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10 III. 3. La nécessité d’une réflexion et d’une prise en charge globales autour du suicide en prison

Publié le samedi 5 novembre 2005 | http://prison.rezo.net/10-iii-3-la-necessite-d-une/

LA POLITIQUE DE PREVENTION DU SUICIDE : UNE PRISE EN CHARGE UNILATERALE DU PROBLEME DES SUICIDES EN PRISON

III. 3. La nécessité d’une réflexion et d’une prise en charge globales autour du suicide en prison.

On peut voir, dans un dernier temps que la politique de prévention sera inefficace si une réflexion globale sur la prison n’est pas engagée. Dans cette situation, une politique de prévention du suicide en milieu carcéral parait difficilement tenable. La sur-suicidité carcérale, comme nous l’avons vu, est le révélateur de nombreux disfonctionnements et interroge le système judiciaire dans son ensemble. Il parait donc nécessaire qu’une remise en question de cette institution ait lieu et que des réponses cohérentes soient apportées. Combien faudra t-il de suicides de détenus avant que la société s’interroge sur le sens et la fonction de la prison ?

3.1. La nécessité d’une réflexion globale sur le sens de la prison.

3.1.1. La société face à ses prisons.
Il semble que la société considère la prison comme un lieu complètement coupé du monde extérieur, entièrement responsable de ce qui se passe entre ces murs, comme le montre D. Lhuilier  [1] :
« On peut s’indigner des images recueillies dans les coursives des détentions, on peut souligner l’étrangeté d’un lieu où sont concentrées misère, folie et violence. On doit aussi s’interroger sur ce qui produit et alimente la prison. Elle n’est pas une île coupée du monde d’où on peut aujourd’hui rapporter quelques photographies saisissantes. Elle n’est qu’une excroissance de la société, sa reproduction exacerbée. Elle n’est qu l’envers du décor, la face d’ombre du social. Il n’y a pas de différence de nature entre ceux du dehors et ceux du dedans, entre des processus qui, derrière les murs, ne sont qu’accentués, amplifiés. Un déni de filiation guette cette institution : reconnaître que « le cœur de la problématique de l’exclusion n’est pas là où se trouve les exclus » (R. Castel) expose notre société à l’inconfort d’une interrogation sur elle-même et sur ce qu’elle produit ».

Pour apporter une réponse appropriée au problème du suicide en prison, la société ne peut pas se permettre de faire l’économie d’un débat fondamental sur la fonction qu’elle assigne à la prison. En responsabilisant la prison, la société semble se déculpabiliser de sa propre part de responsabilité face au phénomène de sur-suicidité carcérale. Or, les finalités de l’institution carcérale, ainsi que la population qu’elle doit gérer sont des éléments extérieurs à elle. En effet, l’institution carcérale doit gérer une population dont elle ne décide ni l’entrée, ni la sortie. De plus, la marge de manœuvre de la direction concernant les conditions d’incarcération de ces populations est réduite et dépend des lois et de l’orientation que le gouvernement prend.
 Certains membres de l’AP déplorent l’ambiguïté de l’opinion publique face aux prisons [2]. En effet, d’un côté, l’opinion publique fait pression pour une plus grande sécurité et sévérité des juges, alors que de l’autre, elle s’émeut des conditions d’incarcération et de l’augmentation alarmante des suicides. Lorsque la prison sort de l’ombre, les débats qui la concernent sont toujours marqués par une sensibilité exacerbée, qui empêche une prise de décision objective. Ces prises de consciences contradictoires, et de courtes durées, ne permettent pas qu’un véritable débat sur la prison apparaisse et donne lieu à l’adoption de mesures qui se remettent en cause les unes par rapport aux autres. Par exemple, alors que des réformes tentent de réduire la coupure entre le monde extérieur et la prison, pour faciliter la réinsertion du détenu, la durée des peines s’allonge de plus en plus et les libérations conditionnelles sont de plus en plus rarement accordées. Le débat qui doit être engagé sur le sens que l’on souhaite donner à la prison doit véritablement se prémunir de ses prises de consciences passionnelles et sporadiques en cherchant à apporter des réponses réfléchies.

