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(2005) Prise en charge de la santé mentale des détenus en 2003

Publié le mercredi 25 janvier 2006 | http://prison.rezo.net/2005-prise-en-charge-de-la-sante/

La prise en charge de la santé mentale des détenus en 2003
N° 427 • septembre 2005

En 2003, 85 000 personnes sont entrées en détention dans les établissements pénitentiaires français. La plupart d’entre elles ont bénéficié d’un entretien avec une équipe de soins psychiatriques aux fins de repérage d’éventuels troubles psychiques. 52% des entretiens réalisés dans les établissements dotés d’un service médicopsychologique régional (SMPR) et 20% des entretiens réalisés dans les autres établissements ont donné lieu à une préconisation de suivi psychiatrique. Le taux de recours des détenus aux soins psychiatriques peut à cet égard être estimé à 271 pour 1 000, soit un taux près de dix fois supérieur à celui observé pour l’ensemble de la population auprès des secteurs de psychiatrie générale. Il est sensiblement supérieur dans les établissements dotés d’un SMPR. L’essentiel de la prise en charge en milieu pénitentiaire est constitué de soins ambulatoires, sous la forme de consultations individuelles ou de groupe. Les contraintes pénitentiaires limitent, de fait, les hospitalisations qui s’effectuent le plus souvent avec le consentement du détenu, dans les locaux du SMPR. En établissement de santé, les hospitalisations d’office sont souvent de courte durée. Les SMPR coopèrent pour la prise en charge des détenus avec les autres intervenants directs en milieu pénitentiaire mais moins avec les secteurs de psychiatrie générale.

Magali COLDEFY
Ministère de l’Emploi, de la cohésion sociale et du logement
Ministère de la Santé et des solidarités
Drees

La prise en charge de la santé mentale des personnes détenues est confiée au service public hospitalier depuis 1986 (encadré 1). Le dispositif actuel repose sur les 26 secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire dont la structure de base est le Service médico-psychologique régional (SMPR) implanté en maison d’arrêt ou en centre de détention (encadré 2), et qui a la charge des établissements pénitentiaires de sa zone de rattachement et sur les secteurs de psychiatrie générale des zones géographiques concernées. Ces derniers interviennent au sein des unités de consultations et de soins ambulatoires (les UCSA, unités hospitalières implantées en milieu pénitentiaire) dans les établissements non directement couverts par les SMPR.
Secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire et secteurs de psychiatrie générale ont en charge des missions communes : prévention, diagnostic, soins ambulatoires courants, suivi post-pénal, lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies au sein de leur établissement d’implantation. Avec leur consentement, les personnes détenues peuvent être hospitalisées au sein des SMPR si l’intervention des personnels de santé n’est pas requise la nuit. Dans tous les autres cas, l’hospitalisation se fait au sein des secteurs de psychiatrie générale selon les modalités de l’hospitalisation d’office [1].

Le repérage des troubles psychiques auprès des entrants en détention
Dans le cadre des missions de prévention, un repérage précoce des troubles psychiques est prévu pour chaque nouvel arrivant en détention. Dans les établissements ne disposant pas de SMPR, cet entretien est réalisé par les équipes des unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) [2] (parfois doublé d’un entretien avec les équipes des secteurs de psychiatrie générale ou infanto-juvénile) qui effectuent un bilan somatique et psychiatrique. Ce bilan a donné lieu en 2003 à la prescription d’une prise en charge psychiatrique pour un entrant en détention sur cinq [3] par le secteur de psychiatrie générale intervenant en milieu pénitentiaire.
Dans les établissements disposant d’un SMPR, un entretien d’accueil est réalisé par l’équipe du SMPR avec chaque nouvel arrivant dans son établissement d’implantation. Cet entretien permet un dépistage précoce des détresses et troubles psychiques divers, des maladies mentales avérées, ainsi que des conduites de consommation abusive d’alcool, drogue ou médicaments [4]. Il permet aussi de présenter les prestations proposées par le SMPR.
Pendant l’année 2003, 51 680 personnes [5] sont entrées en détention (40 300 provenant de l’état de liberté, les autres transférés d’un autre établissement) dans les 26 établissements pénitentiaires où des SMPR sont implantés [6].
Chaque SMPR aurait donc dû voir en moyenne 2 000 entrants en détention.

