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(2001-2002) Commission d’enquête sur les mineurs délinquants (Rapport du sénat)

Proposition de résolution relative aux mineurs délinquants

Rapport n° 213 (2001-2002) de M. Jean-Jacques HYEST, fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 février 2001

N° 213

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 6 février 2002
 

RAPPORT FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (1) sur la proposition de résolution présentée par MM. Henri de RAINCOURT, Jean ARTHUIS, Guy-Pierre CABANEL et Josselin de ROHAN tendant à la création d’une commission d’enquête sur les diverses mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs,

Par M. Jean-Jacques HYEST,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. René Garrec, président ; MM. Patrice Gélard, Pierre Fauchon, José Balarello, Robert Bret, Georges Othily, vice-présidents ; MM. Jean-Pierre Schosteck, Laurent Béteille, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; M. Jean-Paul Amoudry, Mme Michèle André, M. Robert Badinter, Mme Nicole Borvo, MM. Charles Ceccaldi-Raynaud, Christian Cointat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Marcel Debarge, Michel Dreyfus-Schmidt, Gaston Flosse, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Lucien Lanier, Jacques Larché, Gérard Longuet, Mme Josiane Mathon, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Josselin de Rohan, Bernard Saugey, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich, Jean-Paul Virapoullé, François Zocchetto.

Voir le numéro :

Sénat : 332 (2000-2001)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 6 février 2002 sous la présidence de M. René Garrec, président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Jean-Jacques Hyest, la proposition de résolution n° 332 (2000-2001) présentée par MM. Henri de Raincourt, Jean Arthuis, Guy-Pierre Cabanel et Josselin de Rohan, tendant à la création d’une commission d’enquête sur les diverses mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a estimé que la proposition de résolution était juridiquement recevable, respectant pleinement les dispositions de l’article 6 de l’ordonnance de 1958 sur le fonctionnement des assemblées parlementaires ainsi que celles de l’article 11 du règlement du Sénat.

Le rapporteur a estimé que la création d’une commission d’enquête était particulièrement opportune, compte tenu de l’évolution de cette délinquance au cours des dernières années. Il a constaté qu’aucun travail d’enquête parlementaire n’avait été réalisé sur cette question au cours des dernières années et a observé que le Sénat pourrait apporter une contribution importante à la réflexion sur le sujet.

La commission a adopté une proposition de résolution prévoyant la création d’une commission d’enquête sur les moyens de répondre à la délinquance des mineurs et en particulier sur les diverses mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs.
 

EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi d’une proposition de résolution n°332 (2000-2001) présentée par MM. Henri de Raincourt, Jean Arthuis, Guy-Pierre Cabanel et Josselin de Rohan, tendant à la création d’une commission d’enquête sur les diverses mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs.

Compte tenu de l’objet de cette proposition, votre commission des Lois est appelée à examiner tant la recevabilité juridique que l’opportunité de la création d’une commission d’enquête, en application de l’article 11 du règlement du Sénat.

I. UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION JURIDIQUEMENT RECEVABLE
Les conditions de constitution des commissions d’enquête sont fixées par l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et précisées par l’article 11 du règlement du Sénat.

La loi n° 91-698 du 20 juillet 1991 a modifié l’article 6 de l’ordonnance de 1958 en regroupant sous la dénomination commune de commission d’enquête les commissions d’enquête et les anciennes commissions de contrôle qui avaient pour objet de contrôler le fonctionnement d’une entreprise nationale ou d’un service public.

L’article 6 de l’ordonnance de 1958 précise cependant que « les commissions d’enquête sont formées pour recueillir des éléments d’information, soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l’assemblée qui les a créées ».

Il résulte également de l’article 6 de l’ordonnance de 1958 qu’il ne peut être créé de commission d’enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.

Lorsqu’une commission d’enquête est créée sur des faits déterminés, le président de la commission des Lois demande au Président du Sénat de bien vouloir interroger le garde des sceaux sur l’existence éventuelle de poursuites judiciaires concernant les faits en cause.