3.1.2. La nécessité de redéfinir le sens de la prison.
 Le suicide en prison nous amène à nous interroger sur la fonction même de la prison. En effet, nous avons vu, dans la première partie, que le phénomène de sur-suicidité carcérale s’expliquait par la conjonction de deux facteurs : le placement de personnes présentant des risques suicidaires dans un milieu suicidogène. La sur-suicidité carcérale révèle donc l’incompatibilité des missions que la société assigne à la prison. D’un coté, la prison est le lieu d’enfermement des individus exclus par la société et estime dangereux pour sa cohésion sociale. D’un autre coté, une mission de soin lui est assignée, puisque dans une logique de rédemption, d’expiation et de redressement, elle devrait en principe rendre le détenu à la société meilleur qu’à son arrivée. On peut même se demander si cette mission de réinsertion assignée à la prison n’est pas utilisée dans le but de légitimer le recours à l’enfermement, qui peut paraître désormais inacceptable aux yeux de la société. C’est ce que met en évidence P. Combessie : « la privation de liberté des individus dans un pays démocratique ne peut se justifier que si on les rend meilleurs pour la société ».  [3] Or, le suicide en prison nous montre que l’enferment a davantage tendance à désocialiser et déstructurer l’individu qui était déjà en situation de précarité initiale plus qu’à faciliter sa réintégration dans la société. Il faut donc que le débat autour du suicide en prison porte sur les deux composantes qui permettent d’expliquer le phénomène de sur-suicidité carcéral : la population pénale, c’est-à-dire les individus que la société envoie en prison et le milieu carcéral, c’est-à-dire, dans quelles conditions ces personnes sont elles prises en charge.
 En ce qui concerne la population pénale, on peut mettre en évidence que la prison semble de plus en plus s’apparenter à la « prison asilaire » de l’Ancien Régime. Si la prison républicaine a souhaité prendre de la distance avec les modes d’enfermement et avec la politique pénale de l’Ancien Régime, on peut néanmoins voir que le recours à l’enferment peut toujours être considéré comme un mode de gestion de la misère sociale. En effet, les caractéristiques de la population pénale actuelles diffèrent peu de celles de la population pénales de l’Ancien Régime : on retrouve toujours des indigents, des malades, des mendiants, des mineurs, des personnes souffrant de graves troubles mentaux, des étrangers et des prostituées. La prison apparaît comme étant la dernière solution que choisit la société lorsque les autres sphères sociales n’ont pas pu apporter des solutions à ces personnes. Une réflexion doit vraiment être engagée sur la légitimité du placement en détention de certaines personnes, qui nécessiteraient davantage un suivi thérapeutique, comme les toxicomanes ou les malades mentaux, par exemple. La sur-suicidité carcérale révèle que la prison crée davantage de maux, plus qu’elle ne les guérit. Les récents événements qui ont alertés l’opinion publique, comme l’affaire Fourniret ou celle de Pierre Baudein, démontrent que la prison n’apporte aucune réponse à la maladie dont souffrent ces personnes. Il convient véritablement d’engager une réflexion sur la prise en charge la plus adaptée de ces personnes. Le rapport de l’Assemblée Nationale avait par exemple proposé, dans ces recommandations, la création d’établissements spécialisés pour une meilleure prise en charge de malades, ainsi qu’une diminution du recours à l’enferment pour certaines catégories de la population, comme les toxicomanes, les mineurs ou les auteurs de petits délits, qui ne semblent pas avoir leur place en prison [4].
 Ensuite, une réflexion doit véritablement être menée sur le caractère suicidogène de la prison. En effet, le suicide en prison nous rappelle que la prison, même si elle tend vers une relative humanisation, n’est pas seulement une privation de liberté. Elle est un lieu de peine. Or, la punition vise toujours le corps, qu’il s’agisse du corps supplicié avant le XVIII° siècle ou le corps incarcéré, dont la souffrance est plus enfouie, cachée. La souffrance induite par « la prise du corps » que constitue l’incarcération est devenue relativement taboue et il semble que la société résiste à reconnaître la violence de l’enfermement. Il semble donc nécessaire de s’interroger sur le sens que l’on veut donner à la peine. En effet, la violation d’intimité permanente, la promiscuité forcée, les humiliations quotidiennes, l’infantilisation du détenu ne peuvent que créer un sentiment de haine ou de désespoir. La peine doit elle se réduire à la souffrance du détenu, qui par sa pénitence, rachètera sa faute aux yeux de la société ? Il semble que, pour donner envie de vivre à un détenu et lui donner envie de reprendre le contrôle de son existence, la préservation de sa dignité est essentielle. On peut se demander si la structure même de la prison est compatible avec cette mission. Il est certain que l’enfermement, en lui, même est déjà une source d’exclusion et de souffrance. En effet, la prison est génératrice, en elle-même, d’exclusion sociale, de violence et d’effets pathogènes. C’est pourquoi certains penchent pour la solution d’une abolition des prisons, qui ont, depuis leur création, démontré leur relative inefficacité à prévenir le risque de récidive.
 Néanmoins, en l’état actuel, une telle réforme du système pénal ne semble pas être possible. Des mesures peuvent donc être prises pour essayer au moins de limiter les effets pathogènes, déstructurants et désocialisants de la prison sur des individus déjà fragilisés socialement et psychologiquement. Des réformes plus modestes, visant à limiter le recours à l’incarcération et à diminuer les effets destructeurs de l’incarcération peuvent déjà être développées. Cela peut, par exemple, se traduire par une limitation du recours à la détention provisoire, le développement de peines alternatives à l’incarcération et surtout l’amélioration des conditions de détention. Pour lutter contre le suicide en prison, il semble réellement nécessaire, en effet, que la prison cesse d’être un lieu de souffrance, mais tende à devenir un lieu où la vie est possible.

