Ban Public
Le portail d’information sur les prisons
Méthodologie et données de synthèse

Publié le dimanche 20 novembre 2005 | http://prison.rezo.net/methodologie-et-donnees-de/

1. - MÉTHODOLOGIE ET DONNÉES DE SYNTHESE

La cohorte étudiée est constituée des détenus condamnés, libérés entre le 1er mai 1996 et le 30 avril 1997 pour l’un des motifs suivants : peine couverte par la détention provisoire, fin de peine (y compris grâce, amnistie), libération conditionnelle, paiement de la contrainte par corps ou contrainte subie, reconduite à la frontière. Pour fixer les idées, le nombre total de libérations de cette nature a été d’environ 59 000, au cours de 1996 et de 56 000 pour 1997 (métropole).
En réalité, seuls 2 859 dossiers ont été analysés - soit 5% des dossiers d’une année - , 17 souscohortes par infraction étant constituées à partir du fichier national des détenus (FND). Les taux de sondage varient en fonction de l’infraction de 1/30 à 1/5. Les infractions choisies, du fait de leur fréquence, rassemblent environ 85 % de tous les condamnés libérés.

1.1 - Rappels sur l’aménagement des peines
Cette cohorte a déjà fait l’objet de différentes publications portant sur l’aménagement des peines. Dans un premier temps (volet 1.), nous avons cherché à mesurer la fréquence de la proportion de condamnés ayant bénéficié d’un placement extérieur, d’une semi-liberté ou d’une libération conditionnelle. Puis nous avons analysé l’écart existant entre le quantum de la peine prononcée d’une part et le temps passé en détention d’autre part (volet 2.). Ces travaux ont fait l‘objet des publications suivantes :

Volet 1.
Placement à l’extérieur, semi-liberté, libération conditionnelle. Des aménagements d’exception, Paris, CESDIP, Etudes & Données pénales, n°84, et Direction de l’administration pénitentiaire, 2 volumes 58 pages + 97 pages, 2000.
Aménagements des peines privatives de liberté, des mesures d’exception Questions Pénales, XIII, 3. 4 pages, 2000. * Adjustment Measures of Prison Sentences : the Exception, Penal Issues, 2001, n°12, 10- 13.

Volet 2.
L’exécution des peines privatives de liberté, aménagement ou érosion ?, Questions Pénales, 2001, XIV, 5. 4 pages. * Custodial sentences : adjustment or erosion ?, Penal Issues, 2002, 13, 19-22.
Arithmétique de l’exécution des peines. Enquête nationale par sondage, sur les modalités d’exécution des peines privatives de liberté, Paris, CESDIP, Etudes & Données pénales, n°90, et Direction de l’administration pénitentiaire, Travaux & Documents n°60, 146 pages, 2002.
Base de données « Aménagement », peine prononcée, détention effectuée. Enquête nationale par sondage, sur les modalités d’exécution des peines privatives de liberté, Paris, CESDIP, Direction de l’administration pénitentiaire, Concepts & Méthodes n°22, 214 pages, 2002.
L’aménagement des peines dans sa diversité, Cahiers de démographie pénitentiaire, n°13, 4 pages, 2003.

Quelques résultats [1]

