Publié le mercredi 15 novembre 2006 | http://prison.rezo.net/2006-blog-49-en-guise-de/ En guise de conclusion 1019 Jours de détention... en Centre de détention A tous ceux qui m’ont permis de passer ces longs mois... sans embûche... En guise de conclusion, Dès les premiers jours, mon fils Victor, dans sa première lettre, en citant NIETZSCHE, m’a placé la barre très haute : "Tout ce qui ne me tue pas, me rend plus fort, accroît ma puissance, car s’il ne dépend pas de nous d’aller contre les événements, du moins est-il en notre pouvoir de les assumer, de les dépasser et d’en tirer profit...". Ces trois phrases ont été constamment à mon esprit, pendant ces près de 34 mois. Les deux premières étaient faciles, pour moi, elles ne dépendaient que de moi, elles ne résumaient que mon intime conviction, et le fruit de ma vie passée, ce que mes parents m’avaient appris de la vie, ce que la vie familiale et professionnelle m’avait fait mettre en pratique. Je ne conteste pas le fait que ce que l’on m’a reproché soit le fruit d’une attitude « hors-norme », et je ne prétends pas que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire. Ma seule volonté, dès le départ, a été d’assumer, en espérant et en faisant en sorte que ma propre famille ne souffre pas trop de cette situation. Mon seul souhait a été de faire en sorte que ma période de détention ne soit que la « privation d’aller et venir », et pas plus. Certes, ce ne fut pas facile, tous les jours. Dès que j’ai pris « les fonctions d’écrivain », outre les avantages, en confort matériel, incontestables, ma vie entre ces murs a pris, à mes yeux, un autre sens. Mais ces demandes (répétées) ont eu, pour effet, qu’en attendant une échéance plus favorable à ce qui était prévu, je ne pensais pas que je resterai, en prison, aussi longtemps... et cela aussi, m’a (nous a) permis de survivre... sans une « permission de sortir » pour renouer avec la famille et chercher du « travail »... Comme vous le savez, j’ai toujours été « actif » : actif, pour m’occuper, mais aussi « actif » pour rendre service. L’important était donc d’être occupé, car c’est, assurément, la seule façon de supporter un tel éloignement de sa famille, dans de telles conditions. Je pense avoir « réussi » ma détention, mais vous le savez, comme pour tous les détenus, même les « meilleurs », les plus « résistants », les plus « adaptables », cette période n’a pas été « agréable » pour moi... ! En détention, consciemment et inconsciemment (souvent, j’espère), on est le fruit d’attitude de mépris, de brimades, de manque de respect de la personne humaine, aussi bien de la part d’autres détenus que d’autres intervenants (surveillants, intervenants extérieurs). Vous comprendrez qu’on n’arrive pas à ce stade, à de telles extrémités, sans motif... « valable »... même si beaucoup sont jeunes... ils ne sont pas tous « débiles » et/ou « incapables » (au sens médical et juridique). Ce qui est plus malsain, en détention, c’est l’obligation que vous avez de supporter tout cet environnement hostile, je pense particulièrement : Bien sûr, tout cela ne produit pas une situation inacceptable, insurmontable... mais cette situation est tellement négative que l’on est en droit de se demander si elle a sa raison d’être... Je crois qu’il est temps de regarder la vérité, en face..., même si elle doit faire mal... Ne croyez-vous pas... ? Aussi, vous comprendrez qu’une détention longue, si elle ne déstabilise pas complètement l’individu, elle le choque plus que la « normale »..., c’est pour cela que je la trouve trop longue, d’autant plus qu’elle ne sert pas à la réinsertion « vraie ». En qualité d’écrivain et de confident (obligé), j’ai eu connaissance de « réels » projets, tout à fait réalisables et allant dans le sens de la « vraie » réinsertion... et ils n’ont pas abouti... pourquoi ? Parce que « ne pas prendre de risque » est la devise de certains décideurs, ce qui provoque des remises en liberté... sans préparation, sans accompagnement, et donc, des « retours »... en prison... et après, ces mêmes décideurs ont l’audace de dire « je vous l’avais bien dit »... ! Moi, j’ai 60 ans, une famille, des amis, une personnalité qui me permettront de reprendre, assez facilement, je l’espère... une vie « normale » et « honnête », sans dérapage... mais je reste l’exception qui confirme la règle. Il n’y a pas que du négatif, dans une prison, on y rencontre aussi des personnes formidables qui font tout pour ne pas t’abaisser, pour te redonner confiance en toi-même, certains surveillants nous appellent Monsieur et vouvoient, disent « Bonjour », certains même referment ta porte (le matin lorsqu’ils voient que tu es encore couché...). Bref, le respect existe... mais c’est aussi l’exception qui confirme la règle. Entre détenus même, il existe un certain respect « individuel » et « réciproque », et s’il est vrai que la majorité pense d’abord à elle-même, il y a aussi, chez les détenus, une solidarité « exceptionnelle »... mais cela reste des exceptions qui confirment la règle... Certaines fonctions (très proches des détenus) sont tenues par des êtres « remarquables », aussi bien à l’Ecole qu’en formation, et dans les aumôneries. Ce n’est plus un métier, c’est plus qu’une vocation, c’est un « apostolat » ... Pour revenir à ma détention personnelle... elle m’a permis à maintes reprises de faire le point sur mon passé, à extrapoler sur le futur... Avec le recul, un de mes regrets est de m’être laissé autant accaparer par mes différents métiers, mon travail (que j’aimais bien) et de ne pas avoir su profiter d’une vie de famille heureuse et de nos enfants petits... Ils n’ont pas l’air d’en avoir trop souffert, mais pour ma part, quand je me retrouve seul dans le noir, je ne les vois pas « petits »... et quand je vois où tout cela m’a mené, je pense que j’aurais mieux fait de plus profiter de la vie, au quotidien... Ce n’est pas le moment de regretter, mais parfois, on se surprend, soi-même, en pensant qu’on aurait pu organiser notre vie d’une autre façon. Un simple choix (décision) à un certain moment peut changer tout le futur... Ainsi va la vie... Mais je suis pour rester optimiste et je sais que j’ai encore de bonnes années, devant moi... certes il me faudra organiser notre nouvelle vie, mes nouvelles activités professionnelles, mais cela ne me semble pas « mission impossible »... En étant, de nouveau, l’exception qui confirme la règle, je dirai que cette période de détention me laissera des mauvais souvenirs, mais aussi de bons souvenirs... Je sais, déjà, que je ne respecterai pas la tradition qui veut que tu dois quitter la prison, sans te retourner. La prison m’a pris 34 mois de ma vie, mais je sais que ce ne sera pas, en vain... Un grand merci à tous ceux qui m’ont soutenu et aidé, mentalement et matériellement. Une nouvelle page s’ouvre... Le bouquin de Paul Denis n’a pas encore trouvé d’éditeur. Vous pouvez l’acquérir en envoyant un chèque de 17 € (frais d’envoi compris) à TOP SERVICES, 31 rue des Allemands à 57000 METZ. Pour 13 €, je peux vous l’envoyer par e-mail (150 pages A4). |