Publié le samedi 1er mars 2008 | http://prison.rezo.net/1999-2000-rapport-relatif-a-l/ N° 2694 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE PROPOSITION DE LOI (Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.) PRÉSENTÉE EXPOSÉ DES MOTIFS Mesdames, Messieurs, Une partie de la jeunesse de notre pays est en péril. Dans certaines banlieues ou certains quartiers réputés difficiles, les lois de la République ne sont plus appliquées et un nombre croissant de faits délictueux de plus en plus violents dans lesquels des mineurs sont impliqués est relevé. Aujourd’hui, tout le monde peut constater, de surcroît, un rajeunissement inquiétant de cette délinquance juvénile, dénoncé, dès 1991, dans un rapport du Conseil national des villes. Cette tendance, un temps limité à certains quartiers urbains, tend, depuis plusieurs années à se généraliser sur l’ensemble du territoire national et les événements récents ont confirmé qu’aucune partie du territoire n’est désormais préservée. Cet état de fait n’est pas acceptable dans un pays qui se targue de favoriser les politiques préventives. Au moment où la France s’interroge sur les méthodes permettant de prévenir la récidive, peut-on continuer à négliger l’importance que revêt le soutien ou l’absence de soutien parental ? Dans cette période de violence que nous traversons, il paraît évident que la police, si elle est apte à ramener l’ordre public à plus ou moins court terme, n’a pas pour vocation à rétablir le lien et la paix sociales. Le travail éducatif, l’action sociale et un accompagnement vers l’emploi constituent les trois axes majeurs de la réussite des politiques de lutte contre les différentes formes de violence. Mais toutes ces actions, même avec des moyens renforcés, permettent-elles d’aboutir lorsque les parents ont abandonné toute responsabilité à l’égard de leurs propres enfants ? Comment l’enfant peut-il trouver ses marques si le ou les parents ne lui apportent ni espoir, ni repère, ni limites ? Comment peut-il ne pas perdre pied à l’école quand, le matin, il récupère à peine d’une nuit passée dans la rue jusqu’à point d’heure ? Comment peut-il avoir de bons repères quand il aura passé plus de temps avec ceux qui tiennent le haut du pavé qu’avec ses propres parents et qui affirmerait aujourd’hui que la rue a un caractère hautement éducatif ? Dans ce contexte il y a plusieurs catégories de parents : · Ceux qui sont en réelles difficultés et souhaitent l’aide, sans toujours la trouver. · Ceux qui sont indifférents ou, plus rarement, complices des agissements de leurs enfants. Je rappellerai donc les deux obligations : · La première, celle de notre société, de venir en aide aux parents en difficultés face à leurs enfants. · La seconde, celle qui résulte de la loi de 1954 qui impose l’usage des allocations familiales dans l’intérêt de l’enfant, dispositions également reprises par l’article L. 552-6 du code de la sécurité sociale, voire l’article 227-17 du code pénal. Dans les 2 cas, il est nécessaire de considérer que l’errance d’enfants de moins de 13 ans, la nuit au-delà de 22 heures, sans la présence d’un adulte responsable, est un symptôme permettant de détecter l’un ou l’autre de ces cas. La présente proposition de loi a pour objectif de rendre obligatoire le signalement des enfants de moins de 13 ans en errance qui seraient interpellés par la police la nuit. Ces signalements qui s’accompagnent de mesures d’information des parents, puis d’une interpellation par le juge, aux fins d’apporter une aide éducative pourront faire l’objet, de la part du juge des enfants, d’une mesure de suppression des allocations familiales en cas de refus, par les parents, à contractualiser avec les équipes de réussite éducative, prévues à l’article 128 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, relatives à l’accompagnement des élèves en difficultés. Il est rappelé que le législateur, en 1954, avait déjà prévu la suppression des allocations en cas d’absentéisme scolaire, au motif que le fait de ne pas obliger l’enfant d’aller à l’école, témoignait d’un comportement ne favorisant pas l’épanouissement de l’enfant. Il n’est donc pas question d’une obligation de résultat mais il y a un lien, clairement établi, entre le versement des allocations et l’obligation de moyens dans l’intérêt de l’enfant, obligation de moyens que notre société se doit de rappeler, tant à ses acteurs sociaux et éducatifs, qu’aux parents. Pour ces raisons, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi. PROPOSITION DE LOI Article 1er Le titre de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi rédigé : « Ordonnance relative à l’enfance en