électronique. Réduire la question de l’élaboration d’un numerus clausus au milieu fermé serait une grave erreur : elle ouvrirait, d’une part, le champ de la critique à celles et ceux qui nous feraient le reproche démagogique d’être uniquement animés par le souci d’éviter la sanction (comme si l’enfermement était la seule sanction possible...) et d’autre part, elle renoncerait à traiter cette question pour les travailleurs sociaux en milieu ouvert et... il faudrait tôt ou tard y revenir. Il faut donc traiter la question des capacités, d’autant que pour d’autres raisons tout à fait différentes (la mise en ouvre de la LOLF dans tous les départements ministériels à compter de l’année 2006), l’Etat va devoir désormais organiser son activité, y compris lorsque celle-ci découle d’une décision judiciaire, en la maîtrisant mieux. Les professionnels (magistrats et fonctionnaires) doivent donc bâtir des outils socio-démographiques pour déterminer, d’abord un référentiel ET des capacités par service (prison, spip) et ensuite une méthode pour ADAPTER périodiquement ces capacités, par exemple, annuellement, en dialogue de gestion, dans le cadre de la préparation de la Loi de Finances. Il faut que dans chaque Cour d’appel, chaque Tribunal de Grande Instance, l’administration soit en capacité de dire aux magistrats : « pour votre activité, dans votre arrondissement vous disposez de X places à la Maison d’arrêt, de X placements simultanés sous surveillance électronique, de X placements sous main de justice (contrôle judiciaire, TIG, réparation, etc.) » Une fois ces normes établies, définies (c’est compliqué !), sur la base, bien évidemment non seulement de l’activité judiciaire mais aussi de la connaissance du territoire concerné, de sa population, il faut imaginer un dispositif de pilotage, de régulation qui ne soit pas une énième instance du style « usine à gaz » ou chacun campe dans une posture corporatiste (ça vaut pour tout le monde...) On pourrait imaginer un dispositif léger qui regroupe bien sûr les chefs de juridiction avec leurs « spécialistes » du pénal : substitut chargé du service pénal, VP instruction mais aussi leurs homologues pour les mineurs, le directeur régional de l’AP et celui de la PJJ (ou leurs représentants) ; ce groupe serait régulièrement informé des tableaux de bord présentant les effectifs dans les différentes catégories (en détention provisoire, condamnés à une peine inférieure à un an, condamnés à un TIG, placés sous PSE, sous contrôle judiciaire, etc.) et imaginer qu’il disposerait d’un « pouvoir de régulation » en jouant sur les fluctuations des capacités entre elles : s’il y a des places disponibles en milieu ouvert, il faut peut-être éviter trop d’écrous sur la maison d’arrêt voisine ou à l’inverse, si l’effectif est bas, peut-être convient-il de mettre à exécution des extraits de jugements non aménageables, etc. Il va de soi que ce système, pour fonctionner, doit avoir, un caractère contraignant : la régulation d’abord incitative doit hélas aboutir, si elle ne produit pas les effets « d’équilibre » attendus, à l’obligation pour un magistrat de transformer la décision qu’il aura prise initialement. Je pense que le plus difficile n’est pas de calculer les capacités de prise en charge du milieu ouvert, du milieu fermé et du placement sous surveillance électronique mais bien d’imaginer la procédure de régulation entre les trois : nombreux seront les magistrats qui n’accepteront pas qu’en raison d’une capacité saturée, leur décision soit transformée.... Il faudrait d’ailleurs convenir que cette régulation puisse éventuellement jouer dans les deux sens et qu’en l’absence de place disponible en milieu ouvert et sous PSE, l’auteur d’une infraction pénale suffisamment grave pour voir sa liberté diminuée soit finalement privé de celle-ci, si...des places sont disponibles à la maison d’arrêt du secteur... Serons-nous tous d’accord pour envisager cette hypothèse ? ! VIII. - Faut-il libérer Barabbas ? Contribution de Godefroy du MESNIL du BUISSON Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le numerus clausus existe déjà en France : -dans les établissements pour peine : tous les praticiens savent bien que l’on ne trouve