Forum du 29/11/2005 avec Nicole Maestracci
(présidente du tribunal de Grande Instance de Melun, présidente de la Fnars (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale))
question de : Internaute
> Bonjour Madame la Présidente ?
êtes vous pour la peine alternative ?
pour le bracelet electronique ?
pour une liberté resteinte, sous surveillance caméra vidéo ?
enfin, que devient le présent et l’avenir des enfants dont l’un ou l’autre des parents est retenu ? notre société ne doit en aucun cas fabriqué des victimes, bien au contraire ce sont ceux qui ont le plus besoin d’affection de tendresse pour en faire de bons citoyens.
avec toute l’instruction civique obligatoire à remettre à l’ordre du jour.
merçi au nouvel obs d’avoir invitée une Présidente sensible et déterminée à apporter sa contribution pour une réforme visible, avec une tracabilité et transparence afin de moderniser cette tâche qu’est rendre justice avec toutes les mesures d’accompagnement pour tous les enfants !
Réponse > Je précise que j’interviens en tant que magistrat mais surtout en tant que Présidente de la Fédération Nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) qui regroupe 750 associations. Ces associations gérent des centres d’hébergement qui accueillent notamment des personnes sortant de prison et des personnes condamnées à des peines alternatives.
Chaque fois que c’est possible, je pense qu’il est toujours préférable de prononcer des sanctions qui n’enferment pas et préparent à la sortie : le travail d’intérêt général (qui permet d’effectuer un travail auprés d’une association ou d’une municipalité) le sursis avec mise à l’épreuve (qui permet de ne pas effectuer sa peine de prison si on respecte un certain nombre d’obligations et également le placement à l’extérieur (possibilité d’effectuer une peine de prison tout vivant et en effectuant un travail à l’extérieur de la prison.
Je suis également pour le placement sous surveillance électronique à condition qu’il soit lilité dans le temps et assorti d’un accompagnement social
question de : Internaute
> quand une personne est en prison, c’est son corps qui est retenu, pas son esprit qui garde la liberté, autant rendre le corps à l’esprit, et innover les nouvelles formes de justice : dites nous ce que vous avez comme idée réformatrice, laisser parler votre coeur pour une fois.
Réponse > Je crois que beaucoup de nouvelles peines ont été expérimentées avec succés ces dernières années. Nous savons notamment que les personnes qui bénéficient d’une peine alternative récidivent moins que les autres. Cependant la prison reste encore malheureusement la peine de référence pour l’opinion publique.
question de : Internaute
> Je déplore que les droits de l’homme ne soient pas appliqués dans les prisons et que certains détenus doivent attendre si longtemps avant d’être jugés .
Réponse > Les délais ne sont plus aujourd’hui aussi longs qu’avant. Cependant vous posez le problème de la détention provisoire qui concerne environ 34% des 59OOO détenus.
Beaucoup de personnes qui sont aujourd’hui en détention provisoire pourraient en effet attendre leur jugement en étant placé sous contrôle judiciaire.
A l’inverse un certain nombre de personnes sont jugés trop rapidement (notamment en comparution immédiate), ce qui ne laisse pas toujours le temps d’avoir les informations nécessaires sur leur personnalité, leurs conditions de vie et les perspectives de réinsertion.
question de : josue
> leprisons son des mouroirs
Réponse > Aujourd’huib la loi (loi de 2002) permet de suspendre la peine pour raison de santé lorsque l’état de santé de la personne concernée est incompatible avec la détention ou lorsque son pronostic vital est engagé.
Cette loi est malheureusement peu appliquée.
La FNARS est intervenue à plusieurs reprises avec d’autres associations pour demander qu’elle soit réellement appliquée
question de : j-m
> bonjour, étez vous aller en Suisse voir comment font les Suisses pour lutté contre la toxicomanie ?
Réponse > Oui, je suis allée plusieurs fois en Suisse. Ils ont ont notamment développé des programmes de prise en charge des héroïnomanes sous substitution particulièrement interessant. En France, nous l’avons fait plus tard mais les 2/3 des héroinomanes sont également aujourd’hui sous substitution.
question de : dan89
> Bonjour,
La prison telle qu’elle se présente aujourd’hui est déjà bien trop humaine, pour être répréssive, mais l’arrivée du bracelet electronique n’est pas du tout répressif, les magistrats ont il conscience qu’un individu ayant un bracelet electronique qui certe limite ses déplacements mais le laisse libre, n’est casiment inutile en matière de repression. Ce bracelet electronique ne peut être considéré pour ma part qu’un complément en matière de controle judiciaire m’ais absolument pas à une sanction.