En pratique, les équipes ont rencontré 63% des entrants en détention dans leurs établissements (encadré 3). Cet écart s’explique surtout par le fait que certains entrants ne restent pas suffisamment longtemps dans l’établissement pour que cet accueil soit réalisé : transferts pénitentiaires rapides, situations de transit, remise en liberté peu après la mise sous écrou. La personne incarcérée peut également refuser cette rencontre. D’autre part, deux SMPR, implantés dans deux des plus importants établissements pénitentiaires français (Les Baumettes à Marseille et La Santé à Paris) ne réalisent pas cet entretien systématique avec chaque nouvel entrant. Dans ces établissements, le SMPR ne prend en charge que les détenus signalés par les équipes des UCSA ou d’autres intervenants en contact avec les arrivants (Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), surveillants pénitentiaires).
Deux SMPR déclarent que cet entretien est réalisé exclusivement par
un médecin. Dans huit SMPR, c’est un autre professionnel qui le réalise, généralement un infirmier. Dans les autres SMPR, c’est indifféremment un médecin et/ou un autre professionnel qui effectue cet entretien d’accueil, cet autre professionnel étant soit un infirmier, soit un psychologue.
Finalement, chaque SMPR a vu en moyenne 1 257 nouveaux détenus durant l’année 2003 dans le cadre de ces entretiens d’accueil (tableau 1).

L’enquête réalisée en juin 2001 par la Drees et le Groupe français d’épidémiologie psychiatrique auprès des entrants dans les établissements d’implantation de SMPR avait montré que 52% de ces entretiens donnaient lieu à une préconisation de suivi psychiatrique [7]. Suite à l’entrée en détention, la prescription d’une prise en charge psychiatrique est plus élevée dans les établissements disposant d’un SMPR, accréditant l’hypothèse d’une plus grande facilité d’accès à ce type de prise en charge au sein de ces établissements.

Un recours aux soins de santé mentale 10 fois supérieur à celui observé en population générale...
Au total, en 2003, on peut estimer que plus de 67 000 détenus, soit 40% de la population carcérale [8], ont été vus au moins une fois par une équipe de psychiatrie, sachant que 54 250 l’ont été par l’équipe soignante des SMPR. Parmi ces derniers, 38% n’ont été vus qu’une seule fois dans l’année. Ce sont pour la plupart des entrants en détention qui ont été vus par un membre de l’équipe soignante lors de l’entretien d’accueil et pour lesquels un suivi psychiatrique n’a pas été jugé nécessaire ou n’a pu être mis en place (transfert, sortie ou refus du détenu). En excluant ces monoconsultants de la file active totale [9], on obtient un taux de recours [10] aux soins de santé mentale de 271 pour 1 000 détenus [11].
Ce taux est très supérieur à celui observé en population générale [12] auprès des seuls secteurs de psychiatrie (25 pour 1000 en 2000). Signalons toutefois qu’il peut y avoir des recours privés en population générale auprès de structures non sectorisées ou de psychiatres de ville. Ce surplus de recours aux soins psychiatriques tient en partie aux caractéristiques démographiques et sociales de la population incarcérée, qui cumule les risques de vulnérabilité [13], et au sein de laquelle les conduites addictives sont très répandues (54% des entrants en détention en 2003 déclarent consommer au moins une substance psycho-active : psychotropes, alcool, drogues illicites). D’autre part, l’incarcération elle-même génère ou augmente certains risques (isolement affectif, promiscuité, inactivité...). Les risques de suicide sont également majorés à certains moments du parcours pénitentiaire : lors des premières semaines de détention, de placement en quartier disciplinaire, avant un jugement... La proportion de nouveaux détenus ayant déclaré avoir fait une tentative de suicide dans les douze mois précédant l’incarcération est ainsi 22 fois plus élevée qu’en population générale [14].

... et trois fois supérieur dans les établissements dotés d’un SMPR
La probabilité pour un détenu de recourir aux soins de santé mentale varie aussi fortement selon l’établissement d’incarcération. Ainsi, 430 détenus sur 1 000 incarcérés dans un établissement pénitentiaire disposant d’un SMPR ou d’une antenne SMPR ont bénéficié en 2003 d’une prise en charge psychiatrique [15] contre 144 pour les établissements non dotés d’un SMPR. La vocation régionale des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire, dans les faits limitée [16], ne permet pas d’expliquer la différence observée. C’est donc également la possibilité qu’ont les détenus d’accéder à des soins de proximité, qui semble influer sur leur recours aux soins psychiatriques.