aucune surpopulation dans ces établissements et même, dans certains, une (relative) sous-population carcérale (ce qui apparaît tout à fait choquant à une époque de surpopulation générale) ; Le numerus clausus existe donc déjà ; mais il bénéficie à une minorité de “privilégiés” (les personnes les plus lourdement condamnées qui ont pu “avoir une place”, les semi-libres ou placés à l’extérieur qui ont pu être affectés “parce qu’il y avait de la place”...), et il est un échec en ce qu’il bloque totalement les affectations en établissement pour peine et les alternatives à la détention, contribuant d’autant à la surpopulation dans les maisons d’arrêt. Néanmoins l’indignité de la surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt, qui induit une promiscuité extrêmement criminogène, justifie la mise en place d’une régulation efficace qui puisse mettre fin à la réalité d’une prison sordide qui essaie péniblement de protéger le mythe que “mettre des délinquants ensemble sans autre programme” pourrait être un moyen satisfaisant de répondre à la délinquance dans notre pays. Il apparaît dès lors nécessaire de s’interroger sur les modalités de cette régulation, en vue d’une juste occupation des établissements pénitentiaires afin que puisse être défini par les professionnels un “plan d’occupation des sanctions carcérales” (“p.o.s.c.” !). Mais ne faut-il pas d’abord préciser ce que l’on entend par numerus clausus ? Peut-être y a-t-il, derrière les discours, deux numerus clausus envisageables ?... 1- Un numerus clausus imposé par l’administration qui, en hôtelier soucieux du bien-être de ses “clients” et de son personnel, afficherait “complet” en l’opposant à tous les décideurs de l’incarcération : juges des libertés et de la détention, juges correctionnels, juges de l’application des peines, procureurs de la République, magistrats et jurés de la cour d’assises, juges des enfants..., arrêtant un numerus clausus dont la radicalité permettrait au moins de faire réagir les magistrats mais qui entraînerait aussi des réactions de précipitation et donc contestables “dès que la saturation est atteinte, cherchons en urgence qui libérer !...”, puisque rejoignant finalement le traitement de masse des décrets de grâces collectives si critiqués ; - qu’un volant de places conséquent soit toujours immédiatement disponible pour les incarcérations immédiates (ordonnances du juge des libertés et de la détention, jugements du tribunal correctionnel prononçant un mandat de dépôt à l’audience, jugements du juge de l’application des peines...) ; - que les autres places disponibles, à court et à moyen terme, soient visibles en temps réel (selon des indicateurs consultables en ligne sur l’intranet par les magistrats habilités) pour clarifier les incarcérations pour exécution de peine, qu’elles fassent ou non l’objet d’une mesure d’aménagement de la peine, afin de mettre en place un calendrier des incarcérations ; - que le rapport entre les entrants et les non sortants soit périodiquement évalué par les praticiens judiciaires et pénitentiaires pour éviter (tentation d’un numerus clausus imposé sans réflexion) que certains détenus restent trop longtemps en détention au détriment d’autres condamnés “qui n’ont pas la chance d’avoir une place” (!), au risque de développer la récidive des libres en prolongeant la désinsertion des détenus : les juges de l’application des peines vérifient périodiquement que moult condamnations ont été bien souvent précédées de peines inexécutées - si bien que l’économie des délits postérieurs aurait pu être faite. Il apparaît indispensable que soit provoquée la réflexion concrète des praticiens sur une régulation carcérale qui satisfasse tant les objectifs judiciaires que les équilibres pénitentiaires, avec une évaluation trimestrielle et un bilan annuel rendant compte de l’exécution des peines sur l’année civile ; Sous la pression du peuple, du politique ou du chiffre, faut-il libérer Barabbas ? Certainement pas. Mais réfléchir davantage aux peines qui doivent être abrégées et à quelles conditions et donc, en conséquence, s’interroger sur le contenu de la peine susceptible de lui donner sens (en envisageant de mettre fin à ce vague gardiennage