Publié le mercredi 25 octobre 2006 | http://prison.rezo.net/collectif-octobre-2001-sanctionner/ Sanctionner le crime dans le respect des droits de l’Homme Le Collectif Octobre 2001 regroupe plusieurs formations (associatives, politiques, syndicales...) oeuvrant toutes et ensemble pour rappeler et défendre l’abolition de la peine de mort. Ce texte d’orientation est le résultat de la mise en commun de la réflexion des organisations signataires du Collectif Octobre 2001 et élabore de nouvelles propositions en matière pénale et pénitentiaire. Membres adhérents Préambule : Le collectif "Octobre 2001" a été constitué à l’occasion du XXe anniversaire de l’abolition de la peine de mort en France (loi du 9 octobre 1981) : Après le texte fondateur du 13 février 2001, ce nouveau texte d’orientation tient compte des travaux menés par le collectif depuis 5 ans. Il s’inspire tout particulièrement des recommandations les plus récentes du Conseil de l’Europe : Les organisations signataires, qui représentent à la fois des acteurs du champ judiciaire et pénitentiaire, et des citoyens engagés sur ces questions, considèrent que le débat public et les évolutions législatives doivent intégrer les orientations qui suivent : 1 - Les formes de sanction prononcées à l’encontre des auteurs d’infractions pénales traduisent les valeurs fondamentales d’une société. A la fin du 18ème siècle, Beccaria affirmait déjà « En donnant aux hommes l’exemple de la cruauté, la peine de mort n’est pour la société qu’un mal de plus (...). La peine de mort n’est pas un droit mais une guerre de la nation contre le citoyen ». Une exécution capitale n’est jamais un acte de légitime défense face à une menace de mort immédiate. C’est une agression physique et morale définitive à l’encontre d’une personne que les autorités ont déjà réduite à l’impuissance. Légitimer pour une communauté d’individus la possibilité de supprimer la vie de l’un de ses membres, prisonnier sans défense, ne peut avoir d’effet sur l’apprentissage du respect de la vie d’autrui. Aucune efficacité dans la prévention de la criminalité n’a jamais pu être imputée à la peine de mort. On ne peut pas justifier une peine irréversible prononcée par une justice par nature faillible. 2 - Le 9 octobre 1981, l’abolition de la peine de mort fit triompher en France le caractère inaliénable du droit à la vie pour chaque individu. 3 - Plusieurs textes érigent cette abolition en obligation juridique de droit international : Textes à portée régionale : 4 - Une majorité de pays dans le monde a aboli la peine de mort, en fait ou en droit. Au 12 avril 2006, sur un total de 196 pays : 5 - Plus généralement, affirmer que tout être humain est susceptible d’évoluer oblige à abolir toute forme de mise à l’écart définitive. 6 - Les mesures de sûreté ont des effets restrictifs de la liberté individuelle. Comme les peines, elles ne doivent donc pas échapper aux principes d’individualisation et de proportionnalité. 7 - La prescription des soins médicaux doit conserver un caractère autonome par rapport à la peine. La prescription d’une thérapie ne peut se justifier qu’après la reconnaissance d’une maladie ou d’une pathologie identifiée. Elle ne peut pas être dictée par une condamnation pénale. 8 - Définir les actes qui relèvent de la sanction pénale reflète l’état d’une nation et des valeurs qu’elle privilégie. Il n’existe en la matière aucune règle intemporelle et universelle. Un travail collectif de réflexion et d’élaboration, le plus large possible, est donc indispensable. En France, depuis quelques années, la création de nouvelles qualifications pénales se substitue trop souvent au traitement effectif des problèmes. La mise en place d’une logique de dépénalisation est indispensable. Ainsi, le simple fait d’être dépourvu d’un titre de séjour en France ne doit pas entraîner une sanction pénale, à plus forte raison une peine d’emprisonnement. 9 - L’emprisonnement ne doit plus être la sanction de référence. Une véritable politique de réduction du recours à ce type de peine doit être mise en place. Des mesures et peines restrictives de liberté autonomes, sans référence à l’emprisonnement, doivent être développées. Les peines dites « alternatives » [8] constituent des peines réelles, restrictives de liberté, dont les modalités d’exécution sont précises. Les magistrats et les services de l’Administration pénitentiaire compétents doivent enfin disposer des moyens suffisants, pour assurer leur exécution dans les meilleurs délais, avec des prises en charge systématiques, régulières, et une logique de travail pluridisciplinaire. Un redéploiement des moyens dévolus à la construction de nouveaux établissements pénitentiaires vers « le milieu ouvert » est nécessaire. 