Une prise en charge essentiellement ambulatoire sous forme de consultations individuelles
L’essentiel de la prise en charge effectuée en milieu pénitentiaire est constitué de soins ambulatoires. C’est même la seule modalité de prise en charge proposée au sein de l’établissement lorsqu’il n’existe pas de SMPR, avec près de 13 000 détenus vus en consultation ou en groupe thérapeutique, le plus souvent dans les locaux de l’UCSA.
Dans les établissements dotés d’un SMPR, la prise en charge ambulatoire peut prendre la forme de consultations au sein de ce service (21 000 patients ont été soignés ainsi en 2003) ou dans les locaux de détention (plus de 11 000 patients). La prise en charge ambulatoire ou à temps partiel (type atelier ou activité thérapeutique) de patients relevant d’autres établissements pénitentiaires reste très limitée, avec moins de 3% des séances ou journées de prise en charge ambulatoire ou à temps partiel réalisées par le SMPR (hors entretien d’accueil).
77% des SMPR estiment qu’une consultation avec un médecin pour une première demande de soins (hors urgence) peut être obtenue en moins d’une semaine ; elle peut l’être en moins de trois jours dans 38% des SMPR. Cependant, le délai d’attente pour ce premier rendez-vous est évalué à plus de deux semaines dans quatre services. Pour un entretien avec un autre professionnel, les délais sont légèrement plus rapides : 42% des SMPR disent pouvoir proposer un entretien dans les trois jours suivant la demande, et seuls deux SMPR ne peuvent le faire avant deux semaines.

Des activités de groupes thérapeutiques inégalement développées
Tous les SMPR déclarent réaliser des activités de groupe à visée psychothérapique, réunissant plusieurs détenus pour un échange de paroles ou l’exercice d’une activité. Ce mode de prise en charge paraît être une réponse souvent intéressante aux besoins de soins des personnes incarcérées. Il est cependant plus difficile à mettre en place dans les établissements dépourvus de SMPR puisque seuls 30% des secteurs de psychiatrie générale intervenant en milieu pénitentiaire déclarent mener des activités de groupe au sein de l’établissement.
Ces activités de groupe restent cependant limitées dans les établissements dotés d’un SMPR où elles concernent moins de 10% des détenus pris en charge plus d’une fois dans l’année par l’équipe soignante.

Une prise en charge à la sortie de la détention pour 4% des détenus suivis par les équipes des SMPR
La préparation à la sortie et le suivi post-pénal font également partie des missions des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire.
81% des SMPR déclarent participer à une activité individualisée de préparation à la sortie, destinée à faciliter la réinsertion des détenus et leur intégration dans un processus de continuité des soins. Celle-ci se fait en lien avec les services sanitaires, sociaux et pénitentiaires de l’établissement (SPIP).
85% des SMPR déclarent en outre avoir une activité post-pénale pour les détenus suivis pendant leur incarcération qui nécessitent une poursuite des soins en milieu ouvert. En 2003, 1 400 patients ont été vus par les équipes des SMPR, à domicile ou dans une structure extérieure à la prison (soit 4% de la population suivie plus d’une fois dans l’année), le plus souvent le centre médico-psychologique du secteur géographique.

