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Enjeux éthiques du mode d’accès aux soins en situation d’isolement

Publié le jeudi 14 décembre 2006 | http://prison.rezo.net/enjeux-ethiques-du-mode-d-acces,8924/

Ce mémoire est centré sur l’accès aux soins spécialisés des personnes détenues, abordé à travers la représentation des difficultés des soignants à assurer leur mission en milieu pénitentiaire.

UNIVERSITE RENE DESCARTES
Faculté de Médecine, Paris 5
MASTER D’ETHIQUE MEDICALE
Directeur : Pr Christian Hervé
Année 2004-2005
ENJEUX ETHIQUES DU MODE D’ACCES
AUX SOINS EN SITUATION D’ISOLEMENT
SI PROCHE, SI LOIN
Difficultés d’accès aux soins spécialisés
en milieu pénitentiaire
Intérêt discuté des TIC pour les soignants
L. Bonnardot
Directeur de mémoire : Pr Christian Hervé
2
TABLE DES MATIERES
Table des matières..........................................................................................2
Liste des acronymes.......................................................................................7
Remerciements.............................................................................................8
INTRODUCTION................................................................................9
CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE................................................10
I. DU DROIT AUX SOINS A L’EQUITE D’ACCES AUX SOINS....................10
1. Droit à la santé ou droit aux soins
2. L’accès aux soins, charpentière du droit aux soins
3. L’équité d’accès aux soins
3.1 L’équité, un concept éthique
3.2 « L’agir « éthique » ou le devoir d’agir du soignant
4. La visée
II. LE MILIEU PENITENTIAIRE............................................................17
1. Un peu d’histoire (ANNEXE 1)
1.1 La prison et l’évolution des peines
1.1.1 La prison
1.1.2 Le soin
1.2 La santé en milieu pénitentiaire
1.2.1 La difficile reconnaissance d’un droit aux soins
1.2.2 De la réforme Amor à la loi du 18 janvier 1994
2. La loi du 18 janvier 1994 et le principe d’équivalence
2.1 La loi du 18 janvier 1994 : un accès aux soins« dedans comme dehors »
2.2 L’équivalence des soins
2.2.1 Une notion lourde de sens
2.2.2 Equivalence, égalité et équité
3. Les détenus aujourd’hui
3.1 Prévenus et condamnés
3.2 La santé des détenus : entre exclusions et précarité
III. LE MILIEU ISOLE...........................................................................30
1. Facteurs d’isolement
2. Le milieu isolé géographiquement
3. La pratique médicale en milieu isolé
3.1 La pratique médicale
3.2 L’immersion sociale
3.3 La responsabilité ou l’éthique de la responsabilité
4. L’isolement : un paradoxe et une réalité
4.1 Un paradoxe
4.2 Une réalité
3
IV. LA TELEMEDECINE ET LES TIC.................................................38
1. Définitions
1.1 TIC : Technique ou technologie
1.2 Télémédecine et télésanté
1.3 Les applications de la télémédecine
2. Le concept de télémédecine
2.1 « Un concept qui n’a rien de nouveau »
2.2 Et pourtant
3. Enjeux de la télémédecine
3.1 L’accès aux soins pour tous
3.2 Une justification économique ?
3.3 Les limites de la télémédecine
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODE................................44
Objectif de recherche
Champ d’étude
I. PHASE I : LE TEMPS INFIRMIER..................................................45
1. Population ciblée
2. Outil d’évaluation : le questionnaire téléphoné
II. PHASE II : LE TEMPS MEDICAL...................................................46
1. Population ciblée
2. Outil d’évaluation : le questionnaire téléphoné
2.1 Conception du questionnaire
2.2 Composition du questionnaire
2.3 Analyse statistique
CHAPITRE III : RESULTATS.........................................................49
A. TEMPS INFIRMIER............................................................................49
I. POPULATION
II. DEROULEMENT
III. PRESENTATION DES RESULTATS
1. Profil de l’UCSA
1.1 Distance
1.2 Effectif médecin
1.2.1 Vacation en médecine générale
1.2.2 Vacation de médecins spécialistes
1.3 Effectif de détenus et nombre de places
1.4 Extractions médicales
2. Accès aux soins
2.1 Accès aux soins spécialisés
2.2 Avis médical en urgence
4
3. Isolement
4. Difficultés principales
5. Internet et visioconférence
IV.SYNTHESE
B. TEMPS MEDICAL..............................................................................57
I. POPULATION
1. Médecin « généraliste »à l’UCSA
2. Médecin spécialiste consultant sur place
3. Profil de l’UCSA
II. DIFFICULTES DU SOIN EN PRISON
1. Difficultés de la pratique médicale
2. Isolement
2.1 Sentiment d’isolement
2.2 Lien entre UCSA et Hôpital
2.3 Influence du milieu carcéral sur la pratique médicale
III. ACCES AUX SOINS SPECIALISES
1. Difficultés d’accès
2. Spécialités demandées
3. Délai consultations spécialisées
4. Avis téléphoniques
5. Consultations spécialisées : UCSA ou Hôpital
6. Les extractions médicales
7. Les spécialistes à l’UCSA
IV. TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION
1. Le DMP
1.1 Un besoin
1.2 Le partage
1.3 Le contenu
2. La télémédecine en temps différé
2.1 Accès internet et guidelines
2.2 Demande d’avis par email
3. Télémédecine en temps réel (Visioconférence)
4. Synthèse
4.1 5 questions de synthèse
4.1.1 TIC et prise en charge des détenus
4.1.2 DMP et qualité de prise en charge
4.1.3 Télémédecine et extractions
4.1.4 Télémédecine et accès aux soins spécialisés
4.1.5 Télémédecine et isolement
4.2 Freins au développement de la télémédecine
4.3 Les TIC : Une priorité pour améliorer l’accès aux soins ?
V. SYNTHESE.....................................................................................78
5
CHAPITRE IV : DISCUSSION......................................................79
I. LIMITES DE LA METHODOLOGIE
1. PHASE 1 : Temps infirmier
2. PHASE 2 : Temps médical
II. LE MILIEU PENITENTIAIRE : UN MILIEU ISOLE POUR LES SOIGNANTS
1. Une structure de soins commune
2. L’équipe soignante
3. Un isolement non géographique
4. L’équivalence des soins en milieu contraint
5. La pratique en milieu isolé : une éthique de la responsabilité
III.COMMENT AMELIORER L’ACCES AUX SOINS SPECIALISES
1. L’accès aux soins spécialisés est-il un problème en milieu pénitentiaire
2. Les extractions médicales
2.1 Un problème d’organisation et un enjeu éthique
2.2 A l’UCSA
2.3 A l’Hôpital
2.4 Les extractions médicales : une urgence éthique
3. Le recours aux TIC
3.1 Un outil efficace pour l’accès aux soins
3.1.1 En milieu pénitentiaire
3.1.2 En milieu isolé
3.1.3 Pour les prisons françaises ?
3.2 Les TIC en milieu pénitentiaire : le point de vue des soignants
3.2.1 Un avis favorable mais pas une priorité
3.2.2 Pas de télémédecine sans réseau
3.3 La télémédecine en pratique
3.3.1 Une organisation complexe
3.3.2 Un bénéfice temps / efficacité discutable
3.3.3 Un manque de matériels et des problèmes téchniques
3.3.4 Le coût de la télémédecine
3.3.5 Quelques échecs et une certaine fragilité pérenne
4. Les spécialistes à l’UCSA
4.1 La seule réponse à l’ « équivalence des soins »
4.2 Une réponse aux problèmes posés par les autres moyens d’accès
4.2.1 Les extractions médicales
4.2.2 La télémédecine
IV.A QUELLE DISTANCE SONT LES PRISONS ?
1. Si proche, si loin
2. La légitimité d’une médecine à distance
6
CONCLUSION.........................................................................................109
ANNEXES...............................................................................................112
1. La prison : quelques repères chronologiques
A. Evolution des peines
B. Evolution des soins aux détenus
2. La télémédecine : la réunion de 3 disciplines
3. Questionnaire Infirmière
4. Questionnaire Médecin généraliste UCSA
5. Questionnaire Médecin spécialiste Hôpital
BIBLIOGRAPHIE.....................................................................................137
7
LISTE DES ACRONYMES
CISIH : Centre d’Information et de Soins de l’Immunodéficience Humaine
DHOS : Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins
IGAS : Inspection Générale des Affaires Sociales
NASA : National Aeronautics and Space Administration
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
SMPR : Services Médico-Psychologiques Régionaux
SPIP : Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation
TAAF : Terres Australes et Antarctiques Françaises
TIC : Technologies de l’Information et de la Communication
NTIC : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication
UCSA : Unité de Consultations et de Soins Ambulatoires
UHSI : Unité Hospitalière Sécurisée Interrégionale
8
REMERCIEMENTS
Au Professeur Christian Hervé pour sa clairvoyance, sa disponibilité et sa confiance,
Au Docteur Luc Montuclard dont le soutien et l’expérience en milieu pénitentiaire furent
essentiels pour réaliser ce travail,
A Maître Catherine Legouge pour son efficace et généreuse collaboration,
Au Docteur Vincent Hazebroucq dont l’aide et les conseils furent précieux tout au long de
cette année,
Aux personnes qui ont participé à cette étude et notamment :
- les infirmières et médecins des UCSA
- les Docteurs S.Balanger, PY.Robert, P.Espinoza, F.Moreau, et JM.Wojcik
- Mme H. Faure et le Pr D.Sicard
A Mme Marie-Aimée Bonnardot et à Mme Nicole Yrle pour leur relecture,
A Yves Bertrand Noël N’djana, Grégoire Moutel, Jean-christophe Coffin et toute l’équipe du
laboratoire d’éthique médicale,
Au Docteur Claude Bachelard, médecin-chef du service médical des Terres Australes et
Antarctiques Françaises, avec qui je poursuis depuis plusieurs années cette réflexion sur la
pratique médicale en situation d’isolement,
A Mme Stéphanie Froissart, coordinatrice d’activités de télésanté au sein du réseau de la santé
au Québec, et à l’Institut International de Recherche en Bioéthique (IIREB) dont la bourse
d’étude m’a permis d’approcher le système de télésanté québécois,
Aux Professeurs Claude Beauvillain de Montreuil et Philippe Bordure,
Aux Docteurs Olivier Malard et Christophe Ferron ainsi qu’à toute l’équipe d’ORL du CHU
de Nantes, qui avec respect, me soutiennent depuis le début de mon internat.
A Modi,
9
INTRODUCTION
Les personnes vivant en situation d’isolement subissent les contraintes imposées par leur
milieu de vie et ont le plus souvent des difficultés d’accès aux soins notamment spécialisés.
La recherche de l’équité d’accès aux soins, pour tous et partout [1], est un devoir éthique pour
chacun et particulièrement pour les soignants dont la mission de soins implique de faire
respecter ce droit aux soins inaliénable des personnes.
Le développement des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) dans le
domaine de la Santé donne aujourd’hui à la télémédecine les moyens de relever le défi de « la
Santé pour tous au XXIème siècle »1 et fait naître l’espoir de rapprocher la médecine ultra
spécialisée des pays développés de celle du reste du monde.
Ce mémoire est centré sur l’accès aux soins spécialisés des détenus, abordé à travers la
représentation des difficultés des soignants à assurer leur mission en milieu pénitentiaire.
La loi du 18 janvier 1994, complétée par le décret du 27 octobre 1994 et la circulaire
interministérielle du 8 décembre 1994, constitue une étape historique dans la prise en charge
sanitaire des détenus. Elle vise à « assurer à la population incarcérée une qualité et une
continuité des soins équivalant à celles offertes à l’ensemble de la population... » [3]. La
mission est aussi ambitieuse en regard des contraintes du milieu pénitentiaire que nécessaire
face aux besoins de soins de la population carcérale.
Afin de mieux comprendre les enjeux éthiques du mode d’accès aux soins en milieu
pénitentiaire, nous appuierons notre réflexion sur le modèle de soins développé dans les
milieux isolés géographiquement dont les contraintes « naturelles » ne soulèvent pas d’autre
tension éthique que celle de se donner les moyens d’assurer l’équité des soins.
Enfin grâce à l’étude de la distance géographique entre la prison et l’hôpital, l’évaluation du
sentiment d’isolement des soignants et des difficultés d’accès aux soins spécialisés, nous
essaierons de comprendre les fondements de cette distance qui seuls permettront d’adapter au
mieux les moyens d’améliorer les accès aux soins des détenus.
1 En 1998, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) lance la « SANTE POUR TOUS AU XXIème siècle »
dont un des fondements éthiques repose sur « l’équité en matière de santé et une solidarité agissante entre les
pays, entre des groupes de population dans les pays et entre les sexes ». OMS, Santé 21, la politique-cadre de la
Santé pour tous. 1999.
10
CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE
I. DU DROIT AUX SOINS A L’EQUITE D’ACCES
AUX SOINS
1. DROIT A LA SANTE OU DROIT AUX SOINS ?
« Le droit à la santé est inaliénable » titrait en juin 2003 la direction de l’Administration
Pénitentiaire dans une « affichette d’information à diffuser auprès de la population pénale et
visant à informer les détenus sur la suspension de peines pour raisons médicales ».[4]
Même si cette « affichette d’information », aux allures de note ministérielle comme le laisse
penser l’en-tête du ministère de la justice, n’a aucune valeur juridique, elle proclame
l’existence d’un droit à la santé, dont l’épithète « inaliénable » ne fait que renforcer son
illusion juridique. Or ce « droit à la santé » n’existe pas dans les textes fondamentaux et son
affirmation en milieu carcéral a alors quelques relents de démagogie.
Tout d’abord, rappelons que le concept de santé possède de nombreuses interprétations selon
la définition donnée au mot santé. Ainsi, alors que René Leriche n’y voit que « la vie dans le
silence des organes » [5], l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit « la santé
comme un état de complet bien-être physique, mental et social qui ne consiste pas seulement
en une absence de maladie ou infirmité ». Cette dernière définition a l’intérêt de noter que « la
notion de santé ne s’applique pas au seul physique, mais que le mental et le relationnel
interviennent grandement dans cet état » [6]. S’agissant de la santé des détenus dont on
connaît le degré d’exclusion notamment sociale, ce rappel prend une résonance particulière et
souligne que tous les agents pénitentiaires au même titre que le médecin sont responsables de
la santé des détenus. On ne peut plus séparer le social du médical. [7] [8] Ce principe devrait
être inaliénable.
Ainsi, la revue des principaux textes officiels ne laisse apparaître aucune affirmation d’un
droit à la santé : dans le préambule à la constitution de 19462, il est question de garantir la
« protection de la santé ». La loi du 4 mars 2002, article L.1110. du code de Santé Publique3,
2 Préambule à la constitution, 27 octobre 1946, article 11. « Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la
mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être
humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans
l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence »
3 Loi du 4 mars 2002, art.L.1110-1. « Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en oeuvre
par tous les moyens disponibles au bénéfice de toute personne. Les professionnels, les établissements et réseaux
de santé, les organismes d’assurance maladie ou tous autres organismes participant à la prévention et aux soins,
et les autorités sanitaires contribuent, avec les usagers, à développer la prévention, garantir l’égal accès de
chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure
sécurité sanitaire possible.
11
reprend la notion et introduit l’obligation de moyens pour l’assurer : « Le droit fondamental à
la protection de la santé doit être mis en oeuvre par tous les moyens disponibles au bénéfice de
toute personne. »
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme4 note également article 25, alinéa 1, le
droit de chacun à disposer de moyens économiques suffisants pour assurer sa santé.
Ainsi, « la santé n’est pas considérée comme un droit en soi, mais elle fait partie des
conditions requises pour affirmer une vie normale ».[5] .
De même, l’article 7 du code de déontologie médicale qui impose au médecin l’obligation de
soigner5, sous peine d’être réprimé (art 223-6 du code pénal), est une contrepartie de
l’affirmation d’un droit aux soins.
Concrètement, il ne peut exister un droit à la santé qui irait, poussé à l’extrême, jusqu’à
équivaloir à un droit à la santé parfaite [9], un droit à guérir, ce que personne ne pourra jamais
assurer.
L’OMS[2] note d’ailleurs cette nuance entre le droit à la santé et le droit aux soins puisqu’elle
affirme dans sa Constitution en 1946 comme l’un des droits fondamentaux de tout être
humain, « la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre ».
Si l’idée du droit à la santé semble « une véritable utopie »[10], seul le droit à la protection de
la santé est d’abord consacré dans des dispositions à valeur constitutionnelle (préambule à la
constitution) puis légalement (art L1110-1 CSP) et déontologiquement (articles 7 , 9, 32, 33)
avec l’affirmation du droit pour toute personne à disposer des moyens suffisants pour assurer
sa santé. La mise en oeuvre de ce droit constitue l’accès aux soins dans une prise en charge
globale adaptée aux facteurs de risque et aux risques sociaux personnels [11]
4 Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, article 25, alinéa 1 : « Toute personne a droit à
un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour
l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ;
elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres
cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. »
5 Code déontologie médicale, article 7 : « Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la
même conscience toutes les personnes... »
12
2. L’ACCES AUX SOINS, CHARPENTIERE DU DROIT
AUX SOINS
Le droit aux soins ne peut exister sans la possibilité d’un accès aux soins. Par sa définition, le
terme « accès » introduit la notion de « facilité plus ou moins grande d’accéder »6qui est au
centre de ce travail.
Cet accès pour la personne se fait nécessairement à partir d’un milieu, défini par « l’ensemble
des conditions extérieures dans lesquelles vit et se développe un individu humain »7.
Aussi les conditions environnementales de ce milieu génèrent-elles un certain nombre de
contraintes et la notion même de contrainte va bien au-delà de ces seules conditions.
Isabelle Stengers éclaire cette notion dans son ouvrage Cosmopolitiques I[12] :
« Contrairement aux conditions, qui sont toujours relatives à un existant donné, qu’il s’agit
d’expliquer, de fonder ou de légitimer, la contrainte ne livre aucune explication, ne fournit
aucun fondement, n’autorise aucune légitimité. Une contrainte requiert d’être satisfaite, mais
la manière dont elle sera satisfaite reste, par définition, une question ouverte. Une contrainte
impose sa prise en compte, mais elle ne dit pas comment elle doit être prise en compte. Elle
ne reçoit donc sa signification, permettant le cas échéant d’en faire a posteriori la condition
expliquant que ceci plutôt que cela soit venu à l’existence, que dans le processus même de
cette venue à l’existence.
La notion de contrainte offre le grand intérêt de faire intervenir le préfixe cum, « avec ». Elle
invite donc à situer la question de l’entre-capture dans un paysage où ce qui devra être
satisfait est de l’ordre du « tenir ensemble avec d’autres »....
Cette réflexion aide à saisir l’importance d’évaluer à partir des pratiques, les contraintes
auxquelles sont soumises les personnes dans un milieu donné, pour réussir à trouver et adapter
les moyens de les dépasser.
Ainsi chaque milieu selon son environnement présente pour les personnes un certain niveau
de contraintes susceptible de compliquer l’action d’accéder.
On admet alors que plus ces contraintes sont importantes pour une population, plus son accès
aux soins est difficile, fragilisant d’autant son fondamental droit aux soins.
6 Dictionnaire de L’Académie française, 8th Edition (1932-5)
« ACCÈS. n. m. Facilité plus ou moins grande d’accéder dans un lieu »
7 Dictionnaire Le Robert
« MILIEU. n.m. (1842) : Ensemble des conditions extérieures dans lesquelles vit et se développe un individu
humain »
13
3. L’EQUITE D’ACCES AUX SOINS
3.1 L’équité, un concept éthique
Le terme équité vient du latin « aequitas », égalité, qui signifie littéralement « caractère de ce
qui est égal »8. Mais cette égalité, note André Comte-Sponville, si elle est essentielle à la
justice, est moins l’égalité entre les objets échangés, laquelle est toujours discutable et presque
toujours admissible, qu’entre les sujets qui échangent ». [13] Ainsi, l’équité appelle à une
« égalité non pas de fait, mais de droit ». [13, 14]
L’équité dépasse la seule idée d’équivalence comprise dans le principe d’égalité en
introduisant la notion d’une justice supérieure dans l’appréciation de ce qui est dû à chacun.
Aristote9 rappelle ainsi la distinction entre justice et équité : l’équité remédie à la justice « là
où le législateur a omis de prévoir le cas et a péché par esprit de simplification ». « La raison
en est que la loi est toujours quelque chose de général, et qu’il y a des cas d’espèces pour
lesquels il n’est pas possible de poser un énoncé général qui s’applique avec rectitude. » Et
Aristote de conclure : « Telle est la nature de l’équitable : c’est d’être un correctif de la loi, là
où la loi a manqué de statuer à cause de sa généralité.10 » [15]
« Le monde matériel repose sur l’équilibre, le monde moral sur l’équité » déclare Victor
Hugo, et Paul Ricoeur d’affirmer « la primauté de l’éthique sur la morale ». 11
L’équité est source d’éthique en appelant à une réflexion, un jugement et une action en
situation. D’une certaine manière, elle participe à la visée éthique de Paul Ricoeur, « la visée
de la vie bonne avec et pour autrui dans des institutions justes » [16]L’équité est dans la « vie
bonne » et mène à la justice sociale.
En effet, non seulement il existe un lien entre l’équité et le « avec et pour autrui » énoncé dans
le concept de sollicitude de Paul Ricoeur [17], mais aussi l’équité répond à l’idée
d’« institutions justes » en introduisant à travers son « exigence d’égalité », le sens de la
justice dont elle assure le « contenu éthique »[18].
La « sagesse pratique », énoncée par Paul Ricoeur fait appel également au sens de l’équité
dans la mesure où elle prend en compte la situation pour juger : « ... sagesse liée au jugement
moral en situation et pour laquelle la conviction est plus décisive que la règle elle-même ».
[19]
Par ailleurs, il y a dans l’équité une « exigence d’universalité » [19] qu’exprime clairement le
second impératif kantien : « traiter l’humanité dans sa propre personne et dans celle d’autrui
comme une fin en soi et non pas seulement comme un moyen. » [20]De ce principe découle
l’accès aux soins « pour tous ».
8 Dictionnaire Le Robert
9 cité Paul Ricoeur dans « Soi-même comme un autre »15. Ricoeur, P., Soi-même comme un autre. 1990 :
Points. pp 304-305.
10 Aristote, Ethique à Nicomaque, trad.Tricot, V, 14, 1137 b, 19-27 ; V, 14, 1137 a 31- 1138 a 3
11 Ricoeur P., Soi-même comme un autre, 1990, Points, p 202 : « La présente étude se bornera à établir la
primauté de l’éthique sur la morale, c’est-à-dire de la visée sur la norme. »
14
Le souci d’équité amène le soignant à un nécessaire engagement personnel qui va au-delà de
la simple délivrance d’un acte de soin. Cet engagement l’inscrit dans l’action, et le met du
côté du « je peux » quand le malade ne peut pas ou ne peut plus. Ricoeur, en étendant ce « je
peux » du plan physique au plan éthique[21] donne toute sa profondeur à l’acte de soigner,
seul capable de redonner le « pouvoir » au malade, c’est-à-dire restaurer son « je peux ».12
3.2 « L’agir éthique » ou le devoir d’agir du soignant
« Liberté, égalité, fraternité, ont clamé les citoyens français en 1789 »
« Pendant de nombreuses années, la profession médicale a surtout proclamé son droit à la
liberté (liberté d’exercice, de thérapeutique, libre choix, etc). Elle ferait bien à présent de se
soucier autant d’égalité et de fraternité »
François Grémy13
L’accès aux soins passe nécessairement par le soignant. Cette personne est médecin ou ne
l’est pas selon les zones géographiques et leur densité médicale dramatiquement inégale.
A nos latitudes, le référent soignant est le plus souvent le médecin généraliste dont la
polyvalence doit permettre de répondre à la demande de soins, aussi vaste soit-elle.
Ainsi ce praticien général ou « General Practionner » comme le nomment les anglo-saxons,
est au centre des structures de soin et constitue la pierre d’angle de la plupart des systèmes de
soins.
L’article 7 du code de déontologie médicale impose au médecin le devoir de soigner « toutes
les personnes » sans aucune discrimination et l’article 9 rappelle que son devoir d’assistance
s’applique dès lors qu’il est « en présence d’un malade...ou, informé qu’un malade ou un
blessé est en péril... »14.
Or aujourd’hui, grâce notamment au développement des Technologies de l’Information et de
la Communication (TIC), qui peut prétendre ne pas être informé de la situation sanitaire de
populations privées d’accès aux soins et dont les besoins en soins sont réels et urgents ?
« DANS NOTRE SALLE D’ATTENTE, 2 MILLIARDS D’HOMMES » titrait dans les
années 70 l’une des premières affiches de médecins sans frontière, en faisant référence aux
pays du sud.15
Toutes les formes d’exclusion participent d’une manière ou d’un autre à réduire l’accessibilité
au système de soins. [1] Il suffit pour s’en convaincre de passer quelques heures dans un
service d’urgence de la banlieue parisienne. Il n’y a ni mur de prison, ni océan à traverser, et
pourtant l’accès aux soins d’une « certaine » population est loin d’être assuré.
12 Hervé, C., entretien avril 2005
13 Propos cité par F.Roger France dans article « Equité des soins : une perspective de santé publique à l’aide des
systèmes d’information »
14 Code de déontologie médicale, article 9 : « Tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un
blessé en péril ou, informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il
reçoit les soins nécessaires. »
15 Propos cité par J.Lebas, Institut de l’Humanitaire, Paris, dans « Ethique et accès aux soins »
15
Inutile de partir dans les montagnes du Tadjikistan pour mesurer le problème de l’accès aux
soins. En France, les médecins ne sont-ils pas informés des problèmes que posent l’inégale
répartition de la démographie médicale et de son impact en termes d’accès aux soins pour les
populations qui vivent dans ces « déserts médicaux »16 ? Ces choix démographiques sont
pourtant décisifs dans l’organisation du système de soins et il appartient à chaque médecin
tout en préservant sa liberté de choix d’installation, légitime après de longues années d’études,
de tenir compte des besoins de soins de la population et non plus seulement de l’orientation
personnelle de sa vie professionnelle. Espérons que l’émergence récente des « réseaux » de
soins puisse apporter une solution d’avenir. [22] [23]
Même si l’organisation d’un système de soins ne repose pas uniquement sur le médecin, il
n’en demeure pas moins un acteur principal, dont l’évaluation des besoins en matière de santé
est essentielle. Mais comme le note Francis H.Roger, « le clinicien n’est pas formé à ces
perspectives de santé publique. Sa pratique est orientée vers les patients individuels. Cette
scotomisation l’empêche de participer à la prise de décisions en matière de santé publique... ».
Le soignant doit être le garant du respect du principe d’équité des soins « qui vise à distribuer
les soins en fonction des besoins plutôt que des ressources financières des populations, afin
d’obtenir plus de justice sociale ».[14] [24]
Il y a nécessité éthique à soigner en priorité selon ces besoins réels que les systèmes
d’information en santé publique peuvent aujourd’hui aider à évaluer justement. Cela souligne
également l’importance pour les professionnels de santé de s’impliquer davantage dans le
champ de la santé publique et de participer activement aux décisions de politique de santé.