10 -Une révision de l’échelle des peines est indispensable : un quantum de peine ferme maximum doit être fixé, sans qu’aucune exception ne soit possible, même en cas de cumul de condamnations. La fixation de ce montant maximum devrait s’inspirer de la situation européenne : les recommandations du Conseil de l’Europe considèrent toute peine supérieur ou égal à 5 ans d’emprisonnement comme une longue peine. La résolution (76)2 du comité des ministres du Conseil de l’Europe recommande l’examen de la possibilité d’une libération conditionnelle pour tout prisonnier à partir de 8 à 14 ans de peine exécutée. 11 - La mise en place d’une réelle politique d’aménagement systématique des peines [9], suppose le passage d’un système discrétionnaire à un système d’office. La libération conditionnelle ne doit plus être l’exception. Elle doit devenir le mode commun de libération [10]. Dans un tel cadre, la durée de la peine serait fixe, et son exécution serait évolutive dans une réelle logique d’individualisation et de retour progressif en liberté. Le régime des réductions des peines et le recours au décret de grâce collectif pourraient, alors, être réexaminés. 12 - L’exécution des peines doit favoriser l’intégration ou la réintégration des personnes condamnées, ainsi que la prévention de la récidive [11]. Les permissions de sortir doivent être possibles dès le début de l’exécution des peines dans une logique de préparation de la sortie et de maintien des liens avec l’extérieur [12]. Leur durée doit être augmentée, notamment en cas de poursuite d’études ou de formation. L’objectif de prévention de la récidive implique également la suppression de toutes les formes de discrimination, notamment en matière d’insertion professionnelle ou d’interdiction du territoire. 13 - L’objectif de favoriser la réintégration doit être décliné dans les établissements pénitentiaires, quelle que soit leur nature (établissements pour peines ou maisons d’arrêt). Le nombre des personnes détenues ne doit donc pas excéder les capacités des établissements pénitentiaires, non seulement du point de vue de l’hébergement, mais aussi de l’ensemble des structures indispensables à la poursuite de l’objectif de réintégration et à l’exercice normal des droits reconnus. 14 - La prison doit être uniquement « privative de liberté ». Elle doit respecter la dignité, les droits et les repères sociaux des personnes incarcérées. Toute forme de discrimination doit être proscrite. Il faut créer les conditions d’une véritable participation des personnes détenues (prévenues et condamnées) à l’organisation de la vie en détention, en s’inspirant de ce qui se fait chez nos partenaires européens. L’exercice de la citoyenneté en prison doit être préservé, d’autant qu’il contribue à la réintégration dans la communauté. Il ne peut se limiter aux activités d’enseignement, de formation professionnelle ou aux actions culturelles ou sportives et de loisirs. Cet exercice exige, comme dans l’ensemble de la société, de mettre en place, par la loi, des processus de délégation et de consultations régulières sur tous les aspects de la vie carcérale, meilleur moyen de lutter contre l’arbitraire et toutes les formes de violence, dont le caïdat. 15 - Les personnes détenues doivent aussi être personnellement informées, consultées et associées aux principales décisions les concernant. Tel doit être tout particulièrement le cas pour les décisions relatives à l’affectation géographique ou au choix d’un encellulement individuel ou collectif. 16 - Le droit du travail, les droits sociaux et civiques, l’accès à l’information, à l’expression, à la culture et aux services doivent être assurés dans les conditions du droit commun. 17 - Droit fondamental et facteur d’intégration sociale, le maintien des liens familiaux, amicaux et sociaux avec l’extérieur doit être protégé. L’affectation des personnes condamnées doit respecter leurs attaches personnelles. A défaut, l’Etat devrait assurer le financement des frais de visite des proches. Les Unités de vie familiale doivent être généralisées à tous les établissements. Leur accès doit être étendu aux proches, sans discrimination, pour assurer le droit à l’intimité des personnes détenues. 18 - Le droit à la correspondance sous toutes ses formes, écrite, téléphonique, ou par Internet, doit être affirmé et respecté. Les restrictions à ce droit ne doivent en aucun cas donner lieu à une atteinte à la vie privée du détenu. 