danger et à l’enfance délinquante ». Article 2 Avant l’article 1er de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, il est inséré un titre Ier ainsi rédigé : « Titre Ier « Enfance en danger « Art. 1er A. - Le maire peut décider, pour une période déterminée, sur tout ou partie du territoire de la commune, l’interdiction pour les mineurs de moins de treize ans non accompagnés par un de leurs parents, par une personne mandatée par leurs parents, par leur tuteur ou par une personne ou un service auquel il est confié, de circuler entre vingt-deux heures et six heures du matin. « La décision mentionnée au premier alinéa est portée sans délais à la connaissance du procureur de la République qui en contrôle l’application. « Art. 1er B. - Tout mineur de moins de treize ans qui sera appréhendé en application de l’article 1er A est conduit au plus proche commissariat ou à la plus proche gendarmerie pour être remis après avertissement à ses parents. Il est tenu un registre des violations des interdictions de circuler prises en vertu de l’article 1er A. L’inscription est supprimée du registre deux ans après la violation de l’interdiction de circuler. Le registre est placé sous la responsabilité du procureur de la République et est tenu à la disposition des acteurs de la protection de l’enfance du secteur concerné. « En cas de récidive, le mineur est conduit dans un établissement adapté figurant sur une liste fixée par décret puis présenté, accompagné de ses parents, de son tuteur, de la personne ou du service auquel il est confié, au juge des enfants dans un délai qui ne peut excéder quarante-huit heures. « Le juge des enfants adresse un avertissement écrit aux parents du mineur concerné ou à la personne qui en a officiellement la garde, pour mise en danger de l’enfant selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’Etat. « En cas de nouvelles récidives, le juge des enfants peut prononcer la suspension des prestations familiales auxquelles l’enfant ouvre droit, pour une durée qui ne peut excéder six mois. Il peut également affecter les prestations à des dépenses liées à la scolarisation de l’enfant concerné. Il en est de même en cas de refus des parents, du tuteur, de la personne ou du service auquel est confié le mineur de déférer à la convocation du juge des enfants. « Art. 1er C. - Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions d’application du présent titre. » Article 3 Avant l’article 1er de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, il est inséré une division et un titre ainsi rédigés : « Titre II « Enfance délinquante Article 4 L’article 4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifié : I. - Le I est ainsi rédigé : « Le mineur de 10 à 13 ans contre lequel il existe des indices graves ou concordants laissant présumer qu’il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit peut, pour les nécessités de l’enquête, être retenu à la disposition d’un officier de police judiciaire avec l’accord préalable et sous le contrôle d’un magistrat du ministère public ou d’un juge d’instruction spécialisés dans la protection de l’enfant ou d’un juge des enfants pour une durée que ce magistrat détermine... (le reste sans changement). » II. - Dans le second alinéa du II, les mots : « ou, lorsque la garde à vue ne peut faire l’objet d’une prolongation, douze heures » sont supprimés. III. - Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Si la garde à vue dépasse douze heures, les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel il est confié, sont autorisés à s’entretenir avec le mineur concerné. » Article 5 L’article 8 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifié : 1° Dans le quatrième alinéa, les mots : « ou prescrire le contrôle judiciaire » sont supprimés ; 2° La seconde phrase du sixième alinéa est ainsi rédigée : « Il pourra toutefois prononcer, dans l’intérêt du mineur concerné après en avoir informé les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel il est confié, le placement du mineur dans un établissement mentionné sur une liste fixée par décret. » ; 3° Les septième à neuvième alinéas sont supprimés ; 4° Les douzième à dix-septième alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés : « 1° Soit relaxer le mineur s’il estime que l’infraction n’est pas établie ; « 2° Soit prononcer, à titre principal, sa mise sous protection judiciaire pour une durée n’excédant pas cinq années dans les conditions définies à l’article 16 bis ; « 3° Soit le placer dans l’un des établissements visés à l’article 15. » Article 6 L’article 10 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifié : 1° Les cinquième