Dans la seconde hypothèse envisagée par l’article 6 de l’ordonnance de 1958, c’est-à-dire lorsque la proposition de résolution a pour objet de créer une commission d’enquête pour recueillir des éléments d’information sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, cette procédure d’information ne s’impose pas.

En l’espèce, la proposition de résolution correspond à cette seconde hypothèse.

Elle tend en effet à la création d’une commission d’enquête sur les diverses mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis.

La proposition a donc pour objet de contrôler le fonctionnement du service public de la justice, et en particulier de la protection judiciaire de la jeunesse. Elle entre dans le champ défini par l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, sans qu’il soit nécessaire d’interroger le Gouvernement sur l’existence de poursuites judiciaires.

*

Prévoyant que la commission d’enquête sera composée de vingt-et-un membres, la proposition de résolution répond également aux conditions posées par l’article 11 du règlement du Sénat, qui dispose que la proposition de résolution « fixe le nombre de membres de la commission d’enquête qui ne peut comporter plus de vingt-et-un membres ».

L’article 11 du règlement du Sénat prévoit également que « la proposition doit déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d’enquête doit examiner la gestion ». La proposition de résolution, qui vise « les diverses mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis » remplit cette condition.

Votre commission estime donc que la proposition de résolution est recevable au regard des dispositions de l’ordonnance du 17 novembre 1958 et constate qu’elle répond aux conditions posées par l’article 11 du règlement du Sénat.

II. UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION PLEINEMENT JUSTIFIÉE PAR L’ÉVOLUTION DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS
La création d’une commission d’enquête sur la délinquance des mineurs paraît particulièrement appropriée.

Au cours des dernières années, le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie a fortement augmenté.

Ainsi, entre 1990 et 2000, le nombre de mineurs mis en cause est passé de 98.284 à 175.256.

Les statistiques relatives aux crimes et délits constatés en 2001, qui viennent d’être publiées par le ministère de l’Intérieur, montrent que le nombre de mineurs mis en cause a encore augmenté en 2001 pour atteindre 177.017 personnes. La part des mineurs dans le total des mis en cause a légèrement augmenté pour atteindre 21,18 %. De même, la part des mineurs dans le total des mis en cause pour des faits de délinquance de voie publique est en augmentation (36,13 % en 2001 contre 35,15 % en 2000).

Comme le montre une récente enquête de délinquance autorapportée, la délinquance des mineurs s’est banalisée : « Quelque chose a bel et bien dû changer fondamentalement entre les années 60 et les années 90 dans la délinquance des jeunes. Divers facteurs ont contribué à l’aggravation : la famille, la pauvreté, la difficulté de chacun à se protéger, la diminution de la réponse pénale. Mais il reste qu’au milieu des années 90 un seuil est franchi. Les vingt-cinq ans de généralisation et de banalisation du vol, des destructions et dégradations ont constitué un cadre de socialisation nouveau pour les jeunes. Les atteintes physiques ont été légitimées par la diffusion des petits délits et tendent elles-mêmes à se multiplier. La brutalité devient un moyen plus normal, même s’il est loin d’être monnaie courante pour la très grande majorité, d’atteindre son but ou d’éloigner le gêneur. Tout se passe comme si un droit à l’usage de la violence s’était construit aux yeux de l’agresseur » [1].

Par ailleurs, la délinquance des mineurs est une délinquance de plus en plus violente, face à laquelle les familles, l’école, la justice paraissent souvent démunies.

Ainsi, le nombre de condamnations de mineurs pour atteinte aux personnes a été multiplié par deux entre 1994 et 1998.

Evolution des condamnations de mineurs pour des délits (1995-1999)
[voir tableau en pièce Jointe]

Une telle évolution pose la question de l’efficacité de la prévention et de la répression de la délinquance des mineurs dans notre pays.

