Publié le samedi 8 octobre 2005 | http://prison.rezo.net/les-principes-de-la-retroactivite/ Compte rendu Sylvia Maurice, déjà mère d’un enfant atteint d’une maladie génétique, avait demandé un diagnostic prénatal lors d’une nouvelle grossesse, en 1997. Une inversion de deux résultats d’analyses, pratiquées par un laboratoire dépendant de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), lui avait laissé croire, à tort, que l’enfant à naître serait normal. Christine Draon a, pour sa part, accouché en décembre 1996 d’un enfant souffrant d’une invalidité totale, qu’une amniocentèse, pratiquée à l’hôpital parisien Saint-Antoine, n’avait pas décelée. Les deux couples avaient intenté un recours contre l’AP-HP. Ils espéraient bénéficier de la jurisprudence découlant de l’arrêt "Perruche" : la Cour de cassation avait estimé, le 17 novembre 2000, que Nicolas Perruche, un handicapé de 19 ans, devait être intégralement indemnisé de son préjudice matériel et moral dans la mesure où une erreur de diagnostic prénatal n’avait pas permis à sa mère d’exercer son droit à l’avortement. "INCERTITUDE SUR L’APPLICATION DE LA LOI DE 2005" Or le recours des deux couples était toujours pendant lors de l’adoption, le 4 mars 2002, de la loi "anti-Perruche", qui empêche l’indemnisation des charges matérielles d’un handicap congénital non décelé lors des examens prénataux. En conséquence, leur demande d’indemnisation pour le préjudice de l’enfant avait été refusé. Lors de l’audience devant la Cour européenne, le 23 mars dernier, le représentant du gouvernement français avait rappelé que la loi du 4 mars 2002 prévoyait que les handicapés seraient à l’avenir indemnisés par l’Etat dans le cadre de la loi sur le handicap, adoptée le 3 février 2005. Les juges de Strasbourg sont revenus sur cet argument en rappelant que cette loi n’est toujours pas entrée en vigueur."Le caractère très limité de la compensation actuelle ainsi que l’incertitude régnant sur l’application de la loi de 2005 font que depuis l’intervention de la loi du 4 mars 2002, on ne peut considérer que cet important préjudice est indemnisé de façon raisonnablement proportionnée", affirment-ils. La juridiction du Conseil de l’Europe a estimé que la loi de 2002, qui s’appliquait aux affaires pendantes devant les tribunaux, a privé les époux Maurice et Draon d’une "partie substantielle" des créances en réparations auxquelles ils avaient droit. La France devra donc leur verser des indemnités pour dommage matériel et moral, mais le montant n’a pas été fixé, dans l’attente d’un éventuel accord amiable entre les parties. Les époux Draon ont obtenu en 2003 une indemnité de 180 000 euros, au titre de leur seul dommage moral. Ils touchent aujourd’hui 1 000 euros par mois au titre de l’allocation d’éducation spéciale, une somme qui va "à l’emploi d’une aide-ménagère", selon Lionel Draon, présent en mars à Strasbourg. "Mon épouse a arrêté de travailler, notre maison ressemble à un hôpital", avait-il ajouté. Les époux Maurice ont obtenu 224 500 euros au titre de leur préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d’existence. Avec Reuters et AFP En 2001, l’arrêt "Perruche" déclencha la polémique |