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La prison Saint-Michel veut se faire la belle

Le schéma de réhabilitation souhaité par la mairie en lieu et place de la maison d’arrêt Saint-Michel est actuellement en gestation. Levée d’écrou prévue à l’horizon 2008-2010, mais pour quel projet ?

Pascal Alquier

Faire sauter les murs d’enceinte et lancer les artistes à l’assaut de la prison Saint-Michel. C’est sans doute l’un des projets les plus audacieux de la ville qui vise à transformer l’ancienne maison d’arrêt en vitrine de la vie toulousaine. L’idée n’en est qu’à ses prémices, mais elle fait son chemin. D’autant que, depuis le 27 janvier 2003, le solide portail de la forteresse, encadré par ses hautes murailles et leurs tours de guet de briques roses, ne voit plus passer de détenus.

Certes, le lieu ne s’en laisse toujours pas compter : il faut montrer patte blanche pour pénétrer dans le saint des saints, la cour intérieure du château marquant l’entrée dans l’enceinte pénitentiaire.

Si les 550 prisonniers ont été transférés dans le tout nouveau centre de détention de Seysses, l’établissement regroupe aujourd’hui une quarantaine de pensionnaires du centre de semi-liberté voisin qui a été endommagé par la catastrophe d’AZF en septembre 2001. Mais, à terme, la prison devrait avoir perdu l’ensemble de ses fonctions initiales. Un moment très attendu par les associations de riverains et de commerçants du quartier. « Donnez-nous de l’air ! » implorent-ils tous Richard Edwards, concepteur-réalisateur de projets culturels, chargé de mission par la mairie de Toulouse sur le dossier de l’ancienne prison. Message reçu : « L’idée est d’ouvrir l’espace, explique-t-il, de faire sauter les murs d’enceinte ainsi que les appendices architecturaux, les rajouts datant du XXe siècle et de créer des jardins autour des bâtiments historiques. L’objectif est de mettre fin à la vie de la prison au profit de la cité. Le château fort, par exemple, va s’intégrer à la ville, venir vers elle. » Richard Edwards rendra sa copie en fin d’année. Pour le moment, il procède à un examen scrupuleux de l’inscription de la prison dans le quartier et consulte différents acteurs impliqués ou touchés par la reconversion de ce lieu atypique.

Scénarios à foison

Au sein des associations de riverains et de commerçants, intéressées au premier chef, les idées fusent ! Hostiles ou favorables à cette nouvelle donne, les habitants du quartier ont tous leur petite idée quant à la nouvelle affectation du lieu : le réserver aux associations ou bien installer là un centre sur l’identité européenne ou encore une école de musique de haut niveau, voire un espace consacré aux accents ibériques de la ville...

Le postulat de départ a cependant été clairement défini par Philippe Douste-Blazy, qui prend l’opération très à coeur : « Nous voulons proposer un projet global à Saint-Michel. Un projet d’envergure internationale visant à rapprocher les artistes et les ingénieurs qui donnent, eux, son image de marque à Toulouse. Pour cela, nous devons acheter la prison qui appartient toujours au ministère de la Justice. » En effet, la maison d’arrêt reste propriété du garde des Sceaux, qui attendra le rapport de faisabilité d’un tel programme avant de céder les clés du site à la ville. « Le maire veut un projet visible, reconnaissable et pas une institution supplémentaire. Pas une villa Médicis, elle est à Rome, qu’on la laisse là où elle est ! » ajoute Richard Edwards.

Lumière,volumes et majesté

La particularité de la maison d’arrêt Saint-Michel réside dans son architecture en étoile, insoupçonnable pour le quidam que son parcours n’a jamais conduit dans un tel établissement. Passé la deuxième cour, le couloir, autrefois très surveillé, est barré par nombre de grilles qu’il suffit, aujourd’hui, de pousser. Désormais vide, ce couloir amène le visiteur au coeur de la prison, à la rotonde. Celle-ci est surmontée d’une coupole, invisible toutefois en raison des deux entresols rajoutés au fil du temps.

Richard Edwards voudrait les faire détruire, car cela redonnerait une dimension impressionnante à l’ensemble, un peu à l’image de la nef d’une cathédrale. De la rotonde, on accède aux cinq branches de la fameuse étoile. « L’architecture de cette prison construite au milieu du XIXe siècle répondait bien aux contraintes pénitentiaires de l’époque, confie le directeur du centre de semi-liberté, Christian Sudreau. Elle fut pensée sur le modèle architectural des établissements carcéraux américains. » La cour de promenade entourée de barbelés paraît étrangement vide et calme aujourd’hui. Autrefois théâtre d’échanges verbaux colorés comme de discussions animées avec des proches des détenus qui se pressaient derrière les murs d’enceinte ou se hissaient dans les arbres voisins, elle a retrouvé sa sérénité. Sur les façades, des fenêtres ajoutées lors de la création de nouveaux espaces de détention témoignent de l’exiguïté des cellules. Ces fenêtres supplémentaires devraient disparaître, tout comme les murs séparant les cellules, pour redonner, là aussi, du volume et de la majesté à ces cinq branches. Chacune d’entre elles pourrait être dévolue à une discipline culturelle différente et permettre la résidence d’artistes.

Si les pistes de réflexion sont nombreuses, « la volonté municipale est de privilégier l’aide à la création et de favoriser la rencontre de l’intelligence et de l’imagination. Une notion qui fait sens, ici », souligne Marie Déqué, adjointe chargée du dossier culturel à la mairie.

Tout un quartier réhabilité

Des jardins sont également envisagés, qu’on imagine ouverts sur les rues avoisinantes. De quoi disposer de nouveaux havres de paix dans ce quartier souvent qualifié de « dortoir » et encerclé par de grands axes de circulation : la grande rue Saint-Michel, les allées Jules-Guesde et l’avenue Crampel. A terme, de nouveaux aménagements de la zone interviendront, tels que ceux entrepris sur la ZAC des Menuisiers. Avec la restructuration du muséum d’histoire naturelle, la réhabilitation de la place du Salin et l’arrivée de la ligne B du métro en 2007, ils conféreront au quartier une nouvelle image résolument positive. La réhabilitation de la prison s’inscrit donc parfaitement dans cette logique.

La concrétisation de cette volonté politique demandera du temps. D’autant qu’elle passe par la prise en compte des aspirations de tous. Mais, à l’issue de ce processus, l’ex-prison Saint-Michel, pour atypique qu’elle soit dans le décor du « faubourg SaintMichel » défini par Richard Edwards, devrait faire, enfin, la fierté de ses riverains.

Source : le point 07/11/03 - N°1625