Ainsi le rôle pivot du médecin dans le système de soins lui donne la lourde responsabilité, en
tant que témoin et acteur, de veiller à assurer l’équité dans l’accès aux soins de tous. Le
serment d’Hippocrate comme le respect du code de déontologie l’y invitent avant de l’y
engager.
16 Avis N°1864, sur le projet de loi de finance pour 2005, tome XI, B.Poletti, p 21 : « Pour lutter contre les
déserts médicaux : les promesses de la télémédecine »
16
4. LA VISEE
L’intérêt de travailler sur l’accès aux soins de populations vivant dans des milieux de vie
soumis à des contraintes visibles et importantes est de dégager, à travers les principales
difficultés posées par la pratique des soins, les mécanismes susceptibles de limiter cet accès.
Les milieux isolés par leur faible population restent marginaux et suscitent peu l’intérêt
général alors que le vécu de ces populations constitue de riches expériences humaines aux
multiples enseignements.
Ainsi dans le domaine de la santé, la nécessaire adaptation des modes d’accès aux soins dans
ces milieux isolés aboutit à la création de structures de soins performantes qui ont toujours
tenu compte de la limitation de moyens pour organiser au mieux les soins.
Si l’imaginaire créé par les murs d’une prison ou par un océan à traverser est suffisamment
fort pour comprendre les problèmes de l’accès aux soins en milieu pénitentiaire ou dans le
milieu isolé géographiquement, il est bien plus difficile de se figurer celui de certaines
populations urbaines dite « défavorisées ».
Mais l’équité des soins est partout nécessaire. Aussi peut-on poser l’hypothèse que le modèle
structurel validé pour les populations vivant en situation d’isolement permettra peut-être
d’aider ces autres populations, soumises en apparence à aucune contrainte, mais dont l’accès
aux soins est loin d’être assuré.
Parce que l’éthique tire son essence des pratiques et qu’elle ne peut se concevoir que dans la
perspective d’une réflexion en situation » [25], nous étudierons le problème de l’accès aux
soins dans 2 milieux conceptuellement opposés mais qui ont en commun la notion
d’isolement :
- Le milieu pénitentiaire
- Le milieu isolé géographiquement
Dans ce premier chapitre, après avoir introduit ces 2 milieux, nous présenterons les
Technologies de l’Information et des Communications (TIC) dont les applications dans le
champ de la santé peuvent contribuer à faciliter l’accès aux soins et ainsi à assurer leur équité.
17
II. LE MILIEU PENITENTIAIRE
Le terme pénitentiaire vient du latin paenitentialis17 et fut utilisé dès 1806 comme substantif
pour signifier le bagne, puis en 1835 comme adjectif définissant ce qui a rapport au détenu.
Le milieu pénitentiaire est un milieu créé par l’homme pour l’homme, à son image peut-être,
dont il est par conséquent seul responsable quant aux insuffisances, dysfonctionnements et
autres « imperfections ».
Pour comprendre la problématique actuelle des soins en prison et le bouleversement induit par
la Loi du 18 janvier 1994, l’éclairage historique est indispensable. Il existe en effet un rapport
étroit entre le « comment punir » et le « pourquoi soigner ». Le soin par le souci éthique du
médecin pose la question de la « finalité de la peine ».[26]
L’annexe 1 propose quelques repères chronologiques pour une approche purement descriptive
de l’évolution des peines et de l’accès aux soins en milieu pénitentiaire. Ce survol historique,
bien que superficiel, montre que les « grandes réformes » concernant les peines et la santé en
milieu pénitentiaire sont très récentes.
1. UN PEU D’HISTOIRE (ANNEXE 1)
1.1 La prison et l’évolution des peines
Si l’idée de punir remonte sans nul doute aux temps des premiers hommes, la prison est une
institution relativement nouvelle, le châtiment corporel étant encore une réalité au début du
XIXème siècle.
Le temps des supplices infligés au condamné est un point de repère essentiel dans l’Histoire
des prisons, et sa disparition marque un tournant décisif dans l’évolution des peines.
C’est ainsi que Michel Foucault, dont l’ouvrage « Surveiller et punir » pose magistralement
« l’arrière-plan historique » des prisons, commence son chapitre premier par la lecture des
pièces originales et procédures du procès de Robert-François Damiens condamné pour
parricide en 1757.
En voici quelques extraits :
17 Paenitentialis signifie au XIIIème siècle, pénitencier qui signifie le prêtre autorisé à confesser. Au XVème
siècle, il désigne la maison où l’on se rend pour faire pénitence. Dictionnaires Robert et Gaffiot.
18
« condamné, le 2 mars 1757, à faire amende honorable devant la principale porte de l’Eglise
de Paris18, ..., et sur un échaffaud qui y sera dressé, tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et
gras des jambes, sa main droite tenant en icelle le couteau dont il a commis ledit parricide,
brûlée au feu de soufre et sur les endroits où il sera tenaillé, jeté du plomb fondu, de l’huile
bouillante, de la poix résine brûlante, de la cire et soufre fondus et ensuite son corps étiré et
démembré à quatre chevaux et ses membres et corps consumés au feu, réduits en cendres et
ses cendres jetées au vent »... . « Enfin on l’écartela. Cette dernière opération fut très longue,
parce que les chevaux dont on se servait n’étaient pas accoutumés à tirer ; en sorte qu’au lieu
de quatre, il en fallut mettre six ; et cela ne suffisant pas encore, on fut obligé pour
démembrer les cuisses du malheureux, de lui couper les nerfs et de lui hacher les
jointures... »
Cette présentation d’un supplice n’est pas inutile : d’une part, cette description aux détails
effroyables permet de comprendre à travers la réalité de cet acte barbare ordonné par la loi,
jusqu’où peut aller cette « logique afflictive du châtiment »[27] et d’autre part, elle permet de
mieux comprendre en quoi la prison et le droit aux soins constituent un réel progrès.
1.1.1 La prison
Même si la Révolution Française amorce la fin de ces « grands spectacles punitifs », avec
l’abolition de la torture en 1788, la suppression du pilori en 1789, les supplices ne
disparaîtront que vers les années 1830-1848 [28] en France et dans les principaux systèmes
pénaux (Russie, Angleterre, Prusse). Foucault remarque que « d’une façon générale, les
pratiques punitives étaient devenues plus pudiques. Ne plus toucher au corps, ou le moins
possible en tout cas, et pour atteindre en lui quelque chose qui n’est pas le corps lui même. On
dira : la prison, la réclusion, les travaux forcés, le bagne, l’interdiction de séjour, la
déportation sont biens des peines « physiques » : à la différence de l’amende, ils portent, et
directement, sur le corps. »[29]
Ainsi émerge une façon de punir autrement que par le corps supplicié. On comprend mieux
que, aussi paradoxal que cela puisse paraître aujourd’hui, « la prison marque un moment
important dans l’histoire de la justice pénale : son accès à l’humanité ». [30]
A la fin du XVIIIéme, début XIXème siècle, avec l’adoption du premier code pénal en 1791,
le principe de la peine privative de liberté se généralise et remplace progressivement les
châtiments corporels, mutilations et autres supplices. L’enfermement est au centre du
dispositif pénal.
L’isolement est alors le premier fondement de la prison qui se doit de séparer le condamné du
monde extérieur et le conduire à la solitude, « ... condition première à la soumission totale »
en assurant « le tête-à-tête du détenu et du pouvoir qui s’exerce sur lui ». [31]
Le deuxième code pénal en 1810 va associer l’isolement et le travail comme « agent de
transformation carcérale ». L’abolition des travaux forcés n’interviendra qu’en 1945.
Après la disparition des supplices et l’avènement de la peine privative de liberté, la réforme
Amor, du nom de son rapporteur, ancien déporté pendant la guerre, est certainement l’autre
grand tournant dans l’histoire des prisons. 14 principes sont énoncés dont le premier résume
18 Cathédrale de Notre Dame de Paris
19
la philosophie : « la peine privative de liberté a pour but essentiel l’amendement et le
reclassement social du condamné. 19
On sent alors une volonté politique « d’humaniser les prisons et de faire en sorte que la
détention ne soit qu’« une privation de liberté et uniquement de liberté ».20 Mais les constats
établis par différents observateurs [32], ou publiés dans différents rapports [33], [34], [35]
montrent que la question du « comment punir » dans le respect de la dignité humaine est loin
d’être résolue.
Aussi, Merle et Vitu[36], dans leur traité de droit criminel, nous rappellent-ils une notion
essentielle pour comprendre la prison qui aujourd’hui sert à l’application de la peine privative
de liberté.
La prison mêle à des degrés divers selon les époques et l’usage que font les Sociétés de la
privation de liberté, 3 conceptions :
- Le mur : la prison « comme simple instrument de protection des citoyens paisibles
contre les individualités dangereuses : la prison est alors un mur, une digue « ad
continendos homines » comme disait Ulpien... ; elle n’est pas autre chose qu’un parc
zoologique où l’on enferme les fauves pour les empêcher de nuire. »
- La géhenne : la prison « comme lieux de souffrances et d’expiation, où l’on
s’efforcera de « mater » les criminels avec suffisamment de rigueur pour leur enlever
toute envie de récidiver. »
- L’amendement : la prison « ...dans un perspective plus humaine. On profite de
l’emprisonnement pour rééduquer les condamnés et pour préparer par des méthodes
appropriées leur réinsertion dans la vie normale.
Ces 3 conceptions sont fondamentales. Car, même si l’orientation des prisons affirmée
aujourd’hui politiquement est « l’amendement et le reclassement social du condamné »21, on
constate que les murs des prisons sont toujours aussi hauts et que la souffrance22 est toujours
très forte. La philosophie pénale a évolué, mais les prisons sont toujours les mêmes23, avec des
cellules de 9 mètres carrés réglementaires sans isolation des sanitaires. De plus, la
surpopulation carcérale d’environ 200% dans les maisons d’arrêt [35] réduit d’autant l’espace
à vivre alors même que l’encellulement individuel des prévenus est prévu depuis 187524. En
ajoutant des barreaux, la métaphore animale s’impose d’elle-même.
19 La réforme Amor, 1944-1945 (www.justice.gouv.fr/musee/histoire/vingt/26a.htm)
20 Allocution de Valéry Giscard d’Estaing cité dans « Surveiller et punir », Foucault, p 269
21 Réforme Amor (Mai 1945)
22 Constat établi à partir des différents rapports d’évaluation sur la santé des détenus 33. HCSP, Santé en milieu
carcéral. Rapport sur l’amélioration de la prise en charge sanitaire des détenus. 1993., 34. IGAS-IGSJ,
Rapport d’évaluation sur l’organisation des soins au détenu. juin 2001., 35. Sénat, N°449, Rapport sur les
conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. juin 2000.
23 35. Sénat, N°449, Rapport sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. juin
2000. : p 77 « 109 établissements ont été construits avant 1920, dont 23, accueillant encore 2800 détenus, avant
1830. »
24 35. Ibid. : p 108 « l’article 716 du code de procédure pénale prévoit que les personnes mises en examen,
prévenus et accusés soumis à la détention provisoire, sont placées au régime de l’emprisonnement individuel de
jour et de nuit ».
20
De même, si les supplices disparaissent au début du XIXème siècle, on notera qu’« il faudra
attendre 1959 pour qu’un décret interdise formellement au personnel de l’administration
pénitentiaire « de se livrer à des actes de violence sur les détenus, ou même d’user à leur
égard soit des dénominations injurieuses, soit des tutoiements, soit de langage grossier ou
familier » (art.D.220 C.P.P.). [37]
Enfin, à l’image de Jean Valjean dans « Les Misérables » de Victor Hugo, lorsqu’au début du
XIXème siècle un condamné sortait du bagne, sa condition de bagnard l’empêchait de trouver
du travail et de se réinsérer dans la société, le poussant par là même à récidiver25. La loi du 30
mai 1854 sur « la transportation des forçats aux colonies » apporta une réponse
plutôt paradoxale puisque les rigueurs du climat en Guyane française (Cayenne) décimèrent
les forçats et la douceur du climat en Nouvelle-Calédonie poussèrent les condamnés en
métropole à commettre des crimes pour partir s’exiler outre-mer...[38]
Aujourd’hui le taux de récidive est plus faible mais encore trop élevé26 et on constate à travers
la récente proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, que
l’accent est davantage mis sur la répression rigoureuse des récidivistes que sur les mesures de
réinsertion sociale. Permettre à un détenu de trouver un emploi à sa sortie de prison devrait
être la première des priorités et ce d’autant plus que le taux de chômage est très élevé.
1.1.2 Le soin
Le supplice constitue également un bon repère pour le droit aux soins du condamné dans la
mesure où on peut postuler qu’il était proche de zéro.
En effet, il est difficile de concevoir de la part d’une société capable d’une telle violence
organisée, une quelconque sollicitude à l’égard du condamné.
Même si le droit ou l’accès aux soins n’existait pas non plus pour la population générale à
cette époque, le médecin, « agent de la non-souffrance » ne pouvait être en position de soigner
un homme dont la souffrance physique et la douleur du corps lui-même étaient des éléments
constituants de la peine. [40]
La Grande Ordonnance criminelle de 1670, rédigée par Colbert institue les premières visites
régulières de médecins en prison, puis l’évolution vers la peine privative de liberté
s’accompagnera d’une présence de plus en plus marquée des médecins en prison.
Confrontés dans les prisons à l’atteinte « organisée » à la dignité humaine, les médecins
seront parmi les premiers à dénoncer les conditions misérables de détention jusqu’à remettre
en cause la peine au nom du soin et finir même par poser la question de la « finalité de la
peine ».
Aussi avant de dresser un bref historique de la santé en milieu pénitentiaire, conclurons-nous
sur les paroles de Paul Ricoeur qui révèlent avec clairvoyance comment le soin amène la
réflexion sur la peine :
25 « ...la proportion de récidive atteignait alors de 95% . » 38. Merle, R., Vitu Andre, Traité de droit
criminel : Ed Cujas. op.cit. p 817.
26 39. SENAT, N°171. Rapport sur la proposition de loi, relative au traitement de la récidive des infractions
pénales. 2005. Estimation du taux de récidive :
- la probabilité d’une nouvelle condamnation est élevée : parmi les condamnés en 1996 (240.000 personnes),
un tiers (76.000 personnes) a de nouveau été condamné entre 1996 et 2000 (et parmi ces derniers, la moitié a été
condamnée plus d’une fois et un millier au moins dix fois)
- le taux de retour devant la justice des condamnés à un emprisonnement ferme dépasse 44 % (26 % pour
les condamnés à d’autres peines) -ce qui peut s’expliquer par la dangerosité plus grande de ces personnes.
21
« J’ai dit que la sentence met fin au procès dans l’enceinte du tribunal. C’est vrai, quelque
chose est terminé, une parole de justice a été dite. Mais une histoire commence, (ou, plutôt,
continue) pour le condamné, surtout si le condamné est un détenu. Une question se pose,
alors, celle de la finalité de la peine. Est-ce seulement de punir, de compenser un tort, un
délit, de donner satisfaction à la victime ? N’est-ce pas aussi, de réhabiliter le condamné, de
le reconduire, éventuellement, de la prison à la liberté, c’est-à-dire à la restitution de la
plénitude de ses droits ? S’il en est bien ainsi, la question de la finalité longue de la justice se
pose. Si la finalité courte est de trancher un conflit, de mettre fin à une incertitude, en
séparant les parties, la finalité longue n’est-elle pas de rétablir le lien social ? N’est-elle pas
la fin du conflit, la paix ? Mais, alors, c’est le jugement médical qui éclaire le jugement
judiciaire... et tout l’appareil judiciaire apparaît comme une vaste entreprise de soin des
maladies sociales. Et cela dans le respect de la différence des rôles. »
1.2 La santé en milieu pénitentiaire
Pour saisir toute la portée « révolutionnaire » de la loi du 18 janvier 1994, il est nécessaire,
même succinctement, de reprendre les différents évènements qui ont participé à la
reconnaissance du droit aux soins des détenus qui va même aujourd’hui leur garantir des soins
« équivalents » à ceux de la population générale.
1.2.1 La difficile reconnaissance d’un droit aux soins
Si l’histoire de la médecine remonte à des temps très anciens dont Hippocrate (460-377 avant
Jésus Christ) marque le début de la médecine « moderne »27, la notion de droit et d’accès aux
soins pour la population générale ou carcérale est bien plus tardive.
Les premiers hôpitaux apparaissent aux XVIIème et XVIIIème siècles et sont plus des lieux
de charité que de soins28.
Dans la continuité du moine Mabillon qui fut un des premiers à proposer des réformes
sur les conditions d’enfermement dans son ouvrage « Réflexions sur les prisons des Ordres
religieux » publié en 1690, John Howard dans son livre « l’Etat des prisons » appelle à un
traitement plus humain des prisonniers faisant référence aux conditions d’hygiène et à l’idée
de santé : « ... alors l’emprisonnement remplira son but : sans nuire à la santé et à la moralité
des prisonniers, il sera suffisamment pénible et désagréable pour effrayer l’oisif et le
prodigue ... »[42, 43]
Même si le siècle des Lumières est traversé par un fort courant de pensée29 dénonçant les
châtiments corporels et l’arbitraire des peines, comme le note Dominique Lhuilier, ce sont
plus les épidémies de typhus, scorbut, dysenterie et autre tuberculose qui révèlent au XIXème
siècle la nécessité de soigner les détenus que le souffle humaniste et philanthropique des
philosophes écrivains et religieux du siècle des Lumières : « il faut protéger les honnêtes gens
intervenant en prison et éviter la contagion à l’extérieur. La mortalité carcérale au XIXème
27 Cours du Dr G Moutel, 27 mars 2003, « La naissance de la profession médicale dans l’histoire occidentale »
www.inserm.fr/ethique
28 41. Froissart, S., La rencontre entre la médecine et les nouvelles technologies de l’information et des
communications : implications pour le management, in Thèse HEC Montréal. 1999.
29 Cesare Beccaria, « Le traité des peines et des délits », 1764, Beccaria y prône la constitution d’un nouveau
droit pénal avec une codification des infractions. 42. Franchitto, N., La déontologie médicale à l’épreuve des
contraintes pénitentiaires, in DEA Ethique médicale. 2004, Paris 5.Il note en introduction : « Le droit de punir
doit être envisagé abstraction faite de toute considération religieuse ou morale, et ne peut se fonder que sur la
seule utilité sociale »(www.leboucher.com)
22
siècle était de 4 à 5 fois supérieure à la mortalité générale. La prison supprimait ainsi
beaucoup plus de vies humaines que ne le faisaient les supplices de l’Ancien Régime. Cette
situation était en totale contradiction avec l’objectif humaniste à l’origine de la création du
système carcéral : supprimer les tortures et les supplices et recourir à une punition plus
humaine. »[44]
Dominique Lhuilier conclut son analyse en faisant remarquer à juste titre que, « plus
récemment, la question du sida et des risques de contamination fut à l’origine des
préoccupations relatives à la santé des détenus ».
Comme le souligne la chronologie présentée en annexe, aucune réforme majeure
n’interviendra avant la libération en 1945 :« l’histoire de la santé et des professions de santé
est marquée par une profonde continuité, qui s’exprime d’abord au travers d’une opposition
continue entre l’expression de voeux philanthropiques de réforme et la confrontation à une
réalité austère de la santé dans une prison totale et totalitaire...Les prisons échappent encore
aux grandes révolutions sanitaires et hygiéniques ; la morbidité des détenus reste largement
supérieure à la morbidité en milieu libre. »[45]
1.2.2 De la réforme Amor à la loi du 18 janvier 1994 [46]
La réforme de la commission Paul Amor en mai 1945 permit de « combler un retard d’une
soixantaine d’années » et énonce 14 principes dont le premier résume la philosophie de cette
réforme : « La peine privative de liberté a pour but essentiel l’amendement et le reclassement
des prisonniers ». Elle prône pour la première fois la création d’un service social et médicopsychologique
au sein des établissements pénitentiaires. (principe 10)
A partir des années 50, des hôpitaux pénitentiaires (Fresnes et les Baumettes) sont créés ainsi
que des centres spécialisés dans certaines pathologies comme Liancourt pour la tuberculose.
La psychiatrie est à l’origine des premières formes d’autonomisation avec création en 1967
des CMPR (Centres Médico-Psychologiques Régionaux) mais les psychiatres devront
attendre 10 ans (décret 1977) pour être libérés de la « subordination hiérarchique » au
directeur d’établissement.
Dans les années 70, le fossé se creuse entre la médecine en milieu pénitentiaire et celle en
milieu libre par rapport aux « marges d’autonomie, aux rémunérations, modes de
recrutement ». [47]Bruno Milly observe alors à la fin des années 70 « 2 fractures » au sein des
professions de santé :
- entre le secteur somatique et psychiatrique qui s’est déjà émancipé
- entre le milieu pénitentiaire et le milieu libre
Dans ce contexte, le docteur S.Troisier énonce pour la première fois à Athènes en 1979 un
serment professionnel propre aux médecins exerçant en milieu pénitentiaire :
« Nous, membres des professions de santé exerçant en prison, réunis à Athènes le 11 septembre 1979,
prenons l’engagement, dans l’esprit du serment d’Hippocrate, de prodiguer les meilleurs soins possibles à
ceux qui sont incarcérés à quelque titre que ce soit, sans porter atteinte aux principes de nos éthiques
professionnelles respectives. »
La préoccupation croissante de l’exercice en prison aboutira à la publication dans le code de
déontologie médicale de 1979 d’un article spécifique à la médecine en milieu pénitentiaire
(article 10) qui constitue la première reconnaissance de la spécificité de cette médecine.
23
Les années 80 amorcent un redressement de la situation avec 4 dates-clefs qui marquent le
début de la « désincarcération » de la médecine en milieu pénitentiaire :
- tout d’abord en 1984, le contrôle sanitaire des établissements pénitentiaires est confié
à l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) et ne dépend plus de l’Inspection
Générale de l’Administration Pénitentiaire garantissant ainsi la nécessaire
indépendance de ce type de mission.
- en 1986, les Services Médico-Psychologiques Régionaux (SMPR) sont créés en milieu
pénitentiaire et rattachés aux hôpitaux publics psychiatriques. Une nouvelle fois la
psychiatrie, qui initia en 1877 la première forme de spécialisation des médecins,
franchit une étape décisive en se rattachant au service public hospitalier, le personnel
ne dépendant plus de l’administration pénitentiaire.
- en 1987, l’organisation des soins somatiques des établissements faisant partie du
programme 13000 est confiée à des opérateurs privés.
- enfin en 1988 et 1989, « l’afflux des patients VIH en prison a largement contribué à
repenser l’organisation des soins aux détenus »30. Comme au XIXème siècle, le
contexte épidémique d’une maladie dont on savait encore peu de chose a aidé à
prendre en compte l’enjeu de santé publique que représente la santé des détenus. Les
autorités ont alors décidé d’établir des conventions entre les établissements
pénitentiaires et des structures hospitalières spécialisées dans la prise en charge des
patients atteints du sida (CISIH) qui furent « la première manifestation d’une
autonomie du secteur somatique »31.
Dans les années 90, la marche vers la réforme s’accélère. En 1992, 3 conventions entre des
établissements publics hospitaliers et des établissements pénitentiaires sont signées et
finissent ainsi d’initier le mouvement de désenclavement. En 1993, le Haut comité de la Santé
Publique rend un rapport décisif et sans appel sur les insuffisances de la prise en charge
sanitaire des détenus par l’administration32 et prône, à partir des précédentes expériences de
« décloisonnement » de la médecine, pour « l’accès aux soins somatiques et de santé mentale,
de coupler chaque établissement pénitentiaire à un établissement public de santé ».33
30 Propos du Pr Didier Sicard
31 B. Milly, Soigner en prison, puf, op.cit. p 90
32 33. HCSP, Santé en milieu carcéral. Rapport sur l’amélioration de la prise en charge sanitaire des détenus.
1993., Chapitre I : Un constat nuancé : « ...C’est à l’Administration Pénitentiaire qu’échoit la tache d’organiser
la prise en charge sanitaire des détenus et de la financer....Elle doit dès lors l’assurer sans disposer de la
compétence, ni des outils et des relais qui permettraient d’apporter les réponses appropriées aux graves
problèmes de santé publique présentés par la population pénale. En effet, l’absence de savoir-faire et de
légitimité de cette administration à concevoir des politiques de santé et à assurer le repérage systématique des
besoins de détenus en la matière, le recours à des personnels de statuts très disparates, la précarité de leurs modes
de rémunération nuisent à la capacité des services médicaux des établissements pénitentiaires à assurer
convenablement la continuité des soins et à définir un véritable projet de service dans l’établissement. »
33 33. Ibid.
24
2. LA LOI DU 18 JANVIER 1994 ET LE PRINCIPE
D’EQUIVALENCE
2.1 La loi du 18 janvier 1994 : un accès aux soins « dedans
comme dehors »34
La loi n°94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale
présente 2 volets : d’une part, elle transfert du service public pénitentiaire au service public
hospitalier l’organisation et la prise en charge sanitaire des détenus et d’autre part, elle permet
l’affiliation de tous les détenus au régime général de la Sécurité Sociale dès leur incarcération.
La loi fut suivie du décret n°94-929 du 27 octobre 1994 qui en fixe les conditions
d’application puis complétée par la circulaire interministérielle n°45 du 8 décembre 1994 et
de son guide méthodologique.
L’objectif de la réforme, détaillé dans la circulaire du 8 décembre 1994, est d’ « assurer aux
personnes incarcérées une qualité et une continuité des soins équivalentes à celles dont
dispose l’ensemble de la population. »[49]
Au vu de l’histoire des prisons précédemment évoquée, cette loi représente une avancée
décisive pour le droit et l’accès aux soins des détenus en France et a participé à la
réhabilitation de la médecine en milieu pénitentiaire en la rattachant à la médecine
hospitalière, supprimant ainsi l’idée de l’existence d’une « autre médecine voire d’une sousmédecine
pour les détenus »35. Isabelle Chauvin souligne ainsi à juste titre que « le terme de
médecine pénitentiaire est manifestement impropre. La déontologie et l’éthique font qu’il n’y
a pas et qu’il ne peut pas y avoir de « médecine pénitentiaire » [51]
Si cette loi semble l’aboutissement logique des réformes initiées dans les années 80, la
« discrétion et la rapidité » avec laquelle cette réforme aux conséquences majeures a été
adoptée, suscite un certain nombre d’interrogations36 . Certes à la suite de la publication de
différents rapports alarmants sur l’état des prisons, la pression de l’opinion publique sur le
politique et le législateur a largement participé à précipiter l’adoption de la loi, mais
beaucoup s’accordent à dire que l’infection par le virus du sida à l’époque, avec « sa menace
potentielle pour l’ensemble du corps social, » a joué un « rôle starter »37dans l’adoption de la
loi en faisant « vaciller le fragile équilibre du système de soins en milieu pénitentiaire »38.
Aussi, en dépit d’« indéniables progrès » dans la prise en charge sanitaire des détenus, le bilan
reste-t-il modeste39 comme en témoignent les différents rapports émis depuis 1994. La
collaboration entre 2 administrations dont les priorités et les objectifs divergent, voire
34 48. Faucher, D., Ethique médicale en milieu carcéral : suivi des personnes détenues en quartier d’isolement,
in DU Ethique Médicale, Espace Ethique AP-HP. 1999, Université Denis Diderot, Paris 7.