Une hospitalisation au SMPR souvent assimilable à une hospitalisation de jour
L’hospitalisation au sein d’un établissement disposant d’un SMPR ne peut se faire qu’avec le consentement du détenu (encadré 4), les détenus des autres établissements devant alors être transférés vers ces structures ou hospitalisés selon les modalités de l’hospitalisation sans consentement (au titre de l’article D398 du Code de procédure pénale) dans un établissement de santé habilité. Mais les transferts sont relativement peu fréquents, aboutissant à des inégalités de prise en charge des détenus selon les lieux d’incarcération.
Les équipes soignantes essaient d’admettre les patients nécessitant une hospitalisation le plus rapidement possible au SMPR. Mais moins de la moitié disent toujours être en mesure d’hospitaliser un patient le jour même, tandis que 27% le peuvent souvent, et 31% ne le peuvent que parfois ou jamais.
L’hospitalisation avec consentement au SMPR s’effectue dans les limites liées aux contraintes pénitentiaires. Elle s’apparente de fait à une hospitalisation de jour. Dans la majorité des structures, il n’y a en effet pas de personnel soignant la nuit. Et, quand il y en a, c’est sans accès direct aux patients car la cellule ne peut être ouverte que par un surveillant pénitentiaire.
Seuls les SMPR des Baumettes (Bouches-du-Rhône) et de Fresnes
(Val-de-Marne) ont organisé une permanence de l’équipe soignante, c’est-à dire avec une surveillance infirmière durant la nuit et une astreinte d’un médecin de l’équipe du secteur, avec un total de 82 lits. En 2003, 299 patients ont ainsi été hospitalisés à temps plein dans ces deux services pour une durée moyenne de séjour dans l’année allant de 54 à 65 jours selon l’établissement.
Vingt SMPR sur vingt-six réalisent une hospitalisation sans permanence de nuit, pouvant être assimilée à une hospitalisation de jour, même si dans certains services, le patient reste hébergé la nuit sans surveillance infirmière. 360 lits ou places sont destinés à une telle prise en charge, soit 18 en moyenne par secteur, ce nombre pouvant varier de 5 à 29. Plus de 1 400 patients ont été hospitalisés ainsi en 2003, pour une durée moyenne de séjour de 66 jours dans l’année. La durée moyenne de séjour est très variable d’un SMPR à l’autre et peu représentative des entrées et sorties des patients. Certains patients ne séjournent que quelques jours à quelques semaines dans un contexte de crise aiguë, d’autres peuvent séjourner des mois, lorsqu’il s’agit de pathologies psychiatriques graves mal stabilisées ou non stabilisables [17].
Par ailleurs, la totalité des SMPR ne propose pas ce type de prise en charge. Quatre SMPR n’offrent en effet que des prises en charge ambulatoires (ou à temps partiel sous forme d’atelier ou d’activité thérapeutique) et adressent leurs patients nécessitant une hospitalisation à un autre SMPR, ou à un établissement de santé habilité dans le cadre d’une hospitalisation d’office.
L’hospitalisation au sein des SMPR ne concerne donc au total qu’un nombre limité de détenus : moins de 3% d’entre eux [18] ont ainsi été, en 2003, hospitalisés avec leur consentement dans ces structures.

Des conditions d’hospitalisation liées au cadre pénitentiaire
40% des lits d’hospitalisation sont situés dans des chambres individuelles, 42% dans des chambres à deux lits, et 19% dans des chambres à trois lits ou plus, proportions semblables à celles observées dans l’ensemble des secteurs de psychiatrie générale.
Cependant, les conditions d’hospitalisation au SMPR ne sont pas réellement comparables à celles des services hospitaliers, les chambres d’hospitalisation ne se différenciant pas des cellules de détention dans dix sept SMPR. Ces locaux non différenciés peuvent poser problème pour une prise en charge en termes de soins ; notamment en ce qui concerne l’existence de systèmes de réanimation de premier niveau, les risques liés aux lits métalliques en cas de crise, ou la présence de systèmes d’alerte.
Les chambres d’isolement sont utilisées sur indication médicale lorsque le patient présente un danger pour lui même ou autrui du fait de sa situation clinique. Moins d’un quart des SMPR déclarent en 2003 disposer de chambres d’isolement, contre 84 % des secteurs de psychiatrie générale. Le nombre de journées d’occupation cumulées dans l’année, ainsi que le
nombre de patients concernés par une mise en chambre d’isolement ont été difficilement recensés par les SMPR.
Deux SMPR sur les six disent ne pas appliquer de protocole écrit de prise en charge des patients en chambre d’isolement, en remplissant pour chaque patient une fiche de suivi de mise en chambre d’isolement. Enfin, seul un SMPR dit autoriser, en cas d’urgence, un infirmier à décider de l’isolement d’un patient hospitalisé en liaison directe téléphonique avec les médecins, cette décision étant exclusivement le fait d’un médecin dans les autres services.