82 % des condamnés libérés n’ont bénéficié ni d’un placement à l’extérieur, ni d’une mesure de semi-liberté, ni d’une libération conditionnelle. Seuls 1,5 % d’entre eux ont fait l’objet d’un placement à l’extérieur, la proportion étant de 7,5 % pour la semi-liberté. Quant à la proportion de libérations conditionnelles, parmi les libérés - à ne pas confondre avec un taux d’octroi - l’enquête donne un pourcentage de 11,5 %. Le Tableau I., présenté infra, permet de connaître, dans chacune des 17 sous-cohortes retenues, la peine moyenne prononcée (quantum ferme) et la durée moyenne de détention effectuée. Pour plus de clarté, nous avons distingué cinq groupes de contentieux en fonction de la peine prononcée : des crimes sanctionnés par une peine de réclusion criminelle de 5 ans ou plus (vol qualifié, agression sexuelle ou autres atteintes sexuelles sur mineur, homicide volontaire) aux délits sanctionnés par une peine d’emprisonnement de moins de 9 mois (infractions à la police des étrangers, violences volontaires - outrage à fonctionnaire ou magistrats, défaut de pièces administratives - conduite de véhicule, conduite en état d’ivresse - sans atteinte contre les personnes).
Si les peines prononcées vont de 10,2 ans (homicide) à 4,5 mois (conduite en état d’ivresse), l’échelle des durées de détention effectuée est nettement plus réduite, de 6,2 ans à 3,1 mois, mais la hiérarchie des infractions n’est pratiquement pas remise en cause quand on passe du prononcé à l’exécution en milieu fermé.
Pour chaque détenu, nous avons rapporté la durée de la détention effectuée au quantum de la peine ferme prononcée. Cette proportion, notée Po, est, en moyenne, de 69 % pour l’ensemble de l’échantillon.
Les valeurs présentées dans la dernière colonne du Tableau I. sont des moyennes calculées en prenant les Po de l’ensemble des détenus de chacune des sous-cohortes [2]. La proportion de temps effectué en détention varie de 63 % dans la sous-cohorte « homicide volontaire » à 75 % dans celle des condamnés pour « violences volontaires, outrage à fonctionnaire ou magistrat (procédure correctionnelle), soit un écart de 12 points. Mais quelle que soit l’infraction, la proportion Po est, en moyenne, systématiquement supérieure aux 3/5 de la peine prononcée et même aux 2/3 pour l’ensemble des délits.
D’une sous-cohorte à l’autre, on observe une corrélation négative entre le quantum de la peine et la proportion Po : ainsi les groupes 1 et 2 (peines de moins de 2 ans) bénéficient d’une proportion Po inférieure à 70 %, les groupes 3. et 4. (peines de 9 mois à moins de 2 ans) ont un Po d’environ 70 % ; enfin dans le groupe 5. le Po est égal ou supérieur à 70 %. Dit d’une autre manière, les modalités d’exécution sont d’autant plus favorables que les peines prononcées sont importantes.

Tableau 1

Réductions de peine et libération conditionnelle
Pour chaque sortant, nous avons décomposé la peine prononcée (ou la somme des peines prononcées en cas d’affaires multiples) en trois éléments :
- le temps effectué en détention,
- le temps non effectué du fait des réductions de peine, grâces individuelles ou collectives et amnisties,
- le temps de peine effectué, en milieu ouvert [3], dans le cadre d’une libération conditionnelle.
En rapportant ces durées au quantum de la peine prononcée, on obtient trois proportions :
- la proportion Po du quantum prononcé, effectué en détention (proportion présentée supra),
- la proportion P1 non effectuée du fait des réductions de peines, des grâces ou des amnisties
- la proportion P2 effectuée en milieu ouvert [4].
Pour l’ensemble de l’échantillon, la proportion de la peine effectuée en détention est, nous l’avons vu, de 69 % (Po), 27 % de la peine n’est pas exécutée du fait des réductions de peines, grâces et amnisties (P1), la part exécutée en milieu ouvert, dans le cadre d’une libération conditionnelle étant seulement de 4 % (P2) [5].
La faiblesse de cette proportion n’est pas une surprise quand on sait que seulement 11,5 % des condamnés ont bénéficié d’une libération conditionnelle. Nous sommes bien loin de ce dont pourrait bénéficier, au maximum, un condamné par application des textes.
En théorie...
- Un condamné qui bénéficierait au maximum des réductions de peine pour bonne conduite (sans libération conditionnelle) aurait un Po de 75 % , un P1 de 25 % et un P2 nul.
- Un condamné (non récidiviste) qui bénéficierait au maximum de la libération conditionnelle (sans réduction de peine) aurait un Po égal à 50 %, un P1 nul et un P2 égal à 50 %.
- Un condamné à 10 ans (non récidiviste) qui bénéficierait des 3 mois de réductions de peines pour bonne conduite, chaque année, se retrouverait au bout de 4 ans de détention avec une peine à subir de 9 ans. Il serait donc à mi-peine au bout de 4 ans et six mois et pourrait bénéficier d’une libération conditionnelle. Cela donne un Po de 45 % un P1 de 10 % et un P2 de 45 %
Le tableau II permet de connaître la décomposition du quantum prononcé selon les quantités Po, P1 et P2, dans chacune des 17 sous-cohortes. La proportion de la peine non exécutée du fait des réductions de peines, grâces et amnisties (P1) varie relativement peu : de 24 % à 30 %. La part exécutée en milieu ouvert est beaucoup plus faible (8 % au maximum), mais c’est elle qui explique l’essentiel des variations de Po.
Enfin le Tableau III fait apparaître la distinction entre les condamnés qui ont bénéficié d’une libération conditionnelle et ceux qui sont sortis en fin de peine.