à dixième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé : « Le mineur mis en examen est dans l’attente du prononcé du jugement placé dans un établissement mentionné sur une liste fixée par décret. » ; 2° Les deux derniers alinéas sont supprimés. Article 7 Au début de la première phrase du premier alinéa de l’article 11 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, sont insérés les mots : « En matière criminelle, ». Article 8 L’article 12-1 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifié : 1° Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « La juridiction de jugement a la faculté... (le reste sans changement) » ; 2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ; 3° Dans le quatrième alinéa, les mots : « Lorsque la mesure ou l’activité d’aide ou de réparation est prononcée par jugement » sont supprimés. Article 9 L’article 15 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi rédigé : « Art. 15. - Si la prévention est établie à l’égard du mineur de seize ans, le tribunal pour enfants prononcera par décision motivée, l’une des mesures suivantes : « 1° Remise à ses parents, à son tuteur, à la personne ou au service auquel il est confié avec un suivi assuré par une personne habilitée et dont le nom figure sur une liste fixée par arrêté préfectoral ; « 2° Placement dans une institution ou un établissement public ou privé, d’éducation ou de formation professionnelle habilitée ; « 3° Placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité ; « 4° Placement dans un établissement mentionné sur une liste fixée par décret ; ce placement est prononcé d’office à l’égard des mineurs récidivistes, en matière correctionnelle. » Article 10 L’article 16 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est abrogé. Article 11 L’article 16 bis de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifié : 1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « En cas de récidive correctionnelle, les juridictions mentionnées au premier alinéa du présent article prononcent le placement dans un établissement dont la liste est arrêtée par décret pour une durée n’excédant pas cinq ans. » ; 2° Dans le troisième alinéa, les mots : « à l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « au deuxième alinéa du présent article ». Article 12 Le dernier alinéa de l’article 17 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est abrogé. Article 13 Le début du premier alinéa de l’article 19 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi rédigé : « Hormis le cas de placement du mineur délinquant récidiviste prévu au 3° de l’article 15, lorsqu’une des mesures... (le reste sans changement) ». Article 14 Le troisième alinéa de l’article 21 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est complété par les mots : « ou dans un établissement mentionné sur une liste fixée par décret ». Article 15 La dernière phrase de l’article 22 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi rédigée : « Le mineur sera conduit dans un établissement mentionné sur une liste fixée par décret. » Article 16 Le dernier alinéa de l’article 28 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est abrogé. Article 17 L’article 40 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifié : 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé : « Dans tous les cas où le mineur fait l’objet d’une mesure de placement, la décision devra déterminer la part des frais d’entretien et de placement mise à la charge de la famille. » ; 2° Le troisième alinéa est complété par les mots : « et à la victime du délit commis par le mineur à concurrence d’un montant déterminé par la juridiction » ; 3° Le dernier alinéa est abrogé. Article 18 L’article L. 513-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé : « Art. L. 513-1. - Les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation ainsi que des dispositions prévues à l’article 40 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance en danger et à l’enfance délinquante, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l’enfant. » Article 19 Dans la dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale, les références : « 15, 16, 16 bis et 28 » sont remplacées par les références : « des articles 10, 15, 16 bis, 21, 22 et 28 ». Article 20 L’article 552-6 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Il en est de même lorsque les enfants ouvrant droit aux prestations visées à l’alinéa précédent font l’objet d’une mesure de placement prévue par l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance en danger et à l’enfance délinquante. » Composé et imprimé pour l’Assemblée nationale par JOUVE |