3550. Farges, E., La gouvernance de l’ingérable. Quelle politique de santé publique en milieu carcéral ?
Analyse du dispositif sanotaire des prisons de Lyon et perspectives italiennes, in DEA Polititiques Publiques et
gouvernements comparés. 2003, Lyon 2., repère note 113
36 50. Ibid., repère note 248
3750. Ibid., repère note 160
38 Rapport Nicolas-Collin de 1993 cité par 35.Sénat, N°449, Rapport sur les conditions de détention dans les
établissements pénitentiaires. juin 2000.
39 « Dix ans après la loi sur la santé pénitentiaire, la situation n’est pas satisfaisante », Nathalie Guibert, Le
monde, 8 décembre 2004
25
s’opposent, reste difficile comme le montre la complexité des transferts prison-hôpital, les
UCSA étant par définition des unités pour soins ambulatoires. [34, 35, 50, 52]
Ainsi, même si des moyens financiers conséquents ont été alloués pour mettre en oeuvre la
réforme40, le principe d’ « équivalence » des soins en nécessiterait bien davantage, posant
alors le problème de l’effectivité d’une loi qui pourrait être de « circonstance » et dont les
moyens ne sont pas suffisants pour permettre son application.
2.2 L’équivalence des soins
2.2.1 Une notion lourde de sens
La notion d’équivalence est présentée comme un des objectifs de la loi du 18 janvier 1994 et
formulée ainsi dans différents rapports41 :
« ...assurer aux personnes incarcérées une qualité et une continuité de soins équivalentes à
celles dont dispose l’ensemble de la population » [34]
« assurer aux personnes incarcérées une égalité et une continuité de soins équivalentes à
celles dont dispose l’ensemble de la population » [49]
Le texte législatif où est écrite cette notion est la circulaire du 8 décembre 1994 relative à la
prise en charge sanitaire des détenus et à leur protection sociale.42
En voici quelques extraits :
« ... L’ensemble de la réforme engagée pour assurer à la population incarcérée une qualité et
une continuité des soins équivalant à ceux offerts à l’ensemble de la population ne saurait
être mené à son terme sans l’apport immédiat et indispensable d’un personnel médical et
infirmier qualifié et expérimenté. Aussi la loi prévoit-elle que les infirmiers de
l’administration pénitentiaire sont... »
« La prise en charge financière des soins dispensés aux détenus, tant en milieu hospitalier
qu’en milieu pénitentiaire, par l’assurance maladie...
« En revanche, les soins dispensés en milieu pénitentiaire constituent une mission nouvelle
pour les établissements de santé concernés par le nouveau dispositif, et donc une charge
nouvelle. Des dotations budgétaires supplémentaires sont attribuées... »
« En outre, l’administration pénitentiaire prend à sa charge la totalité de la cotisation dont sont
redevables durant leur incarcération les détenus affiliés... »
40 52. Colloque "Santé en prison". Dix ans après la loi : quelle évolution dans la prise. 2004., « plus 40% entre
1994 et 2000 », Bilan de la loi : l’organisation des soins en prison, p 19
41 34. IGAS-IGSJ, Rapport d’évaluation sur l’organisation des soins au détenu. juin 2001, 35. Sénat, N°449,
Rapport sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. juin 2000, 49. DHOS,
Télémédecine et Etablissements pénitentiaires. Etude de faisabilité. 2001, Ministère de la Justice. Ministère de
l’emploi et de la solidarité.
42 J.O n°29 du 3 février 1995, page 1859
26
Le milieu carcéral est soumis à de telles contraintes qu’il est légitime face à l’affirmation de
ce principe d’équivalence de se poser 2 questions :
- sur qui repose légalement l’application de ce principe ?
- les moyens alloués répondent-ils aux besoins réels ?
Il est clairement noté dans ce texte que cette « équivalence » est assurée par les personnels
médical et infirmier. Cela sous-entend que s’ils ne peuvent assurer cette équivalence dans la
qualité et la continuité des soins, ils ont le devoir d’en référer à l’administration.
Il existe donc 2 volets pour permettre cette équivalence :
- le personnel médical et infirmier
- l’assurance maladie
Même si une circulaire n’a pas le poids d’une loi, elle garde force exécutoire.
Celle du 8 décembre 1994 en inscrivant dans les textes de façon formelle cette notion
d’équivalence, l’impose au soignant qui implicitement aura le devoir, s’il veut éviter tout
risque de poursuite judiciaire, d’évaluer, budgétiser et transmettre les besoins s’il n’a pas les
moyens d’y répondre.
Nous verrons à partir des résultats de l’étude les conséquences pratiques et l’enjeu éthique
qu’implique l’affirmation d’un tel principe notamment lorsque les moyens ne sont pas
suffisants pour sa mise en oeuvre.
2.2.2 Equivalence, égalité et équité
Le verbe équivaloir ou l’adjectif équivalent viennent étymologiquement de « aequivalere »
qui signifie : avoir une valeur égale. La définition du dictionnaire Robert est « avoir la même
valeur, valoir autant. »
L’équivalence tend ainsi à l’égalité et non à l’équité. Comme nous l’avons vu dans la
définition du concept d’équité, la différence fondamentale entre l’égalité et l’équité est la
prise en compte de la situation dans laquelle se trouve l’individu. L’équité s’inscrit dans la
« visée éthique » de la personne en appelant à une « égalité non pas de fait mais de
droit »[13], un « droit flexible »43 contrairement à la rectitude et l’anonymat du droit dérivé de
l’égalité.
L’égalité amène à l’égalitarisme. Or un accès égalitariste aux soins dont l’impact économique
est loin d’être négligeable, ne repose sur aucune exigence éthique. Seul l’équité s’impose.
Ainsi Jean-Luc Migué, dans un article44 intitulé « Egalitarisme, gage d’équité » conclut que
« l’égalitarisme incorporé dans les pratiques est un concept anti-économique et
immoral »[53]. Cela ne remet nullement en cause le fait que « les détenus ont un droit
inaliénable d’accéder à une médecine de la plus grande compétence possible. »[54]
Enfin, cette différence entre équité et égalité, même si elle n’est pas sans conséquence sur la
pratique médicale, peut paraître incongrue lorsqu’on connaît la situation sanitaire des détenus
et les difficultés de prise en charge actuelles. En effet, il est probable que, quand bien même la
loi affirmerait un accès aux soins meilleur que celui de la population générale, le retard
accumulé en matière de santé, l’état de précarité de la population carcérale et l’abîme qui
sépare le milieu libre des prisons la rendraient pour longtemps ineffective.
43 selon l’expression du Pr C.Hervé
44 disponible sur le site www.quebecoislibre.org
27
3. LES DETENUS AUJOURD’HUI
La France compte aujourd’hui près de 60 000 détenus45, soit un millième (0,001%) de la
population française.46
Cette population carcérale présente quelques caractéristiques essentielles à exposer pour la
compréhension de la problématique de l’accès aux soins en milieu pénitentiaire.
3.1 Prévenus et condamnés
Parmi les personnes détenues dans les établissements pénitentiaires, il existe 1/3 de prévenus
et 2/3 de condamnés, dont la durée moyenne de détention sont respectivement de 7, 5 mois et
3,8 mois pour la détention provisoire.47
Contrairement aux condamnés qui sont des personnes détenues dans un établissement
pénitentiaire en vertu d’une condamnation judiciaire définitive, les prévenus sont des
personnes qui n’ont pas été encore jugées ou dont la condamnation n’est pas définitive.48Ces
personnes sont donc « présumées innocentes » et ce statut est loin d’être respecté.49
Dans les Maisons d’Arrêt qui représentent près des 2/3 des établissements pénitentiaires, se
côtoient ainsi les prévenus et des condamnés à de courtes peines. En dépit de la loi de 1875
sur l’encellulement individuel des prévenus, la surpopulation carcérale oblige le plus souvent
la cohabitation forcée de prévenus et condamnés.
De même, la suspension des minima sociaux comme le RMI, systématique en détention, ne
fait pas de différence entre prévenu et condamné. [35]
Les conditions de vie et d’hygiène en détention, notamment en maison d’arrêt, sont des
facteurs délétères pour la santé des détenus. Ils ont été maintes fois dénoncés dans livres et
rapports, nous n’insisterons pas. [55] [35]
Avant d’aborder spécifiquement l’état sanitaire des détenus, nous rappellerons brièvement
quelques données statistiques50 concernant la durée des peines et les motifs d’incarcération,
souvent mal évalués par l’opinion publique dont la perception des prisons est distordue par le
traitement médiatique de l’actualité. Ainsi peut-être sera-t-on surpris des 1,5% de réclusions
criminelles à perpétuité sur l’ensemble des peines alors même que les affaires qui en sont
responsables occupent une place déterminante sur la scène médiatique.
45 60 963 détenus au 1er juillet 2003.Les chiffres clés de l’administration pénitentiaire, juillet 2003, Direction de
l’Administration Pénitentiaire
46 Chiffres de la population française arrondie à 60 millions d’habitants à partir du recensement de mars 1999
47 21 925 prévenus et 39 038 condamnés au 1er juillet 2003. Les chiffres clés de l’administration pénitentiaire,
juillet 2003, Direction de l’Administration Pénitentiaire
48 Glossaire, Direction de l’Administration Pénitentiaire
49 « Les prévenus : des sous détenus ? 35. Sénat, N°449, Rapport sur les conditions de détention dans les
établissements pénitentiaires. juin 2000.
50 Les chiffres clés de l’administration pénitentiaire, juillet 2003, Direction de l’Administration Pénitentiaire
28
Figure 1:Répartition selon la durée de la peine
- Inférieure à 1 an : 31,3%
- De 1 à 3 ans : 22,7%
- De 3 à 5 ans : 9,9%
- Plus de 5 ans : 36%
Figure 2:Répartition selon la nature des infractions commises
- 22,2% Viol et autres agressions sexuelles
- 20,3% Vol simple et qualifié
- 15,5% Coups et blessures volontaires
- 12,7% Infractions à la législation sur les stupéfiants
- 9% Homicide volontaire
- 6,3% Escroquerie, recel, faux et usage de faux
- 4,9% Homicide et atteinte involontaire à l’intégrité de la personne
- 2,1% Infraction à la législation sur les étrangers
- 7,1% Autre motif
3.2 La santé des détenus : entre exclusion et précarité
Les détenus sont des hommes (à plus de 94%), jeunes (moyenne d’âge de 31 ans) et plus d’
1/5 de la population carcérale est d’origine étrangère.51
Comme le note le Pr B Hoerni [56], les trois volets de la santé définie par l’OMS52 sont
affectés : physique, mental et social. Cela donne un exemple flagrant de la nécessité absolue
d’intégrer chacun des 3 volets et notamment le volet social dans la prise en charge de la santé.
[8]
Sur le plan social, les détenus cumulent les facteurs d’exclusion et arrivent en prison en
situation d’échec : [35]
- échec du système scolaire avec un taux d’illettrisme très élevé (1/3 des entrants se
situent en dessous du seuil de lecture fonctionnelle)
- échec du milieu familial avec lequel ils sont en rupture, victimes de maltraitance
- échec du système économique avec un taux de chômage supérieur à 50%, 62% pour
les moins de 25 ans
Sur le plan physique, en dépit de sa jeunesse, la population carcérale présente un « état
sanitaire dégradé ». Elle cumule les facteurs de risques qui ne feront que s’aggraver en
détention. Ainsi, plus d’un tiers des entrants ont des problèmes d’addiction : toxicomanie
(38%), polytoxicomanie en constante progression53, consommation d’alcool et tabac (80% des
entrants) largement supérieure à la population générale. [34]
51 Les chiffres clés de l’administration pénitentiaire, juillet 2003, Direction de l’Administration Pénitentiaire
52 Définition de la santé selon OMS :« la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et
social... », 2. OMS, Santé 21, la politique-cadre de la Santé pour tous. 1999.
53 52. Colloque "Santé en prison". Dix ans après la loi : quelle évolution dans la prise. 2004.
29
Des soins dentaires pour les entrants sont considérés comme urgents dans 80% des cas. [35]
De même, il existe une forte prévalence des hépatites B et C alors que celle du VIH est en
baisse. [52]
Enfin sur le plan mental, la situation est des plus alarmantes :
D’une part, la fréquence des troubles psychiatriques chez les détenus est extrêmement élevée,
au moins 25% dont 8% de psychoses graves54. D’après une récente étude épidémiologique sur
la santé mentale 55, près de 8 hommes sur 10 présentent au moins un trouble psychiatrique,
47% des détenus souffrent de troubles dépressifs, et près de 24% des troubles psychotiques
dont 8% de schizophrénie, c’est-à-dire 8 fois plus que la population générale. Enfin, le taux de
suicide dans les prisons françaises est le plus important d’Europe.56
D’autre part, la morbidité psychiatrique est en constante augmentation [52] et le projet de
création d’Unités Hospitalières Spécialement Aménagées (UHSA) ne suffira certainement pas
à répondre aux besoins. Plus grave encore est le problème en amont de « la décision de justice
face à la maladie mentale »57 Ainsi, le nombre d’accusés jugés « irresponsables au moment
des faits » est passé de 17% dans les années 1980 à 0,17% pour l’année 1997. [35] Dans un
article publié récemment, les professeurs Olié et Loô confirment cette tendance préoccupante
qui conduit les psychiatres experts à « reconnaître un sujet malade mental et responsable de
ses actes, donc punissable ». L’exemple donné dans l’article est très révélateur et permet de
bien saisir la gravité d’une telle décision :
« Un schizophrène qui surprend sa famille et tout le monde par un acte soudainement commis
sous l’emprise d’un délire et d’hallucinations est orienté vers l’hôpital ; au contraire, le
schizophrène socialement isolé ou vivant dans la rue a, aujourd’hui en France, le grand risque
de se retrouver en prison s’il commet un acte criminel. ...
...Enfin, que penser d’une société capable d’accepter que des hommes et des femmes malades
aillent en prison en prenant l’alibi d’une présence médicale au sein des établissements
pénitentiaires ? »[58]
La psychose est une maladie grave qui se traduit pour l’individu par une « perte de contact
avec la réalité » : il ne vous entend pas, son entendement ne répond plus. La schizophrénie en
prison toucherait 8% de la population carcérale, 8% sur 60 000 détenus, soit 0, 0008% de la
population française. La prévalence de la schizophrénie en France est de 1%58. La société ne
peut-elle pas mettre les moyens suffisants pour prendre en charge dignement les 0,0008% de
patients actuellement en prison souffrant de schizophrénie ?
Ainsi, ce bref constat sur l’état de santé des détenus et leur situation d’extrême précarité
permet de comprendre la place centrale qu’occupe le soin en prison et le nécessaire
investissement que la société doit faire, à travers leur prise en charge sanitaire, pour espérer
les sortir du cercle vicieux de l’exclusion et les aider à une réinsertion sociale.
54 estimation du Dr P.Carrière, psychiatre à la maison d’arrêt de Saint-Brieuc, le canard enchaîné, 7 juillet 2004
55 Etude DGS/DAP conduite par les professeurs B.Falissard et F.Rouillon de juillet 2003 à septembre 2004,
rendue publique le 7/12/04
56 57. Prieur, C., La majorité des détenus souffrent de troubles psychiques, in Le monde, 8 décembre 2004.
2004. « La majorité des détenus souffrent de troubles psychiques »
57 58. Olié, J.-P., Loô Henri, La décision de justice face à la maladie mentale, in Le Monde 10 Août 2005.
2005.
58 source universitaire ( Faculté de Grenoble), Marc Dubuc, Mai 2003
30
III. LE MILIEU ISOLE
Le milieu carcéral est extrême dans un sens, comme peut l’être le milieu isolé dans un autre.
Ces milieux s’opposent comme deux pôles mais le centre est le même : l’homme et son droit à
disposer de moyens suffisants pour assurer sa santé.59
Le milieu isolé est présenté ici comme milieu « naturel » dans le sens où l’homme ne l’a pas
créé, contrairement au milieu « artificiel » de la prison, pensé et construit par l’homme pour
l’application d’une peine de privation de liberté qui s’avère par défaut être la voie du « moins
mal punir ».
L’intrication de la peine et du soin en milieu pénitentiaire rend complexe à tous les niveaux le
problème de l’accès aux soins.
La référence au milieu isolé et à l’expérience acquise en matière d’accès aux soins peut non
seulement aider à reconnaître les difficultés mais proposer des pistes pour améliorer l’accès
aux soins.
L’enjeu éthique des soins en milieu isolé se résume au respect du principe d’équité d’accès
aux soins. La faible population vivant dans ces milieux est une constante et a pour principale
conséquence une limitation des moyens humains et financiers. Dès lors toute initiative visant
à l’amélioration de l’accès aux soins est bienvenue et explique que la question de l’utilisation
ou non des TIC ne se pose pas en milieu isolé.
Même si les difficultés d’accès aux soins en milieu carcéral le rapprochent du milieu isolé,
l’objectif et les moyens de soins en milieu carcéral sont cependant très différents et justifient
le travail d’évaluation des difficultés et des besoins en matière de soins afin d’en adapter au
mieux les moyens d’y répondre.
1. FACTEURS D’ISOLEMENT
Le milieu isolé n’a pas de définition propre autre que sa référence à la notion d’isolement.
Le terme isolé est défini par « ce qui est séparé de chose de même nature ou d’une autre
nature »60 et renvoie à son étymologie latine « façonné comme une île »61.
L’isolement, quelle qu’en soit la cause, crée pour la population qui le subit une contrainte
susceptible de diminuer son accès aux soins.
Les facteurs qui contribuent à créer un milieu isolé sont multiples, variés et très souvent
intriqués. Nous présentons une liste non exhaustive des quelques facteurs responsables
d’isolement « durable » :
59 Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, article 25, alinéa 1
60 Dictionnaire de L’Académie française, 8th Edition (1932-5) , Page2:80
61 Laboratoire d’analyse et de traitement informatique de la langue française (ATIFL)
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/fast.exe?mot=isole
31
- le facteur géographique : comme l’île, isola en latin, symbole de l’isolement.
- le facteur économique : par le manque de moyens notamment financiers dans les pays
en voie de développement
- le facteur culturel : comme chez les Moken, dernier peuple nomade de la mer situé
dans l’archipel à la frontière maritime entre la Thaïlande et la Birmanie. Ils vivent
d’île en île, de collectes et en complète autonomie.62
- le facteur religieux ou certaines dérives sectaires
- le facteur individuel : à travers les situations de handicap physique ou mental
D’autres facteurs sont sources d’isolement mais de façon transitoire :
- le facteur climatique : comme en Terre Adélie (TAAF) où la banquise hivernale
empêche tout accès à la base française de Dumont d’Urville durant 8 mois
- le facteur politique : avec les conséquences désastreuses sur la situation sanitaire
qu’impliquent les embargos économiques
Enfin, nous évoquerons le facteur social dont la complexité se révèle dans le rapport étroit qui
existe entre isolement et exclusion. « L’exclusion, c’est au-delà du seul critère économique,
l’isolement et la solitude » disait Dominique Versini en affirmant la nécessité de ne pas
séparer le sanitaire du social. [8] Ainsi l’isolement social est facteur d’exclusion comme
l’exclusion provoque l’isolement d’un individu.
Si le rapport entre les 2 notions semble évident, le lien et leur inter-dépendance le sont
beaucoup moins. L’exclusion fait appel à une notion plus abstraite et difficile à quantifier
alors que l’isolement est plus concret et son constat semble plus facile à faire.
2. LE MILIEU ISOLE GEOGRAPHIQUEMENT
Parmi tous les facteurs d’isolement, l’éloignement géographique est celui qui donne une
image simple et concrète de l’isolement et pose ainsi le mieux le problème de l’accès aux
soins d’une population vivant en situation d’isolement.
L’éloignement géographique impose à la population une contrainte plus ou moins forte selon
le degré d’éloignement qualifiée de « naturelle » dans le sens où l’homme ne l’a pas créée et
ne peut la modifier. Il ne doit sa vie ou parfois sa survie qu’à sa formidable - pris au sens
étymologique du terme, qui inspire la crainte- capacité d’adaptation.
3 milieux « isolés » serviront de référence aux arguments développés :
- l’île Rachel63 située au milieu de l’océan qui abrite la communauté considérée comme
l’une des plus isolées du monde
- les Terres Australes et Antarctiques Françaises et notamment l’archipel des Kerguelen
où séjourne chaque année depuis 50 ans, une mission à vocation scientifique
composée d’une centaine de personnes
62 Groupe Minorités Ethniques, Médecins du Monde, Avril 2005, Birmanie : Retour de mission exploratoire
auprès des Moken. (Patrick BAGUET, Jacques IVANOFF)
63 Le nom de l’île est volontairement modifié pour en préserver l’anonymat. Le rapprochement entre prison et
vie insulaire est malheureusement fréquent dans les médias et toujours mal vécu par les populations concernées.
Le sujet est donc sensible et le propos de ce travail ne saurait être interprété dans un sens qui porterait atteinte à
ces populations insulaires.
32
- le Québec et ses territoires du grand Nord, dont la densité de population est très
inférieure à celle des pays européens64
Contrairement à la population carcérale, la population en milieu isolé représente un
échantillon de la population générale, sans caractéristique ni tare particulière. Son équilibre de
vie se confond avec celui de l’horizon. Son organisation sociale interdit toute exclusion de
l’autre, la survie en dépend. Ce milieu de vie est également marqué par un grand respect de la
nature dont les éléments sont très présents notamment sous forme de contraintes.
Le milieu peut être dur à vivre mais la population est libre, libre de rester y vivre. De cette
liberté, découle l’acceptation de contraintes liées à l’éloignement qui se traduisent sur le plan
sanitaire par des difficultés ou l’impossibilité d’accéder aux structures de soins des grands
centres urbains.
Ainsi l’isolement géographique devient une contrainte majeure pour le médecin qui a en
charge l’organisation des soins de la population. Il doit être en mesure de prendre en charge le
patient sur place, le plus souvent seul et sans pouvoir espérer un quelconque transfert.65
3. LA PRATIQUE MEDICALE EN MILIEU ISOLE
La structure de base est toujours la même et ressemble à un « hôpital de campagne » ou à un
dispensaire. Le médecin, officier médical comme disent les anglais66, peut être assisté dans sa
mission de soin d’infirmières ou d’auxiliaires de santé préalablement formés. Ce petit hôpital
lui permet d’avoir une activité de consultation, de faire des radiologies, des examens
biologiques, des soins dentaires, de pratiquer une intervention chirurgicale sous anesthésie
générale. La principale difficulté réside dans la gestion des urgences qui sortent de son champ
de compétence et dans l’accès aux soins spécialisés.
La pratique médicale en milieu isolé que l’on pourrait rapprocher de la médecine pratiquée
par nos pairs il y a quelques générations, se caractérise par une riche pratique médicale, une
immersion sociale indissociable de cette pratique et une lourde responsabilité. Le milieu isolé
n’offre pas le choix d’une autre pratique. La prise en charge médicale doit assurer le
nécessaire et le suffisant. Cela participe certainement à maintenir cette pratique médicale un
peu particulière à contre-courant de l’évolution de la « médecine moderne ».
64 Québec : 5,5 habitants / Km2 et France : 108,2 habitants / Km2
65 Instructions générales relatives à l’organisation et au fonctionnement du service médical dans les
districts du Territoire des TAAF, Service Médical, 2005
« Dans l’état actuel de l’organisation médicale dans le Territoire des T.A.A.F., le médecin hivernant est
entièrement responsable, sur le plan local, de l’état de santé du personnel. Il doit faire face à la situation sans
aide extérieure.
Il serait très discutable de penser qu’il peut compter, en urgence, sur une intervention de secours
(évacuation, apport de médicaments, venue d’un chirurgien, intervention du navire de relève ou de la Marine
Nationale). Ces interventions doivent être considérées comme aléatoires et exceptionnelles. »
66 Traduction libre de « medical officer »
33
3.1 La pratique médicale
- La nécessaire polyvalence du médecin en situation d’isolement estompe les
distinctions :
o entre médecine générale et médecine spécialisée. Il assure lui-même les soins
spécialisés dans les limites de ses compétences permettant une prise en charge
globale du patient sans le découpage par organe qu’opère la« médecine
hyperspécialisée » d’ aujourd’hui ;
o entre médical et chirurgical. Le médecin reçoit une formation qui doit lui
permettre de faire face à la prise en charge d’une urgence chirurgicale. Ainsi,
les médecins d’Afrique du Sud faisaient67 partie des médecins les mieux
formés à ce type d’exercice, car après leur cursus de médecine générale, une
période d’exercice de 3 ans en « brousse » imposée par le gouvernement, leur
permettaient d’acquérir une solide expérience médico-obstétrico-chirurgicale ;
o entre médical et paramédical : Il est amené à réaliser lui-même les examens
biologique et radiologique, à effectuer les soins prescrits ainsi que la
rééducation. Il travaille à la formation du personnel sur place auquel il
n’hésitera pas à déléguer des tâches y compris médicales ;
- La médecine en milieu isolé repose essentiellement sur la clinique du fait de la
difficulté ou l’impossibilité d’avoir recours aux examens complémentaires
« modernes »68. Le médecin doit par ailleurs lui-même interpréter les examens
complémentaires ; il choisit alors de façon la plus pertinente possible ceux qui seront
susceptibles de modifier sa conduite thérapeutique.
3.2 L’immersion sociale
Le médecin soigne dans le milieu où il vit. Il connaît tous les patients nominativement et
personnellement. Le faible effectif de la population entraîne généralement une charge de
travail modérée qui lui permet une disponibilité pour la population 24 heures sur 24. Aussi sa
mission de soin ne s’arrête-t-elle jamais au seuil de l’hôpital ni à l’ordonnance prescrite. Qu’il
devienne infirmier, pharmacien ou kinésithérapeute après son examen médical, le médecin par
son inclusion sociale accompagne le patient jusqu’au bout des soins.
Il fait alors l’expérience tous les jours de l’intérêt de l’alliance du soin et du social. [8]
67 La situation a changé actuellement
68 autre que les examens biologique et radiologique de base
34
3.3 La responsabilité ou l’éthique de la responsabilité
Les conditions d’isolement laissent le médecin seul dans sa mission de soin, seul dans sa prise
de décision. Il passe de l’isolement du milieu à la solitude de l’être devant agir. Ce sentiment
de solitude est d’autant plus fort que le soignant est isolé dans sa possibilité de partager cette
responsabilité avec d’autres soignants.
La notion de responsabilité est certes commune à tout exercice médical mais l’isolement lui
donne une dimension particulière et en fait une caractéristique essentielle de la pratique en
milieu isolé. Ainsi poser une indication chirurgicale pour un médecin qui n’est pas chirurgien,
est une décision lourde à prendre au vu des complications iatrogènes possibles. Mais si la
situation l’impose, il doit prendre cette décision et en assumer toutes les conséquences. Cette
responsabilité du soignant face à son devoir d’agir, appelle à une certaine éthique qui tient
compte de la situation et conduit le soignant à faire non pas « la meilleure action mais la
moins mauvaise ».69
Nous conclurons cette présentation de la pratique médicale en milieu isolé sur la réflexion du
docteur John Fletcher, en mission sur l’île Rachel en 1996,70 qui résumait en trois adjectifs, les
qualités essentielles d’un médecin exerçant en milieu isolé :
- ABLE
- AVAILABLE
- RELIABLE
La traduction libre donne :
- Capable avec l’idée de compétence
- Disponible
- Fiable avec l’idée de responsable
Ces 3 qualificatifs ont une résonance universelle pour tout médecin et en tout lieu. Si la
compétence et la responsabilité relèvent de la nécessité, la disponibilité est moins évidente
mais ô combien essentielle. Gabriel Marcel en fait d’ailleurs la principale caractéristique de la
personne. Cette disponibilité selon Yves N’Djana, se traduit dans la relation médecin-patient
par l’écoute : « elle est l’expression du don, une marque d’intérêt et de considération pour le
patient ». [59] [60]
69 Propose de France QUERE à propos de l’éthique : « l’éthique n’est pas la meilleure action mais la moins
mauvaise ».
