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Les voix de la prison : Parloir avec toi mêle témoignages de femmes incarcérées et de conjointes de détenus

Les voix de la prison
Parloir avec toi mêle témoignages de femmes incarcérées et de conjointes de détenus(29/03/2006)

Ce n’est pas un livre à thèse mais un "roman polyphonique" qu’a écrit Sophie Lucet. Cette maître de conférence en études théâtrales souhaitait "faire entendre les voix" de femmes dont la vie est centrée sur la prison. Certaines sont enfermées, à Caen ou à Bamako, d’autres attendent un mari ou un fils incarcéré. Sophie Lucet a longuement écouté toutes ces femmes.

Parloir avec toi est composé de ces paroles entrelacées, de ces voix qui racontent l’enfermement ou l’attente, les soucis matériels, les états d’âme. On y découvre par bribes les histoire de ces femmes, jeunes ou vieilles, "indigentes" ou venues d’un milieu aisé, en prison pour vol, meurtre ou pédophilie.

"On se cache, en prison"
Marie [1], incarcérée pour trafic de stupéfiants, a participé aux ateliers de discussion organisés par Sophie Lucet à la maison d’arrêt de Caen. Aujourd’hui libre, elle se souvient de ces rendez-vous hebdomadaires comme d’"un rayon de soleil". "On se cache beaucoup, en prison. On ne sait pas pourquoi certaines sont là. On l’apprend par des on-dit. D’autres se dévoilent dans les cellules."

De sa voix douce, Marie raconte la prison. Quatre filles dans 10 m 2 - "quand j’allais partir, ils prenaient des mesures pour mettre un troisième lit en hauteur, pour arriver à six par cellule" -, trois douches par semaine, des détenues "shootées aux calmants" ou collées à la télévision "24 heures sur 24". Pour ça, comme pour tout le reste, il faut payer, "cantiner", dans le langage des prisons.

Le plus dur, pourtant, ce n’est pas le manque de confort, c’est "l’arrachement" à la famille, surtout pour les mères. "La plus grande peine, pour une femme, c’est qu’on la prive de son enfant. Certaines deviennent folles, d’autres se suicident". "Combien de fois j’ai entendu des femmes pleurer parce qu’elles cherchaient leur mère ou leur enfant", renchérit Sophie Lucet.

Derrière les barreaux, la violence existe, mais aussi la solidarité. "La prison, c’est un cocon, affirme Marie. La sortie, c’est la peur de tout. Sans soutien, on ne peut pas s’en sortir." Anne-Aël Durand

Source : Métro

[1] Le prénom a été changé