3.2. Faire de la prison un lieu où la vie est possible.

On a vu que la politique de prévention du suicide tendait de plus en plus à se concentrer uniquement su les facteurs de risques du suicide et que ce phénomène avait pour conséquence de rendre le milieu carcéral encore plus suicidogène. Il semble que la politique de prévention doit réellement être complétée par une politique qui cherche à agir en amont de la crise suicidaire et qui vise à « promouvoir la vie en prison », comme le préconisait le rapport fondateur de la politique de prévention du suicide en 1996 [5]. Quelques mesures simples, basées sur l’expérience de certains détenus ou l’initiative de certains établissements, qui sont pourtant peu valorisées dans les différents rapports et circulaires sur la prévention du suicide, peuvent être mises en place dans cet objectif. En effet, le constat que nous avons fait auparavant met en évidence les difficultés que rencontrent certains détenus en prison. Mais il ne faut pas oublier que, si certains détenus se trouvent dans une profonde détresse, certains parviennent à développer des stratégies qui leur permettent de résister à la tentation suicidaire. Dominique Lhuilier et Corinne Rostang montrent quelles sont les différentes stratégies que développent les détenus pour « faire leur prison ». Ces stratégies d’adaptation peuvent se traduire par la reprise des études, la pratique intensive d’un sport ou la découverte d’une religion. La résistance à l’institution est une stratégie qui permet également au détenu de reprendre une certaine marge d’autonomie [6]. Il nous semble nécessaire qu’une politique de prévention efficace cherche à développer au maximum des actions dans cette direction. En effet, comme le soulignait la circulaire de 1998, « une politique de prévention du suicide ne doit pas chercher à contraindre le détenu de ne pas mourir, mais à le restaurer dan sa dimension d’acteur de sa vie  [7] ».

3.2.1. Promotion de la santé physique et mentale en détention.
Ce sont toutes les actions qui visent à diminuer le caractère pathogène de la prison, à revaloriser la personne détenue en lui donnant envie d’avoir un rapport sain avec son corps et à soigner les troubles de santé mentale ou physique des détenus.
En ce qui concerne la promotion de la santé en prison, il faut noter que depuis la loi du 18 janvier 1994, la prise en charge médicale des personnes incarcérées est de la responsabilité des hôpitaux publics. La fin de la médecine pénitentiaire a marqué un pas important dans le développement sanitaire des prisons. Le but de cette loi était « d’assurer aux détenus une qualité et une continuité de soins équivalent à ceux offerts à l’ensemble de la population ».  [8] Or, comme on l’a vu, la population pénale présente de nombreux problème de santé qui doivent être pris en charge. Pour certains, notamment les détenus qui n’avaient pas de domicile avant leur incarcération, la prison est le seul lieu d’accès aux soins. Cette mission de la prison relève d’un véritable enjeu de santé publique. Il semble nécessaire de renforcer ces actions de soins en prison, mais également de prendre en compte les effets pathogènes de la prison dans la prise en charge des détenus.
Toutes les actions visant à responsabiliser le détenu face à sa santé sont également à promouvoir. Beaucoup d’initiatives dans ce domaine sont intéressantes, comme, par exemple, les actions concernant la lutte contre la toxicomanie ou l’alcoolisme. De même, le développement du sport en milieu carcéral est à encourager. En effet, le sport permet une revalorisation de l’image de soi, l’acquisition d’un rythme de vie et l’instauration d’un nouveau rapport avec son corps. En ce qui concerne les femmes incarcérées, dont une part importante a connu des problèmes de toxicomanies ou de prostitution, le corps revêt un enjeu primordial. Il est nécessaire de faire changer l’image de ce corps, souvent nié, maltraité et dégradé, pour le faire apparaître comme une source de plaisir et comme le moyen de donner la vie. Le projet mis en place à la MAF de Fleury-Mérogis, « Le corps retrouvé » mis en place en 1999, avait pour but de répondre à cet objectif [9].
Enfin, les actions en direction de la promotion de la santé mentale peuvent être renforcées. Le professeur Terra, lors de notre entretien, émettait des réserves par rapport à ces actions, qui selon lui se limitent souvent à repeindre les murs des prisons dans une couleur vive, ou mettre de la verdure dans les cours de promenades. Il est clair que si ces actions se limitent à cela, leur portée restera faible. Par contre, il semblerait intéressant de développer des actions visant à réduire le caractère pathogène de la prison, comme, par exemple, l’aménagement de toilettes séparées dans une cellule, le développement du co-cellulage selon les affinités des détenus, la rénovation de toutes les cellules vétustes. On peut noter également que, malgré le fait qu’il a été démontré que la religion est un facteur protecteur du suicide, la présence de représentants de cultes religieux non catholiques est encore très faible et doit être encouragée. La prévention de l’idéation suicidaire peut se traduire par la mise en place d’actions qui favorisent l’écoute de la détresse de certains détenus, ainsi que le dialogue. On peut citer par exemple la mise en place de groupes de paroles dans certains établissements pénitentiaires, mais aussi le développement d’un réseau d’écoute téléphonique en cas de détresse [10], comme mesures qui répondent à ce critère.