70 Journal de l’auteur, 1996
35
4. L’ISOLEMENT : UN PARADOXE ET UNE REALITE
4.1 Un paradoxe
L’expérience de vie dans un milieu isolé géographiquement permet de faire un premier
constat : l’isolement géographique d’un milieu n’induit pas forcément un sentiment
d’isolement pour la population qui y vit. On peut vivre ainsi parmi la communauté considérée
comme la plus isolée géographiquement et n’avoir aucun sentiment d’isolement par rapport
au monde extérieur. L’organisation sociale communautaire explique en partie ce paradoxe :
chaque individu est intégré comme membre à part entière et la communauté veille à ce que
personne ne soit exclu. D’ailleurs toute exclusion sociale dans un contexte d’isolement
extrême, aurait rapidement des conséquences dramatiques sur la santé mentale et physique de
l’individu71. Ainsi, quel que soit l’éloignement géographique d’un groupe humain,
l’organisation d’un tissu social à mailles serrées qui ne laisse aucun membre du groupe isolé
permet de contrôler ce sentiment d’isolement.
Par contre ce sentiment d’isolement est souvent exprimé chez les humains de passage,
journalistes et autres touristes dont le court temps de séjour ne permet pas une intégration
réelle. Leur groupe social de référence étant éloigné, s’ensuit pour eux un sentiment
d’isolement qu’ils projettent à tort sur la population locale.
Si les milieux isolés géographiquement ne permettent pas paradoxalement de comprendre les
effets de l’isolement sur l’individu, le milieu pénitentiaire permet d’approcher sa dure réalité.
Tout d’abord rappelons qu’historiquement, l’isolement est le premier principe de la prison qui
doit non seulement, séparer le condamné du monde extérieur, mais aussi le conduire à la
solitude, « première condition à la soumission totale en assurant le tête-à-tête du détenu et du
pouvoir qui s’exerce sur lui ».
Ainsi, le rapport entre isolement et solitude est à la base des différences entre les 2 systèmes
américains d’emprisonnement au début XIXème siècle : [31]
- le système d’Auburn qui prescrit l’isolement la nuit et le travail en commun le jour
redonne au détenu des « habitudes de sociabilité » pour l’aider à redevenir un être
social
- le système de Philadelphie qui est basé sur l’isolement absolu : « ...Les murs sont la
punition du crime ; la cellule met le détenu en présence de lui-même ; il est forcé
d’entendre sa conscience » ... « il l’interroge et sent en lui se réveiller le sentiment
moral qui ne périt jamais entièrement dans le coeur de l’homme »72.
On comprend alors qu’au début du XIXème siècle, par l’isolement, la solitude était utilisée
comme « instrument positif de réforme » dont la philosophie se résume par cette citation :
« Jeté dans la solitude le condamné réfléchit. Placé seul en présence de son crime, il apprend à
le haïr, et si son âme n’est pas encore blasée par le mal, c’est de l’isolement que le remords
viendra l’assaillir »73
71 « Stress et environnement polaire », G.Cazes, Cl. Bachelard, Neuro-psy, vol 4, n°2, février 1989
72 Journal des économistes, II, 1842, cité par 61. Foucault, M., Surveiller et punir. 1975 : Gallimard. p 276
73 A. de Tocqueville, Rapport à la chambre des Députés, cité in Beaumont et Tocqueville, Le système
pénitentiaire aux Etats-Unis, 3ème édition 1845, cité par 61. Ibid. p 274
36
Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Qu’y a t-il dans cette peine privative de liberté ?
- l’isolement pour mettre les détenus « hors état de nuire à la société » ?
- la solitude pour espérer une sourde rédemption qui viendrait de l’intérieur ?
A partir de l’expérience vécue de l’« isolement paradoxal » en milieu isolé, on peut
s’interroger sur l’isolement réel et vécu par les détenus. Certes ils sont isolés du milieu
extérieur mais comme tout groupe humain en situation d’isolement, ils s’organisent en prison.
Un ordre social émerge alors à partir des valeurs qui sont les leurs, aboutissant à des règles
souvent peu républicaines, « loi du plus fort , l’argent est roi » [35]
Cette organisation sociale dont la société leur abandonne la gestion sous l’oeil de
l’administration pénitentiaire, participe non seulement à limiter les effets de l’isolement mais
contribue également à faire du milieu carcéral un milieu particulièrement malsain, antisocial
et peu enclin à la réinsertion de l’individu. Difficile alors de voir dans « la peine privative de
liberté, l’amendement et le reclassement social du condamné ».
4.2 Une réalité
Sombre conclusion. Mais peut-être n’y a t-il pas de réflexion éthique sans souffrance.
De l’isolement d’un groupe humain, nous passons l’isolement d’un être humain.
Inconcevable en milieu isolé, le milieu pénitentiaire l’a conçu : la détention en quartier
d’isolement ou quartier disciplinaire. Comme au XIXème siècle mais sans la philosophie.
L’expérimentation qui consiste à isoler un individu de son groupe et à le forcer à vivre en
situation stricte d’isolement est contraire aux droits de l’homme74, à la déontologie ou à
l’éthique la plus élémentaire. Elle est surtout dangereuse car on ne peut contrôler son impact
psychique et déstructurant. Les prisonniers de guerre ou les otages en ont déjà fait
l’expérience. Cela confirme - mais avait-on besoin de cela ?- l’intérêt vital pour l’individu du
lien social.
Ce mode de détention dont les autorités connaissent parfaitement les « effets néfastes »ne
saurait être mené sans aval médical. Ainsi le code de procédure pénale impose 2 visites
médicales par semaine75 et l’administration pénitentiaire demande un certificat médical « apte
à l’isolement »76, vraisemblablement pour se « couvrir » en cas de plainte ou d’incident. Mais
le médecin a aussi le devoir de témoigner.77
Le Dr D.Faucher a ainsi suivi les détenus des quartiers d’isolement pendant 3 ans à Fresnes.
Grâce aux soins, elle leur a apporté un peu d’humanité alors qu’ils en étaient totalement
dépossédés. Son témoignage est livré dans un mémoire d’éthique médicale. L’isolement y est
complet, la fenêtre haut située « ne permet pas la moindre évasion du regard vers l’horizon ».
Nous passerons les détails « du lieu sordide » et « des déchets et rats crevés dégageant une
74 L’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme ne considère pas l’isolement comme un
traitement inhumain et dégradant, « Ethique en milieu carcéral : Suivi des personnes détenues en quartier
d’isolement », D.Faucher, mémoire DU Ethique médicale, 1999 , p 4
75 Article D 375 du Code de Procédure Pénal
76 48. Faucher, D., Ethique médicale en milieu carcéral : suivi des personnes détenues en quartier d’isolement,
in DU Ethique Médicale, Espace Ethique AP-HP. 1999, Université Denis Diderot, Paris 7. p 18
77 « La vocation du médecin consiste à défendre la santé physique et mentale de l’homme et à soulager la
souffrance dans le respect de la vie et de la dignité de la personne humaine... »Article 1 des principes d’éthique
européenne
« Un médecin amené à examiner une personne privée de liberté ou à lui donner des soins ne peut, directement
ou indirectement, ne serait-ce que par sa présence, favoriser ou cautionner une atteinte à l’intégrité physique ou
mentale de cette personne ou à sa dignité ». Article 10 du code de déontologie médicale
37
odeur pestilentielle »78 pour ne nous intéresser qu’aux conséquences de l’isolement sur
l’individu.
En voici quelques extraits.
Un poème sur l’isolement.
Vrai parce que vécu par les détenus,
Et grave parce que « c’est de l’homme qu’il s’agit »79
« Etre isolé, c’est n’avoir personne à regarder et personne qui vous regarde... »
« Etre isolé, c’est n’avoir plus personne à toucher. »
« La poignée de main ouvrant et terminant chaque entretien est d’une particulière intensité au
Q.I80, seul contact physique volontaire avec une autre personne : une poignée de main par
semaine. Un jour, un homme me dit qu’au retour de promenade, suite à une erreur de la part
des surveillants, il avait croisé un autre isolé. Ce dernier lui déclara « ça fait 5 ans que je n’ai
pas serré la main d’un autre mec... »
« Etre isolé, c’est n’avoir plus personne à qui parler »
« Etre isolé, c’est perdre son autonomie, ...ne pas ouvrir soi-même la lumière, la douche... »
« Etre isolé, c’est être nié. C’est la conclusion qui s’impose aux hommes isolés et qu’ils
évoquent avec pudeur et seulement s’ils sont sollicités par un entretien en toute bienveillance
et confiance. Ils empruntent un langage imagé évoquant la mort pour exprimer comment ils
vivent leur détention en isolement : « J’ai l’impression d’être dans un tombeau, d’être enterré
vivant », « je ne vis pas », « je me vide », « je n’existe pas », disent-ils. Ils se disent atteints
dans leur dignité. Une vie privée de relations visuelles, verbales avec les autres, privée de
relations sexuelles, de partage et d’échanges, de plaisir. Une telle vie est-elle encore une
vie ? »
Les récits de naufragés témoignent aussi des affres de l’isolement. Mais contrairement au
détenu, le naufragé est porté par l’espoir de retrouver les siens. [62]
Le témoignage des détenus est bouleversant : comme en plein naufrage, ils dansent avec la
mort, sans pouvoir faire surface. Ils n’ont plus d’horizon pour poser leur regard. La souffrance
morale induite par cet isolement affecte durablement leur santé aussi bien mentale que
physique81.
Eteindre tout espoir de refaire un jour surface. Est-ce cela la peine de privation de liberté ?
Le corps n’est plus supplicié, mais le mental ? Le châtiment est plus « pudique », moins
visible mais tout aussi douloureux, et surtout plus durable. N’est-ce pas là une conception
« géhenne » de la prison ?
Cessons alors de dire « la peine privative de liberté a pour but essentiel l’« amendement et de
reclassement du condamné ».82
78 Ibidem, D.Faucher, mémoire DU Ethique médicale, 1999 , p 5
79 Titre de l’ouvrage de Jean Bernard : « C’est de l’homme qu’il s’agit »
80 Q.I : Quartier d’Isolement
81 « les anomalies de la vision sont constantes en détention. Le champ de vision est limité aux murs de la cellule,
l’accomodation au loin ne se fait plus. Au Q.I, ils ne voient plus jamais l’horizon. » Ibidem, D.Faucher, mémoire
DU Ethique médicale, 1999 , p 17
82La réforme Amor, 1944-1945 (www.justice.gouv.fr/musee/histoire/vingt/26a.htm)
38
IV. LA TELEMEDECINE ET LES TIC
« Le progrès nous condamne à perpétuité »
Alfred Sauvy83
Les Technologies de l’Information et de la communication (TIC) ont investi le champ de la
santé depuis plusieurs années comme en témoignent en France tous les applications recensées
par le ministère de tutelle (cartographie DHOS) et l’exponentielle progression des
publications. [63]
Nous avons insisté en début de chapitre sur la nécessaire équité d’accès aux soins des
populations. Les TIC offrent aujourd’hui des outils utiles et efficaces pour améliorer l’accès
aux soins de populations notamment celles vivant en situation d’isolement.
Par delà sa simple et évidente étymologie, la télémédecine est un concept complexe qu’il
convient de bien cerner pour en comprendre les difficultés pratiques.
1. DEFINITIONS
1.1 TIC : Technique ou technologie
Même si la confusion terminologique entre technique et technologie est aujourd’hui
irréversible, il convient de réaffirmer que la télémédecine fait appel au concept de
« technique » et non de technologie84. Cette « contamination franglaise » de l’après-guerre a
subsisté aux dires de Jacques Cellard parce que le mot technologie apparaissait « plus noble,
plus chargé de science, plus avancé que le substantif qu’il a supplanté. »85
Pour ne pas nuire à la clarté du propos et satisfaire aux normes de la littérature, nous nous
résignerons à utiliser dans ce travail le terme impropre de « technologie »86
L’apport des TIC, anciennement dénommées NTIC pour « Nouvelles Technologies de
l’Information et de la Communication », dans le domaine de la Santé a fait naître dans les
années 50 le concept de télémédecine. Depuis, les termes au préfixe « télé » prolifèrent et cela
justifie qu’on en définisse les différentes acceptions.
83 Cité par B.Glorion, Table ronde sur la télémédecine, Conseil National de l’Ordre des Médecins
84 Technique désigne « l’ensemble des objets, des gestes liés à la fabrication et à l’utilisation de systèmes
améliorant, amplifiant les performances des corps dans leurs rapports à l’environnement », Encyclopédia
Universalis, 41. Froissart, S., La rencontre entre la médecine et les nouvelles technologies de l’information et
des communications : implications pour le management, in Thèse HEC Montréal. 1999.
85 Technologie, Encyclopédia Universalis, J.Guillerme, 1990, France S.A
86 « la surcharge suffixale « ologie » fut pourtant censuré par le comité d’études des termes techniques,
considérant qu’elle alourdissait la langue et contribuait en outre à brouiller les significations » Technologie,
Encyclopédia Universalis, J.Guillerme, 1990, France S.A
39
1.2 Télémédecine et télésanté87
Il existe de nombreuses définitions de la télémédecine. Le Collège des médecins du Québec
définit d’une façon générale la télémédecine comme « l’exercice de la médecine à distance à
l’aide des moyens de télécommunications ».88
Le terme télésanté possède un sens plus large puisqu’il inclut en plus de la télémédecine, la
formation continue, les services internet, les applications cliniques informatisées comme le
dossier médical électronique déjà en service outre-atlantique.89
1.3 Les applications de la télémédecine
En considérant la télémédecine comme toute utilisation des TIC dans le domaine de la santé
(soins, enseignement, recherche) V. Hazebroucq90 distingue 5 principales applications de la
télémédecine :
- la téléconsultation : un médecin demande un avis à un autre médecin ou téléexpertise
entre 2 spécialistes de la même spécialité
- la téléassistance : le patient demande directement assistance à un professionnel de
santé (SAMU)
- la télésurveillance ou télésoins à domicile91 : le patient est surveillé à distance par
l’équipe médicale (exemple du monitoring foetal)
- le téléenseignement ou téléformation / e-learning qui permet au praticien l’accès aux
données
- la cybermédecine : Réseau informatisé avec une organisation de la santé intégrant les
dimensions humaine et technologique
La visioconférence et l’internet sont deux avancées technologiques récentes qui ont bousculé
les applications de télémédecine et qui permettent aujourd’hui la transmission à coût
raisonnable de grandes quantités d’informations multimédias, voix, sons, images, animations,
données physiologiques.92
Dans notre étude, nous présentons aux professionnels de santé l’utilisation des TIC à travers 3
applications :
- Le dossier médical informatisé ou DMP pour Dossier Médical Partagé qui correspond
à la constitution d’un dossier informatique regroupant les comptes-rendus médicaux,
87 64. Bonnardot, L., La télésanté au Québec : problématiques et applications en région éloignée, in
Laboratoire d’Ethique Médicale, IREB. 2004, Paris 5.
88 Position du collège des médecins du Québec sur la télémédecine, mai 2000.
89 Ainsi en mars 2001, au Québec, la Table ministérielle en télésanté définissait la télésanté comme « les soins
et services de santé, les services sociaux, préventifs ou curatifs, rendus à distance par le biais d’une
télécommunication, incluant les échanges audiovisuels à des fins d’information, d’éducation et de recherche, et
le traitement de données cliniques et administratives. »
90 Cours 21 janvier 2005, « Problèmes éthiques posés par la télémédecine », Master d’Ethique Médicale, V.
Hazebroucq, J.Clavero
91 Expression employée au Québec
92ibidem,V. Hazebroucq,
40
les examens complémentaires et permettant le « partage » du dossier avec d’autres
intervenants bénéficiant d’un accès privilégié.
- La télé-médecine où le terme « médecine » pris au sens large inclut la chirurgie, la
radiologie, la biologie....que nous séparons [65]en :
o télémédecine en temps réel (real-time) avec l’utilisation de la visioconférence
o télémédecine en temps différé (store-and -forward) par envoi d’email et de
fichiers attachés par liaison internet sécurisée ou dans un réseau intranet
Cependant la définition des termes et de leur champ sémantique ne saurait suffire à saisir les
avantages et les limites de la télémédecine. Une mise en perspective historique s’impose pour
comprendre les vrais enjeux et les difficultés posés par la pratique de la télémédecine.
2. LE CONCEPT DE TELEMEDECINE93
2.1 « Un concept qui n’a rien de nouveau »
Si on se limite à l’étymologie du terme télémédecine, et à son préfixe grec « têlé », à distance,
la télé-médecine ou médecine à distance, existe depuis l’invention du télégraphe (1843) puis
du téléphone (1876) qui autorisa les premières auscultations téléphoniques [66].
La télé-médecine est donc un « concept médical qui n’a rien de nouveau »94 et jusqu’à preuve
du contraire comme l’affirme Pr B.Glorion95, il n’existe pas de technique mise à la disposition
des médecins qui ait été refusée et dont les médecins n’ait pas usé.
2.2 Et pourtant...
Si on considère comme le montre S.Froissart, que la télémédecine n’est pas une discipline
mais la réunion de trois disciplines à savoir la médecine, les technologies médicales et les
technologies de la télécommunication, on commence à approcher le concept de télémédecine
et à entrevoir sa complexité.
Ainsi la plupart des auteurs dans la littérature placent la naissance de la télémédecine dans les
années 50 avec les travaux de la NASA (National Aeronautics and Space Administration)96.
93 Ce chapitre est rédigé essentiellement à partir du remarquable travail de Thèse de S. Froissart, disponible à la
bibliothèque HEC Montréal et au Laboratoire d’Ethique médicale à Paris 541. Froissart, S., La rencontre entre
la médecine et les nouvelles technologies de l’information et des communications : implications pour le
management, in Thèse HEC Montréal. 1999.
9441. Ibid. p 11
95 B.Glorion, Table ronde sur la télémédecine, Conseil National de l’Ordre des Médecins
96 Projet Mercure 1958-63 avec surveillance médicale à distance des astronautes, 41. Froissart, S., La
rencontre entre la médecine et les nouvelles technologies de l’information et des communications : implications
pour le management, in Thèse HEC Montréal. 1999., p 7
41
Chacune de ces 3 disciplines a sa propre histoire et la télémédecine qui est au centre ne fait
que les réunir.
Avec l’autorisation de S.Froissart, nous reproduisons en annexe à partir de son travail les
principaux repères historiques de chacune de ces 3 disciplines (ANNEXE 2) et son tableau
récapitulatif sur l’évolution des champs d’étude de la médecine.
Tableau 1 : Récapitulatif : Perspectives historiques sur l’évolution des champs d’étude de
la médecine97
EPOQUE CHAMP D’ETUDE APPROCHE DOMINANTE
Grèce antique Les Dieux, les esprits Religion, philosophie
Vème siècle avant JC L’Homme Clinique
XVIIème siècle : introduction de la technologie médicale
Début XIXème siècle L’organe Physiologie
Fin XIXème siècle La cellule Vaccination
Mi XX ème siècle Le gène Génétique
XX ème siècle : essor des technologies de télécommunications
Fin XX ème siècle : L’information TIC
Cette approche historique de chaque discipline est utile pour comprendre les enjeux soulevés
par la pratique de la télémédecine. Non seulement elle permet d’individualiser chaque
discipline en tant que telle mais aussi laisse-t-elle apparaître l’influence des technologies sur
la médecine. Ainsi, selon S.Froissart, les technologies ont eu 4 impacts sur la pratique
médicale98 :
- séparation du médecin et du patient : la présence du patient n’est plus indispensable
pour interpréter ses troubles
- amélioration de la connaissance du corps humain, des maladies et développement de
nouvelles thérapeutiques
- gestion des technologies dans un lieu spécifique : l’hôpital souvent
- nécessité d’une spécialisation car les connaissances sont trop vastes
Enfin, le travail de terrain mené par cet auteur a mis en évidence l’impact organisationnel de
la pratique de la télémédecine. De la même façon que la télémédecine réunit 3 disciplines, elle
met en jeu au sein d’une même structure, l’hôpital, 3 catégories professionnelles : les
médecins, les techniciens et les gestionnaires dont la parfaite coordination est nécessaire à
l’usage de la télémédecine. Les résultats de son étude montrent que les différences de
« culture de métier »99 et de mode de communication entre ces 3 corps de métier sont à
l’origine d’importants problèmes relationnels et organisationnels et gênent considérablement
le bon fonctionnement de la télémédecine.100
97 41. Ibid. p 43
9841. Ibid. p 27
99 67. Chevrier, Les équipes interculturelles de travail, in Université de Québec, Montréal. 1995. p. 292.
100 41. Froissart, S., La rencontre entre la médecine et les nouvelles technologies de l’information et des
communications : implications pour le management, in Thèse HEC Montréal. 1999. p 184
42
3. ENJEUX DE LA TELEMEDECINE
3.1 L’accès aux soins pour tous
La télémédecine est historiquement et conceptuellement un moyen d’améliorer l’accès aux
soins notamment pour les populations vivant en régions éloignées, isolées, rurales ou
embarquées en mer. En devenant économiquement et techniquement accessible [68], elle est
aujourd’hui un outil essentiel pour assurer l’équité d’accès aux soins pour tous.
Le milieu isolé géographiquement101 est un terrain privilégié pour les applications de
télémédecine qu’elles soient en temps réel ou en temps différé.
Nous ne ferons que citer parmi les nombreuses initiatives, celle de l’association caritative
Swinfen Charitable qui contribue efficacement au développement d’une « télémédecine pas
chère » (low-cost telemedecine) pour les populations en situation d’isolement ou défavorisées
économiquement. [69]
Dans les 3 milieux isolés pris comme référence pour ce travail (île Rachel, TAAF et le
Québec), la télémédecine fait partie des moyens de prise en charge médicale.
3.2 Une justification économique ?
La réduction des coûts de transport est un des principaux moyens de rentabiliser le lourd
investissement des infrastructures de télémédecine. Aussi plus les populations sont en
situation d’isolement comme les insulaires ou les détenus, plus le coût des transferts sanitaires
est élevé, plus l’utilisation de la télémédecine est rentable et permet d’amortir les coûts
d’investissement.102
L’utilisation du transfert d’images de scanner pendant la grande garde de neurochirurgie en
Île de France a permis de diminuer de 66% à 20% les « rejets », c’est à dire le déplacement du
patient pour simple examen sans qu’il y ait d’indication neurochirurgicale posée, entraînant
des réductions de coût substantielles103.
Néanmoins le risque d’augmenter les dépenses existe à partir du moment où on facilite
l’accès aux soins. Ainsi, la transposition de l’application en neurochirurgie en Irlande du sud a
eu un effet paradoxal. La population rurale étant géographiquement isolée des centres de soin
référents, elle n’avait qu’un accès limité au scanner et aux avis neurochirurgicaux.
L’utilisation de la transmission d’images a accru de façon considérable la demande d’avis
neurochirurgicaux et par suite les dépenses de santé.104
La distance géographique est donc un élément déterminant pour décider de la mise en oeuvre
d’un programme de télé-médecine et en assurer la rentabilité. 105
101 « ...la rupture de l’isolement des médecins dans les zones rurales devrait être une priorité pour le
développement de la télémédecine dans notre pays qui demeure très hospitalocentrique. » A. Lefebvre,
Télémédecine et santé, Conseil National de l’Ordre des Médecins
102 Aspects socio-économiques de la télémédecine, Dr JP Thierry, Conseil National de l’Ordre des Medecins
103 Transmission inter-hospitalière d’images radiologiques pour la prise en charge des urgences
neurochirurgicales, résultat de l’évaluation. Dossier Cedit APHP, 1996
104 Entretien du 7/10/05 avec le Dr V.Hazebroucq,
105 Telehealth cost justification, Mary Moore, 1996
43
3.3 Les limites de la télémédecine
Cependant la télémédecine présente un certain nombre d’inconvénients bien documentés dans
la littérature. S.Froissart en retient 3 types :
- technologique lié aux infrastructures de télécommunications, aux problèmes
d’équipement et de maintenance
- économique posant ainsi la question du rapport coût efficacité de la télémédecine[70]
- humain et organisationnel, ce dernier point étant souvent négligé alors qu’il constitue
une cause d’échec majeur [71], « la télémédecine est d’abord un exercice de relations
humaines »106
Le recours aux TIC et à la télémédecine ne sont pas sans poser de problèmes pratiques
pouvant compromettre leur efficacité.
Aussi performante soit-elle, la télémédecine bouleverse la relation médecin-patient et il faut
alors pouvoir justifier de soigner un patient à distance plutôt que sur place. La question de la
distance est alors essentielle à évaluer avant la mise en oeuvre d’un programme télé-médecine.
Aussi pour savoir si la télémédecine est un outil adapté au milieu pénitentiaire et susceptible
d’améliorer l’accès aux soins des détenus, chercherons nous dans un premier temps à évaluer
la distance entre la prison et l’hôpital,
Puis à partir de l’évaluation du sentiment d’isolement des soignants et de leurs difficultés dans
leur mission de soin, nous essaierons de comprendre quelle est la vraie distance qui sépare les
prisons du milieu libre.
Enfin nous discuterons en nous appuyant sur le témoignage des soignants de l’opportunité de
l’utilisation de ces technologies en milieu carcéral pour améliorer l’accès aux soins des
détenus.
106 Rapport sur les résultats du projet de démonstration aux îles de la Madeleine, février 2001, Cloutier A, Fortin
JP
44
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODE
OBJECTIF DE RECHERCHE
A travers le prisme de l’accès aux soins notamment spécialisés, l’objectif de cette étude est
d’évaluer la distance UCSA-Hôpital et le sentiment d’isolement des soignants à l’UCSA, de
comprendre les principales difficultés de la pratique médicale en milieu pénitentiaire pour
mieux en cerner les besoins, puis de recueillir l’opinion des professionnels de santé sur
l’intérêt potentiel des TIC.
CHAMP D’ETUDE
Le champ d’étude est resserré autour du problème de l’accès aux soins et avis spécialisés dans
le domaine somatique.
La prise en charge psychiatrique en milieu pénitentiaire répond à une organisation spécifique
avec un personnel et des locaux différents, les Services Médico-Psychologiques Régionaux
(SMPR).
Le critère d’éloignement étant un élément déterminant dans la littérature pour justifier le
recours aux TIC pour la prise en charge médicale, il nous est apparu nécessaire d’évaluer à
l’échelle nationale la distance qui sépare l’UCSA de son hôpital de rattachement. Après avoir
vérifié auprès de l’administration pénitentiaire l’absence de données statistiques sur le sujet, la
décision fut prise de joindre par téléphone toutes les UCSA françaises.
Le hasard eût été une méthode valide pour sélectionner les UCSA mais il n’aurait pas permis
d’obtenir une « photographie » du parc pénitentiaire français, essentielle pour juger de la
représentativité de l’échantillon choisi.