Si je ne me trompe la prison eétait et doit être un moyen de préserver la société d’individu qui la mette en danger , en plus d’un moyen de répression.
Pourquoi j’ai le cas , un individu condamné à 5 reprises en 7 ans à da la prison ferme du sursis , sursis annuler pour la même affaire , l’individu totalise plus d’un an de prison ferme à chaque jugement il a eut des mises à l’épreuves jamais respecter. cet individu aujourd’hui se moque éperdument les décisions de justice IL NE SE PRESENTE AU TRIBUNAL UN JUGEMENT SUR DEUX IL N A JAMAIS FAIT APPEL.Pourquoi il n’a t il à ce jour pas fait un seul jour de prison ? eST CE QUE LA JUSTICE EST LAXISTE ? est ce que les magistrats rendent des jugements, mais en fait cela n’a que peut de valeur, pour qu’on ne les appliques pas.
Depuis 6 ans je me bats pour qu’enfin ces jugements soit mis en .
Réponse > La question n’est pas de savoir si nous sommes plus ou moins répressif mais si nous prononçons des peines efficaces, qui réduisent le risque de récidive.
Or, nous savons justement que les personnes qui sortent en libérationn conditionnelle avant la fin de leur peine récidivent moins que celles qui sortent en fin de peine.
Pourquoi ? Parce qu’elles bénéficient d’un contrôle mais aussi d’un accompagnement social.
Les services d’insertion et de probation et les associations qui les représentent ont une expérience et un savoir-faire qui leur permet de réduire considérablement les risques.
La population pénale est en outre trés hétérogène. La plupart des personnes condamnés le sont pour des petits délits et restent peu de temps en prison.
question de : Internaute
> Que faire contre la partialité gauchiste d’une énorme proportion des juges en France ?
Réponse > Je sui surprise de votre question. La fonction de juger exige une impartialité absolue en application de la convention européenne des droits de l’homme.
On ne peut pas dire par ailleurs que la justice est de plus en plus laxiste dés lors que les prisons n’ont jamais été aussi pleines.
La question qu’on doit donc se poser, c’est plutôt l’efficacité de la sanction/ Il faut pour cela que cette sanction ait du sens aussi bien pour l’auteur des faits, que pour la victime et l’opinion publique mais aussi que le condamné soit accompagné dans la durée.
question de : Internaute
> Vous arrive-t-il en tant que juge de volontairement ne pas appliquer la loi ?
Réponse > Un juge applique nécessairement la loi mais la loi laisse une marge d’appréciation au juge. Elle se contente de fixer la liste et la définition des infractions pénales ainsi que le plafond des peines applicables.
Dans ce cadre, il appartient au juge d’individualiser la sanction en l’adaptant à la personnalité de chaque condamné. C’est également la loi qui le lui impose.
question de : Internaute
> Que pensez vous de la réforme de la loi de 1970 envisagée par Nicolas Sarkozy ?
Réponse > Je pense qu’en tout état de cause la marge de manoeuvre législative de la France est étroite parce qu’elle a signé des conventions internationales qui l’obligent notamment à prévoir des sanctions pénales pour la détention (et non l’usage) de stupéfiants.
Actuellement l’usage est puni d’une peine de 1 an d’emprisonnement. Même si de telles condamnations sont exceptionnelles, c’est beaucoup trop et ce n’est donc pas crédible Prévoir pour les usagers de simples contraventions serait déjà un progrés même si cela ne résoud pas tout
question de : Internaute)
> Etes vous d’accord avec l’ensemble des propositions de l’Obs ? Certaines vous semblent-elles aller trop loin au au contraire pas assez loin ? Que manque-t-il ?
Réponse > Toutes ces propositions sont pertinentes. Elles reprennent d’ailleurs des propositions faites de longues dates.
Une politique publique ne peut cependant se résumer à un catalogue de mesure. La politique pénale se développe trop souvent sans lien avec la politique sociale.
On oublie souvent que pour l’essentiel, les détenus passent un trés court temps. La moitié des personnes qui rentrent en prison y restent moins de 6 mois. Cela veut dire qu’on ne peut penser une politique à l’intérieur de la prison sans penser à ce qui se passe avant et aprés. C’est là que la FNARS insiste pour le développement de libération conditionnelles ou de mesures de probation qui permettent un véritable accompagnement individualisé à la sortie.