Tableau 2

Tableau 3

1.2 - Le devenir judiciaire des sortants de prison
Nous avons examiné les casiers judiciaires de l’échantillon des condamnés libérés entre le 1er mai 1996 et le 30 avril 1997, au 1er juin 2002. Le délai d’observation est donc d’environ 5 ans et correspond pratiquement au maximum de ce qui pouvait être retenu du fait de la loi d’amnistie du 6 août 2002 [6].
Les 2 858 dossiers déjà constitués lors des précédentes étapes ont ainsi été complétés par les informations issues du casier judiciaire. Après examen des casiers, 2 408 dossiers se sont avérés exploitables [7].
Pour étudier le devenir judiciaire des sortants de prison, nous avons défini 5 niveaux de gravité des nouvelles infractions, en fonction de la nature des peines prononcées.
Niveau 5. Peine de réclusion criminelle.
Niveau 4. Emprisonnement ferme ou réclusion criminelle.
Niveau 3. Sursis avec mise à l’épreuve (SME) ou sursis avec mise à l’épreuve accompagné d’un travail d’intérêt général ( SME-TIG) ou travail d’intérêt général, peine principale (TIG-PP) ou emprisonnement ferme ou réclusion criminelle.
Niveau 2. Sursis simple ou sursis avec mise à l’épreuve (SME) ou sursis avec mise à l’épreuve accompagné d’un travail d’intérêt général ( SME-TIG) ou travail d’intérêt général, peine principale (TIG-PP) ou emprisonnement ferme ou réclusion criminelle.
Niveau 1. Toute peine inscrite au casier judiciaire : dispense de peine, confiscation, annulation, interdiction, jour-amende, amende, sursis simple, SME, SME-TIG, TIG-PP, emprisonnement ferme, réclusion criminelle.

* Prenons le niveau 5. Pour chaque condamné libéré, nous examinons son casier judiciaire, 5 ans après sa sortie de prison, à la recherche d’au moins une condamnation prononcée pour des faits commis après la libération et sanctionnés par une peine de réclusion criminelle. Ainsi la sélection se fait selon trois critères :
a. La peine doit avoir été prononcée après la libération (critère concernant la date de la condamnation).
b. Les faits sanctionnés doivent être eux aussi postérieurs à la date de libération. Mais la date des faits n’existe pas toujours, les faits pour lesquels la personne est de nouveau condamnée pouvant s’étaler dans le temps, d’où, la notion « d’intervalle des faits » : c’est l’intervalle minimal qui inclut toutes les dates de faits pour une condamnation donnée. Soit [t1 , t2] l’intervalle des faits, t1 est la « borne inférieure de l’intervalle des faits », t2 est la « borne supérieure de l’intervalle des faits ». Pour que la condamnation puisse être retenue, il faut que la borne inférieure de l’intervalle des faits soit postérieure à la date de libération.
c. Enfin, la sanction doit être une peine de réclusion criminelle.
Il reste, alors, à comptabiliser les dossiers comportant au moins une condamnation répondant à ces critères et à diviser par le nombre de sortants, pour obtenir le taux de nouvelles affaires de niveau 5. (voir tableau IV).
Pour l’ensemble de la cohorte, ce taux est inférieur à 5 pour 1 000 (soit 0% en arrondissant). Il est de 1% pour les sous-cohortes suivantes : « violence volontaire sur adultes », « agression sexuelle ou autre atteinte sexuelle sur mineur (crime) », « infractions à la législation sur les stupéfiants sauf cession seule ou usage seul », « cession de stupéfiants », « vol sans violence (délit) », « défaut de pièces administratives, conduites de véhicules » et de 2% pour « vol (crime) ».

* Examinons le niveau 4. Pour chaque condamné libéré, nous recherchons s’il existe, sur le casier judiciaire, au moins une condamnation prononcée pour des faits commis après la libération et sanctionnée par une peine d’emprisonnement ferme ou de réclusion criminelle (le ou n’étant évidemment pas exclusif).
Aux peines de réclusion criminelle (niveau 5), nous ajoutons donc les peines d’emprisonnement pour définir ce niveau 4. Le critère s’élargit (processus cumulatif) et naturellement le taux de nouvelles affaires de niveau 4 sera mécaniquement plus élevé que le précédent (voir tableau IV).
On parlera aussi de taux de retour sous écrou (ou retour en prison) même s’il s’agit là, en toute rigueur d’un abus de langage, et ce pour deux raisons. Tel ou tel peut être de nouveau écroué, sans pour autant être de nouveau condamné par la suite à une peine privative de liberté ferme. A l’inverse, un prévenu libre peut être condamné à une peine privative de liberté ferme, laissé libre à l’audience sans que sa peine soit exécutée par la suite, pour telle ou telle raison.
Globalement, le taux de retour sous écrou est de 41 % dans les 5 ans qui suivent la libération. Il varie de 11% pour « agression sexuelle ou autre atteinte sexuelle sur mineur (crime ou délit) » à 65 % pour « vol sans violence (délit) ».