45
I. PHASE 1 : LE TEMPS INFIRMIER
1. POPULATION CIBLEE
A partir de la liste des UCSA (174 UCSA déclarées) fournie par le Dr Robert PY107, une
première série d’appels (20) a permis de cibler la population et de mettre au point le
questionnaire.
Les infirmières par leur présence 7 jours sur 7 au sein de l’UCSA et leur forte implication
dans la prise en charge sanitaire des détenus se sont imposées comme la population cible de
cette première étape dont l’objectif principal était de sélectionner les UCSA en fonction de
leur profil et de recueillir le témoignage des infirmières sur leur pratique quotidienne à
l’UCSA.
2. OUTIL D’EVALUATION : le questionnaire téléphoné
Un questionnaire à questions fermées et ouvertes fut retenu comme méthode d’évaluation.
Afin d’évaluer le sentiment d’isolement, une question à échelle analogique fut élaborée sur le
modèle de l’échelle visuelle analogique (EVA) d’autoévaluation de la douleur.
Le questionnaire proposé reprenait les principales questions posées au médecin. (cf annexe3) :
• Profil de l’UCSA :
 ? Type d’établissement pénitentiaire
 ? Situation géographique par rapport à l’hôpital de rattachement
 ? Effectif / nombre de vacations de l’équipe soignante (médecin
généraliste, spécialiste, psychiatre, dentiste...)
 ? Effectif de détenus et capacité d’accueil
• Sentiment d’isolement
• Principales difficultés
• Problèmes d’accès aux soins spécialisés pour les détenus
107 Fichier excel « listes des UCSA »
46
II. PHASE 2 : LE TEMPS MEDICAL
1. POPULATION CIBLEE
L’accès aux soins en milieu pénitentiaire passe nécessairement par l’équipe soignante, parfois
relayé par le surveillant. Cette équipe dépend, depuis la loi du 18 janvier 1994, du service
hospitalier public et se compose de médecins généralistes à temps partiel ou temps complet,
de médecins spécialistes vacataires et d’infirmières travaillant de jour. Elle est complétée par
des chirurgiens-dentistes, psychologues, pharmaciens, kinésithérapeutes, manipulateurs radio
et secrétaires.
Les soins somatiques sont dispensés au sein d’Unités de Consultations et de Soins
Ambulatoires (UCSA) qui dépend d’un service hospitalier de l’hôpital de rattachement
Cette deuxième étape s’adresse au médecin-chef de l’UCSA et à un spécialiste exerçant
régulièrement à l’UCSA.
Les UCSA furent choisis selon leur profil défini à la première étape et afin d’obtenir un
échantillon homogène et représentatif du territoire national.
Pour satisfaire au critère d’homogénéité, seules les UCSA des maisons d’arrêt furent prises en
compte. En effet, le nombre important de mouvements (transferts) et l’examen des primo
arrivants génèrent une demande de soins plus importante qu’ailleurs et donc un recours au
spécialiste plus fréquent.
La représentativité fut obtenue en choisissant 2 UCSA aux caractéristiques géographiques
différentes parmi les 10 régions pénitentiaires (9 en métropole et une outre-mer).
Ainsi l’UCSA la plus proche et la plus éloignée ont pu être facilement identifiées à partir de
l’estimation en temps et en kilomètres de la distance UCSA-hôpital de rattachement faite par
les infirmières.
Un fac-simile de présentation du travail fut adressé à chaque médecin-chef de l’UCSA
concerné puis un rendez-vous fut pris par téléphone.
La même procédure fut adoptée pour les entretiens des spécialistes consultant à l’UCSA.
2. OUTIL D’EVALUATION : le questionnaire téléphoné
Un questionnaire composé de questions fermées, semi-ouvertes et ouvertes fut proposé par
téléphone au médecin après une présentation de l’étude par fax et la prise de rendez-vous par
téléphone.
En marge du questionnaire, les réactions et commentaires de l’intervenant furent retranscrits
transformant parfois le questionnaire en un entretien semi-directif.
47
2.1 Conception du questionnaire
3 approches ont permis de concevoir le questionnaire :
1. La recherche bibliographique à partir de medline, OVID, moteur de recherche et sites
spécialisés (prison.eu.org, SPIP, OIP, légifrance, la santé-vie publique.fr, DHOS) en
prenant les mots clefs : médecine en milieu pénitentiaire, santé, télémédecine,
télésanté, milieu isolé, équité, accès aux soins
2. Les entretiens avec des acteurs des domaines du milieu pénitentiaire et de la
télémédecine
- entretiens réguliers avec
o le Pr Christian Hervé (chef du service médecine légale et responsable de
l’UCSA de Nanterre)
o le Dr Luc Montuclard (médecin-chef UCSA de Nanterre)
o Maître Catherine Legouge (avocate)
- entretiens ponctuels de 1H30 à 3H00 avec
o Dr Vincent Hazebrouck (radiologue, chargé de mission APHP)
o Dr Sylvie Balanger (médecin-chef UCSA de la Santé, Paris)
o Mme Hélène Faure (responsable télémédecine, DHOS, Paris)
o Dr Pierre-Yves Robert (médecin-chef UCSA de Nantes)
o Dr P. Espinoza (médecin, service des urgences, HEGP, Paris)
o Dr Claude Bachelard (médecin-chef des TAAF, Paris)
- entretiens téléphoniques
o Pr Didier Sicard (service de médecine interne et UCSA de la Santé, Paris)
o Dr F. Moreau (médecin-chef UCSA de Bois d’Arcy)
o Dr JM. Wojcik (médecin-chef UCSA de Cayennes)
3. Visites des UCSA
- Nanterre (Haut de Seine)
- la Santé (Paris)
- Nantes (Pays de la Loire)
L’évolution du questionnaire médecin a ainsi suivi la progression de la recherche. Sa
formulation finale fut testée sur 6 médecins (3 médecins-chefs UCSA, 3 spécialistes rattachés
à l’UCSA)
48
2.2 Composition du questionnaire (cf annexe 4)
Questionnaire médecin généraliste et spécialiste
- Profil de l’UCSA et du médecin
- Isolement et difficultés d’exercice en milieu pénitentiaire
- Accès aux soins spécialisés
- Technologie de l’Information et de la communication
o Dossier Médical Partagé
o Télémédecine en temps différé
o Télémédecine en temps réel
- Synthèse
2.3 Analyse statistique
Recueil des données sur tableur Excel
Utilisation du logiciel Statview pour analyse statistique univariée :
- t-test pour données quantitatives ou indépendantes
- test chi2 pour données qualitatives
- seuil de significativité p < 0, 05
49
CHAPITRE III : RESULTATS
A. RESULTATS TEMPS INFIRMIER
I. POPULATION
- Les questions ont pu être posées directement aux infirmières ou aux rares infirmiers
des UCSA, à l’exception d’une psychologue, d’une secrétaire et de 3 cadres infirmiers
- 174 UCSA furent contactés par ordre alphabétique à partir de la liste des UCSA
transmise par Dr Robert, président du syndicat des médecins exerçant en prison
(SMEP) :
o 151 réponses, réparties selon le type d’établissement pénitentiaire en :
 ? 100 maisons d’arrêt
 ? 25 centres de détention
 ? 7 centrales
 ? 19 centres pénitentiaires
o 23 non réponses
 ? 13 UCSA non joignables à 3 reprises
 ? 7 numéros de téléphone erronés
 ? 2 refus de réponse par téléphone exprimés par une infirmière et un
médecin
 ? 1 UCSA fermée pour cause d’inondation
II. DEROULEMENT (du 12 mai au 8 juin 2005)
- L’entretien téléphonique débutait par une présentation de l’étude, plus ou moins
longue selon l’attention accordée à mes propos. Les infirmières m’ont fait remarquer à
plusieurs reprises que seule ma qualité d’interne les invitait à accepter de répondre par
téléphone.
- Seuls une infirmière et un médecin représentant chacun une UCSA n’ont pas souhaité
répondre par téléphone.
- La durée moyenne des entretiens est de 9 minutes avec des extrêmes de 6 à 40
minutes, le questionnaire évoluant parfois vers l’entretien semi-directif.
- 3 questions concernant la visioconférence, l’accès à l’internet et les protocoles
thérapeutiques téléphonés ont complété le questionnaire pour le dernier tiers
alphabétique de liste des UCSA mais la dernière question n’a pu être statistiquement
exploitée.
50
III. PRESENTATION DES RESULTATS
1. PROFIL DE L’UCSA (Question de 1 à 5)
1.1 Distance
La distance moyenne séparant l’UCSA de l’hôpital de rattachement est de 8,6 km avec une
médiane à 3,5 km. Ainsi les 2/3 des UCSA sont situées à moins de 5 km (67%) de l’hôpital de
rattachement. (Figure 1).
La distance en temps est en moyenne de 13 minutes avec une médiane à 10 minutes.
Figure 3 : Répartition des UCSA selon la distance UCSA-hôpital
2.5 Effectif médecin
1.2.1 Vacation en médecine générale
Le nombre de vacations (1/2 journée) en médecine générale dans les UCSA est en moyenne
de 6,3 demi-journées par semaine avec une médiane à 5, soit 2,4 demi-journées par semaine et
pour 100 détenus.
0
5
10
15
20
25
30
35
nb UCSA
2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 15 >20
nb vacations médecine générale
Figure 4 : Répartition des UCSA selon le nombre de vacations par semaine en médecine
générale
0
10
20
30
40
50
60
70
nb UCSA
<1 <5 <10 <15 >20 distance km
Série1
51
1.2.2 Vacation de médecins spécialistes
Le nombre moyen de médecins spécialistes intervenant en prison est de 2,2 par UCSA et pour
100 détenus. La figure 3 montre la fréquence de consultations sur place dans les différentes
spécialités.
On note que 23% des UCSA n’ont aucun spécialiste consultant sur place et 60% des UCSA
ont moins de 3 spécialistes sur place.
La figure 5 montre la répartition selon le type de spécialités.
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
% cs spé des UCSA
der oph hge inf orl add chir gyne pneu card rhum stom hema Type de spécialité
4 vacations/mois
2 vacations/mois
1 vacation/mois
Figure 5 : % de consultations spécialisées dans les UCSA et nombre de vacations par
mois
1.3 Effectif de détenus et nombre de places
Le nombre de détenus par UCSA est très variable avec une moyenne de 315 détenus par
établissement et une médiane à 210 détenus. La surpopulation touche près de 70% des
établissements dont 12% compte plus du double de détenus par rapport à la capacité d’accueil.
La moyenne dépasse les 133% de surpopulation avec une médiane à 210 détenus.
1.4 Extractions médicales
L’estimation du nombre d’extractions médicales par semaine est de 2,7 pour 100 détenus. Les
extractions incluent les consultations externes, les urgences et la réalisation des clichés
thoraciques dans le cadre du dépistage de la tuberculose. Ce chiffre reste approximatif dans la
mesure où seuls 10% des UCSA ont pu fournir le nombre exact d’extractions annuelles.
52
2. ACCES AUX SOINS
2.1 Accès aux soins spécialisés (Question 6)
72% des infirmières et infirmiers interrogés estiment qu’il n’y a pas de difficultés d’accès aux
soins spécialisés pour les détenus en milieu pénitentiaire et parmi eux, 20% jugent que leur
accès est meilleur que celui de la population générale, faisant souvent référence aux
difficultés pour obtenir des rendez-vous de consultations en dermatologie et ophtalmologie.
Seuls 23% notent des difficultés d’accès aux soins spécialisés et 5% ne se prononcent pas.
52%
23%
20% 5%
pas difficultés
difficultés
meilleur accès
sans opiniion
Figure 6 : Difficulté d’accès aux soins spécialisés
2.2 Avis médical en urgence (Question 9)
Pour obtenir un avis médical, les infirmièr(e)s ont recours en première intention dans plus de
la moitié des cas au médecin de l’UCSA aux heures ouvrables, le SMUR étant appelé
directement dans 34% des cas.
3%
29%
12%
22%
34% SMUR
Medecin/SMUR
Médecin
Urgence
SOS/pompier
Figure 7 : Référent pour avis médical en urgence
53
3. ISOLEMENT (Question 8)
Sur une échelle de 1 à 10, le sentiment d’isolement moyen est de 5,3.
0 5
10
15
20
25
30
35
nb UCSA
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
score isolement
Figure 8 : Evaluation du sentiment d’isolement des infirmièr(e)s à l’UCSA
L’étude statistique ne retrouve pas de variation significative du sentiment d’isolement selon
les types d’établissement pénitentiaire, la distance UCSA - Hôpital, le nombre de vacations
de médecin généraliste ou de spécialiste.
4. DIFFICULTES PRINCIPALES (Question 11)
Parmi les difficultés principales évoquées, on retrouve par ordre d’importance :
- Les relations difficiles voire conflictuelles avec l’administration pénitentiaire (18%)
- L’absence de reconnaissance et de considération par l’hôpital de leur travail (11%)
- Les difficultés pour obtenir des extractions sanitaires (11%)
- La gestion des urgences notamment en l’absence du médecin (11%)
- L’isolement dans leur pratique quotidienne (9%)
- Les contraintes du milieu carcéral et les locaux exigus (5%)
- Le manque de psychiatres pour une prise en charge satisfaisante des détenus (5%)
- Le manque de médecins sur place (5%)
- Les difficultés d’accès aux détenus (3%)
- Le manque d’effectif médical et paramédical (2%)
- Le non-respect du secret professionnel (1%)
- La gestion de la pharmacie (1%)
- Enfin 10% des infirmièr(e)s estiment n’avoir aucune difficulté dans leur pratique et
6% n’ont pas répondu à la question
Parmi les difficultés évoquées secondairement, on retrouve :
- L’absence de reconnaissance par l’hôpital (24%)
- Le manque de médecins sur place (23%)
- Les difficultés pour obtenir des extractions et les escortes (21%)
- Les rapports difficiles avec l’administration pénitentiaire (12%)
54
- La gestion des urgences (6%)
- Le manque d’effectifs (4%)
- Les 10% restants se partageant entre les autres items mentionnés plus haut
Par ailleurs, le vocabulaire employé par les infirmièr(e)s pour parler de leurs difficultés
d’exercice professionnel relève du champ lexical de l’exclusion :
- 5ème roue du carrosse (6)
- A l’écart (4)
- Isolé (3)
- Oublié (3)
- Méconnu (2)
- Inconnu (2)
- Ignoré (2)
- A part (2)
- Sans information (2)
- Pas de communication (2)
- Non reconnu
- Mal connu
- Invisible
- Dévalorisé
- Etranger
- Bout du monde
- 6ème roue du carrosse
- Voie de garage
- Mal considéré
- Planète des singes
- Non intégré
- Démuni
- Décalage
- Hors les murs
De même, le vocabulaire qu’elles utilisent pour qualifier leur relation avec l’administration
pénitentiaire est révélateur des contraintes quotidiennes auxquelles elles sont confrontées, et
notamment dans l’obtention d’extractions médicales.
- Incompris
- Jongler
- Négocier
- Diplomatie
- Pression
- Tension (2)
- Poids
- Lourdeur de l’AP
- S’adapter
- L’AP dispose
- communication difficile (3)
- contraintes lourdes
- Relation difficile
Enfin, la divergence entre la mission sanitaire de l’UCSA et la mission sécuritaire de
l’administration pénitentiaire est rappelée à plusieurs reprises par les infirmières :
- La sécurité avant la santé
- Vision différente
- Règles différentes
- Priorités différentes
- Objectifs différents
- Buts différents
- Conflit hôpital et AP
- Longueur d’onde différente
- Logique différente
- Cultures différentes
55
5. INTERNET ET VISIOCONFERENCE (Questions 12 et 13)
Sur un échantillon de 84 UCSA, la visioconférence est jugée par les infirmièr(e)s comme
intéressante dans 44% des cas et très souhaitable dans 21% alors que 24% des interrogés
pensent que cela n’apporterait rien. Dans 11% des cas, les infirmièr(e)s n’ont pu se prononcer,
considérant que ce mode de communication était trop abstrait pour se le figurer.
44%
21%
24%
11%
favorable
très favorable
non favorabe
nspp
Figure 9 : Opinion des infirmier(e)s sur l’utilisation de la visioconférence à l’UCSA
La question de l’existence d’un réseau intranet avec l’hôpital ou d’un accès internet a été
posée aux 36 dernières UCSA de la liste alphabétique. Elle révèle que 64% des UCSA n’ont
ni réseau ni accès internet, 17% bénéficient d’un réseau intranet seul et 19% ont un accès intra
et internet.
56
IV. SYNTHESE
Cette première étape permet d’établir le constat que les UCSA ne sont que peu éloignées
géographiquement des hôpitaux de rattachement (médiane à 3,5 Km).
Compte tenu d’une présence médicale discontinue et parfois insuffisante, les infirmièr(e)s se
retrouvent souvent en première ligne pour assurer la prise en charge sanitaire des détenus.
Celles-ci ont alors recours aux avis téléphoniques avec le médecin d’astreinte ou le SMUR.
Même s’il n’existe pas d’éloignement géographique, les infirmièr(e)s ont globalement un
sentiment d’isolement dans leur pratique quotidienne, mais aucune corrélation statistique
significative n’a pu être établie entre ce sentiment d’isolement et les autres paramètres
recueillis, notamment avec la distance UCSA-hôpital de rattachement.
L’accès aux soins spécialisés des détenus est selon les infirmièr(e)s équivalent voire meilleur
que celui de la population générale (75%). Ce résultat plutôt inattendu sera confronté aux
réponses des médecins généralistes et spécialistes puis analysé.
Bien que les infirmier(e)s notent une nette amélioration depuis la loi de 1994, on retiendra
parmi toutes les difficultés évoquées, 4 principales :
- le manque de reconnaissance et le manque de considération de la part de l’hôpital
- la difficile relation avec l’administration pénitentiaire
- les difficultés pour obtenir des escortes et le fait que chaque extraction doit être
« négociée... »
- le manque de médecin sur place
L’analyse du vocabulaire employé permet de mieux comprendre le sentiment d’isolement des
soignants et de faire le lien avec leurs difficultés d’exercice en milieu pénitentiaire. On glisse
ainsi d’un sentiment d’isolement à un constat d’exclusion richement révélé par les termes
employés.
Cette exclusion se retrouve également au niveau matériel puisque les 2/3 des UCSA n’ont
accès ni à un réseau intranet, ni à l’Internet, ce qui conduit certaines infirmières à qualifier
non sans humour la visioconférence de « science fiction ».
Néanmoins, après exposition des possibilités offertes par la visioconférence, une majorité
d’entre elles se disent favorables à l’utilisation de ce type de technologie, moins pour rompre
l’isolement que pour resserrer les liens avec l’hôpital et susciter de sa part un plus franc
investissement.
Enfin, l’analyse statistique visant à comparer les réponses selon les différents types
d’établissement (maison d’arrêt, centre de détention, centre pénitentiaire, centrale) n’a pas
permis de déterminer de facteurs significativement différents.
57
B. RESULTATS TEMPS MEDICAL
I. POPULATION
DESCRIPTION Médecin UCSA Spécialiste
Nb de médecins inclus 19 18
Durée moyenne entretien 47 minutes 32 minutes
Sexe ratio (H/F) 15 / 4 14 / 4
Âge moyen 48 ans 49 ans
Formation médicale 15 : médecine générale
2 : anesthésie réa
1 : médecine légale
1 : rhumatologue
8 : dermatologie
5 : psychiatre
3 : hépato-gastro-entérologue
1 : anesthésie réa
1 : médecine interne
Statut professionnel 95% praticien hospitalier 66% praticien hospitalier
34% libéraux
Exercice en milieu pénitentiaire 9,5 ans 20 ans
Ordinateur personnel 85% 100%
Utilisation email 65% journalière 65% journalière
Tableau 2 : Récapitulatif des caractéristiques de la population
1. MEDECIN « GENERALISTE » A L’UCSA
- Sur les 20 UCSA sélectionnées, seul un médecin a refusé de répondre par téléphone et
n’a pas non plus renvoyé le questionnaire qui lui avait été envoyé par fac-simile.
- La durée moyenne des entretiens est de 47 minutes avec des extrêmes à 25 à 120
minutes.
- 15 hommes pour 4 femmes avec une moyenne d’âge de 48 ans
- 15 médecins ont reçu une formation en médecine générale et 4 médecins sont
spécialistes (2 en anesthésie réanimation, 1 en médecine légale, 1 en rhumatologie)
- 60% des praticiens ont suivi une formation spécifique à l’exercice en milieu
pénitentiaire (capacité, DU, certificat, toxicologie)
- 90% des praticiens suivent une formation continue (congrès, presses spécialisées,
staffs hospitaliers)
- 70% ont une activité hospitalière depuis en moyenne 13,5 ans (extrême de 3 à 30 ans)
- 95% sont des praticiens hospitaliers (dont 30% contractuels), travaillant à plein temps
dans 60% des cas et à temps partiel dans 40%.
- Le nombre de visites effectuées sur l’hôpital de rattachement est en moyenne de 3 par
semaine.
- Ils exercent en milieu pénitentiaire depuis environ 9,5 ans (extrême de 2 à 23 ans)
- 85% des médecins ont un ordinateur personnel et 90% possèdent une adresse email
personnelle qu’ils utilisent dans 65% des cas plusieurs fois par jour et 15% des cas
plusieurs fois par semaine.
58
2. MEDECIN SPECIALISTE CONSULTANT SUR PLACE
- Sur les 19 spécialistes contactés, 1 n’a pu être joint malgré de nombreuses tentatives à
cause d’un emploi du temps très dense (cardiologue chef de service)
- 4 spécialistes n’ont pas accepté de répondre, justifiant leur refus par le manque de
temps (3) ou ne se sentant pas concernés par l’étude (1). Une deuxième série d’appels
a néanmoins permis de contacter d’autres spécialistes notamment des psychiatres.
- La durée moyenne de l’entretien téléphonique est 32 minutes avec des extrêmes entre
12 et 60 minutes
- 14 hommes pour 4 femmes avec une moyenne d’âge de 49 ans.
- La série comporte 13 spécialistes somatiques (8 dermatologues, 3 hépato-gastroentérologues,
1 anesthésiste réanimateur et 1 interniste) et 5 psychiatres. Parmi eux, 3
spécialistes (2 psychiatres et un hépatologue) cumulent les fonctions de chef de
service.
- 2/3 des spécialistes sont des praticiens hospitaliers temps plein et un tiers sont
médecins libéraux effectuant des vacations à la prison.
- Ils exercent en milieu pénitentiaire depuis en moyenne 20 ans (de 1,5ans à 34ans)
- Pour 78% d’entre eux, consulter à la prison est un choix personnel dont les
motivations sont variables selon les individus et les spécialités : pour les hépatologues
et internistes, il s’agit d’assurer le suivi des patients porteurs du VIH et de l’hépatite C,
d’autres spécialistes intègrent cette mission comme un service rendu à la société ou
encore comme une action humanitaire.
- La dernière question de l’entretien cherchait à savoir s’ils trouvaient enrichissant de
consulter à l’UCSA : 83% répondent oui en notant qu’ils ont « beaucoup appris » au
contact des détenus. Ils mettent en avant la richesse et la réciprocité de cette relation
médecin-malade, et soulignent la possibilité pour eux de diversifier leur pratique en
soignant une population différente de celle qu’ils côtoient habituellement.
- 100% des spécialistes ont un ordinateur personnel et à l’exception d’un spécialiste, ils
ont tous une adresse email personnelle qu’ils utilisent plusieurs fois par jour dans
65% des cas, ou de façon hebdomadaire ou mensuelle dans 35% des cas.
3. PROFIL DE L’UCSA
- La distance entre l’UCSA et l’hôpital de rattachement est en moyenne de 7,2 km avec
une médiane à 3 km et en temps de 10 minutes avec médiane à 7 minutes.
- le nombre de détenus en moyenne est de 365 avec une surpopulation de 140% par
rapport au nombre de place théorique
- Le nombre de consultations en médecine générale par détenu est de 9 consultations par
an et de 1,2 pour les consultations spécialisées à l’UCSA.
- Le nombre de vacations (1/2 journée) par semaine est pour 100 détenus de :
o 2,6 en médecine générale
o 1,2 en psychiatrie
o 1 en soins dentaires
- Le nombre de vacations de spécialistes par mois est de 1,5 pour 100 détenus.
- La répartition des vacations de spécialistes intervenant à l’UCSA selon le nombre de
vacations est présentée dans le schéma
59
0
20
40
60
80
dermato
ophtalmo
hepato
addicto
infectieux
orl
gyneco
cardio
pneumo
reeduc
visceral
ortho
rhumato
area
immuno
cdag
4 vac/mois
2 vac/mois
1 vac/mois
1 vac/2mois
Figure 10 : Pourcentage de consultations spécialisées et nombre de vacations par mois
- Le service hospitalier auquel l’UCSA est rattaché est dans 37% des cas les urgences,
dans 22% des cas la médecine légale, dans 21% la médecine interne et les 20%
restants sont partagés entre les services d’immunologie, de rééducation fonctionnelle,
et du SMUR.
- La permanence des soins est assurée dans 42% des cas par une astreinte du ou des
médecins de l’UCSA, dans 36% des cas par le centre 15, dans 16% par SOS médecin
et dans 6% des cas par les urgences de l’hôpital de rattachement
- Les effectifs en médecins généralistes et spécialistes sont jugés suffisants dans 53% et
insuffisants dans 47% des cas et 58% des médecins généralistes notent que des postes
théoriquement prévus à l’UCSA restent non pourvus. Sans aborder la question des
postes de spécialistes « somatiques », la figure 2 montre que les postes les plus
déficitaires sont la psychiatrie, les soins dentaires, la kinésithérapie et les
manipulateurs radio.
0
20
40
60
80
100
psy dent ide pharma prepa kine manip psycho secret
non
oui
Figure 11 : Adéquation entre effectifs et besoins
- Enfin si les UCSA sont équipées d’ordinateurs dans 85% des cas, 50% d’entre elles
n’en ont qu’un ou pas du tout.
60
II. DIFFICULTES DU SOIN EN PRISON
1. DIFFICULTES DE LA PRATIQUE MEDICALE
Cette question ouverte vise à cerner les principales difficultés auxquelles sont confrontés les
praticiens. On constate que même sans patron de réponse, les difficultés évoquées sont les
mêmes pour les médecins spécialistes ou généralistes et recoupent également celles des
infirmières.