abscons que constituent souvent la plupart des peines d’emprisonnement). L’avantage du numerus clausus est d’instaurer une vraie réflexion des décideurs judiciaires sur les flux carcéraux dans la mise en oeuvre des décisions de justice, et, en résumé, de respecter au moins un principe de cohérence : assurer l’effectivité de la mise à exécution des peines même si leur durée doit être abrégée. Non que leur durée soit indifférente, bien évidemment. Mais en termes de priorité, l’instauration d’un numerus clausus ne doit aucunement nuire au principe de la mise en oeuvre des peines prononcées par les juridictions. La certitude de la peine importe plus que sa durée nous disait le Traité des délits et des peines il y a plus de deux siècles. Lors de la réflexion sur le numerus clausus, n’oublions pas Beccaria. 7 sept. 2005 à PAPEETE (8 sept. 2005 à PARIS). Contribution de Bernard BOLZE bbolze@alicemail.fr Art. 719 - Les condamnés sont soumis dans les « maisons d’arrêt » à l’emprisonnement individuel de jour et de nuit, et dans les « établissements pour peines », à l’isolement de nuit seulement, après avoir subi éventuellement une période d’observation en cellule. Art. D. 83 - Le régime appliqué dans les maisons d’arrêt est celui de l’emprisonnement individuel de jour et de nuit dans toute la mesure ou la distribution des lieu le permet et sauf contre-indication médicale. Art. D 84 - Dans les maisons d’arrêt cellulaires, ou dans les quartiers cellulaires de ces établissements, il ne peut être dérogé à l’emprisonnement individuel qu’à titre temporaire, en raison de leur encombrement ou, pendant la journée, en raison des nécessités de l’organisation du travail. La notion de numerus clausus en matière de détention suggère un strict respect du code de procédure pénale : chaque personne doit être détenue dans une cellule individuelle. La campagne en faveur du numerus clausus en prison aura pour objectif que cette disposition soit inscrite, sans dérogation possible, dans la loi. Le bénéfice attendu - améliorer de façon significative les conditions de détention si l’on considère qu’un nombre important des difficultés rencontrées par les personnels de surveillance et par les personnes détenues trouvent leur origine dans l’encombrement de certains établissements. Les moyens proposés : - limiter la durée de l’incarcération en obligeant à la mise en œuvre des mesures prévues par les textes (demandes de mise en liberté, libérations conditionnelles, détentions provisoires trop longues, peines de substitution, etc. ) - autoriser la libération anticipée d’un détenu en fin de peine pour permettre la mise en détention d’un nouvel arrivant. Campagne nationale en faveur du numerus clausus en prison : Automne 2005- été 2007 Après plusieurs travaux aux côtés d’associations préoccupées par les droits de la personne, je m’apprête à soumettre à celles qui le souhaitent un projet de campagne nationale en faveur du numerus clausus en prison. La notion de numerus clausus en matière de détention suggère un strict respect du code de procédure pénale qui prévoit que chaque détenu doit avoir accès à une cellule individuelle. Cette disposition inscrite, sans dérogation possible, dans la loi aura un double avantage : - elle limitera la durée de l’incarcération en obligeant à la mise en œuvre des mesures prévues par les textes (demandes de mise en liberté, libérations conditionnelles, détentions provisoires trop longues, peines de substitution, libérations anticipées, etc.) - elle améliorera de façon significative les conditions de détention si l’on considère qu’un nombre important des difficultés rencontrées par les personnes détenues et par les personnels de surveillance trouvent leur origine dans l’encombrement des maisons d’arrêt. L’expérience de la création de l’Observatoire international des prisons (1990) et, parmi d’autres, de la conduite de la Campagne nationale contre la double peine (septembre 2001- juillet 2003) m’ont amené à travailler avec les principales organisations françaises préoccupées par les droits de la personne. Les étapes de la Campagne nationale en faveur du numerus clausus en prison : Juin 2005- novembre 2005 : les travaux préparatoires 1. Un séminaire sur la question du numerus clausus, organisé par le Club « DES MAINTENANT, animé par Pierre Victor Tournier, a réuni une quarantaine de personnes, samedi 25 juin 2005 à Paris. Il est suivi, samedi 10 septembre, d’une deuxième rencontre destinée à la compréhension du mécanisme et à préciser les termes de la plateforme qui sera soumise aux structures et aux personnes désireuses de s’associer à la campagne. 