Des hospitalisations de courte durée en établissement psychiatrique
L’hospitalisation au SMPR ne peut se faire qu’avec le consentement du
patient. L’article D398 du Code de procédure pénale prévoit l’hospitalisation d’office des détenus atteints de troubles mentaux qui ne peuvent être maintenus dans un établissement pénitentiaire, en application de l’article L.3213-1 du Code de la santé publique. Les détenus atteints de troubles mentaux qui nécessitent des soins et qui compromettent, de manière grave, l’ordre public ou la sûreté des personnes, sont ainsi placés, sur décision du préfet et au vu d’un certificat médical, en hospitalisation d’office dans un établissement de santé habilité. Il n’est pas fait application, à leur égard, de la règle posée au second alinéa de l’article D394 du Code de procédure pénale, concernant leur garde par un personnel de police ou de gendarmerie pendant leur hospitalisation. Ces hospitalisations dans des services de plus en plus ouverts et féminisés, peuvent parfois rencontrer certaines difficultés ou réticences de la part de l’équipe d’accueil.
Les données provisoires issues des rapports de secteurs de psychiatrie 2003 font état de 692 patients reçus au titre de l’article D398 du Code de procédure pénale, pour un total de 15 737 journées. 583 patients ont été adressés par les SMPR. Ces données semblent cependant sous-estimées, le rapport Santé/Justice sur l’amélioration de la prise en charge sanitaire des détenus indiquait en 2001, 1 317 hospitalisations d’office de personnes détenues en établissement de santé ayant donné lieu à 60 370 journées d’hospitalisation. Avec 23 jours, cette durée moyenne de séjour cumulé dans l’année apparaît inférieure à celle observée en moyenne dans les secteurs de psychiatrie générale (45 jours en 2000).
Les secteurs de psychiatrie générale admettent toutefois relativement rapidement le patient suite à la demande d’hospitalisation au titre de l’article D398 du Code de procédure pénale. 89% des SMPR parviennent toujours à faire hospitalier le patient dans un délai inférieur ou égal à 3 jours, et le jour même pour cinq SMPR. Les SMPR de Fresnes (Val-de-Marne), Bordeaux (Gironde), et Fleury-Merogis (Essonne) rencontrent davantage de difficultés, l’hospitalisation ne se faisant pas avant deux jours et certains patients ayant dû attendre plus de 10 jours avant d’être admis à l’hôpital.

Des recours peu nombreux aux unités pour malades difficiles
Les unités pour malades difficiles (au nombre de quatre en 2003) sont destinées à recevoir en hospitalisation d’office des patients (détenus ou non) présentant pour autrui un danger tel qu’ils nécessitent des protocoles thérapeutiques intensifs adaptés et des mesures de sûreté particulières. Un SMPR sur deux a fait une demande de transfert de patients vers une telle unité en 2003. Ces demandes ont concerné 34 patients et ont donné lieu à 31 transferts. Les demandes émanant des SMPR donnent plus fréquemment lieu à un transfert que celles émanant des secteurs de psychiatrie générale, a priori moins habitués à gérer ce type de patients. Ainsi, ces demandes ont concerné la même année 39% des secteurs de psychiatrie générale, soit 636 patients dont 57% ont fait effectivement l’objet d’un transfert. Au total en 2003, ce sont 392 patients qui ont été transférés dans une des quatre unités pour malades difficiles.

Une gestion des situations de violence différente dans les SMPR
La prise en charge des patients en cas de comportements violents fait moins fréquemment l’objet d’un protocole écrit ou des règles de conduite écrites internes de la part des équipes soignantes des SMPR que dans les secteurs de psychiatrie générale (27% contre 62%). De même, la proportion de secteurs dont un ou plusieurs membres de l’équipe a bénéficié d’une formation adaptée aux situations de violence est en 2003 de 54% pour les SMPR et de 86% pour les secteurs de psychiatrie générale.
Les SMPR sont également moins nombreux à déclarer des accidents du
travail liés à des agressions (12% des SMPR contre 82% des secteurs de psychiatrie générale en 2003).
En milieu pénitentiaire ces différences de pratiques peuvent être liées au fait que la violence des détenus est davantage contenue par la présence de surveillants de l’administration pénitentiaire mis à disposition des SMPR (4 surveillants en moyenne par SMPR en 2003).
En ce qui concerne les comportements violents que les détenus peuvent subir vis-à-vis d’eux-mêmes, un peu plus de la moitié des SMPR (54%) disent avoir eu à faire face en 2003 à des tentatives de suicide sur les lieux de soins. Cette proportion est supérieure à celle déclarée par les secteurs de psychiatrie générale (42% en 2003), et le nombre moyen de tentatives observé paraît nettement plus élevé (100 tentatives recensées dans les neuf SMPR répondants). Il en est de même pour les suicides dans les lieux de soins, recensés en 2003 dans 19% des SMPR et dans 16% des secteurs de psychiatrie générale. Cinq SMPR ont ainsi dû faire face à 1 ou 2 suicides sur les lieux de soins au cours de l’année.
Le placement en cellule disciplinaire, qui sanctionne les détenus ayant commis une faute ou un incident dans l’établissement [19], constitue une phase de l’incarcération pendant laquelle les risques de suicide sont majorés. Afin de prévenir ces risques, 62% des SMPR déclarent intervenir systématiquement auprès de chaque patient placé en quartier disciplinaire, connu de l’équipe soignante. Les autres le font sur signalement du médecin de l’unité de consultations et de soins ambulatoires, du personnel pénitentiaire ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation.
Seuls 22 SMPR sur 26 ont pu comptabiliser le nombre de patients vus au
quartier disciplinaire, il s’élève à 601, soit 26 patients en moyenne pour
chaque SMPR, avec de fortes variations selon les établissements, ce nombre pouvant aller de 3 à 89, naturellement plus élevé dans les SMPR effectuant une visite systématique.
En cas de suicide d’un détenu, que ce soit dans ou en dehors des lieux de soins, 88% des SMPR disent proposer systématiquement une aide et un soutien aux codétenus, la moitié des SMPR proposent une aide et un soutien aux professionnels de l’établissement, et 31% le font en direction des familles.