DIFFICULTES selon GENERALISTE
(en nombre absolu de réponses)
Diff 1 Diff 2 Diff 3 TOTAL TOTAL
(en %)
Coordination avec l’hôpital/accès spécialiste
- Consultation spécialiste
- Extraction
- Hospitalisation
5 141
112
15 30
Accès aux détenus 2 2 4
Locaux, materiel de consultation 5 1 6 12
Communication avec l’hôpital 1 1 2
Prise en charge thérapeutique
- toxicomanie
- psychiatrie
- coût traitement VHC
1
11
1
4 8
Effectifs
- surveillants
- soignants 1
12
2
6 12
Détenu
- profil
- violence
- sécurité
2 111
5 10
Coordination Administration pénitentiaire 1 1 2
Gestion urgences 1 1 2
Confidentialité / secret médical 1 1 2 4
Contraintes horaires 2 2 4
Gestion / restriction pharmacie 1 1 2 4
Isolement 2 2 4
Surpopulation 1 1 2
Total des réponses 19 18 13 50 100
Sans réponse (exclus du total) 0 1 6 7 exclus
Tableau 3 : Difficultés de l’exercice médical à l’UCSA selon les médecins généralistes
61
DIFFICULTES selon SPECIALISTE
(en nombre absolu de réponses)
Diff 1 Diff 2 Diff 3 TOTAL %TOT
Coordination avec l’hôpital/accès spécialiste
- Consultation spécialiste
- Hospitalisation
- Examens complémentaires
- Extraction
311
111
1
2
11 24
Accès aux détenus 4 2 6 14
Locaux, matériel de consultation 3 1 1 5 11
Communication avec
- hôpital
- équipe UCSA
- psychiatrie
11
11
4 9
Prise en charge psychiatrique 2 1 4
Effectifs
- surveillants
- soignants 1
1 2,5
Détenu
- profil
- violence
- sécurité
1 1
2 4
Confidentialité / secret médical 2 1 3 7
Gestion pharmacie 2 1 3 7
Coordination Administration pénitentiaire 1 1 2 4
Contraintes horaires 1 1 2,5
Contraintes milieu carcéral 1 1 2 4
Stratégie traitement et pression pour HO 2 1 3 7
Total des réponses 18 17 10 45 100
Sans réponse (exclus du total) 1 8 9 exclus
Tableau 4 : Difficultés de l’exercice médical à l’UCSA selon les médecins spécialistes
A partir des réponses fournies par les infirmier(e)s lors de la première étape, une série d’items
correspondant à des difficultés fut proposée aux praticiens avec une échelle d’évaluation de 1
à 4 (de pas du tout à beaucoup). En classant les réponses par ordre d’importance, les
difficultés sont les mêmes que celles rencontrées par les infirmier(e)s et recoupent celles
énoncées librement :
- le manque de soutien de l’hôpital
- le problème des escortes
- le manque de reconnaissance de la pratique médicale en milieu pénitentiaire
- le manque d’effectifs
- les difficultés à assurer la permanence des soins
62
0 2 4 6 8
10
12
14
16
18
20
à l’écart
non reconnu
soutien Hop
pb escorte
gestion urg
enfermement
relation AP
pb effectif
gestion pharma
permanence soin
agressivité détenu
acces détenu
beaucoup
assez
un peu
pas du tt
Figure 12 : Difficultés dans la pratique quotidienne des praticiens à l’UCSA
2. ISOLEMENT
2.1 Sentiment d’isolement
L’évaluation du sentiment d’isolement est en moyenne de 4,1 pour les médecins généralistes
et de 3,8 pour les spécialistes.
Certains médecins (52%) ont justifié ce sentiment d’isolement par :
- les difficultés d’accès aux spécialistes (50%)
- le défaut de reconnaissance par l’hôpital (20%)
- le sentiment d’être « oublié » par l’hôpital, d’être « à l’écart » (20%) en donnant
comme exemple le fait que l’UCSA reçoit le courrier avec au moins 8 jours de retard
- Le poids de la prise de décision en particulier lorsque le nombre d’extractions est
insuffisant (10%)
0
1
2
3
4
5
6
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
MG
SPE
Figure 13 : Evaluation du sentiment d’isolement des praticiens
63
2.2 Lien entre UCSA et HOPITAL
Le manque de soutien de l’hôpital est moins marqué chez les praticiens généralistes ou
spécialistes que chez les infirmièr(e)s. De même le sentiment d’exclusion exprimé
indirectement par les infirmièr(e)s n’est pas retrouvé chez les médecins.
0
5
10
15
20
pas du tout un peu suffisant largement
SPE
MG
Figure 14 : Appréciation du soutien de l’hôpital à l’UCSA
0
5
10
15
20
pas du tout un peu souvent toujours
SPE
MG
Figure 15 : Sentiment d’exclusion par rapport à l’hôpital
64
2.3 Influence du milieu carcéral sur la pratique médicale
90% des médecins généralistes et des médecins spécialistes pensent que les contraintes du
milieu pénitentiaire influencent leur pratique médicale. Parmi les explications données, on en
distingue 5 principales :
• l’UCSA : une unité hors de l’hôpital
o le problème de l’accès aux soins spécialisés (« lenteur », « délai »),
o l’obtention d’extractions (« limité », « tri »)
o la réalisation d’examens complémentaires (« sous-exploration des
pathologies par rapport au milieu libre »)
• le détenu : un patient particulier
o « exigeant », « demandeur », « méfiant », difficulté à établir une relation de
confiance
o absence du libre choix du médecin
• les difficultés de suivi du traitement, la « discontinuité » des soins
• les locaux « insalubres » et le manque de moyens mis à disposition pour les
consultations
• enfin la difficile compatibilité des missions de l’administration pénitentiaire et de
l’hôpital imagée par un praticien par la tentative d’assimilation d’une sphère par un
cube
100% des praticiens considèrent les détenus comme des patients comme les autres, mais 25%
notent qu’ils forment un sous-groupe particulier et largement défavorisé d’un point de vue
socio-économique. Par ailleurs, 10% des médecins rappellent l’existence de « pathologies
liées à l’incarcération » qui compliquent la prise en charge thérapeutique.
Enfin, la question de l’indépendance du praticien vis-à-vis de l’administration pénitentiaire
semble désormais résolue puisque 95% des médecins généralistes se sentent « tout à fait »
indépendants dans leur pratique.
65
III. ACCES AUX SOINS SPECIALISES
1. DIFFICULTES D’ACCES
De façon générale, l’accès aux soins des détenus est jugé par les médecins généralistes
comme satisfaisant (75%) et très satisfaisant (15%) alors que 10% des médecins le trouvent
insuffisant. Les médecins spécialistes le jugent dans 75% des cas satisfaisant et 20% le
considèrent comme insuffisant voire très insuffisant (5%).
Les réponses données sur l’accès aux soins spécialisés des détenus sont plus réservées. Les
raisons évoquées pour expliquer les difficultés d’accès aux soins spécialisés sont
principalement le manque de spécialistes consultant sur place et les problèmes logistiques
posés par les extractions dont le nombre est le plus souvent insuffisant.
23%
52%
20% 5%
diff AASS
AASS
equivalent
AASS
meilleurs
sans opinion
Figure 16 : Evaluation des difficultés d’accès aux soins spécialisés (AASS) par les
infirmièr(e)s
58%
36%
6%
diff AASS
AASS
equivalent
AASS
meilleurs
Figure 17 : Evaluation des difficultés d’accès aux soins spécialisés (AASS) par les
médecins généralistes
72%
16%
12%
diff AASS
AASS
equivalent
AASS
meilleurs
Figure 18 : Evaluation des difficultés d’accès aux soins spécialisés (AASS) par les
médecins spécialistes
66
23
58
72
52
36
16
20
6
12
0
20
40
60
80
100
120
140
160
difficultés
AASS
AASS
equivalent
AASS meilleurs
SPE
MG
IDE
Figure 19 : Comparaison des réponses IDE / MG /SPE sur l’accès aux soins spécialisés
des détenus
L’appréciation des difficultés d’accès aux soins spécialisés diffère significativement entre les
infirmièr(e)s, les généralistes et les spécialistes.
Les généralistes qui sont à l’origine de la demande d’avis spécialisés, estiment à 58% que les
difficultés d’accès aux soins spécialisés sont suffisamment importantes pour ne pas pouvoir
considérer cet accès comme équivalent à celui de la population générale.
On remarquera qu’un tiers des médecins généralistes se sentent démunis dans leur possibilité
d’accès aux avis spécialisés contre 26% qui estiment n’avoir aucune difficulté.
26%
42%
26%
6%
jamais
parfois
souvent
toujours
Figure 20 : Difficulté du médecin généraliste à obtenir un avis spécialisé
Les infirmières dans leurs réponses ont davantage considéré qu’en dépit d’évidentes
difficultés d’accès aux soins, les efforts déployés par l’équipe soignante pour obtenir des avis
spécialisés rendaient l’accès des détenus aux spécialistes équivalent à celui de la population
générale.
67
2. SPECIALITES DEMANDEES
SPE 1 (n=19) % SPE 2 (n=19) % SPE 3 (n=19) %
Traumato 38 Dermato 21 Chirurgie 26
Oph 26 Traumato 16 Dermato 16
Cardio 16 Viscéral 11 ORL 16
Viscéral 5 Chirurgie 11 Cardio 11
Gyneco 5 Cardio 11 Hépato 11
HGE 5 Gynéco / endoc 5 / 5 Pneumo /psy 5 / 5
Dermato 5 ORL / OPH 5 / 5 OPH / gyneco 5 / 5
Psy / HGE 5 / 5
100 100 100
Tableau 5 : Spécialités les plus sollicitées par les médecins généralistes (en % de
réponses)
Parmi les spécialités les plus sollicitées, on retrouve en premier lieu la traumatologie et la
chirurgie, viennent ensuite la dermatologie et la cardiologie.
Spécialités chirurgicales : 33%
Dermatologie : 14%
Cardiologie : 13%
Ophtalmologie : 12%
ORL : 7%
Hépato-gastro-entérologie : 7%
Autres : 14%
3. DELAI DE CONSULTATIONS SPECIALISEES
48% des médecins généralistes estiment que les délais de consultations spécialisées sont plus
longs que ceux obtenus pour la population générale. Seuls 10% des généralistes contre 28%
des spécialistes pensent que le délai est moins long qu’à l’hôpital.
Parmi les facteurs susceptibles d’expliquer ces délais de rendez-vous, les retards liés aux
problèmes d’escortes prédominent, suivis du délai de rendez-vous hospitalier et enfin des
annulations demandées par le détenu.
Facteurs de délai RDV Fact 1 Fact 2 Fact 3
Problème d’escorte 47 41 6
Délai de rendez-vous 47 35 25
Annulation par détenu 6 24 69
Sans réponse 0 10 0
100 100 100
Tableau 6 : Facteurs classés par ordre d’importance expliquant les retards et délais de
consultations spécialisées (en % de réponses)
68
4. AVIS TELEPHONIQUES
Les médecins généralistes comme les spécialistes, ont recours épisodiquement aux avis
téléphoniques.
Les spécialités les plus demandées sont la cardiologie, la traumatologie et l’hépato-gastroentérologie
lorsque le spécialiste ne consulte pas sur place. De même, les conseils concernant
la prise en charge de pathologies chroniques (hépatite, VIH, diabète, oncologie) est un des
principaux motifs de consultation des spécialistes par téléphone.
0
20
40
60
80
jamais parfois souvent très fqt
MG
SPE
Figure 21 : Recours aux avis téléphoniques
100% des praticiens interrogés confirment que connaître personnellement et/ou
professionnellement son interlocuteur facilite la communication que cela permet une
meilleure prise en charge des avis spécialisés. Mais au-delà de cette apparente évidence, il est
intéressant de noter que plus de 50% des médecins ont dans leur réponse souhaité réaffirmer
que l’étroite collaboration entre le médecin de l’UCSA et le spécialiste hospitalier est
fondamentale pour la prise en charge de patients évoluant à distance de l’hôpital et nécessitant
des soins spécialisés.
5. CONSULTATIONS SPECIALISEES : UCSA ou HÔPITAL ?
59% des médecins généralistes contre 82% des spécialistes considèrent qu’il est préférable
pour le détenu qu’il soit examiné à l’UCSA plutôt qu’à l’hôpital.
Les raisons évoquées par les spécialistes sont d’une part l’utilisation des entraves le plus
souvent « humiliante » et « mal vécue » par le détenu et d’autre part les problèmes réguliers
d’escorte qui perturbent régulièrement le programme des extractions.
Pour les médecins généralistes, le respect du secret médical et de la confidentialité des
examens, ainsi que les difficultés d’extraction sont les raisons principales données pour
justifier les consultations spécialisées sur place. Au contraire, les médecins généralistes
favorables à des consultations hospitalières avec extraction médicale dénoncent le problème
des locaux et le manque de moyens pour effectuer des consultations spécialisées à l’UCSA
dans de bonnes conditions.
69
6. LES EXTRACTIONS MEDICALES
56% des médecins généralistes estiment qu’ils disposent d’un nombre insuffisant
d’extractions et 1/3 des médecins reconnaissent être obligés d’effectuer régulièrement des tris
parmi les patients pour respecter le nombre d’extractions imposé par l’administration
pénitentiaire.
7. LES SPECIALISTES A L’UCSA
Si pour les spécialistes, la principale cause du manque de spécialistes à l’UCSA est le manque
d’effectifs à l’hôpital, les médecins généralistes l’expliquent plutôt par un certain désintérêt
des spécialistes vis-à-vis du milieu carcéral qu’ils connaissent souvent mal.
Le volume de consultations insuffisant dans certaines spécialités est également un des facteurs
qui compliquent la planification des consultations spécialisées à l’UCSA. De la même façon,
l’importante fluctuation des effectifs et les transferts quotidiens de détenus rendent difficiles
l’évaluation des besoins en matière d’avis spécialisés.
La peur évoquée par les spécialistes révèle un fois de plus la représentation négative du milieu
carcéral auprès des soignants n’exerçant pas en prison. Vus de l’hôpital, le détenu et la prison
font peur et plusieurs spécialistes reconnaissent que leur perception du détenu a changé à
partir du moment où ils ont commencé à consulter à l’UCSA.
GENERALISTE
(n=19)
Raison 1 Raison 2 Raison 3 TOTAL % TOT
Méconnaissance
Désintérêt
33
1 3 10 29
Volume cs insuffisant 5 5 14
Effectif hôpital 4 3 7 20
Peur prison / détenu 1 5 2 8 23
financière 1 2 1 4 12
Condition cs 1 1 2
Total des réponses 18 11 6 35 100
Sans réponse (exclus du total) 1 8 13
Tableau 7 : Raisons expliquant le manque de spécialistes à l’UCSA selon le généraliste
SPECIALISTE
(n=18)
Raison 1 Raison 2 Raison 3 TOTAL %
TOT
Effectif hôpital 6 1 1 8 27
Peur 3 2 1 6 21
Financière 3 4 1 8 28
Image carcérale, non valorisant 2 1 3 10
Méconnaissance 1 1 2 7
Pénibilité 2 2 7
Total des réponses 15 11 3 29 100
Sans réponse (exclus du total) 3 7 15 exclus exclus
Tableau 8 : Raisons expliquant le manque de spécialistes à l’UCSA selon le spécialiste
70
Parmi les solutions envisagées pour pallier le problème du manque de spécialistes consultant
en prison, les spécialistes préconisent en premier lieu des mesures financières incitatives. Cela
semble d’autant plus nécessaire que la plupart des médecins libéraux qui acceptent de venir
consulter en prison, ne rentrent pas dans leurs frais lorsqu’ils consultent à l’UCSA.
Pour les médecins généralistes, si l’aspect financier est également soulevé, le recrutement des
spécialistes passe surtout par la sensibilisation des spécialistes à la médecine en milieu
pénitentiaire et une revalorisation de son image.
Enfin certains spécialistes comme les psychiatres, dénoncent de la part de l’hôpital, l’absence
d’une vraie politique de prise en charge ambulatoire, pourtant essentielle pour assurer le suivi
de patients situés à distance de l’hôpital.
SOLUTIONS Solution 1 MG Solution 2 MG Solution 1 SPE Solution 2 SPE
Financière 21 10 55 5
Sensibiliser MP
Revaloriser MP
15
10
10 5 5
Moyens
consultation
10
Imposer vacation 5
Collaboration 5
Poste d’interne à
l’UCSA
5
Politique
ambulatoire
5
P r i s e d e
conscience
5
Tableau 9 : Solutions envisagées par les généralistes (MG) et les spécialistes (SPE) pour
remédier au manque de spécialistes en prison (en % de réponse)
71
IV. TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE
LA COMMUNICATION (TIC)
3 applications des TIC ont été proposées aux praticiens :
- le Dossier Médical Partagé (DMP)
- La télémédecine en temps différé (email)
- La télémédecine en temps réel (visioconférence)
75% des médecins généralistes contre 38% des spécialistes avaient déjà pensé à l’une de ces
applications pour améliorer l’accès aux soins.
1. LE DMP
1.1 Un besoin
Le Dossier Médical Partagé correspond à un réel besoin pour les _ des praticiens généralistes
et spécialistes interrogés. Les raisons invoquées sont principalement la souplesse d’utilisation,
le suivi de dossier, un accès plus rapide, plus simple et en temps réel facilitant la récupération
des examens complémentaires. De même les possibilités de stockage et d’archivage des
informations concernant le détenu sont mises en avant afin de mieux suivre la population
carcérale d’un point de vue épidémiologique.
1.2 Le partage
Si une nette majorité des praticiens est favorable au partage du dossier médical du détenu avec
l’hôpital et le médecin traitant, seuls 10% l’envisagent avec les services sociaux.
0
10
20
30
40
50
60
U U-H U-H-MT U-H-MT-S NSP
MG
MSPE
Figure 22 : Partage du dossier médical (U=UCSA, H=Hôpital, MT=Médecin Traitant,
S=Social)
72
1.3 Le contenu
5
11
63 62
32
11 11
0
10
20
30
40
50
60
70
soma sans psy soma+psy soma+psy+soc NSP
MG
SPE
Figure 23 : Eléments du Dossier Médical Partagé (soma=somatique, psy=psychiatrique,
soc=social)
Parmi les spécialistes, les psychiatres sont en majorité contre la mise en commun du dossier
somatique et psychiatrique. Ils justifient leur point de vue par le fait qu’ils recueillent à
l’interrogatoire des données très personnelles sur le détenu, nécessaires à leur bonne prise en
charge thérapeutique mais qui seraient susceptibles de les desservir dans un contexte
judiciaire. Certains proposent alors de rédiger et d’intégrer au DMP une note de synthèse sur
leur expertise psychiatrique.
En revanche, les autres spécialistes et les généralistes sont favorables à la création d’un
dossier unique comportant un volet psychiatrique et social.
2. LA TELEMEDECINE EN TEMPS DIFFERE
2.1 Accès internet et guidelines
78% des médecins spécialistes ont un accès aisé à internet sur leur lieu de travail alors que
seulement 35% des médecins généralistes ont accès à internet à l’UCSA.
Concernant la consultation des recueils de bonne pratique clinique, 85% des généralistes pour
72% des spécialistes jugent utile d’y avoir accès.
2.2 Demande d’avis par email
Près d’un tiers seulement des généralistes (32%) et des spécialistes (39%) ont recours aux avis
médicaux par email avec des fréquences très variables allant de la consultation hebdomadaire
à la demande annuelle.
Pour les spécialistes, ces avis sont le plus souvent des demandes d’expertise dans leur propre
spécialité alors que pour les médecins généralistes, les spécialités les plus sollicitées sont les
maladies infectieuses (VIH), l’endocrinologie (diabétologie), l’hépatologie (hépatite) ou toute
autre spécialité où le spécialiste ne consulte pas sur place.
L’utilisation de l’email est considérée par les trois quarts des praticiens comme un bon, voire
un très bon moyen d’obtenir un avis spécialisé.
73
23
12
59
65
12
23
0 6 0
20
40
60
80
très bon bon mauvais très
mauvais
MG
SPE
Figure 24 : L’email comme moyen d’obtenir un avis spécialisé
Les généralistes et les spécialistes s’accordent à dire qu’un délai moyen de réponse de 48
heures pour un avis non urgent est raisonnable.
32
50
63
33
5
17
0
20
40
60
80
24h 48h semaine
MG
SPE
Figure 25 : Délai de réponse acceptable après demande d’avis par email
44% des spécialistes disent qu’ils auraient des réticences à demander un avis à un confrère
qu’ils ne connaissent pas alors que 84% des généralistes n’en éprouveraient aucune.
Par ailleurs l’idée d’un référent dans chaque spécialité semble séduire davantage les
généralistes (68%) que les spécialistes (41%) bien que les 2/3 d’entre eux pensent cela
irréalisable compte tenu des effectifs hospitaliers actuels (« idéal », « utopique »,
« irréalisable », « compliqué »).
Si l’utilisation de l’email est globalement pour les médecins généralistes aussi sûr et aussi
rapide que le téléphone, ce dernier semble pour une majorité d’entre eux (59%) moins
contraignant. Par contre, 59% des médecins généralistes pensent qu’il engage autant la
responsabilité du praticien que le téléphone et seulement 41% savent qu’il engage plus la
responsabilité du praticien consulté. Le conseil de l’ordre a rappelé que l’avis téléphonique
n’avait pas de valeur médico-légale, alors que l’utilisation de l’email pour demander un avis
médical est considéré comme un acte de télémédecine engageant à la fois la responsabilité du
médecin requérant et celle du médecin consulté.
74
3. TELEMEDECINE EN TEMPS REEL
(VISIOCONFERENCE)
Une large majorité des praticiens est favorable à l’utilisation de la visioconférence. Les
spécialistes comme les généralistes ont tenu à souligner l’intérêt de ce moyen de consultation
pour les infirmières qui sont souvent seules à l’UCSA pour prendre en charge les détenus.
31
69
23
59
18
0
50
100
médecin infirmière
beaucoup
oui
non
Figure 26 : Intérêt de la visioconférence à l’UCSA pour les médecins et les infirmières
selon les spécialistes
31
69
21
68
11
0
50
100
médecin infirmière
beaucoup
oui
non
Figure 27 : Intérêt de la visioconférence à l’UCSA pour les médecins et pour les
infirmières selon les généralistes
84% des généralistes contre 67% des spécialistes sont prêts à effectuer des consultations
spécialisées par visioconférence. Par contre, 71% des spécialistes pensent que la
visioconférence ne diminuera pas les consultations face à face alors que 69% des généralistes
pensent le contraire.
Les spécialités les plus adaptées à la visioconférence sont selon les médecins généralistes la
dermatologie, la traumatologie, la psychiatrie, le suivi chirurgical, le suivi des hépatites C et
la cardiologie.
En prenant l’exemple de la télédermatologie, les praticiens généralistes estiment que cela
pourrait éviter en moyenne 52% des consultations face à face (extrême de 10 % à 90%).
75
Enfin, les praticiens spécialistes et généralistes pensent respectivement à 56% et 63% que ce
mode de consultation sera bien accepté par le patient détenu.
63 56
2122
10
22
0 6 0
20
40
60
80
bien sans
plus
mal NSP
MG
SPE
Figure 28 : Acceptation de la visioconférence par le détenu selon les praticiens
La place des TIC et notamment de la visioconférence dans l’accès aux soins spécialisés est
étudiée par comparaison avec les autres moyens de disposer d’une consultation spécialisée :
- l’UCSA si le spécialiste y consulte
- l’extraction si le spécialiste consulte à l’hôpital
-
Les médecins spécialistes et généralistes considèrent qu’il faut développer les consultations
spécialisées à l’UCSA en premier lieu et mettre en place la visioconférence pour pouvoir au
final diminuer les extractions.
GENERALISTE
(n=19)
Avis 1 Avis 2 Avis 3
Consultation à l’UCSA 48 31 5
Visioconférence 26 42 16
Extraction 26 10 47
Sans réponse 0 17 32
Tableau 10 : Avis des généralistes par ordre d’importance sur le mode d’accès aux soins
spécialisés (en % de réponse)
SPECIALISTE
(n=18)
Avis 1 Avis 2 Avis 3
Consultation à l’UCSA 94 0 6
Visioconférence 0 67 6
Extraction 6 16 55
Sans réponse 0 16 33
Tableau 11 : Avis des spécialistes par ordre d’importance sur le mode d’accès aux soins
spécialisés (en % de réponse)
Enfin, l’utilisation de la visioconférence pour assister à des présentations scientifiques est
reconnue par les médecins généralistes et spécialistes comme profitable à plus de 70% des cas
et constitue un bon moyen de formation continue pour 84% des médecins généralistes.
76
4. SYNTHESE
4.1 5 questions de synthèse
4.1.1 TIC et prise en charge des détenus
5 5
11
22
42 39 42
33
0
10
20
30
40
50
pas du tout un peu assez beaucoup
MG
SPE
Figure 29 : Intérêt des TIC sur la prise en charge des détenus
4.1.2 DMP et qualité de prise en charge
79% des généralistes et 88% des spécialistes pensent que le DMP améliorera la qualité de
prise en charge des détenus.
4.1.3 Télémédecine et extractions
Les 2/3 des médecins généralistes et spécialistes estiment que le recours à la télémédecine
permettra de diminuer le nombre d’extractions.
4.1.4 Télémédecine et accès aux soins spécialisés
De même, 68% des généralistes et 78% des spécialistes pensent que la télémédecine
améliorera l’accès aux soins spécialisés et 8% des praticiens généralistes et spécialistes sont
favorables à la création d’un réseau de spécialistes interUCSA.
4.1.5 Télémédecine et isolement
Concernant le sentiment d’isolement, la majorité des médecins pense que la télémédecine
pourra diminuer l’isolement du médecin dans sa pratique.
21
11
32 28
16
56
31
5
0
10
20
30
40
50
60
pas du
tout
un peu assez beaucoup
MG
SPE
Figure 30 : Diminution du sentiment d’isolement par la télémédecine
77
4.2 FREINS AU DEVELOPPEMENT DE LA
TELEMEDECINE
Le coût financier de l’installation de la télémédecine entre l’UCSA et l’hôpital de
rattachement reste le frein principal noté par les généralistes (52%) et les spécialistes (72%).
Les autres facteurs évoqués sont la difficile organisation d’un réseau de télémédecine, les
problèmes techniques et notamment informatiques, l’exiguïté des locaux et un certain
désintérêt des spécialistes au problème de l’accès aux soins des détenus. Enfin quelques
médecins doutent de la volonté de l’administration pénitentiaire à encourager ce type de
technologie qui ouvre une porte sur l’extérieur et dont elle n’aura pas la maîtrise.
4.3 LES TIC : UNE PRIORITE POUR AMELIORER
L’ACCES AUX SOINS ?
74% des généralistes et 71% des spécialistes pensent que l’utilisation des TIC n’est pas une
priorité pour améliorer l’accès aux soins des détenus. Les priorités proposées par ces
médecins sont :
Pour les médecins généralistes
- augmenter le nombre de spécialistes consultant à l’UCSA (16%)
- augmenter les effectifs et le nombre de vacations en médecine générale (16%)
- améliorer les conditions d’hygiène (11%) et de la vie carcérale (5%)
- rénover les locaux (5%)
- lutter contre la surpopulation carcérale (5%)
- sensibiliser les spécialistes à l’exercice en milieu pénitentiaire (16%)
- initier une réflexion sur soigner en prison (5%) et réorienter la mission de soin (5%)
- créer un réseau spécialisé avec l’hôpital et améliorer la coordination (5%)
- faciliter les extractions (5%)
- améliorer la confidentialité et travailler au respect du secret médical (5%)
Pour les médecins spécialistes
- augmenter le nombre de spécialistes consultant à l’UCSA (33%)
- augmenter les effectifs à l’UCSA (33%)
- améliorer les conditions d’hygiène (11%)
- rénover les locaux (5%)
- faciliter les extractions (5%)
- augmenter les moyens de consultation (Azote liquide pour les dermatologues) (5%)
- augmenter les ressources hospitalières (5%)
78
Pour les 25 à 30% de médecins qui considèrent que l’utilisation des TIC est une priorité, la
mise en place du DMP s’impose avec évidence comme la première mesure à prendre pour
améliorer la prise en charge des détenus.