3.2.2. Revalorisation de l’image des surveillants.
Lors de différents entretiens que nous avons menés avec des membres de l’AP, nous avons pu remarquer que certains semblaient souffrir de l’image négative qu’avait leur fonction dans la société et C’est notamment le cas de certains surveillants. En effet, il est dommage de constater que, après un suicide, si les manquements du personnel sont systématiquement rappelés, les actions positives menées par les membres du personnel sont très peu mises en valeur par les médias. Or certains surveillants essayent au maximum de développer leur mission de réinsertion dans la pratique de leur métier. Par le dialogue et l’écoute, un surveillant a même permis à un détenu suicidaire de ne pas passer à l’acte [11].

3.2.3. Actions visant à promouvoir le maintien des liens familiaux.
Nous avons vu que l’incarcération constitue une perte des repères sociaux antérieurs. Il paraît alors nécessaire de développer des actions qui visent au maximum à limiter ces pertes. Des actions simples peuvent promouvoir le maintien des liens familiaux comme le fait d’éviter au maximum, par exemple, les transferts du détenu loin de leur famille, de choisir un lieu d’incarcération qui soit le plus près possible du lieu d’habitation de la famille du détenu, d’augmenter la fréquence et la durée des parloirs. Une initiative intéressante à ce niveau concerne la mise en place d’une radio spéciale à disposition des familles de détenus. Ensuite, la généralisation de la mise en place des Unités de Vie Familiale pourrait permettre au détenu de maintenir ces liens familiaux, ainsi que de conserver une part d’intimité nécessaire à la préservation de sa dignité. Etant donné qu’une part importante de suicides est due à la rupture du détenu avec son conjoint, il apparaît primordial de limiter au maximum les conséquences de l’incarcération sur la vie familiale du détenu.

3.2.4. Actions tournées vers la réinsertion.
La mise en place d’activités qui visent à donner, voir à redonner au détenu un sens à son existence peuvent permettre de lutter contre l’idéation suicidaire. Cela peut déjà se traduire par le fait de donner un sens à la peine du détenu, mais aussi en suscitant chez lui l’envie de construire des projets et de retrouver une identité et une place dans la société.
 La mise en place des projets d’exécution de peine (PEP) semble répondre à ces objectifs. En effet, ce dispositif organise le déroulement de la détention de toute personne condamnée à une longue peine, incarcéré dans une maison centrale et un centre de détention, dans un objectif de réinsertion et de lutte contre la récidive. Une commission pluridisciplinaire oriente le détenu vers un quartier de détention et définit le cadre du PEP. Le détenu, s’il accepte le projet émis par cette commission s’engage à réaliser un objectif précis (réussir un examen scolaire ou professionnel, par exemple) et suivre certaines obligations (suivre régulièrement une activité, une thérapie...). Ce dispositif est intéressant, dans la mesure où il permet au détenu de se fixer certains objectifs et de ne pas être passif face à sa peine. Des projets similaires pourraient être développés en maison d’arrêt, pour des plus courtes durées.
Ensuite, toutes les activités qui sont mises en place pour faciliter la réinsertion des détenus, comme les actions de luttes contre l’illettrisme, le travail, les programmes de formation, les activités socioculturelles, présentent le triple avantage de sortir le détenu de son isolement, de maintenir un lien avec le monde extérieur et enfin de lui donner un intérêt ou un savoir faire dans un domaine particulier. L’expression artistique peut également être un moyen, pour certains détenus, de se confier au delà des mots, d’exprimer leur détresse ou de se sentir mieux.
On peut également mentionner le fait que, dans certains centres de détention, les cellules sont ouvertes la journée et les détenus bénéficient de lieux où il peuvent être en commun. Cette initiative est intéressante, dans la mesure où elle permet aux détenus de conserver un espace de sociabilité et d’échange. La généralisation de ces actions aux maisons d’arrêt pourrait permettre à certains détenus, isolés du reste de la détention de ne pas s’emmurer dans leur silence et leurs idées négatives et de trouver un certain soutien moral et psychologique auprès des autres détenus.
Le recours aux aménagements de peines peut être un moyen de prévention efficace contre l’angoisse que ressentent certains détenus à leur sortie de prison. Le détenu ne sort pas totalement démuni de l’institution carcérale, mais peut ainsi préparer sa sortie et espérer une meilleure réinsertion dans le monde extérieur [12].