Les coopérations des SMPR sont surtout centrées sur les intervenants directs au sein du milieu pénitentiaire
Pour la prise en charge des patients, les équipes des SMPR sont amenées à travailler avec d’autres intervenants au sein du milieu pénitentiaire, que ceux-ci appartiennent au secteur sanitaire (UCSA, secteurs de psychiatrie générale et infanto-juvénile), ou aux secteurs pénitentiaire et judiciaire [20]. Ces relations s’établissent, soit autour de la prise en charge directe des patients, soit lors de réunions de coordination institutionnelle. Ces actions de coordination et de concertation constituent une part importante du travail des équipes des SMPR, et permettent une meilleure cohérence des soins et de la prise en charge du patient dans son parcours pénitentiaire.

L’UCSA, partenaire essentiel
Les relations les plus fréquentes concernant la prise en charge des patients sont généralement établies avec l’UCSA qui est elle aussi implantée dans l’établissement pénitentiaire :
96% des SMPR disent être toujours ou souvent en relation directe avec cette unité lorsqu’ils suivent un patient. Cela s’explique en partie par la proximité habituelle des deux structures. Ces rencontres sont l’occasion d’échanges sur les traitements et modalités de prise en charge. La prescription médicale est l’occasion de relations entre les unités somatiques et psychiatriques, même si un réseau informatique entre l’UCSA, le SMPR et la pharmacie n’a été mis en place qu’exceptionnellement dans deux établissements (à Rennes et Châlons en Champagne). Si l’UCSA apparaît relativement souvent associée à la prescription de psychotropes (tableau 2), elle l’est moins pour les produits de substitution tels que la méthadone et le Subutex®. En milieu ordinaire, le traitement par méthadone ne peut être initié que par un centre de soins spécialisé pour les toxicomanes, alors que le Subutex® peut être prescrit par tout médecin. Cette différenciation se retrouve en milieu pénitentiaire, l’UCSA n’étant que rarement associée à la prescription de méthadone.
Des réunions de coordination institutionnelle avec les UCSA ne sont toutefois réalisées que par 77% des SMPR. Généralement mensuelles, la fréquence peut varier d’une réunion annuelle à une réunion hebdomadaire selon les structures. Ces réunions visent de façon générale à coordonner les pratiques des équipes concernant le dossier médical du patient, la prescription et l’administration des médicaments, la continuité des soins et des traitements.

Une prise en charge globale du patient en lien avec les services pénitentiaires et judiciaires
Outre les surveillants affectés au SMPR, les équipes des SMPR entretiennent également souvent des relations directes avec les personnels
pénitentiaires (85% des SMPR disent être toujours ou souvent en relation directe pour un patient suivi).
Le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) constitue notamment un partenaire important dans la prise en charge des patients. 81% des SMPR disent ainsi avoir toujours ou souvent une relation directe avec ce service chargé de préparer la réinsertion des détenus et des condamnés libres, grâce au recours à des dispositifs d’insertion (hébergement, emploi, suivi médical...) [21]. Des réunions de coordination institutionnelle avec les équipes du SPIP sont organisées par la plupart des SMPR (en moyenne 6 par an). Là encore, la fréquence des réunions varie d’une à douze fois par an.
Les relations liées à la prise en charge des patients sont plus ponctuelles
entre les SMPR et les juges d’application des peines ou les services de
protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Les premiers ne sont par ailleurs
rencontrés que par 42% des SMPR dans le cadre de réunions de coordination institutionnelle (en moyenne 4 par an). Par contre, lorsque les SMPR ont à prendre en charge des mineurs, des réunions fréquentes (14 par an en moyenne) sont organisées avec les services
de la PJJ.