Il faut savoir que certains détenus sortent encore de Fleury Mérogis à 2 heures du matin avec une somme qui leur permet juste de payer une nuit d’hôtel.
Cette situation est évidemment source de récidive.
question de : Internaute
> Bonjour,
Depuis des jours, je lis les propos sur ces forums. J’essaye de comprendre la relation entre la société et la prison.
Un humain commet une faute, on le punit en restraignant ses libertées, en le coupant de la société qu’il peut mettre en danger à travers ses actions.
Les uns peuvent dire que la prison est une occasion pour prendre conscience de ses fautes, des nuisances occasionnées. D’autres de dire que la prison rend encore plus fous les humains, car les conditions de détentions étant inhumaines...
A aucun moment, je n’ai entendu parler de réparation des préjudices causés.
Le coupable se voit offrir une occasion de reconnaitre ses fautes, mais la ou les victimes ne voient pas ses domages réparés. Je trouve cela domage. Car la réparation n’est-elle pas la suite logique de la reconnaissance de la faute ? Cela responsabiliserai plus le fautif et pourrait l’aider à retrouver sa dimension humaine qu’il peut perdre en prison. Qu’en pensez-vous ?
Réponse > Si vous avez cette impression, c’est que la prison est beaucoup plus médiatisée que les autres sanctions. Ces dernières années les peines de réparation ont été beaucoup développées pour les mineurs. Par ailleurs, le travail d’intérêt général est une sorte de réparation indirecte. La victime est également beaucoup plus présente dans le procès pénal : des sursis avec mise à l’épreuve et des libérations conditionnelles sont prononcés avec obligation d’indemniser la victime.
Ce n’est pas parfait mais aujourd’hui la loi permet de mettre en oeuvre les peines que vous appelez de vos voeux.
question de : Internaute
> Il est à noter que la population carcérale vieillit, tout comme notre société du reste.
Elle vieillie depuis la suppression de la peine de mort et depuis qu’on déterre des vieilles affaires à juger. Dans ce dernier cas , qu’elle est l’utilité d’enfermer une personne agée et donc diminuée qui ne pourrait plus nuire ? L’enfermement dans une prison, qui du reste n’est pas forcément adaptée pour le 3ème age, est-il vraiment nécessaire ?
Réponse > Les personnes de plus de 50 ans ne représentent que 11% de la population pénale et les détenus de plus de 60 ans 3%. Pour l’essentiel, la population carcérale est donc une population jeune, incarcérée pour de courtes peines liés à la moyenne délinquance urbaine.
Il est vrai en revanche que l’augmentation des condamnations pour délits sexuels (commis pour l’essentiel dans le cadre familial) et l’allongement des trés longues peines a entraîné un vieillissement de la population pénale. Il reste cependant relatif
question de : Internaute
> Pouvez-vous nous dire à quoi servent les prisons ? A protéger la société et/ou à "améliorer" les prisonniers ?
Réponse > dans la loi, la prison a une double mission : la garde (c’est à dire protéger la société) et la réinsertion. Il est vrai que dans les faits, la mission de réinsertion reste un peu le parent pauvre.
Pourtant, si on veut que la prison ne soit pas un temps mort, en d’autres termes que les détenus soient mieux insérés à la sortie qu’à l’entrée, il faut préparer la sortie dés l’entrée et prévoir un accompagnement social dés l’entrée (logement, emploi, formation, situation familiale, suivi psychiatrique etc...). C’est ce que les associations de la FNARS en liaison avec le SPIP essaient de faire.
question de : Internaute
> Ma question : Les politiques - et surtout les médias - ont-ils tant la mémoire courte ??? par exemple, avec la publication du rapport Chabalier la France a l’air de rédécouvrir que l’alcool est une drogue, et une drogue dangereuse... Qui a rappelé à cette occasion la politique pragmatique - et courageuse - menée par Mme Maestracci entre 1998 et 2002 ? Et l’absence de politique publique depuis...
Olivier Roche - Paris
Réponse > Merci de le rappeler mais cette amnésie sélective montre bien qu’il faut parcourir un long chemin pour que les mentalités évoluent et que les décideurs résistent au lobbies de toute sorte.
question de : virginie
> bonjour,
Lors des assises, comment expliquez-vous à un jury ce que c’est l’intime conviction pour juger de la culpabilité ou non d’un prévenu ?
Comment enlever la subjectivité , les apprioris pour garder que l’impartiabilité ?