19 - L’accès aux soins médicaux doit être effectif dans les mêmes conditions qu’à « l’extérieur ». La suspension de peine pour raisons médicales, ou en raison de l’âge de la personne condamnée doit être possible à n’importe quel moment de l’exécution de la peine, sans condition basée sur la notion de trouble à l’ordre public. Nul ne doit mourir en prison. 20 - L’accès à l’enseignement - de tous niveaux -, à des formations professionnelles qualifiantes et reconnues, doit être garanti dans tous les établissements pénitentiaires, ainsi que l’aide à la recherche d’emploi. Pour cela, les partenariats avec l’Education nationale et les universités, ainsi qu’avec les ANPE, les missions locales et les organisations professionnelles doivent être renforcés. 21 - Des mécanismes de médiation doivent être instaurés pour prévenir le recours au droit disciplinaire. Les manquements disciplinaires ne doivent pas faire l’objet de cumul de sanctions. Si des poursuites pénales sont engagées, aucune sanction disciplinaire ne doit être prononcée. 22 - Le secret favorise l’arbitraire. Sans contrôle il ne peut y avoir garantie des droits. Un contrôle extérieur préventif, exercé par un organe indépendant, permanent et compétent doit être mis en place dans tous les lieux de privation de liberté, comme le prévoit le Protocole pour la prévention de la torture de l’ONU signé par la France le 16 septembre 2005 et non encore ratifié. Les recommandations qui accompagneront ce contrôle permettront d’attirer l’attention sur les améliorations à mettre en oeuvre, tant en ce qui concerne les conditions de vie des personnes privées de liberté, que les conditions de travail des personnels. 23 - Un contrôle exercé par le juge administratif, doit être généralisé à toutes les décisions prises par les autorités administratives à l’encontre des personnes privées de liberté. Des recours doivent permettre la suspension et l’annulation des mesures - notamment les transferts, les placements préventifs au quartier disciplinaire et les placements à l’isolement - avant qu’elles ne soient exécutées. Coordonnées des membres adhérents Association Française de Criminologie (AFC) Association Française des Juristes Démocrates (AFJD) Association Nationale des Visiteurs de Prisons (ANVP) Ban Public Fédération des Associations de Réflexion Action Prison Et Justice (FARAPEJ) Les Verts Ligue des Droits de l’Homme (LDH) Secours catholique - Caritas France Syndicat de la magistrature (SM) Syndicat des Avocats de France (SAF) Syndicat National de l’Ensemble des Personnels de l’Administration Pénitentiaire (SNEPAP-FSU) Union des syndicats pénitentiaires de la Confédération générale du travail (UGSP-CGT) . [1] « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne » [2] Il abolit la peine de mort en temps de paix, mais autorise les Etats parties à appliquer ce châtiment en temps de guerre [3] Il prévoit l’abolition totale de la peine de mort, mais autorise les États parties à maintenir ce châtiment en temps de guerre s’ils ont formulé une réserve en ce sens au moment de la ratification ou de l’adhésion [4] Il prévoit l’abolition de la peine de mort en temps de paix. Les États parties peuvent maintenir la peine capitale pour des actes commis « en temps de guerre ou de danger imminent de guerre » [5] Il prévoit l’abolition de la peine capitale en toutes circonstances, y compris en temps de guerre ou de danger imminent de guerre. Aucune dérogation ni réserve n’est autorisée [6] Article II-62 « Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté » [7] Rappelons que la France est le seul pays européen à disposer d’un « dispositif » de ce type [8] Sursis avec mise à l’épreuve, ajournement avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général, jours amendes, mais aussi amendes, suspension ou retrait du permis de conduire, interdictions diverses... [9] Sous forme de libération conditionnelle, semi-liberté, placement extérieur, placement sous surveillance électronique [10] cf la recommandation REC (2003 (22) du Comité des ministres du Conseil de l’Europe du 24 septembre 2003 [11] Ainsi que le prévoit l’article 707 du Code de procédure pénale français. Une réforme du casier judiciaire, des interdictions diverses (droits civiques, civils, interdictions professionnelles notamment) et des procédures de réhabilitation sont indispensables [12] Il est en effet inadmissible que les conditions d’octroi des permissions de sortir dépendent de la nature de l’établissement pénitentiaire d’affectation du condamné
|