* Pour le niveau 3., nous ajoutons aux peines fermes privatives de liberté, les peines alternatives qui s’accompagnent d’une « supervision » (assistance et contrôle) : sursis avec mise à l’épreuve (SME) ou sursis avec mise à l’épreuve accompagné d’un travail d’intérêt général (SME-TIG) ou travail d’intérêt général, peine principale (TIG-PP). Le taux global est alors de 46 %. Il atteint 70 % « vol sans violence (délit) ».

* Pour le niveau 2., nous ajoutons les sursis simple, le taux global passant simplement de 46 % à 47 %, le prononcé du sursis simple après une condamnation à l’emprisonnement ferme étant donc rarissime, sauf dans la sous-cohorte « agression sexuelle ou autre atteinte sexuelle sur mineur (crime) ». La nouvelle affaire peut, effectivement, être sans rapport de gravité avec l’affaire criminelle initiale.

*Enfin, pour le niveau 1. Nous retenons toutes les condamnations postérieures à la libération : dispense de peine, confiscation, annulation, interdiction, jour-amende, amende, sursis simple, SME, SME-TIG, TIG-PP, emprisonnement ferme, réclusion criminelle.
Ce que nous avons alors appelé le taux de recondamnation est, pour l’ensemble de la cohorte, de 52 %, dans les cinq ans qui suivent la levée d’écrou. Faut-il insister sur le fait que les nouvelles infractions sanctionnées peuvent être sans rapport de gravité avec l’infraction (ou les infractions) à l’origine de la détention qui s’est terminée en 1996-1997 ?
Selon l’infraction initiale, ce taux de recondamnation varie de 23 % pour la sous-cohorte « agression sexuelle ou autre atteinte sexuelle sur mineur (délit) à 75 % pour la sous-cohorte « vol sans violence (délit) » (Tableau IV).
A la lecture de ces chiffres, on comprend l’absolue nécessité, dans l’étude du devenir judiciaire, de prendre en compte la nature de l’infraction initiale.
Dans le tableau V., nous avons inversé la logique de la présentation, indiquant, pour chaque sous cohorte, en premier lieu le pourcentage de libérés sans nouvelles affaires, 5 ans après la levée d’écrou, puis la proportion des libérés, sanctionnés pour une nouvelle affaire, mais ayant fait l’objet d’une sanction non carcérale et enfin la proportion de ceux qui sont revenus en prison (au sens où cela a été défini supra).
Ordres de grandeur
En arrondissant les chiffres, et en se plaçant à un niveau global (auquel il ne faut évidemment pas rester) on retiendra que, parmi les condamnés sortis de prison, on compte, 5 ans plus tard, 50 %, sans nouvelle affaire sanctionnée, 10 % sanctionnés par une peine non privative de liberté, et 40 % de retour en prison.
Pour les sortants, dont la détention était liée à une agression sexuelle ou autre atteinte sexuelle sur mineur (délit) , on compte, 5 ans plus tard, 80 %, sans nouvelle affaire sanctionnée, 10 % sanctionnés par une peine non privative de liberté, et 10 % de retour en prison. Pour les sortants, dont la détention était liée à un vol sans violence (délit) , on compte, 5 ans plus tard, 25 %, sans nouvelle affaire sanctionnée, 10 % sanctionnés par une peine non privative de liberté, et 65 % de retour en prison.

Tableau 4

Tableau 5

[1] On le sait, depuis cette époque, les conditions juridiques de l’aménagement des peines ont été modifiées par le législateur (loi du 9 mars 2004)

[2] Méthode dite des proportions moyennes. La méthode dite des durées moyennes que l’on présente aussi dans la recherche consiste à calculer le total des durées dans la sous-cohorte, le total des quantum et de faire le rapport de ces deux quantités. Voir Barré (M-D) et Tournier (P), coll. Leconte (B), La mesure du temps carcéral, CESDIP, 1988

[3] Sous le contrôle du juge de l’application des peines, dans le cadre du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), ancien Comité de probation et d’assistance aux libérés (CPAL)

[4] Pour les questions de méthode, on pourra se reporter à : Kensey (A), Tournier (P-V), Base de données Aménagement : peine prononcée, détention effectuée, CESDIP et Direction de l’Administration pénitentiaire, Concepts & Méthodes n°23, 2001, 214 pages

[5] Par définition Po + P1 + P2 = 100 %

[6] Cette loi concerne certains faits commis avant le 17 mai 2002. Les condamnations amnistiées sont effacées du casier judiciaire

[7] 400 dossiers sont inexploitables pour cause de personne décédée, identité non applicable, même personne sous un identifiant différent ou dossier incomplet