3. - RETOUR SUR LES ENQUÊTES PASSÉES
A partir de cette nouvelle base de données, bien des statistiques restent encore à présenter au delà des premières informations proposées ici. Nous en avons fourni un premier aperçu dans la dernière livraison des Cahiers de démographie pénitentiaire à propos des délais du retour sous écrou et de la nature des infractions commises après la libération.
Par ailleurs, la base ainsi constituée, sans équivalent à ce jour, en France, dans le champ, mériterait aussi d’être exploitée par d’autres (doctorants, chercheurs confirmés et autres professionnels en formation initiale ou intéressés par la question), selon tel ou tel angle d’approche. Le chantier est d’importance.
Un champ peu exploré ?
Pour conclure, il nous a paru utile de rappeler quelles furent les principales enquêtes nationales réalisées en France sur le sujet depuis 20 ans [1] sur la base de suivis de cohortes [2]. Nous les définirons par la cohorte de référence, indiquant entre parenthèses l’année de publication des premiers résultats [3] qui, pour des raisons évidentes, peut être plus ou moins éloignée de l’année de définition de la cohorte.
- Enquête 1. Cohortes des condamnés à mort graciés et des condamnés à perpétuité, libérés entre le 1er janvier 1961 et le 31 décembre 1980 [1982].
- Enquête 2. Cohorte des condamnés à trois ans ou plus, libérés en 1973 [1983].
- Enquête 3. Cohorte des condamnés à trois ans ou plus, libérés en 1982 [1991].
- Enquête 4. Cohorte des mineurs écroués en février 1983 [1991].
- Enquête 5. Cohorte de l’ensemble des personnes écrouées en février 1983 [1997].
- Enquête 6. Cohorte des condamnés à trois ans ou plus, libérés en 1982, poursuite de l’observation, sur 15 ans [2004].
Il s’agit ici d’étudier le devenir judiciaire de sortants de prison à l’aide du casier judiciaire national. Pour chaque individu, on va rapprocher des données obtenues auprès des greffes pénitentiaires qui concernent la détention et des données du casier judiciaire qui décrivent ce qui a pu se passer après la libération mais nous informent aussi sur les condamnations précédant le début de la détention (« le passé judiciaire »).
Dans les deux premières enquêtes, le critère de « récidive » utilisé était l’existence d’une nouvelle condamnation ferme privative de liberté inscrite, dans un délai donné, au casier judiciaire ; on a parlé à ce sujet de « retour en prison ». On a repris ce critère dans les trois enquêtes suivantes mais sans en rester là (introduction de trois autres critères).
L’enquête 6 est un prolongement récent de l’enquête 3 : les casiers judiciaires ont été de nouveau examinés en 1997, pour pouvoir étudier l’existence d’affaires - non effacées par les amnisties - sur longue période (15 ans).
A ces enquêtes nationales s’ajoute une recherche locale, en cours, de grande ampleur (3 000 dossiers), menée dans le Nord Pas-de-Calais, par Françoise Lombard, maître de conférences à l’Université Lille II en coopération avec le CNRS (Cesdip) et l’Administration pénitentiaire (enquête 7.). Elle concerne des cohortes de sortants de prison - condamnés pour un délit - mais aussi des cohortes de condamnés à un sursis simple, un sursis avec mise à l’épreuve ou une peine de travail d’intérêt général (TIG). Cette recherche a pour principal objectif de mettre en relation les différentes modalités de prise en charge des condamnés (« aménagement des peines ») en milieu fermé comme en milieu ouvert (services pénitentiaires d’insertion et de probation) et la récidive [4].
On le voit, nous disposons d’une batterie d’enquêtes qui s’est constituée par élargissement successif du champ en terme de catégorie pénale : des condamnés à mort graciés de l’enquête 1 au tout-venant (entrants) de la prison dans l’enquête 5, jusqu’aux condamnés à des peines de substitution (sursis, sursis avec mise à l’épreuve, TIG) dans l’enquête 7 en cours d’achèvement.
Cette évolution a été rendue possible par l’utilisation de l’informatique et des techniques de sondage.
Les premières enquêtes portaient sur le seul critère du « retour en prison », les dernières font appel à un ensemble de critères emboîtés : de l’existence d’une nouvelle condamnation qu’elle qu’en soit la nature, à l’existence d’une peine ferme privative de liberté pour des faits particulièrement graves sanctionnés par une peine de réclusion criminelle.
Dans les premières enquêtes, on ne faisait guère de distinction selon la nature de l’infraction initiale. En revanche, dans les travaux les plus récents, cette variable est devenue essentielle dans l’analyse car c’est l’une des plus discriminantes.