Publié le lundi 20 février 2006 | http://prison.rezo.net/l-islam-carceral-par-farhad/ Dans une enquête inédite l’islam apparaît comme étant la religion majoritaire dans les prisons françaises. Rencontre avec son auteur... (article paru dans Le Nouvel Observateur 2055 du 25 mars 2004) La prison est le révélateur d’un problème majeur qui concerne toutes les institutions en France et en Europe : celui de l’adaptation de l’islam à nos sociétés occidentales. Il s’ajoute en France le problème d’une interprétation trop restrictive de la laïcité. Notre vision défensive de la laïcité fait obstacle et interdit d’imaginer des solutions d’intégration originales. La loi sur le voile est, qu’on le veuille ou non, souvent interprétée comme une loi d’interdiction, pas d’intégration. L’ensemble des mécanismes présidant à l’intégration sociale et culturelle se révèle en crise. Veut-on une solution à l’américaine qui mise sur le toutrépression ? Il y a en France des milliers de jeunes musulmans qui sont persuadés qu’ils n’ont aucune chance de réussir dans cette société. Il faudrait pour les sortir de cette impasse un véritable traitement thérapeutique social accompagné par des mesures concrètes. La prison est pour l’instant impuissante à traiter ce problème. L’institution pénitentiaire n’a pas pris la mesure des transformations majeures depuis quinze ans au sein de la population carcérale. En deux ans, il y a 10 000 détenus de plus dans les prisons françaises. Soit aujourd’hui 60 000 détenus. L’islam est devenu une donnée très importante de la société française. Ce phénomène n’est pas externe, telle l’image de l’islam en Afghanistan, en Iran ou en Irak, mais interne. Il faut tenir compte de l’émergence d’un islam européen et accepter le fait que l’on vive aujourd’hui dans une société multiculturelle. On a toujours du mal à le reconnaître. Les attitudes de rejet et de l’ostracisme peuvent donc avoir des effets pervers. Il faut pour affronter cette nouvelle réalité combiner des mesures culturelles, sociales et économiques et non prioritairement répressives. Et également ne pas occulter l’étendue du problème derrière le paravent de la laïcité. Nos sociétés traversent une phase de crispation et redoutent de plus en plus de s’ouvrir. Elles cherchent à se protéger à court terme des effets de la mondialisation. L’islam carcéral n’est ni un phénomène transitoire ni une spécificité purement française. Il est destiné à devenir un trait structurel de nombre de sociétés européennes. Il y a un double défi. Du côté des sociétés européennes, le problème consiste à intégrer les minorités musulmanes sur le plan social et culturel. Du côté des minorités, il s’agit de se faire admettre tout en acceptant les normes culturelles des sociétés laïques au sein desquelles elles ont choisi de vivre. La prison traduit l’échec de ce projet d’intégration pour une partie des minorités de confession musulmane. Il est temps de mettre fin à cet échec en rompant avec une représentation de la laïcité qui dissimule de plus en plus mal l’impuissance des institutions à traiter des difficultés liées à l’irruption de l’islam dans la société française. Il faut pour cela retrouver une laïcité offensive. C’est un vrai défi. Propos recueillis par Gilles Anquetil En France, sur 188 établissements pénitentiaires et 918 aumôniers, seuls 69 sont musulmans, soit 7,5%. Ce pourcentage paraît d’autant plus faible que parmi les 25% d’étrangers incarcérés, presque 65% sont originaires d’Afrique et pour la majorité du Maghreb. |