Réponse > Au début de chaque session d’assises aprés le tirage au sort des jurés, le président de la cour d’assises explique aux jurés le cadre dans lequel ils vont juger ( l’intime conviction, le doute qui doit profiter à l’accusé etc...)Beaucoup de présidents d’assises organisent également une visite de prison ;
question de : Internaute (postée le 29/11/2005 à 16h36)
> Bonjour,
Les magistrats sont-ils informés par des rapports sur la population carcérale, l’état des prisons ? Et surtout, peuvent-ils faire des propositions pour faire évoluer cette situation déplorable ?
Réponse > Les magistrats sont régulièrement informés de l’état de la population carcérale. Mais il est vrai que dans leur pratique quotidienne, les magistrats ne sont pas obligés de se poser la question de l’encombrement des prisons dés lors que celles-ci sont obligées d’accepter toutes les personnes pour lesquelles une décision d’incarcération est prise.
Les juges de l’application des peines sont régulièrement présents dans les prisons. Il sont compétents pour toutes les décisions d’aménagement de peines (libération conditionnelle, permission de sortie, placement à l’extérieur, placement sous surveillance élecronique). Ils peuvent aussi transformer en peine de travail d’intérêt général den courtes peines d’emprisonnement.
question de : Internaute
> Quel est le rôle du TGI par rapport aux autres juridictions ?
Réponse > Le tribunal de grande instance est le tribunal de première instance pour tous les contentieux. On retrouve en son sein les juges civils (succession, contrats, responsabilité...), les juges aux affaires familiales (divorce), les juges des enfants, les juges d’instruction, les juges de l’application des peines, le tribunal correctionnel, la cour d’assises et les juges du tribunal d’instance (petits litiges de proximité).
question de : Internaute
> Que pensez-vous des lis dites Perben 2, notamment à propos du "plaider coupable" à la française ?
Réponse > Nous avions déjà mis en oeuvre la composition pénale qui est une forme de peine négociée avec le procureur et homologuée par le juge.
La Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité obéit à la même logique. Il s’agit d’une procédure interessante à la condition que le juge puisse vérifier dans de bonnes conditions la réalité de l’infraction, le consentement du condamné et la proportionnalité de la peine proposée par le parquet.
Pour le moment, dans la plupart des tribunaux, cette procédure est utilisée pour les infractions sécurité routière (conduite en état alcoolique en récidive etc...)
question de : Internaute
> Madame, parlez-nous des cas de la proportion de personnes souffrant de psychose dans le milieu carcéral...
Réponse > Une étude épidémiologique récente a montré que le nombre de détenus ayant des problèmes psychiatriques en prison est important : 8 hommes détenus sur 10 et 7 femmes sur 10 présentent au moins un trouble psychiatrique de plus ou moins grande gravité parmi lesquelles les psychoses (notamment schizophrénie) ne représenteraient qu’environ 14%.
La prise en charge psychiatrique à l’intérieur des prisons n’est pas à la hauteur des enjeux de sorte que tous les détenus qui en auraient besoin ne sont pas suivis. De même le suivi psychiatrique à la sortie est loin d’être systématiquement organisée.
question de : Internaute (postée le 29/11/2005 à 17h04)
> on parle souvent de reinsertion ,mais avant d’y penser faudrait evoquer l’insetion
Réponse > Vous avez raison.Les personnes qui entrent en prison étaient pour la plupart dans une situation précaire avant de commettre des délits. 45% seulement avaient une activité professionnelle avant la détention. 54% n’ont aucun diplôme et 18% sont illetrés.
question de : Internaute
> Bonjour Madame la Présidente,
Vous qui étiez et qui êtes encore dans la mouvence de ceux qui veulent dépénaliser le cannabis, condamnez-vous dans votre région des jeunes pour usage de stupéfiants ?
Serge LEBIGOT
Président de l’Association Parents Contre la Drogue
Réponse > justement, si vous m’aviez bien lu, vous sauriez que je n’ai jamais utlisé les mots de dépénalisation du cannabis (voir notamment le que sais je ? sur les drogues que je viens de publier) mais plutôt une politique qui privilégie les réponses sanitaires pour les usagers et une réponse pénale effective pour les trafiquants. Ce n’est en aucun cas contraire à la loi.
J’avais également préconisé une plus grande attention à la question de la consommation excessive d’alcool (qui entraîne de nombreux délits : insécurité routière, violences conjugales et familiales etc...)
Je vais maintenant vous quitter. Je sais que je n’ai pas répondu à toutes vos questions mais je reviendrai si le nouvel obs me réinvite.
A bientôt donc et merci
Source : Nouvel Obs