2. Désignation d’un comité de pilotage de la Campagne, provisoirement issu du premier séminaire. 3. Création d’un site Internet dédié à la Campagne. (deux modes d’entrée suggérés : a. les acteurs ; les objectifs ; les arguments ; les actions ; l’agenda ; les outils / b. La Campagne ; le numerus clausus ; l’actualité ; agissez ; récits ; lois ; ressources documentaires ; liens ; contacter la Campagne) 4. Donner un nom à la Campagne (suggestion : « Trop, c’est trop ») et création graphique du matériel de la Campagne (identité visuelle, affiches, tracts/flyers, plaquette et autres...) 5. Recherche de financements (budget proche de 300 000 €). 6. Donner une dimension européenne à la Campagne Année 2006-année 2007 : la Campagne Début décembre 2005 : le lancement Dimanche 18 décembre : mobilisation de compagnies des arts du cirque et de la rue Samedi 14 janvier 2006 : le colloque national Mise en œuvre, à leur rythme, des actions de la Campagne X. - Par défaut de définition Contribution de Michaël FAURE Le numerus clausus c’est pas, la panacée Le numerus clausus, c’est le couteau dans la plaie C’est pas, C’est peut-être assez... Mais qui a osé jusque-là ? C’est pas quatre personnes dans 9 m2, ni même 16, non pas personnes, mètres carrés père Ubu. C’est profil bas pensez-vous ? Se rassembler sur un dénominateur commun, dire « trop, c’est trop », C’est réunir un rein de quantitatif et un rien de qualitatif, c’est déjà quelque chose. Le numerus clausus, ce minimum, jamais atteint jusqu’alors... XI. - Le placement sous main de Justice en France, quelles capacités ? Comment ne pas les dépasser ? Contribution de Pierre V. TOURNIER Version provisoire. Si l’argumentation développée dans le rapport de la mission de l’Assemblée nationale de 2000, sur la situation des prisons françaises, pour justifier l’instauration d’un numerus clausus est convaincante, il en est tout autrement quand on passe à la question « comment fait-on pratiquement ? ». Rappelons ce qui est dit à ce sujet : a. - « Il reviendra aux magistrats la responsabilité de gérer cette limite en décidant d’incarcérer tel délinquant (souligné par nous) et, pour incarcérer ce délinquant, d’en libérer un autre ». b. « Des clignotants préviennent lorsque l’on s’approche de la cote d’alerte (...) le directeur de la prison informe les magistrats du ressort qui sont incités à recourir à des dispositifs alternatifs à la détention, notamment au contrôle judiciaire, et qui sont invités à examiner toutes les situations en attente de décisions concernant les détenus incarcérés : les demandes de mis en liberté, les libérations conditionnelles, les détentions trop longues, etc. » c. « Chaque juge de la détention se verrait attribuer un nombre de places de prison dans son arrondissement ; il lui reviendrait alors de gérer ces places en fonction de l’état de ses enquêtes, du nombre d‘affaire en cours, de leur évolution, en coopération directe avec l’administration pénitentiaire » 1. - Quelques remarques préliminaires Remarque 1. - Dans le (a) il suffit de refuser le recours au terme peu acceptable dans un état de droit de « délinquant » [2], pour s’apercevoir que les choses sont un peu plus compliquées. Cela devient : « Il reviendra aux magistrats la responsabilité de gérer cette limite en décidant d’incarcérer tel prévenu ou tel condamné et, pour incarcérer ce prévenu ou ce condamné de libérer un autre prévenu ou un autre condamné » Quant aux magistrats en question, il peut alors s’agir d’un juge de la détention, d’un magistrat de la chambre d’accusation, du parquet, d’un juge siégeant dans une juridictions de jugement (de tel ou tel niveau) ou d’un juge de l’application des peines - statuant seul ou de façon collégiale (de tel ou tel niveau)... Remarque 2. - La définition de la « cote d’alerte » de chaque établissement nécessite de savoir établir, rigoureusement et de façon contrôlée (contrôle extérieur à l’AP) sa capacité et ce sur des critères analytiques homogènes sur tout le territoire national (avec sans doute, des distinctions à faire par type d’établissement). Remarque 3. - A la lecture de (b) on voit bien que poser la question du numerus clausus pour le seul milieu fermé sans aborder la question des capacités d’accueil du milieu ouvert n’a pas de sens. On peut effectivement éviter une mise en détention provisoire par un contrôle judiciaire ab initio, à condition d’avoir un contrôleur disponible (et compétent). Ne pas se poser dans les mêmes termes, la question des capacités du milieu ouvert, c’est discréditer les alternatives à la détention aux yeux des magistrats et de nos concitoyens en général. Remarque 4. - Ce qui est affirmé dans (c) et qui ne concerne que les prévenus montre une nouvelle fois la nécessité de prendre en compte la catégorie pénale des individus concernés. 2. - La nécessité d’une approche à trois dimensions (P = E x d) Rappel [3] L’existence des populations humaines est régi par le mécanisme suivant : des individus entrent dans la population, des individus sortent. Un laps de temps s’écoule entre l’entrée et la sortie d‘un individu ; cette durée de vie ou temps de présence, différente selon les individus assure la coexistence à tout moment d’un nombre variable de personnes qui constituent la population. Instrument d’étude de ces modes de renouvellement des populations, l’analyse démographique dispose de modèles élémentaires, fournissant des populations de référence, faciles à décrire, qui permettent par comparaison de juger certaines situations concrètes. Le modèle le plus simple est celui de la population stationnaire. Une population est dite stationnaire si les entrées annuelles dans la population (E) sont constantes et si les sorties de chaque génération - au sens des individus entrés une même année - se font selon le même rythme, selon le même calendrier. On peut alors démontrer que l’effectif de la population, à un instant donné (P) est égal au produit du nombre des entrées annuelles (E) par l’espérance de vie à la naissance, ou pour utiliser un langage plus général, par la durée moyenne de séjour dans la population (d, exprimée en années) : P = E x d. Cette équation implique qu’une population stationnaire a un effectif constant. Quand, au début des années 1980, nous avons appliqué les techniques de l’analyse démographique à la population des prisons françaises, l’Administration pénitentiaire disposait de données sur la population détenue, à une date donnée, sur sa structure selon différentes caractéristiques socio-démographiques et pénales, sur les « mises sous écrou » (entrées en détention) et les libérations (sorties de détention). Mais il faudra attendre le début des années 1990, pour disposer de statistiques sur les durées de détention, individu par individu et donc de la moyenne exacte de ces durées. Aussi a-t-on introduit ce que l’on a appelé l’indicateur de la durée moyenne de détention, obtenu en divisant l’effectif moyen de détenus sur une année (stock) par le nombre d’entrées de l’année (flux) : d = P / E. En pleine période d’inflation carcérale (depuis 1975), il pouvait paraître osé de se référer ainsi au modèle de la population stationnaire. Si un tel indice ne permet évidemment pas de faire de l’analyse de conjoncture, calculé sur dix ou vingt ans, il apporte des informations fort précieuses sur les raisons de telle ou telle tendance. Ainsi avons-nous pu mettre en évidence que la période 1975-1995 de forte croissance du nombre de détenus (+ 100 %, contre 10 % pour la population globale de la France métropolitaine) était en fait constituée de deux phases bien différentes. Au cours des années 1970, l’inflation était due à une augmentation des entrées en détention (96 955 en 1980 contre 72 491 en 1974), la durée moyenne étant stable (autour de 4,6 mois). A partir des années 1980, les entrées se sont stabilisées, voire ont diminué, mais ce phénomène a été masqué par une croissance continue des durées de détention (7,6 mois en 1995). On conçoit aisément que les politiques à mener contre l’inflation carcérale ne sont pas de même nature s’il s’agit d’une question d’entrées ou une question de durées. L’enjeux du numerus clausus c’est de passer de la formule P = E x d à C = E x d, où C représente la capacité. 