Dans un tel contexte, il paraît souhaitable aujourd’hui qu’un travail approfondi permette de rechercher les moyens d’améliorer les réponses de la société face à la délinquance des mineurs. Comme l’indiquent les auteurs de la proposition de résolution, « ce phénomène constitue à l’évidence un défi majeur pour notre société, qui ne peut ni laisser sur le bas-côté une partie de sa jeunesse, ni laisser sans protection les victimes de cette délinquance, le plus souvent elles-mêmes mineures ».

Or, aucun travail d’enquête n’a récemment été accompli dans le cadre des assemblées parlementaires sur cette question au coeur des préoccupations de nos concitoyens.

Le Sénat pourrait donc apporter une contribution importante à la réflexion sur la délinquance des mineurs comme il l’a fait récemment à propos des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.

*

Nos excellents collègues proposent la création d’une commission d’enquête sur les diverses mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs.

Ainsi, l’exposé des motifs de la proposition de résolution précise que « le champ d’investigation de la commission d’enquête porterait notamment :

« - sur l’étude des structures existantes, les centres de placement immédiat (CPI) et les centres éducatifs renforcés (CER), qui accueillent aujourd’hui les situations d’urgence, et les mineurs récidivistes pour lesquels une rupture avec leur milieu s’impose, leur adaptation aux nécessités de la réinsertion des mineurs délinquants et la proportion dans laquelle leur nombre devrait être augmenté ;

« - sur la possibilité d’étendre la gamme de placements offerte aux juges afin d’adapter chaque peine à la nature psychologique de l’enfant délinquant (...) ;

« - sur le mode de financement de la construction d’éventuels nouveaux établissements (...) ;

« - sur le rôle et la place des travailleurs sociaux (...). »

De fait, la question des structures d’accueil des mineurs délinquants est l’une des plus importantes. Ces structures répondent-elles aux besoins actuels ? Sont-elles suffisamment nombreuses, suffisamment diversifiées ? La commission d’enquête pourrait permettre de faire le point sur cette question.

Pour autant, il ne paraît pas souhaitable à votre commission d’écarter a priori du champ d’investigation de la commission d’enquête l’examen des règles gouvernant la justice des mineurs. Ces règles sont, pour l’essentiel, définies par l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, relative à l’enfance délinquante. Un examen serein et approfondi de ces règles pourrait permettre, le cas échéant, d’envisager leur adaptation à l’évolution de notre société et de la délinquance, qui ne sont plus celles de 1945.

En conséquence, votre commission des Lois vous propose que les investigations de la commission d’enquête portent sur les moyens de répondre à la délinquance des mineurs, en particulier sur les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs.

*
* *

Compte tenu de l’ensemble de ces observations, votre commission des Lois vous propose d’adopter la proposition de résolution dont le texte est reproduit ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
ADOPTÉE PAR LA COMMISSION DES LOIS
Proposition de résolution
tendant à créer une commission d’enquête
sur la délinquance des mineurs

Article unique

En application de l’article 11 du règlement du Sénat et de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, il est créé une commission d’enquête de vingt-et-un membres sur les moyens de répondre à la délinquance des mineurs, en particulier sur les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs.

TABLEAU COMPARATIF
___

Proposition de résolution n° 332 (2000-2001)
Proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les diverses mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs
Article unique
En application de l’article 11 du règlement du Sénat et de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est créé une commission d’enquête de vingt-et-un membres sur les diverses mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs.

Proposition de la Commission
Proposition de résolution tendant à créer une commission d’enquête
sur la délinquance des mineurs
Article unique
 En application de l’article 11 du règlement du Sénat et de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, il est créé une commission d’enquête de vingt-et-un membres sur les moyens de répondre à la délinquance des mineurs, en particulier sur les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs.

[1] Sébastian Roché, « La délinquance des jeunes - Les 13-19 ans racontent leurs délits »