Publié le vendredi 13 avril 2007 | http://prison.rezo.net/2007-laurent-jacqua-sideen/ Laurent Jacqua, sidéen militant « Subir une peine de trente ans lorsque l’on est sidéen, c’est mourir très lentement dans des conditions souvent indignes. Et en plus il faudrait que je le fasse discrètement et sans rien dire ? Ben voyons ! » Dans son « interview interdite » [1], de lui-même par lui-même, Laurent Jacqua, quarante ans, actuellement détenu à la centrale de Poissy, pose les jalons de son combat : l’application de la loi Kouchner pour lui et pour tous les autres. Via son blog Vu de prison créé en janvier 2006, il a interpellé l’ancien ministre de la Justice après le rejet de sa deuxième demande de suspension de peine : « Deux expertises disent que je ne suis pas (...) assez à l’agonie pour sortir de prison. J’en conclus donc que cette loi n’est pas faite pour les malades, mais qu’elle est réservée aux détenus en fin de vie. » « Comment prétendre que c’est une loi humanitaire ? » interroge encore celui qui a passé la moitié de sa vie derrière les barreaux. En 1984, Laurent Jacqua a dix-huit ans, il tue un skinhead qui l’a agressé. Direction la case prison pour dix ans. C’est à ce moment-là qu’il apprend sa séropositivité. Deux ans de liberté. Puis nouvelle condamnation : pour braquage et évasions, il prend trente ans de réclusion. Peine qu’il achèvera en 2021. Son cheval de bataille ne s’aventure guère sur le terrain de l’innocence mais sur celui du droit. Il ira jusqu’à saisir la Cour de cassation. En vain. Dans son livre, la Guillotine carcérale, il raconte le statut de détenu particulièrement surveillé (DPS), les quatre années d’isolement, la quarantaine de transferts, les placements au mitard : « Au début de ce régime, j’avais environ 300 T4 (lymphocytes impliqués dans la défense immunitaire). Quand je suis sorti, pour des raisons médicales, de ce régime spécial, je pesais 50 kg et il ne me restait plus que 8 T4. Une pneumocystose avait failli m’emporter et j’étais presque mort. Il m’a fallu environ six ans de convalescence avec les trithérapies pour retrouver une santé stable. » En mars 1998, il rencontre Leïla, visiteuse de prison à Aides. Coup de foudre et mariage. Elle est devenue sa voix à l’extérieur. « N’importe quel spécialiste du VIH vous dira que cette maladie est irréversible et que, dès lors, le pronostic vital est engagé même si ça n’est pas à court terme. Aujourd’hui, Laurent va bien, mais rien ne dit que dans un an ou deux il ne sera pas mort. » Un pédiatre, un anesthésiste ou encore un médecin légiste ont joué les experts de sa pathologie. « Il y a même un rapport établi sans que le médecin ne voie Laurent », enfonce son épouse. Ces six derniers mois, son mari a perdu 200 T4, la faute au « stress de l’établissement, il a eu la crève comme tout le monde, sauf qu’avec lui ça dure un mois ». Comment vit-elle cette situation ? « Je le vois quatre heures par semaines, détaille Leïla. Je pense prison tous les jours. Dès que Laurent a le moindre rhume, on voit très vite les conséquences par rapport à sa maladie, surtout quand on connaît les soins inexistants en détention. C’est difficile pour nous deux. Mais Laurent me donne une énergie incroyable. » L’engagement du couple fait le reste : « La loi est appliquée avec un lance-pierres en fonction de l’individu. Des gens crèvent en taule comme des bêtes et c’est inadmissible ! » S. B. Source : L’Humanité [1] Sur son blog, consultable sur le site du Nouvel Observateur tous les 15 jours |