Les réponses données à la question de la mise en réseau avec l’hôpital confirment cette
opinion.
5
17
5 5
37
33
53
45
0
10
20
30
40
50
60
accessoire utile nécessaire indispensable
MG
SPE
Figure 31 : Intérêt de la mise en réseau de l’UCSA et de l’hôpital selon les praticiens
V. SYNTHESE
1- la comparaison des sous-populations médecins généralistes et médecins spécialistes ne
met en évidence aucun facteur significativement différent.
2- contrairement aux infirmières, les médecins généralistes et les spécialistes notent de
réelles difficultés d’accès aux soins spécialisés, par contre le sentiment d’isolement
des infirmières est significativement plus élevé que celui ressenti par les médecins
généralistes et les spécialistes (p<0,008)
3- les difficultés éprouvées par les médecins généralistes et spécialistes dans leur pratique
à l’UCSA recoupent celles énoncées par les infirmières.
4- le DMP et la mise en réseau avec l’hôpital sont, pour la plupart des praticiens, une
nécessité voire un préalable à toute application de télémédecine.
5- s’ils sont favorables au développement de ces technologies à l’UCSA en remarquant à
juste titre que ces initiatives ne peuvent qu’ aider à rapprocher l’hôpital de l’UCSA,
les médecins généralistes et spécialistes ne considèrent pas l’utilisation des TIC
comme un priorité pour améliorer l’accès aux soins spécialisés des détenus.
6- l’étude statistique visant à comparer les UCSA proches de l’hôpital de rattachement
par rapport à celles qui sont éloignées n’a pas permis de mettre en évidence de réponse
significativement différente.
7- le sentiment d’isolement et la difficulté d’accès aux soins spécialisés, en dépit de la
faible distance géographique, ont été réellement constatés. Statistiquement cette
distance n’influe sur aucun de ces 2 éléments.
8- enfin l’analyse statistique révèle que l’opinion des praticiens quant à l’utilisation des
TIC ne change pas quelle que soit la situation géographique de l’UCSA par rapport à
l’hôpital.
79
CHAPITRE IV : DISCUSSION
A ce stade de l’exposé, il apparaît nécessaire d’abord d’évoquer les limites de la méthodologie
pouvant avoir ou ayant une influence sur les points de discussions, puis de développer ces
derniers autour de 2 axes principaux :
- le milieu pénitentiaire est-il un milieu isolé pour les soignants ?
- comment améliorer l’accès aux soins spécialisés des détenus ?
Enfin, à partir des éléments qui fondent la distance qui nous sépare des prisons, nous verrons
comment adapter au mieux les moyens d’améliorer l’accès à ces soins spécialisés des détenus.
I. LIMITES DE LA METHODOLOGIE
1. PHASE 1 : TEMPS INFIRMIER
Les données chiffrées reposent pour la plupart sur les estimations des soignants. Seulement
20% des données sont issus du rapport annuel de l’année précédente. Néanmoins, on constate
que les estimations faites par les infirmières sur la distance UCSA- hôpital recoupent celles
faites par les médecins.
L’utilisation d’une échelle analogique pour évaluer le sentiment d’isolement a posé parfois
des difficultés de compréhension notamment sur le sens donné au mot « isolé ».
La référence pour « pas isolé du tout » se basait sur l’exercice infirmier ou médical à l’hôpital,
or certaines infirmières anciennes ou libérales n’ont jamais exercé à l’hôpital. Cependant, la
majorité d’entre elles, habituée aux échelles visuelles analogiques de la douleur, répondait
avec beaucoup de spontanéité. Par ailleurs, le score d’isolement était souvent justifié sur la
question des principales difficultés éprouvées.
80
2. PHASE 2 : TEMPS MEDICAL
Même si le choix de porter l’étude sur les maisons d’arrêt exclusivement a permis d’obtenir
une certaine homogénéité dans l’échantillon étudié, les autres établissements pénitentiaires
comme les centres de détention (distance UCSA- hôpital de rattachement moyenne de 19km)
ou les centrales (distance UCSA- hôpital de rattachement moyenne de 15km) étaient
significativement plus éloignés géographiquement ( p<0,002) ce qui aurait pu modifier
l’opinion des soignants quant à l’utilisation des TIC.
L’échantillon de 20 UCSA représente un peu moins de 20% des UCSA des maisons d’arrêt
françaises. Ce faible effectif donne une puissance statistique limitée pour pouvoir généraliser
les résultats à l’ensemble des UCSA.
Le sujet étant ciblé sur l’accès aux soins spécialisés des détenus, il peut paraître regrettable de
n’avoir pas interrogé les détenus eux-mêmes pour savoir comment ils jugeaient cet accès aux
soins. Cela n’a pu être envisagé pour des raisons administratives, cette démarche nécessitant
diverses autorisations difficiles à obtenir sur la période d’étude.
Le choix du questionnaire téléphoné s’est imposé pour des raisons pratiques. Il n’était pas
concevable de mener des entretiens avec une quarantaine de praticiens répartis sur toute la
France, or compte tenu de l’importante diversité des établissements pénitentiaires, nous
souhaitions obtenir une certaine représentativité du territoire national.
Si le questionnaire permet de dégager grâce aux statistiques les principales tendances et de
donner ainsi une vue globale sur la problématique choisie, les praticiens ont généralement peu
de marge pour exprimer d’autres idées ou pour recentrer la problématique en fonction de leur
expérience de terrain. Le fait de téléphoner le questionnaire a permis de limiter ce biais
méthodologique en notant en marge du questionnaire les réflexions et les critiques des
praticiens. De même, chaque thème abordé présentait au moins une question ouverte, et à la
fin de chaque entretien, une question libre leur donnait la parole. Dans la quasi-totalité des
cas, les praticiens ont jugé que le questionnaire était suffisamment complet sur le sujet et ne
souhaitaient rien ajouter.
Par ailleurs, une enquête basée sur l’observation participante aurait été un complément aussi
utile qu’intéressant pour saisir la problématique et comprendre les difficultés auxquelles sont
confrontés les soignants dans leur pratique quotidienne. Seules quelques observations non
participantes dans 3 maisons d’arrêt furent conduites pour s’imprégner du milieu carcéral.
Enfin, les infirmières comme les médecins n’ont pour la plupart aucune expérience pratique
de la télémédecine. Les réponses obtenues sont donc basées essentiellement sur leurs
représentations conceptuelles. Plusieurs soignants ont présenté de réelles difficultés à se
figurer l’utilisation ou l’intérêt de ces technologies dans leur pratique.
81
II. LE MILIEU PENITENTIAIRE : UN MILIEU ISOLE
POUR LES SOIGNANTS
1. UNE STRUCTURE DE SOINS COMMUNE
Les visites effectuées dans les 3 maisons d’arrêt révèlent une structure et une organisation des
soins proches de celles des hôpitaux de campagne ou dispensaires en milieu isolé.
L’UCSA est ainsi composée au minimum d’un cabinet de consultation médicale, d’une salle
de pansement pour les soins infirmiers et la « petite » chirurgie, un cabinet dentaire, une salle
de radiologie. Située dans l’enceinte de la prison, l’UCSA constitue par sa mission de soin, un
espace de liberté qui permet à l’individu à travers sa relation au soignant une courte évasion
de sa condition de détenu.
2. L’EQUIPE SOIGNANTE
L’équipe soignante repose sur le binôme médecin-infirmière dont l’étroite collaboration est
indispensable pour la bonne prise en charge sanitaire des détenus. D’après nos résultats,
moins de 20% des UCSA disposent d’un médecin à temps complet (10 demi-journées par
semaine) ce qui propulse régulièrement l’infirmière en première ligne, notamment les weekends
pour gérer des situations qui justifieraient parfois une prise en charge médicale.
La fréquence des prescriptions téléphoniques ou faxées, ou encore l’utilisation par les
infirmières de protocoles thérapeutiques établis pour certaines situations considérées comme
« gérables » par l’infirmière (prise en charge d’une douleur dentaire...) soulignent les
contraintes propres à l’exercice en milieu pénitentiaire dont les spécificités sont suffisamment
fortes pour devoir en adapter les pratiques.
Comme dans les milieux isolés géographiquement, la présence médicale n’est pas continue.
L’infirmière joue alors un rôle pivot dans l’organisation des soins et son examen clinique sert
souvent de référence pour orienter la prise en charge sanitaire ou d’éventuels transferts.
Moins un milieu est couvert par la veille médicale, plus la mission de soins du soignant est
large et la distinction entre le médical et le paramédical perd de son sens.
Cette distinction qu’un chef de clinique de garde avait outrageusement rappelée à une
infirmière des urgences en lui adressant un « entre vous et moi, Madame, il y 10 ans
d’études », repose sur une différence de savoir et de compétence que l’expérience acquise lors
de la pratique est susceptible de combler partiellement. Ainsi, les exemples ne manquent pas
un peu partout dans le monde pour souligner la qualité du travail réalisé par des infirmiers
dans certains milieux isolés dépourvus de médecin. Par leur expérience de terrain et leur
connaissance des pathologies locales, ils s’avèrent être d’excellents praticiens capables de
diagnostiquer et traiter des maladies en ne se fiant qu’à leur remarquable sens clinique.
L’expérience professionnelle acquise par ce mode d’exercice confère aux infirmières une
polyvalence et une compétence qui leur donnent une véritable légitimité dans la prise en
charge médicale. Cela pose clairement dans le milieu pénitentiaire la question de la délégation
82
de tâches considérées comme médicales vers un personnel soignant non médecin, évoluant
dans un milieu « sous-médicalisé ».
Aussi durant les entretiens, les infirmières les plus anciennes ou celles qui ont eu une activité
libérale revendiquent-elles cette autonomie et cette nécessaire polyvalence comme l’une des
spécificités qui participent à l’attrait de l’exercice en milieu pénitentiaire.
Enfin on constate qu’en milieu isolé, ce type de spécificités commence à être reconnu. Ainsi
au Québec dans les régions éloignées, le statut d’infirmière clinicienne existe depuis plusieurs
années et a conduit l’Ordre des Infirmiers et Infirmières du Québec à mettre en place une
formation spécifique pour cette mission de soins particulière qui élargit le champ de
compétence de l’infirmière.
3. UN ISOLEMENT NON GEOGRAPHIQUE
Le dictionnaire108 définit le terme isolé par ce qui est « séparé de choses de même nature ». Si
l’UCSA est de toute évidence séparée géographiquement de l’hôpital de rattachement, la
grande majorité des UCSA restent néanmoins situées à proximité de cet hôpital et les résultats
montrent que le sentiment d’isolement est ressenti en dépit de la faible distance géographique
qui sépare l’UCSA de l’hôpital.
En revanche, cette idée de séparation se retrouve dans les possibilités d’accès aux soins des
détenus qui sont interfacées par la logique pénitentiaire et l’interposition d’un certain nombre
de procédures non-médicales (administratives, juridiques...).
L’analyse des difficultés exprimées par les infirmières permet de comprendre les éléments qui
contribuent à leur donner un sentiment d’isolement. Le manque de reconnaissance des
spécificités de leur travail et le manque de soutien de la part de l’hôpital favorisent cette
séparation entre l’UCSA et l’hôpital et conduit les soignants à un sentiment d’exclusion
renforcé par les difficultés quotidiennes liées au milieu carcéral.
On remarquera que le sentiment d’isolement du soignant est d’autant plus marqué que sa
présence à l’UCSA est importante. Ainsi les infirmières dont la présence est quotidienne ont
un score d’isolement de 5,3 alors que les spécialistes dont la présence est plutôt mensuelle ont
un score de 3,8, celui des médecins généralistes étant intermédiaire avec 4,1.
Par ailleurs, il existe une corrélation entre le sentiment d’isolement des infirmières et
l’absence de médecins sur place. Ainsi les infirmières qui notent comme difficulté première le
manque d’effectif médical, se sentent nettement plus isolées (moyenne de 6,6 par rapport à
5,3).
Parmi les raisons évoquées par les médecins pour expliquer leur sentiment d’isolement,
notons que beaucoup recoupent précisément celles des médecins qui exercent dans un milieu
isolé géographiquement.
Comme pour les infirmières, le défaut de reconnaissance des confrères et le sentiment
d’« abandon » de l’hôpital participent au sentiment d’isolement des médecins exerçant en
milieu pénitentiaire. Mais le principal argument développé concerne les difficultés d’accès
aux soins spécialisés.
108 Dictionnaire de l’Académie française, 8th édition (1932-5)
83
Le praticien généraliste, dont les compétences ne peuvent couvrir l’ensemble des spécialités,
doit le plus souvent gérer lui-même sur place des pathologies qui justifieraient une prise en
charge spécialisée sans disposer, ou du moins avec autant de facilité, des moyens
d’investigations diagnostiques des centres hospitaliers.
Cette limitation des possibilités d’accès aux soins spécialisés expose le praticien à voir sa
responsabilité engagée par les conséquences d’un défaut d’investigations auquel le contraint
le manque de moyens alloués à la prise en charge sanitaire en milieu pénitentiaire.
Ainsi, 56% des médecins considèrent le nombre d’extractions insuffisantes par rapport aux
besoins et 33% reconnaissent devoir régulièrement faire des « tris » parmi les patients. Si la
notion de tri se justifie dans la médecine de catastrophe[72, 73], elle ne saurait l’être dans
l’accès aux soins des détenus. Les décisions médicales prises par le praticien dans ce contexte
risquent d’engager lourdement sa responsabilité et génèrent un sentiment d’isolement d’autant
plus fort que la loi de 1994 mise en application par la circulaire du 8 décembre 1994 lui
impose de soigner chacun avec une « équivalence » qu’il n’a pas les moyens d’assurer.
4. L’EQUIVALENCE DES SOINS EN MILIEU CONTRAINT
La circulaire du 8 décembre 1994 relative à la prise en charge sanitaire des détenus et à leur
protection sociale, mise en application de la loi du 18 janvier 1994, impose au médecin de
l’UCSA d’assurer au détenu « une qualité et une continuité des soins équivalentes à celles
dont dispose la population générale »109.
Tout d’abord, rappelons que les populations en « milieu libre », selon leur situation socioéconomique
ou géographique n’ont pas le même accès aux soins110. Ainsi on conçoit aisément
que la prise en charge et l’accès aux soins ne soient pas équivalents selon qu’on vit dans le
centre de Paris ou en milieu rural. La prise en charge d’un infarctus du myocarde diffère selon
les possibilités d’accès à des centres de soins tertiaires111. Cela pose le problème de savoir à
quelle médecine nous faisons référence pour prôner cette équivalence des soins.
La comparaison entre le milieu isolé géographiquement et le milieu pénitentiaire permet de
mieux comprendre l’impact de la notion d’équivalence sur la pratique médicale. Chaque
milieu présente ses propres contraintes, qu’elles soient sécuritaires pour le milieu
pénitentiaire, ou imposées par l’éloignement géographique pour le milieu isolé.
Or la notion d’équivalence des soins a peu de sens en milieu isolé. Les médecins qui ont en
charge ces populations ont le devoir d’assurer la meilleure prise en charge possible en
utilisant au mieux les moyens dont ils disposent. Lorsque les contraintes d’un milieu sont
importantes, il est difficile de prétendre pouvoir assurer un niveau de soin équivalant à celui
d’une population urbaine par exemple, sans générer un rapport coût de soin par habitant très
élevé. Ainsi l’objectif en milieu isolé vise davantage l’équité d’accès aux soins que la stricte
équivalence dont l’intérêt, en terme de santé publique, reste à démontrer.
10934. IGAS-IGSJ, Rapport d’évaluation sur l’organisation des soins au détenu. juin 2001.
110 Santé publique et aménagement du territoire, F Tonnellier, Credes, Adsp, 1999
111 « Mieux vaut avoir un infarctus près de Bordeaux qu’à Monségur », B.Dussaut, réponse au ministre, à propos
de la fermeture de l’hôpital de Réole, www.senat.fr
84
Plusieurs facteurs rendent la problématique du milieu pénitentiaire plus complexe que celle du
milieu isolé. Tout d’abord, la population carcérale n’a pas le choix du milieu dans lequel elle
évolue, et contrairement au milieu isolé, elle cherche plutôt à s’en échapper : l’accès aux soins
fait donc partie des issues possibles.
Par ailleurs, la justice en condamnant un individu, le prive d’un droit humain fondamental, la
liberté et le contraint à une vie communautaire dont les conditions sont aujourd’hui dénoncées
comme étant « incompatibles avec la dignité humaine »112par référence à l’article 225-14 du
code pénal. Les problèmes d’insalubrité signalés par plusieurs UCSA sont connus depuis
plusieurs années et ont été dénoncés dans divers rapports. [34, 35]
Sans entrer dans les détails, nous rappellerons que dans notre enquête, 70% des établissements
pénitentiaires abritent un nombre de détenus supérieur à la capacité d’accueil, en moyenne de
133%, et 12% d’entre eux ont plus du double de détenus par rapport au nombre de places
théoriques. En avril 2003, un document préparatoire présenté devant le Parlement européen
affirmait que « la surpopulation carcérale généralisée a été l’une des principales violations des
droits fondamentaux en Europe en 2002 ».113
Cela se traduit inévitablement par des conditions de détention difficiles à vivre et des
répercussions sur la santé des détenus, alimentant ainsi la métaphore animale dont usent
fréquemment les détenus qui se considèrent comme des animaux en cage et appellent
communément le médecin de l’UCSA, vétérinaire. A titre anecdotique, le médecin de l’UCSA
de la Réunion juste avant l’entretien téléphonique venait de prendre en charge un détenu
mordu par un rat dans sa cellule durant son sommeil.
De même, un des dermatologues interrogés n’a pas hésité à conclure son entretien en
soulignant comme priorité principale pour améliorer l’accès aux soins, avant tout recours aux
TIC, l’amélioration des conditions d’hygiène et la possibilité de prendre des douches plus
fréquemment.
Ainsi dans ce contexte, l’affirmation par la circulaire du principe d’équivalence prend une
résonance particulière : ne viserait-elle pas davantage à restaurer dans une certaine mesure la
dignité d’individus à qui l’on impose des conditions de vie et d’isolement de plus en plus en
contradiction avec le respect des droits de l’homme ? N’est-ce pas la spécificité sanitaire de la
population carcérale, l’incarcération et ses conséquences qui poussent le législateur à affirmer
ce principe d’équivalence des soins ? Mais le soin peut-il suffire à guérir le mal des prisons ?
Si le principe d’équivalence des soins est sans nul doute un objectif à atteindre, la charge de
l’application ne peut et ne doit reposer uniquement sur le soignant, fonctionnaire de l’état.
Face aux obligations que l’on serait en droit de lui imposer, le médecin a t-il les moyens de
répondre ? Et parmi ces obligations, peut-il recevoir en plus la mission d’évaluer, de
budgétiser et de transmettre les besoins qu’implique le principe d’équivalence ?
S’il appartient aux médecins de faire remonter l’information (évaluation et besoin), n’entre t il
pas dans la mission des administrations pénitentiaire et hospitalière de mettre en oeuvre les
moyens d’appliquer le principe d’équivalence.
112 OIP, 8 avril 2003, www.oip.org
113 Source OIP, « De la dignité de la personne...détenue »,www.oip.org
85
Au-delà du devoir d’équité, l’inscription dans une circulaire du principe d’équivalence
contraint le médecin de l’UCSA à choisir entre 2 attitudes face à une situation qui
nécessiterait des moyens dont il ne dispose pas à l’UCSA :
- soit il note qu’il n’a pas les moyens d’assurer cette équivalence, il fait donc remonter
l’information, s’abstient de tout acte, violant ainsi le serment d’Hippocrate, le code de
déontologie médicale ...et adopte alors une attitude déresponsabilisante. C’est un
mode d’application du principe de précaution.
- soit il respecte son obligation déontologique de soigner au mieux. Ne pouvant
appliquer le principe d’équivalence, il soigne avec les moyens qui lui sont alloués et
prend le risque d’engager ses responsabilités professionnelle et pénale.
Un autre élément vient compliquer cette notion d’équivalence des soins en milieu
pénitentiaire. Dans les milieux isolés où règne un certain équilibre de vie, il existe
généralement une bonne adéquation entre la demande de soins et les besoins réels. Or en
prison, les praticiens notent une demande de soins « ressentie » bien plus importante que pour
la population générale comme en témoigne le nombre de consultations annuelles de médecine
générale 7 à 8 fois supérieur que pour une population du même âge. Les effets de
l’incarcération majorent largement cette demande de soin. Plusieurs médecins généralistes
dénoncent d’ailleurs une médecine de prescription qui aboutit à une consommation excessive
de médicaments pour pallier les conditions et les insuffisances de prise en charge du système
pénitentiaire.
Mais une des caractéristiques de la médecine en milieu pénitentiaire est qu’il y a peu de
maladies mais beaucoup de symptômes. Le théorème de Baï 114montre que la valeur prédictive
positive et la valeur prédictive négative sont étroitement dépendantes de l’incidence d’une
pathologie. Aussi, plus l’incidence d’une pathologie est basse, plus le risque de faux négatifs
et donc d’erreur diagnostique sont importants.
La question de fond posée par ce principe d’équivalence est de savoir sur quel référentiel de
soins on se base pour assurer cette équivalence. La tendance sociétale en matière de soin est
d’évoluer vers le risque zéro et la prise en charge de la demande ressentie du patient. Cette
orientation est-elle applicable en milieu carcéral ?
Enfin le droit à « l’équivalence des soins » entraîne une certaine pression procédurale à
l’encontre des médecins, très délétères dans la relation médecin patient.
Le médecin est pris d’un côté, par une équivalence des soins imposée par les textes et que le
détenu est en droit de lui opposer, et de l’autre par le souci d’assurer la protection totale ou
partielle de sa responsabilité.
Il existe un rapport de force dans le huis-clos pénitentiaire entre le médecin et le patient
détenu.
114 Entretien du 4/01/05, Dr Montuclard, UCSA Nanterre
86
Ainsi, le détenu pourrait étayer sa demande de mise en liberté en arguant le non-respect du
principe d’équivalence des soins par le médecin. Cela rejoint le problème qui s’est également
posé avec l’article 10 de la loi du 4 mars 2002 où « la santé devient modulatrice de la sanction
pénale et [où] l’acteur de santé est un intercesseur ».[74]
Cette pression ne peut que conforter le principe de précaution précédemment évoqué et
conduire le médecin à terme à chercher davantage à se protéger qu’à soigner. Ainsi la pratique
de cette médecine « parapluie » présenterait pour le médecin l’avantage de ne pas se mouiller
mais au détriment du patient.
D’une certaine manière, le législateur se décharge sur le médecin en l’abandonnant à son
hippocratique mission de soin.
5. LA PRATIQUE MEDICALE EN MILIEU ISOLE : UNE
ETHIQUE DE LA RESPONSABILITE
Cette éthique de la responsabilité est au coeur de la pratique médicale en milieu isolé et
conduit le praticien à éprouver dans certaines situations qui débordent son champ de
compétence un profond sentiment d’isolement. Il doit accepter de soigner avec l’insuffisance
de moyens imposée par les contraintes de son milieu d’exercice, de prendre en charge seul des
pathologies qui justifieraient une prise en charge spécialisée et d’en assumer seul la
responsabilité.
Les praticiens en milieu pénitentiaire se heurtent aux mêmes difficultés d’exercice que ceux
du milieu isolé et ressentent également cet isolement à travers cette nécessaire éthique de la
responsabilité.
A partir de cette notion essentielle et commune aux pratiques en milieu pénitentiaire et isolé,
les différences qui existent entre ces 2 milieux permettent de prendre conscience des réelles
difficultés auxquelles sont confrontés les médecins en milieu pénitentiaire.
En milieu isolé, l’éloignement géographique est évident et les contraintes associées sont
acceptées de tous et notamment de la population dont le médecin a la charge. Les habitants
savent que le médecin fera tout ce qu’il peut pour prodiguer les meilleurs soins possibles. De
son côté, le médecin n’a pas d’autre pression pour bien faire que son devoir d’agir, « l’agir
éthique », où « l’éthique n’est comme l’entend France Quere115, pas la meilleure action mais
la moins mauvaise ». Cette définition sonne particulièrement juste en milieu isolé car elle tient
compte pour une fois de l’environnement dans lequel se retrouve l’individu. Il ne s’agit pas de
faire ce qu’il y a de mieux mais plutôt de faire le moins mal possible.
Enfin cette pratique médicale un peu particulière, compte tenu des conditions d’exercice peu
ordinaires, jouit d’une image positive et valorisante pour le praticien. Personne ne doute de la
richesse tant sur le plan humain que sur le plan professionnel de la mission de soin d’un
médecin en milieu isolé.
115 Propose de France QUERE à propos de l’éthique : « l’éthique n’est pas la meilleure action mais la moins
mauvaise ».
87
En milieu pénitentiaire, la notion d’isolement est plus complexe et d’autant moins évidente
que la distance avec l’hôpital de rattachement est faible. De même, les préjugés sur le milieu
comme sur les détenus sont lourds et participent à donner au milieu carcéral, et par capillarité
à la médecine qui lui est rattachée, une image négative que les affaires criminelles, relayées
largement par les médias, entretiennent.
L’équivalence des soins que le législateur a introduit spécifiquement dans le milieu
pénitentiaire renforce l’éthique de la responsabilité qui apparaît en milieu isolé.
Ce principe d’équivalence imposé au médecin sans lui donner les moyens de l’assurer est un
facteur supplémentaire d’isolement pour le praticien et l’expose à des pressions procédurales
qui risquent de fragiliser un peu plus le « pacte de soin » qui se noue entre le médecin et le
patient et qui, comme le note Paul Ricoeur, se base avant tout sur la confiance. [26]
On peut alors se poser la question de savoir pourquoi le législateur a spécifiquement en milieu
pénitentiaire introduit cette notion d’équivalence, qui n’a pas de sens par rapport à
l’obligation naturelle d’équité inhérente à l’exercice médical, si ce n’est pour introduire
une norme sanitaire qui véhicule une norme sociale mais qui ne répond en rien à un objectif
de santé publique. Or il convient de rappeler que l’objectif d’une politique de santé publique
est de réduire les inégalités sociales. Est-ce que la recherche de l’équivalence peut y
contribuer ? Sur le principe peut-être, mais certainement pas sans les moyens. Sauf, si le
médecin en assume personnellement la charge.
88
III. COMMENT AMELIORER L’ACCES AUX SOINS
SPECIALISES
1. L’ACCES AUX SOINS SPECIALISES EST-IL UN
PROBLEME EN MILIEU PENITENTIAIRE ?
Parmi les problèmes relatifs à la santé des détenus, celui de l’accès aux soins spécialisés
notamment somatiques n’est certainement pas la préoccupation principale des praticiens.
L’IGAS notait d’ailleurs dans son rapport en 2001 déjà une « nette amélioration » dans
l’accès aux soins spécialisés par rapport à la situation avant la loi de 1994.
L’évaluation des difficultés d’accès aux soins spécialisés des détenus par les soignants montre
que le problème existe néanmoins tout en révélant les différences de perceptions entre les
soignants, infirmières, généralistes et spécialistes.