3. - La nécessité de raisonner non sur la « prison », mais sur la « mosaïque pénitentiaire » Ce concept de « mosaïque pénitentiaire » [4] permet d’inclure, dans la même approche, le milieu fermé et le milieu ouvert, mais aussi l’interface entre les deux, tout en précisant bien qui est qui (statut pénale) et qui est où (conditions concrètes du placement sous main de justice). La population placée sous main de justice et pour laquelle il faut pouvoir disposer du nombre de places idoine est ainsi constitué de 8 catégories P = [P1 + P2] + [P3 + P4 +P5 +P6] + [P7 + P8] (voir schéma infra) Soit P = [E1 x d1 + E2 x d2] + [E3 x d3 + E4 x d4 + E5 x d5 + E6 x d6 ]+[E7 x d7 + E8 x d8] La « mosaïque pénitentiaire » Milieu fermé - dans les murs Milieu fermé - hors les murs Milieu ouvert traditionnel Les deux premiers termes concernent le « milieu fermé dans les murs », les quatre termes suivant ce que l’on a appelé le « milieu fermé hors les murs » et enfin les deux derniers termes, le milieu ouvert traditionnel. Il s’agit évidemment d’une formule simplifiée car certaines des 8 catégories rassemble des sous-catégories à distinguer (par exemple C8 : « places » de TIG, de SME, de LC...). 4. - Vous avez dit « maîtrise des flux » ? En partant du modèle précédent en 8 catégories (+1, P9 qui représente les personnes qui ne sont pas placées sous main de justice), on obtient une « matrice de flux » mettant en évidence l’existence de 59 types de flux. - Arrivée - Sur la ligne de Pi et la colonne de Pj, on trouve le flux F (i , j), passage de Pi (départ) à Pj (arrivée). Nous avons mis en gras les flux les plus significatifs, sur le plan statistique - Considérons la 1ère ligne utile (P1). A l’origine, il est question de prévenus écroués, dans les murs (en détention provisoire, attendant un 1er jugement, ou condamnés non définitifs) Cas n°1 - Ces prévenus écroués peuvent être condamnés à une peine ferme dont le quantum est supérieur à la durée de la détention déjà effectuée et maintenue en détention, sans bénéficier d’un aménagement ab initio (semi-liberté, PSE,...) . C’est le Flux F (1,2) : il leur faut une « place » en détention, pour purger le reliquat de leur peine. Cas n°2 - Ces prévenus écroués peuvent être hospitalisés. C’est le Flux F (1,3) : ils libèrent alors une place en détention (en maison d’arrêt), mais restent sous écrou. Encore faut-il avoir une « place » pour les hospitaliser. Cas n°3 - Ces prévenus écroués peuvent être condamnés à une peine ferme dont le quantum est supérieur à la durée de la détention déjà effectuée et maintenue en détention, tout en bénéficiant d’un aménagement ab initio (semi-liberté...). Ils restent sous écrou. C’est le Flux F (1,5) : encore faut-il avoir une « place » de semi-liberté, ou en placement à l’extérieur... Cas n°4 - Ces prévenus écroués peuvent être condamnés à une peine ferme dont le quantum est supérieur à la durée de la détention déjà effectuée et maintenue en détention, tout en bénéficiant d’un placement sous surveillance électronique ab initio (PSE fixe). Ils restent sous écrou. C’est le Flux F (1,6) : encore faut-il avoir une « place » de PSE. Cas n°5 - Ces prévenus écroués peuvent bénéficier d’une mise en liberté, avant jugement, en étant placé sous contrôle judiciaire. L’écrou est alors levé. C’est le Flux F (1,7) : encore faut-il disposer d’une « place » pour cela, en SPIP ou au sein d’une association habilitée. Cas n°6 - Ces prévenus écroués peuvent être condamnés à une sanction alternative avec prise en charge par le SPIP (SME, TIG). L’écrou est levé. C’est le Flux F (1,8) : encore faut-il disposer d’une « place » pour cela, en SPIP. Cas n°7 - Ces prévenus écroués peuvent faire l’objet d’une mise en liberté (levée d’écrou), sans placement sous contrôle judiciaire, et sortir ainsi (temporairement ou définitivement) de la population des personnes placées sous main de justice. Ils peuvent aussi, lors du jugement avoir été relaxé ou faire l’objet d’une condamnation à l’emprisonnement