Un partenariat moins répandu avec les secteurs de psychiatrie générale et infanto-juvénile
Les relations des SMPR avec les secteurs de psychiatrie générale ou infanto-juvénile sont moins systématiques pour le suivi des patients, et la gestion des hospitalisations d’office peut en être un aspect qui accroît leur complexité. Toutefois, 62% des SMPR sont toujours ou souvent en relation avec eux, et 46% d’entre eux organisent des réunions de coordination institutionnelle avec les secteurs de psychiatrie générale et infanto-juvénile (en moyenne 8 rencontres annuelles). Une telle coordination avec les autres secteurs de psychiatrie apparaît toutefois indispensable à la qualité de la continuité des soins à l’entrée, pour les patients déjà suivis par le système de soins, et à la sortie de détention.

Une activité de formation et recherche en milieu pénitentiaire
La formation des professionnels constitue une dernière facette de l’activité des SMPR. Près de la moitié des SMPR disent avoir formé des professionnels pénitentiaires et judiciaires. Le nombre de demi-journées réalisées varie de 3 à 23 selon les SMPR. Neuf SMPR ont également effectué des formations auprès des équipes de secteurs de psychiatrie générale et infanto-juvénile (de 1 à 19 demi-journées).
La quasi-totalité des équipes des SMPR (88%) a également accueilli des stagiaires soignants dans le courant de l’année 2003. Huit stagiaires ont ainsi été accueillis en moyenne par équipe (avec un maximum de 19 stagiaires accueillis). Cette pratique est moins répandue pour les non soignants : 62% des SMPR ont accueilli des stagiaires non soignants en 2003, quatre en moyenne dans l’année.
Enfin, la recherche semble plus développée dans les secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire que dans les secteurs de psychiatrie générale : 81% des premiers déclarent avoir participé à des travaux de recherche en 2003, contre 44% des secteurs de psychiatrie générale en 2000.

Des moyens en personnel supérieurs à ceux des secteurs de psychiatrie générale eu égard à la population couverte, mais inférieurs au regard du nombre de patients pris en charge
À première vue, les moyens consacrés à la psychiatrie en milieu pénitentiaire semblent nettement plus importants qu’en direction de la population générale [22].
En 2003, pour une population moyenne de près de 60 000 détenus et un flux de 85 000 entrants de l’état de liberté, on compte ainsi 112 équivalents temps plein (ETP) de médecins et 435 ETP non médicaux exerçant dans les SMPR, ainsi que 61 ETP de médecins et 357 ETP non médicaux des équipes secteurs de psychiatrie générale intervenant en milieu pénitentiaire (tableau 3). En 2000, dans la population générale, pour un secteur couvrant en moyenne 54 000 habitants âgés de plus de 20 ans, les effectifs moyens s’élevaient à 6,2 ETP médicaux et 79,8 ETP non médicaux [23], soit près de 28 fois moins de personnel médical et 10 fois moins de personnel non médical. La part du personnel médical est plus importante dans le personnel intervenant en milieu pénitentiaire que dans la moyenne des équipes des secteurs de psychiatrie générale.
Cependant, compte tenu de l’importance des flux d’entrants et de l’ampleur de la morbidité psychiatrique en prison, ce constat doit être nuancé. En effet, si la taille de la population à couvrir par l’ensemble des SMPR est globalement proche de celle d’un secteur moyen de psychiatrie générale, la proportion de détenus utilisant le système de soins psychiatriques s’avère beaucoup plus importante. Les taux de recours aux soins psychiatriques en milieu pénitentiaire apparaissent ainsi 10 fois supérieurs à ceux en observés en population générale.
En regard du nombre de patients pris en charge en détention, les moyens en personnel mobilisés par les SMPR apparaissent donc finalement inférieurs à ceux observés en psychiatrie générale, et ce, pour toutes les catégories de personnel.
Les établissements pénitentiaires sont inégalement couverts par les équipes de santé mentale selon qu’ils sont sièges d’un SMPR ou pas. Les établissements d’implantation des SMPR concentrent ainsi 42% de la population pénale et disposent de 56% des effectifs soignants exerçant en milieu pénitentiaire. Dans les secteurs de psychiatrie générale intervenant dans le milieu pénitentiaire, les disparités sont en outre très importantes, l’investissement de certain secteurs se limitant à quelques vacations
hebdomadaires.