Les suicides en prison mettent en évidence que la prison reste toujours un lieu, à l’époque actuelle, de misère, de souffrance, de honte et de désespoir. La prison reste ainsi la part d’ombre de la société. Il est donc véritablement nécessaire que ce lieu sorte enfin de l’ombre et que la société civile et les pouvoirs publics s’interrogent sur la fonction qu’ils assignent à cette institution et définissent le sens qu’il souhaitent lui donner. Il conviendrait déjà minimiser au maximum le caractère suicidogène de la prison, pour en faire un lieu où la vie est possible. On retrouve ainsi l’idée préconisée par le rapport de 1996, relative au sens de la politique de prévention du suicide : « vouloir faire de la prison, avant tout un lieu de vie, c’est participer à l’idée que le temps écoulé, quelque soit la durée, n’est pas un temps mort, un temps entre parenthèses, ou pire encore, un terme, une fin en soi, mais un temps qui prépare à la vie libre. Accepter d’être, en partie, chacun dans sa fonction, acteur de ce projet, c’est être acteur de prévention. En ce sens, la prévention du suicide met en jeu tout le cursus carcéral, la gestion quotidienne et le rapport même entre prison et société civile  [13] ».

[1] LHUILIER D., Le choc carcéral, op. cit., p254

[2] Entretien avec le directeur adjoint de la MA de Varces le 26 mars

[3] COMBESSIE P, Sociologie de la prison, op. cit., p19

[4] Assemblée Nationale, Rapport fait au nom de la commission d’enquête présidée par Louis Mermaz su la situation des prisons françaises, La France face à ses prison, op. cit., recommandations, p283-290

[5] ZIENTRA LOGEAY S., Rapport sur la prévention du suicide en milieu pénitentiaire, op. cit., p17

[6] Cela explique peut-être pourquoi les détenus politiques classés comme étant des « détenus particulièrement dangereux » (DPS) par l’AP, qui sont souvent à l’origine de mouvements de contestation ou de mutineries, se suicident peu, malgré les conditions de détention plus restrictives qu’ils connaissent par rapport au reste de la détention

[7] Voir annexe 5, circulaire 1998

[8] OIP, Prison : un état des lieux, op.cit.p72

[9] POENSIN H., De l’objet de l’enferment au sujet de la liberté, le corps des femmes incarcérées : un enjeu de santé publique, op.cit., p85

[10] Cette mesure a été mise en place à Aiton, par exemple

[11] Un détenu était en pleine crise suicidaire, avant son procès. Le chef de la détention de la MA de Varces, après avoir repéré qu’il semblait dépressif et isolé du reste de la détention, a tenté de dialoguer avec lui et d’écouter sa détresse. Le détenu, lorsqu’il est sorti, lui a laissé une lettre pour le remercier de l’avoir écouté à ce moment là et de lui avoir, en quelque sorte, sauver la vie

[12]  OIP, Prison : un état des lieux, op.cit., p249 : L’enquête de P. Tournier sur les détenus libérés en 1983, condamnés à trois ans de prisons et plus, montre que le délai de retour en prison dans un délai de 7 à 8 ns est de 28,5% pour les condamnés ayant effectuer moins de 70% de leur peine en prison, de 45% pour ceux qui ont passe entre 70% et 90% de leur peine en prison et de 60% pour ceux qui ont accompli plus de 90% de leur peine en détention, OIP p249.

[13] Rapport prévention du suicide en milieu carcéral, p17.