ferme, mais sans maintien en détention, ou d’une condamnation sans prise en charge en milieu ouvert (amende, sursis simple, peine ferme couverte par la détention provisoire, sans SME. C’est le Flux F (1,9) : pas de « place » à assurer (sic), sauf à devoir gérer socialement les conséquences de cette incarcération. - Considérons la 2ème ligne utile (P2). A l’origine, il est question de condamnés (définitifs) écroués, dans les murs. Ils purgent leur peine après avoir, éventuellement, exercé toutes les possibilités de recours. Cas n°8 - Ces condamnés écroués peuvent, après avoir purgé leur peine, ne pas être libérés, restant sous le coup d’un mandat de dépôt dans une autre affaire non encore jugée. C’est le Flux F (2,1) : il leur faut une « place » en détention (maison d’arrêt), pour placement en détention provisoire. Cas n°9 - Ces condamnés écroués peuvent bénéficier d’une permission de sortir, d’une hospitalisation. C’est le Flux F (2,4) : libèrent-ils une place en détention ? Cela dépend de la longueur de l’absence hors les murs ; ils restent sous écrou. Encore faut-il avoir une place, en cas d’hospitalisation, voire même en cas de permission de sortir (hébergement institutionnel). Cas n°10 - Ces condamnés écroués peuvent bénéficier d’un aménagement en cours d’exécution de la peine (semi-liberté...). Ils restent sous écrou. C’est le Flux F (2,5) : encore faut-il avoir une place de semi-liberté, ou en placement à l’extérieur... Cas n°11 - Ces condamnés écroués peuvent bénéficier d’un placement sous surveillance électronique, en cours d’exécution de la peine (PSE fixe). Ils restent sous écrou. C’est le Flux F (2,6) : encore faut-il avoir une place de PSE. Cas n°12 - Ces condamnés écroués peuvent être libérés en fin de peine et être placés sous contrôle judiciaire, pour une autre affaire. L’écrou est alors levé. C’est le Flux F (2,7) : encore faut-il disposer d’une « place » pour cela, en SPIP ou au sein d’une association habilitée. Cas n°13 - Ces condamnés écroués peuvent être libérés en bénéficiant d’une libération conditionnelle, ou en fin de peine, suivie d’une mise à l’épreuve (peine mixte), avec prise en charge par le SPIP. L’écrou est levé. C’est le Flux F (2,8) : encore faut-il disposer d’une « place » pour cela, en SPIP. Cas n°14 - Ces condamnés écroués peuvent être libérés en fin de peine (peine non suivie d’une mise à l’épreuve). C’est le Flux F (2,9), ils sortent ainsi de la population des personnes placées sous main de justice. Ils doivent retrouver leur « place » de femme ou d’homme libre. [...] Cas n°15 à 53 - Considérons la 9ème ligne utile (P9). A l’origine, ces personnes sont « en liberté », c’est-à-dire non placées sous main de justice. Cas n°54 - Ces personnes sont écrouées sous le statut de prévenu, dans le cadre de procédures diverses (prévenu signifiant « non condamné définitif »). C’est le Flux F (9,1) : il leur faut une « place » en détention (maison d’arrêt). Cas n°55 - Ces personnes sont écrouées sur extrait de jugement afin de purger leur peine. C’est le Flux F (9,2) : il leur faut une « place » en détention (maison d’arrêt). Cas n°56 - Ces personnes condamnées à une peine d‘emprisonnement ferme d’un an ou moins sont écrouées en bénéficiant d’un aménagement de peine ab initio (semi-liberté..). Ils restent sous écrou. C’est le Flux F (9,5) : encore faut-il avoir une place de semi-liberté, ou en placement à l’extérieur... Cas n°57 - Ces personnes condamnées à une peine d‘emprisonnement ferme d’un an ou moins sont écrouées en bénéficiant d’un placement sous surveillance électronique ab initio (PSE fixe). C’est le Flux F (9,6) : encore faut-il avoir une « place » de PSE. Cas n°58 - Ces personnes sont placées sous contrôle judiciaire C’est le Flux F (9,7) : encore faut-il disposer d’une « place » pour cela, en SPIP ou au sein d’une association habilitée. Cas n°59 - Ces personnes sont prises charge par le SPIP pour exécuter un SME ou un TIG C’est le Flux F (9,8) : encore faut-il disposer d’une « place » pour cela, en SPIP. *** Quand on sait qu’aujourd’hui l’administration pénitentiaire n’a pas les moyens d’évaluer, ne serait-ce qu’une fois par an, les effectifs des 8 catégories sur lesquels repose le modèle, on voit le travail qui reste à faire, avant de pouvoir construire cette matrice des flux, ne serait-ce qu’à un niveau global (France entière). Resterait ensuite à définir les différentes capacités en milieu fermé comme en milieu ouvert, et évidemment à introduire la dimension spatiale ! « Bigre ! murmura Claude, un peu pâle » (Emile Zola) Disputatio permanet ! « DES MAINTENANT » en quelques dates 28 octobre 2004 - Création de « DES Maintenant en Europe ». 