[1] En application de l’article D398 du Code de procédure pénale

[2] Les UCSA sont des unités hospitalières implantées en milieu pénitentiaire assurant les soins somatiques et psychiatriques incluant la prévention, l’organisation des soins en milieu hospitalier ainsi que la continuité de soins en fin de détention

[3] MOUQUET Marie-Claude, La santé des personnes entrées en prison en 2003, Drees, Etudes et Résultats, 2005

[4] CHRU de Lille, Rapport d’activité 2003 du
SMPR

[5] Chiffres de l’administration pénitentiaire : présents au 1er janvier 2003 et entrants dans l’année. Un détenu transféré dans différents établissements au cours de l’année sera comptabilisé à chaque fois comme un nouvel entrant.

[6] Les établissements pénitentiaires lieux d’implantation des SMPR ont reçu 45% des entrants en détention en 2003

[7] COLDEFY M., FAURE P., PRIETO N., La santé mentale et le suivi psychiatrique des détenus accueillis par les services médico-psychologiques régionaux, Drees, Etudes et Résultats n° 181, juillet 2002

[8] Présents au 1er janvier 2003 + entrants dans l’année (transferts et état de liberté). Un détenu transféré dans différents établissements au cours de l’année sera comptabilisé à chaque fois comme un nouvel entrant, de même qu’un détenu vu dans plusieurs SMPR ou secteurs de psychiatrie générale sera comptabilisé dans l’activité de chaque structure

[9] La file active est égale à la somme des patients présents au 1er janvier de l’année considérée et des nouveaux patients vus dans l’année

[10] Nombre de patients vus plus d’une fois dans l’année rapporté à la population des détenus incarcérés en 2003 (présents au 1er janvier + entrants dans l’année)

[11] Le taux calculé ainsi paraît cependant sous-estimé car le taux de recours réel, qui peut être calculé pour les deux SMPR ne réalisant pas d’entretien systématique d’accueil des nouveaux arrivants, dépasse 340 pour 1 000 détenus dans ces deux établissements

[12] Taux calculé sur la population au 1er janvier 2003 + les naissances et immigrants dans l’année

[13] MOUQUET Marie-Claude, La santé des personnes entrées en prison en 2003, Drees, Etudes et Résultats, 2005

[14] Op. cit.

[15] Supérieure à une fois dans l’année

[16] Le nombre de patients consentants hospitalisés en SMPR en provenance d’un autre établissement était estimé à moins de 400 en 1999

[17] JUAN F., Le dispositif de soins en santé mentale en milieu carcéral : évolution et actualités, Thèse de médecine, 2005, Université d’Angers, 338 p.

[18] Nombre de détenus hospitalisés au SMPR rapporté à la population moyenne. Ce taux descend à 1% si les patients hospitalisés sont rapportés aux présents au 1er janvier + entrants dans l’année

[19] Pendant la durée de la sanction, le détenu est isolé et privé d’achats en cantine, de visites et de toute activité. L’article D251-4 du code de procédure pénale prévoit qu’un médecin examine sur place chaque détenu au moins deux fois par semaine, et aussi souvent qu’il l’estime nécessaire. La sanction est suspendue si le médecin constate que son exécution est de nature à compromettre la santé du détenu

[20] Services pénitentiaires d’insertion et de probation, personnels pénitentiaires autres que les surveillants du SMPR, juges d’application des peines, services de protection judiciaire de la jeunesse...

[21] Décret n°99-276 modifiant le code de procédure pénale et portant création des services pénitentiaires d’insertion et de probation

[22] Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Ministère de la Justice, Améliorer la prévention et la prise en charge sanitaire des personnes détenues, avril 2002, 65 p.

[23] COLDEFY M., Les secteurs de psychiatrie générale en 2000, Drees, Document de travail, série Etudes n°42, mars 2004

 
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