Publié le vendredi 5 mai 2006 | http://prison.rezo.net/2005-06-editorial-d-alterego-le/ Editorial Tous les jours arrive cette histoire. Une équipe soudée par des années d’expérience sur le terrain d’un travail social qui paraît impossible, Des enfants à la dérive, des réfugiés dans des camps d’urgence, des services de santé pour une population errante, des centres d’accueil pour des adolescents perdus, des foyers de femme battues, des migrants, des délinquants, des toxicos. Ces équipes sont composées de travailleurs sociaux et de bénévoles, qui ramassent les gens dans les fossés, sur les routes, dans la rue, sans domicile fixe, dans les squats, jour après jour, nuit après nuit, des hommes et des femmes qui accueillent, aident, redressent, serrent des mains, tendent un café chaud, renseignent, orientent, réussissent et échouent. L’administration et la société les ont placés aux premières lignes d’un combat qui jamais ne cesse. lls travaillent sous la pression des urgences et sous la surveillance d’une opinion sans complaisance, qui leur murmure à l’oreille : arrêtez d’aider les épaves, à quoi bon, allons, un bon coup de balai, enfermons tous ces gens, vos efforts sont vains. lls continuent, ils persistent. lls doivent tendre leur énergie, leur intelligence, leur compétence, pour aider ceux et celles qui ont le plus besoin d ’aide, et en même temps persuader les pouvoirs publics, les politiques, les administrations, que leur travail est utile, qu’il doit être encouragé, financé, soutenu, ll leur faut être efficaces dans le travail et exemplaires dans leur comportement. ll faut ramasser la boue et rester propres, gérer la folie et garder raison. Et puis un jour, sans crier gare, ils découvrent que parmi eux, qui doivent être exemplaire, le pire arrive. Une infirmière tue au lieu de soigner, un pédagogue massacre au lieu d’éduquer un policier rejoint le rang des criminels. 0n connaissait cette personne, elle était intelligente, dévouée, aimable, au dessus de tout soupçon et pourtant elle menait une double vie. Le jour, elle soignait l’horreur, la nuit, elle y participait. Tous sont bouleversés, atteints en plein cæur. Il suffit d’une personne, d’une seule, qui bascule dans l’infamie, dans la monstruosité. pour mettre en cause tout leur travail. Les bonnes consciences exultent : on vous l’avait bien dit, il faut être tordu pour s’occuper des exclus, des épaves, des malades. Nous étions surs de bien travailler, d’obtenir des résultats. Nous ne craignions qu’une chose : que le ciel nous tombe sur la tête. C’est arrivé chez nous, à EGO. Ce n’est plus un fait divers qu’on lit distraitement. L’un des nôtres, nous a trompés pendant des années. Nous sommes impuissants. ll ne nous reste que la colère, l’effroi, les pleurs, l’indignation et une énorme compassion et solidarité oour les victimes et à remercier du fond du cæur tous ceux et celles qui, dès la première heure, nous ont soutenus dans cette difficile épreuve. ll ne nous reste plus qu’à compter les dégâts, qu’à faire le deuil d’une relation de plusieurs années, qu’à reconstruire ce qui a été détruit. ll faudra du temps pour surmonter un tel traumatisme. Mais nous ne donnerons pas raison à ceux qui utilisent le drame pour remettre en cause notre travail. Nous continuons. Editorial publié dans le numéro 48 -2ème trimestre - du trimestriel Alterego le journal publié par Espoir Goutte d’Or |