19 mars 2005 - 1ère réunion publique à L’Estran 10, rue Ambroise Thomas, Paris IXe, sur le thème « La question pénitentiaire. Servitude et grandeur de la gauche au pouvoir (1997-2002) ».. Communication introductive de Pierre V. Tournier, directeur de recherches au CNRS, débat animé par Alain Cugno, philosophe, membre du comité de rédaction de la revue Projet. 22 mars 2005 - Appel aux parlementaires « Pour que la République ne s’arrête pas aux portes des prisons : allez parler d’Europe aux citoyens et citoyennes détenu(e)s » : « Réunis dans le cadre du Club politique "DES Maintenant", pour débattre de la question pénitentiaire, le samedi 19 mars 2005, les 40 personnes présentes ont décidé d’appeler les parlementaires, de gauche et de droite, à user du droit que la loi leur donne de visiter les établissements pénitentiaires (art. 719 du Code de procédure pénale) pour y organiser des débats contradictoires à propos du référendum sur le traité constitutionnel de l’Union européenne avec les citoyen-ne-s détenu-e-s en maison d’arrêt ou en établissements pour peine. Pour que la République ne s’arrête pas aux portes des prisons ! 29 mars 2005 - Pétition contre la proposition de loi « Clément » sur le traitement de la récidive des infractions pénales. 10 juin 2005 - Conférence débat à Belfort « Lutter contre le crime. Pour une alternative de gauche à la démagogie sécuritaire ». Sous la présidence M. Michel Dreyfus-Schmidt, vice-président honoraire du Sénat, sénateur du Territoire de Belfort, avec Pierre V. Tournier. Réunion organisée avec le soutien du Parti Socialiste, section de Belfort à la Maison du Peuple. 22 juin 2005 - Adhésion du Club « DES Maintenant » au Collectif « Octobre 2001 » (Comment sanctionner le crime dans le respect des droits de l’homme ?). 25 juin 2005 - Réunion publique sur « Le numerus clausus pénitentiaire, un concept incertain », acte I. avec Bernard Bolze, fondateur de L’Observatoire international des prisons (OIP) à l’Estran, Paris IXe. 10 septembre 2005 - Réunion publique de rentrée sur « Le numerus clausus pénitentiaire, un concept incertain », acte II et sur les questions d’actualité, sous la présidence de Jacques Floch député (PS) de Loire-Atlantique, à l’Estran, Paris IXe. 4 octobre 2005 - Réunion publique au Sénat « Proposition de loi sur le traitement de la récidive : des représentants de la société civile confrontent leurs points de vue, sous le haut patronage de Michel Dreyfus-Schmidt, sénateur, vice-président honoraire du Sénat. 5 novembre 2005 - Premiers Ateliers d’Automne : « Sécurité, justice, prisons », débat public autour des propositions exprimées dans les contributions au congrès du PS (Le Mans 18-19-20 novembre 2005. Dictionnaire Petit Robert / Déviance n. f. - 1968 ; de déviant. DIDACT. Caractère de ce qui dévie (FIG.) de ce qui s‘écarte d’une norme. - PSYCHOL. Comportement qui échappe aux règles admises par la société. [1] On a pu lire, dans un essai récent, que l’on trouvait, en maison d‘arrêt, le 1/3 des détenus. En fait la proportion est d’environ 70 % ! 1/3 c’est, en gros, la proportion de prévenus dans l’ensemble de la population carcérale. Que de confusion dans les esprits ! [2] Selon les situations, on parlera de « mis en cause », de « gradé à vue », de « personne sous écrou », de « détenu », de « prévenu », de « condamné », de « sortant de prison », d’ancien détenu, d’ancien condamné, etc. [3] Tournier (P.V.), Les prisons sous les feux de l’analyse démographique, P = E x d, Hors Série de Tangente sur les équations algébriques, x pages, à paraître [4] Tournier (P.V.), Mosaïque pénitentiaire : une topologie mouvante, Actualité juridique. Pénal, Les Editions Dalloz, n°9/2004, 333-334. 2004
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