Publié le jeudi 11 mai 2006 | http://prison.rezo.net/2006-blog-08-le-regne-animal/ En zappant je suis de tomber sur une émission s’appelant « 30 millions d’amis » et c’est le genre de programme que j’exècre et qui m’est insupportable, car on y fait l’apologie de l’adoration animalière qui frise souvent le ridicule et le pathétique. Je déteste cette espèce d’affection sans borne que l’on voue aux animaux de compagnie, sorte de nouveau culte contemporain où l’on personnifie l’animal au point qu’il s’incarne en un individu à part entière parmi les humains. C’est ainsi que beaucoup de « maîtres » finissent par accorder à leurs animaux une importance, un attachement et des sentiments parfois disproportionnés. Nous vivons dans une société ou les chiens les chats ont pris le pouvoir, on leur a octroyé un statut sociale comparable, voir supérieur, à certaine catégorie de personnes vivant dans la précarité et c’est ce qui me révolte le plus, cela me rappelle le fameux « sketch » de Raymond Devos où petit à petit le chien prenait le rôle du maître... En face de ma fenêtre à barreaux, je peux voir chaque soir quelques personnes sortir leurs « toutous » pour leurs besoins et sachant qu’il y a des millions de ces petites bêtes poilus, je ne peux m’empêcher de penser qu’ils sont tous, au fond, prisonniers de ce rite quotidien et esclaves de leurs canidés. « La mort ça devrait pas exister pour les animaux... » C’est dire si ça va loin et que la vie humaine n’a plus vraiment d’importance, peut-être est-ce la faute de l’orgie de tueries que l’on voit chaque soir sur le petit écran. La mort de la race humaine finit tellement par se banaliser que cela paraîtrait suspect que cela s’arrête un jour ! Dernièrement j’ai vu qu’un hôtel de luxe pour animaux de maîtres fortunés avait ouvert ses portes. Il y a aussi des instituts de massage pour chiens et chats, des psys pour animaux stressés, des salons de coiffure et de toilettage, des bijoux colliers, des concours de beauté, des cimetières pour ces petits compagnons et aussi l’industrie alimentaire de la croquette avec « régime spécial » contenant plus de vitamines qu’un petit africain ne pourra jamais en consommer dans sa vie écourtée par la faim... Bref ce monde occidental décadent se transforme en chenil de luxe pour cabots capricieux et perd toute notion des priorités et ça j’ai pu le constater lors du génocide Rwandais. « Personne n’a réagi et le monde entier à laisser perpétrer ce génocide, mais s’il avait été question de l’extermination des derniers gorilles de la forêt, les médias, l’opinion mondiale, ainsi que les gouvernements seraient immédiatement intervenus... » Ma vie de prisonnier vaut moins que celle d’un chien et cela me fait une drôle d’impression que de vivre une telle expérience, cela me donne une réelle notion de ce qu’est ma place dans cette société où règne la dictature de l’animalité domestique. Les détenus et leur déplorable condition de vie n’intéressent pas les pouvoirs publics et l’opinion. Par contre, si l’on parle d’un cas de maltraitance animale on verra « la Bardot » et autres associations monter au créneau pour défendre leur cause et les gens la larme à l’œil prendront fait et cause pour cette lutte et seront même prêt à descendre dans les rues pour la défense de ces animaux en danger... Tous les week-ends Drucker s’invite dans les foyers lors de son émission « vivement dimanche » et qui peut-on y voir vautrée sur son canapé rouge, « Olga », sa chienne ! De temps en temps l’actualité s’emballe en s’emparant de quelques faits divers liés à des animaux comme « Cannelle », l’oursonne des Pyrénées, abattu par un chasseur, la baleine de la Tamise qu’on a essayer de sauver avec de gros moyens, le chat de Blair, le chien du président Bush, l’Orque d’Hollywood qu’on essaya de réintroduire en milieu marin à coup de millions de dollars...sans parler de ces dauphins rendus sympathiques par le « Grand bleue » et autres mammifères adorables qui deviennent de temps à autres de véritables héros, tout cela provoque une émotion populaire que je trouve déplacé et exagéré dans un monde où tant d’humains se meurent de tant d’horreurs. Voilà pourquoi en prison on a tant de mal à regarder ce genre de programmes alors que l’on fait si peu cas de notre situation, ils n’ont que ce qu’ils méritent, penseront certain. Peu importe, il est temps que l’humanité reprenne ses droits et que le « sketch » de Devos ne devienne pas une réalité. Il est temps pour vous de regarder en face la souffrance de vos voisins, proches ou éloignés, pour essayer de les soulager d’une façon ou d’une autre, car demain, qui sait, c’est peut-être votre vie qui ne vaudra pas plus que celle d’un chien... A bientôt sur le « BLOG » pour la suite. |