23
58
72
52
36
16
20
6
12
0
20
40
60
80
100
120
140
160
difficultés
AASS
AASS
equivalent
AASS meilleurs
SPE
MG
IDE
Figure 32 : comparaison des réponses des soignants (IDE : infirmière, MG : généraliste,
SPE : spécialiste) sur l’accès aux soins spécialisés (AASS) des détenus
Le temps de présence à l’UCSA et le niveau de référence de soins sont parmi les éléments qui
différencient le groupe IDE du groupe SPE et qui sont susceptibles d’influencer leur opinion
quant à l’accès aux soins spécialisés des détenus.
Les infirmières vivent au contact des détenus et font référence à leur expérience personnelle
pour juger de l’accès aux soins. Ainsi, lorsqu’elles jugent l’accès aux soins spécialisés
meilleur que pour la population générale, elles le justifient souvent en prenant l’exemple des
consultations d’ophtalmologie et de dermatologie qu’elles ont du mal à obtenir
personnellement. Au contraire, les spécialistes n’effectuent que quelques vacations par mois à
l’UCSA, et disposent comme repère de niveau de soin du contexte professionnel du système
hospitalier où la plupart des spécialités est représentée et accessible sans contrainte.
Le point de vue des médecins généralistes vient pondérer la position des infirmières et celle
des spécialistes, en affirmant l’existence de réelles difficultés pour l’accès aux soins
spécialisés.
Trois possibilités sont envisageables pour permettre l’accès aux soins spécialisés : les
extractions médicales, le recours aux TIC, et les consultations de spécialistes sur place.
89
2. LES EXTRACTIONS MEDICALES
2.1 Un problème majeur d’organisation et un enjeu éthique
Les extractions médicales correspondent au transfert d’un détenu ou prévenu vers l’hôpital de
rattachement afin qu’il puisse bénéficier d’une consultation externe spécialisée, ou d’un
examen complémentaire. L’organisation de ces transferts est complexe puisqu’elle fait
intervenir 3 administrations différentes : pénitentiaire, hôpital et force de sécurité (police ou
gendarmerie). La confrontation des logiques pénitentiaire, médicale et policière empêche une
bonne coordination et entraîne régulièrement l’annulation d’extractions dont les conséquences
sont tout à fait préjudiciables pour le détenu.
Même si nous ne disposons pas de chiffres officiels, les personnes interrogées confirment que
ces annulations sont relativement fréquentes et compliquent considérablement la gestion des
avis spécialisés avec l’hôpital. Ainsi, la majorité des médecins généralistes considère que le
problème de l’obtention d’extraction et les annulations liées à l’absence d’escorte est
un des principaux facteurs responsables du retard dans l’accès aux soins spécialisés.
Les principales causes116 d’annulation sont imputables :
- à l’administration pénitentiaire en cas de révélation de la date de consultation ou de
transferts intercurrents
- au problème d’escorte,
- au patient lui même, qui refuse la consultation à cause du port des entraves mains et
pieds imposées par une récente circulaire ou parce que la date coïncide avec un parloir
famille.
Enfin, comme le note le rapport de l’IGAS de juin 2001, le passage d’une « médecine quasi
humanitaire à une logique de plus en plus hospitalière » s’est accompagné d’une
augmentation majeure des besoins en consultations spécialisées. Le nombre d’extractions a
ainsi progressé de 25% entre 1997 et 2000117 (de 71% des extractions pour soins d’urgence)
rendant toujours plus complexe la gestion de ces extractions pour les soignants.
Les extractions médicales posent ainsi de sérieux problèmes autant organisationnel qu’éthique
aux soignants à l’UCSA comme l’hôpital.
2.2 A l’UCSA
Les résultats du temps infirmier révèlent que la gestion des extractions sanitaires fait partie
des principales difficultés évoquées par les infirmières. Elle est même citée en 2ème position
après les relations difficiles avec l’administration pénitentiaire pour laquelle elle est
également un motif de tension. Le problème des annulations sauvages sans la moindre
explication de la part de l’administration pénitentiaire ou de la police était fréquemment
souligné par les infirmières.
De même le vocabulaire utilisé pour exprimer leurs difficultés à obtenir des extractions et des
escortes est tout à fait révélateur de l’importance du problème (« ...jongler, négocier,
s’adapter, pression... »).
116 Entretien avec le Dr Balanger (la Santé, Paris), étude des rapports d’activité de 4 UCSA
117 34. IGAS-IGSJ, Rapport d’évaluation sur l’organisation des soins au détenu. juin 2001. p 44
90
Pour les médecins, le manque chronique d’extraction sanitaire pour permettre l’accès aux
soins spécialisés des détenus est dans 30 % des cas la principale difficulté notée dans leur
pratique quotidienne. 56% des médecins généralistes estiment qu’ils ne disposent pas d’un
nombre d’extractions suffisantes et 33% des médecins signalent qu’ils sont obligés d’effectuer
régulièrement un « triage » des patients pour s’adapter au nombre restreint d’extractions
autorisées.
Cela amène 2 réflexions :
D’une part ce constat pointe l’inefficacité manifeste de la loi de 1994 qui n’a pas trouvé des
moyens à la hauteur de l’ambition de ceux qui l’ont faite, compte tenu probablement d’une
méconnaissance du milieu pénitentiaire.
Comment peut-on d’un côté, imposer au médecin dans une circulaire l’équivalence des soins
et de l’autre côté proposer seulement 0,05 ETP (Equivalent Temps Plein) 118pour 100 détenus
de médecins spécialistes, en incluant « les temps d’intervention des masseurskinésithérapeutes
et les temps de présence de manipulateurs en électro-radiologie »119, en
sachant qu’il existe plus d’une vingtaine de spécialités médico-chirurgicales. Il est évident
qu’avec cette présence infinitésimale de spécialistes consultant sur place, le besoin en nombre
d’extractions allait être important et justifier des moyens en conséquence.
D’autre part, les quotas imposés en matière d’extraction médicale amènent les médecins à
trier les patients, à annuler certaines consultations pour en permettre d’autres plus urgentes.
Cette sélection est tout à fait contraire à la déontologie médicale et illustre une fois de plus
l’incohérence admise par la promulgation du principe d’équivalence. Dès l’instant où le
médecin décide d’une demande d’avis spécialisé, rien ne devrait pouvoir l’empêcher comme
c’est le cas en milieu libre.
L’idée de triage des patients n’est présente que dans la médecine de catastrophe et pose donc
en dehors de ce contexte un grave problème éthique insoluble car les critères de sélection ne
sont éthiquement pas recevables. [72] « Cette notion de tri, de choix, ne se justifie d’un point
de vue éthique que dans des conditions d’exception où dominent trois notions essentielles :
l’effet de surprise, l’afflux massif de blessés et la saturation rapide des moyens de secours
existants... ». [73]
Même si le contexte de la médecine en milieu pénitentiaire est tout à fait différent de celui de
la médecine de catastrophe, on notera néanmoins que les moyens disponibles à l’UCSA sont
rapidement saturés. Le « triage » pour extraction médicale est ainsi fréquent mais se pose
essentiellement pour des pathologies non graves ou dont les symptômes sont davantage
ressentis qu’objectifs.
118 réévalué en 2004 à 0,4ETP pour 600 détenus !
119 Guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes détenues, Ministère dela Santé,
Ministère de la Justice, Septembre 2004, annexe D, « grille indicative des personnels médicaux et non médicaux
en ETP, dans le cadre de la reprise par le service public hospitalier de la fonction santé des établissements
pénitentiaires du programme 13 000 ».
91
2.3 A l’hôpital
Si l’extraction médicale donne au détenu la possibilité de sortir de prison et d’aller
« se promener » à l’hôpital, les praticiens et infirmières interrogés en marge du questionnaire
confirment qu’elle est généralement mal vécue par le détenu.
L’extraction médicale comme possibilité d’accès aux soins spécialisés est ainsi donnée en
dernière position par les généralistes et les spécialistes après les consultations de spécialistes à
l’UCSA et le recours aux TIC. Aussi 59% des généralistes contre 82% des spécialistes se
prononcent-ils pour des consultations spécialisées à l’UCSA plutôt qu’à l’hôpital. Cette légère
différence de point de vue peut s’expliquer par une meilleure connaissance des médecins
spécialistes des mauvaises conditions d’examen et d’accueil en milieu hospitalier. Le port des
entraves et des menottes et le non-respect du secret médical sont les raisons principales
évoquées par les soignants pour préférer les consultations à l’UCSA.
Le problème des extractions médicales est bien résumé dans le manifeste disponible sur le site
de l’OIP intitulé 120 : « Que cesse le scandale du traitement hospitalier des détenus ! » et dont
je me ferai l’écho partisan. Plusieurs articles dans la presse ont dénoncé la circulaire du 18
novembre 2004 qui autorise désormais le directeur d’établissement pénitentiaire à imposer les
menottes et les entraves mais aussi la présence des surveillants pendant l’examen et l’entretien
médicaux, seules les femmes accouchant pouvant échapper à ces mesures.
Le port des entraves est aussi stigmatisant que traumatisant pour l’individu. A la prison de la
Santé où, à la suite de 2 évasions consécutives, la circulaire est appliquée scrupuleusement
même en cas de présentation d’un certificat médical, le médecin de l’UCSA note de multiples
annulations d’extractions médicales par les détenus eux-mêmes qui ne supportent pas ces
mesures portant clairement atteinte à leur dignité.
Difficile de savoir ce que peut ressentir un détenu entravé livré au regard des autres dans un
couloir d’hôpital ou pire dans une salle d’attente comme cela arrive malheureusement.
L’éclairage historique que donne Michel Foucault dans son livre « Surveiller et punir »
permet de mieux comprendre le poids du regard d’autrui sur l’individu stigmatisé par les
entraves. Foucault n’hésite pas à poser comme tournant historique dans l’évolution des
peines, « le remplacement, en 1837, de la chaîne des forçats par la voiture cellulaire ».
Jusqu’à cette date, les bagnards étaient enchaînés et défilaient dans les villes en subissant
l’humiliation d’un public en fête. Après juin 1837, ce « grand spectacle de la chaîne » prit fin
et les détenus furent transportés anonymement dans la voiture cellulaire sans plus avoir à
affronter le regard du public.
L’image du détenu et des prisons est négative. Ce sont les affaires criminelles les plus
sensationnelles ou les plus dramatiques relayées par les média et qui contribuent à noircir
cette image du prisonnier. Pour le public comme pour le soignant qui ne connaît pas le milieu
pénitentiaire, le détenu entravé est forcément dangereux et son crime odieux : c’est parfois le
cas mais rarement, combien savent que les peines de réclusion à perpétuité ne représentent
que 1, 4% et que près des 2/3 des peines prononcées sont inférieures à 5 ans. Ainsi le détenu,
quelle que soit son infraction, porte sur lui au travers le regard des autres ces préjugés négatifs
qui alourdissent un peu plus sa peine.
120 www.oip.org/actualite/actu10.htm
92
L’autre grand problème des consultations de détenus à l’hôpital est le non-respect quasi
systématique du secret médical des patients détenus.
Comme le notent les infirmières, l’administration pénitentiaire demande fréquemment les
motifs d’extraction médicale aux soignants qui sont parfois obligés de céder pour être en
position de négocier. A l’hôpital, les surveillants et l’escorte assistent le plus souvent à la
consultation du détenu dont les membres restent parfois entravés durant l’examen clinique.
Même si ces pratiques sont compréhensibles pour des raisons évidentes de sécurité, elles n’en
demeurent pas moins inacceptables si l’on considère le détenu comme un être humain à part
entière. Il s’agit d’une atteinte au respect de la dignité de la personne et d’une violation
caractérisée du secret professionnel dont les soignants se font malheureusement les complices.
Les textes qui appellent au respect du secret médical ne manquent pas. Il s’agit pour tout
soignant d’une obligation déontologique et légale.
Citons le serment d’Hippocrate, l’article 4 du code de déontologie médicale : « le secret
professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions
établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans
l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce
qu’il a vu, entendu et compris », l’article 7 des principes d’Ethique Médicale Européenne :
« le médecin est le confident nécessaire du patient. Il doit lui garantir le secret total de toutes
les informations qu’il aura recueillies et des constatations qu’il aura opérées lors de ses
contacts avec lui », ou encore la note du Conseil National de l’Ordre des médecins sur les
aspects déontologiques de la médecine pénitentiaire :« les détenus sont des personnes comme
les autres. Ils ne doivent faire l’objet d’aucune discrimination en raison de leur détention ou
de leur cause. Au contraire, en tant que personnes privées de liberté, ils doivent être l’objet
d’une attention spéciale, notamment si le médecin constate des sévices ou des mauvais
traitements... ».
La loi du 4 mars 2002121 fait du secret médical un droit pour le patient et une obligation légale
étendue à l’ensemble des professionnels du monde de la santé et non plus seulement aux
professionnels de santé.
Par ailleurs, la présence de surveillants ou de forces de l’ordre n’est nulle part requise dans le
Code de Procédure Pénale lors d’examens ou de soins médicaux. Seul l’article D.367 du Code
de Procédure Pénale précise que « des surveillants spécialisés peuvent avec l’accord du
médecin assister l’infirmière ou l’infirmier dans sa tâche. »
2.4 Les extractions médicales : une urgence éthique
Les problèmes générés par les extractions médicales illustrent avec force une fois encore, les
formidables contradictions entre des textes éthiquement irréprochables et la pratique
éthiquement inacceptable.
Pourtant, ces problèmes ne paraissent pas insolubles, mais pour se donner les moyens de les
résoudre, il est nécessaire avant tout de reconnaître le droit du détenu à être soigné tel un
patient comme les autres et de prendre conscience de la gravité des atteintes faites à ses droits.
121 La déontologie médicale à l’épreuve des contraintes pénitentiaires, Nicolas Franchitto, DEA 2004
93
Même si l’orientation prise par la loi du 18 janvier 1994 a permis une franche amélioration de
la prise en charge sanitaire des détenus, il faut reconnaître que la position défendue par
Solange Troisier qui fut à l’origine en 1979 de la Charte d’Athènes122, de faire l’hôpital dans
la prison comme à Fresnes, permettait d’éviter ces graves problèmes éthiques.
Pourtant certaines mesures pourraient être prises pour rendre les extractions moins pénibles.
Une augmentation du nombre d’extractions possibles semble incontournable dans le contexte
actuel. La création d’une cellule de coordination entre les différentes administrations devrait
permettre de mieux gérer les problèmes d’escorte.
De même, les démarches d’obtention d’extractions médicales ont pu être considérablement
simplifiées dans une des UCSA interrogés qui a obtenu de l’administration pénitentiaire un
véhicule et du personnel voués uniquement aux extractions médicales. Cette mesure ne
devrait-elle pas être généralisée ?
A l’hôpital, des progrès peuvent être facilement accomplis et à moindres frais. L’accueil des
détenus à l’hôpital souffre de la méconnaissance hospitalière du milieu pénitentiaire. Une
charte d’accueil des détenus pourrait être signée par tous les services de consultation ou
d’hospitalisation amenés à recevoir des détenus en externe. Celle-ci permettrait de sensibiliser
les équipes soignantes à la nécessité d’un accueil adapté au statut du patient détenu, en évitant
par exemple tout passage dans une salle d’attente, et en limitant autant que possible son
attente.
Le problème du respect du secret médical se heurte aux impératifs sécuritaires. Cela
justifierait la création de cabinets de consultations sécurisés comme il existe aux urgences des
chambres sécurisées qui permettent un examen médical dans de bonnes conditions. Par
ailleurs, on pourrait imaginer pour certaines consultations très spécialisées où la présence d’un
tierce personne est requise pour des raisons de sécurité, qu’un casque d’écoute permette
d’isoler phoniquement la personne présente lors de la consultation et qui garantirait ainsi la
confidentialité de l’entretien sans compromettre la sécurité.
D’autres initiatives sont susceptibles de réduire les problèmes posés par les extractions
médicales. La création récente des UHSI semble, d’après les praticiens, être une réussite pour
la prise en charge des détenus hospitalisés et offrent un modèle pour l’organisation des
consultations externes à l’hôpital. De même on citera le système espagnol qui autorise
certaines sorties au détenu pour se faire soigner. L’expérience est très intéressante car elle
permet non seulement de régler le problème du secret médical mais donne aussi au détenu le
libre choix de son praticien qui reste fondamental pour le bon équilibre d’une relation
médecin-malade essentiellement basée la confiance.
Enfin devant toutes ces difficultés imputables aux extractions, auxquelles s’ajoute un coût très
élevé (en moyenne 2000F par transfert), la meilleure solution serait de limiter au maximum
les extractions en développant d’autres moyens d’accès aux soins spécialisés, comme
l’utilisation des TIC ou encore le développement des consultations de spécialistes à l’UCSA.
122 « Nous, membres des professions de santé exerçant en prison, réunis à Athènes le 11 septembre 1979, prenons
l’engagement, dans l’esprit du serment d’Hippocrate, de prodiguer les meilleurs soins possibles à ceux qui sont
incarcérés à quelque titre que ce soit, sans porter atteinte aux principes de nos éthiques professionnelles
respectives. »
94
III. LE RECOURS AUX TIC
1. UN OUTIL EFFICACE POUR L’ACCES AUX SOINS
1.1 En milieu pénitentiaire
L’éloignement géographique des centres pénitentiaires notamment américains associé aux
carences en matière de prise en charge sanitaire des détenus ont fait des prisons des sites
privilégiés pour développer des applications de télémédecine. La plupart des articles publiés
montrent que les consultations effectuées par visioconférence permettent de diminuer
significativement à la fois le nombre et le coût des consultations spécialisées avec l’hôpital de
référence, de réduire les temps d’hospitalisation et ainsi d’amortir rapidement l’investissement
du matériel de télémédecine [75] [76] [77, 78]. Malgré quelques difficultés organisationnelles
et techniques, les professionnels de santé comme les patients se montrent très largement
satisfaits.
D’autres initiatives utilisant la télémédecine en temps différé ont été mises en place avec
succès dans des prisons en Russie et en Angleterre pour faciliter l’accès aux soins
spécialisés.123124
1.2 En milieu isolé
Les milieux isolés géographiquement ont ainsi pu bénéficier ces dernières années de
nombreuses initiatives de télémédecine en temps différé ou en temps réel.
Parmi les applications de télémédecine en temps différé, celle de l’association caritative
Swinfen Charitable Trust est exemplaire et contribue au développement d’une « télémédecine
pas chère » (low-cost telemedecine) efficace et accessible aux populations défavorisées. [69]
Ainsi depuis 1998, sur l’initiative de Lord Swinfen, l’association caritative Swinfen
Charitable Trust fournit gratuitement à des populations isolées ou défavorisées, le matériel
nécessaire à l’exercice de la télémédecine en temps différé : un ordinateur portable, un
appareil numérique, une connexion Internet. Les demandes de consultations spécialisées sont
rédigées sous forme de cas cliniques et strictement anonymisées pour pallier le problème de
non-confidentialité des données médicales, puis envoyées par email à une adresse qui la
retransmet via un système de routage informatique automatique vers le médecin spécialiste.
En aval, un réseau d’une soixantaine de spécialistes, s’engage bénévolement à donner un avis
spécialisé dans les 48 heures [79]. La constitution de ce réseau est un des points
fondamentaux du système et constitue une étape indispensable pour assurer la meilleure
qualité des soins.
Toutes les études publiées sur l’expérience du Swinfen Charitable Trust montrent le bénéfice
en termes de prise de décision, d’économies réalisées en évitant des transferts coûteux, et de
formation du personnel. [80-82]
Les applications de télémédecine en temps réel ont largement été développées au Canada et
notamment au Québec. Grâce à un réseau satellite exclusivement réservé au domaine socio-
123 Prison healthcare project, january 2000, K.Shakespeare, Queen Elizabeth hospital
124 Store-and-forward télémédecine in russian correctional institution, Matveev, Nikolay, Nizhny Novgorod
Research Institute for Hygiene and Occupational Pathology
95
sanitaire et couvrant tout le territoire québécois, les équipes québécoises ont mis en place
plusieurs programmes de télésanté notamment avec les régions du grand nord réputées pour
leur difficultés d’accès suite à l’éloignement géographique et les conditions climatiques.
Ainsi, la Basse-Côte-Nord [83], située à l’extrême Est du Québec où vivent près de 10 000
personnes réparties sur 15 villages isolés, possède une organisation des soins qui illustre bien
l’intérêt de la télémédecine dans ces régions. Les infirmières sont la pierre d’angle du système
de santé. Disponibles 24 heures sur 24, elles soignent, coordonnent et sont en première ligne
pour tous les problèmes sanitaires qu’elles doivent pouvoir gérer sans présence médicale.
Cette nécessaire polyvalence entraîne une lourde responsabilité qui grâce à la télémédecine
peut désormais être partagée. Le développement de la visioconférence a ainsi amélioré la
prise en charge des patients en urgence en permettant aux infirmières de bénéficier de
l’expertise d’un urgentiste et faciliter l’obtention d’avis spécialisés à distance. En outre, cette
liaison par visioconférence rompt l’isolement du personnel soignant et permet de lui assurer
une formation continue jusque-là impossible et pourtant indispensable au maintien des
connaissances.
Ainsi le concept d’infirmière clinicienne associé à l’utilisation de la télémédecine a permis
d’apporter une réponse adaptée au problème de l’accès aux soins des populations vivant en
situation d’isolement.
1.3 Pour les prisons françaises ?
Même si la France compte peu de sites éloignés, les initiatives en matière de télémédecine
sont nombreuses comme en témoigne la cartographie des applications en télémédecine
réalisée par la DHOS125. Des applications spécifiques au milieu pénitentiaire ont déjà été
développées comme la téléradiologie entre l’hôpital Cochin et la maison d’arrêt de la Santé à
Paris [84] et certaines UCSA comme Toulouse ou la Guyane126 utilisent déjà les moyens de
télémédecine en bénéficiant notamment du dynamisme régional en matière de télémédecine.
Si ces différentes applications de la télémédecine semblent dans la littérature apporter une
large satisfaction, il convient de rappeler les différences qui existent entre le milieu
pénitentiaire français et les autres milieux.
L’étude bibliographique réalisée dans le rapport sur l’étude de la faisabilité de la télémédecine
en milieu pénitentiaire127, fait référence essentiellement aux expériences des établissements
pénitentiaires américains128 dont l’éloignement géographique est une des principales
caractéristiques.
En effet, l’enfermement et l’isolement du prisonnier sont la base de la philosophie pénale
américaine et ont conduit les autorités américaines à construire les prisons à l’écart de toute
zone habitée compliquant d’autant plus l’accès aux soins des détenus.
Mais l’aspect géographique n’est pas le seul point de discordance entre les systèmes
américains et français : le droit d’accès aux soins du détenu n’est nullement comparable. Si
paradoxalement le détenu américain bénéficie d’un « droit constitutionnellement garanti à un
125 www.observatoire-telesante.sante.gouv.fr/
126 « Un accès équitable aux soins », Dr Güell, CNES
« Le désenclavement des soins en guyane », T.Le Guen, SAMU
« Expérimentation de Télémédecine rurale en zone amazonienne : Réseau de télémédecine par satellite de
Guyane française », www.medes.fr
127 Télémédecine et Etablissements pénitentiaires, Etude de faisabilité, Mai 2001, ministère de la justice,
ministère de l’emploi et de la solidarité, DHOS
128 Expériences de l’Ohio, du Téxas et du Colorado, ibidem
96
suivi médical » en notant toutefois que « l’aide médicale gratuite destinée aux indigents exclut
tout traitement visant la toxicomanie, les affections mentales et certaines autres maladies
graves », la prise en charge sanitaire des détenus souffre de graves carences. Nous sommes
d’autant plus loin du principe français d’équivalence des soins avec le milieu libre que les
électeurs américains se montrent de moins en moins disposés à supporter « le coût financier
toujours plus lourd » des soins en prison. 129Dans le contexte états-unien, on comprend tout
l’intérêt de la télémédecine qui non seulement autorise un accès aux soins jusqu’ici largement
déficient, mais surtout permet de diminuer les coûts de consultation, jusqu’à 10 fois selon
Kesler et Bach [75], en limitant les extractions médicales. Ainsi, la priorité est plus à la
rentabilité qu’à la qualité des soins.
Ainsi, si le recours au TIC semble la seule voie possible pour permettre d’améliorer l’accès
aux soins des populations vivant en situation d’isolement géographique qu’elles soient
détenues ou pas, la situation géographique particulière des établissements pénitentiaires
français permet d’envisager d’autres moyens que la télémédecine pour améliorer cet accès
aux soins. Bien que le coût des extractions soit élevé, l’utilisation des TIC ne s’impose pas
avec la même évidence dans ce contexte et amène à se poser sereinement la question de savoir
si les TIC permettront une qualité de soins équivalente aux mesures d’accès aux soins
traditionnelles.
2. LES TIC EN MILIEU PENITENTIAIRE : LE POINT DE
VUE DES SOIGNANTS
2.1 Un avis favorable mais pas une priorité
Deux résultats résument la position des praticiens par rapport à l’utilisation de la télémédecine
en milieu pénitentiaire :
- Plus des 2/3 des médecins sont favorables à l’utilisation des TIC en milieu
pénitentiaire et les 4/5 des médecins jugent nécessaire la mise en place du DMP.
- 74% des médecins généralistes et 71% des spécialistes considèrent que l’utilisation
des TIC n’est pas une priorité pour améliorer l’accès aux soins des détenus.
Trois principaux profils de médecins émergent des réponses et des commentaires des
praticiens recueillis lors des questions ouvertes.
- Un premier profil correspond à celui des médecins favorables à la mise en place du
DMP et d’une plus grande présence des spécialistes à l’UCSA. Selon eux, ces 2
mesures permettraient d’une part de faciliter l’accès aux soins spécialisés et d’autre
part d’impliquer davantage l’hôpital dans l’organisation des soins à l’UCSA. Par
ailleurs, si ces médecins restent souvent sceptiques quant à l’utilisation de la
visioconférence, ils n’hésitent pas à se déplacer régulièrement à l’hôpital pour
présenter un dossier et obtenir directement l’avis du spécialiste.
- Un deuxième profil majoritaire chez les spécialistes et les psychiatres notamment, se
prononce contre les consultations par télémédecine, et toute substitution des
consultations face à face. L’augmentation des effectifs et des moyens alloués aux
129 Les Etats-Unis malades de leurs prisons, Megam Comfort, juin 2003, le Monde diplomatique
97
UCSA seraient pour eux le seul moyen de permettre un accès aux soins équivalant à
celui de la population générale.
- Enfin un troisième profil de médecins est favorable à l’implantation et au
développement des TIC. Ces praticiens considèrent les contraintes du milieu
pénitentiaire comme intangibles et croient davantage dans le potentiel des TIC pour
les dépasser que dans l’hypothétique investissement de l’hôpital. Ce profil se
rapproche le plus de celui des médecins exerçant en milieu isolé.
2.2 Pas de télémédecine sans réseau humain
En dépit d’indéniables succès, la télémédecine n’est pas simple à mettre en oeuvre et pose des
problèmes d’organisation pratique. Certaines conditions sont des préalables indispensables
pour éviter tout échec à plus ou moins long terme. Un certain nombre de questions visaient à
savoir si les conditions étaient réunies pour implanter la télémédecine en milieu pénitentiaire.
Nous envisagerons l’analyse de ces résultats à la lumière de l’expérience du milieu isolé dans
les Terres Australes et au Québec et à l’appui de la littérature.
La télémédecine n’est qu’un outil qui ne peut fonctionner sans réseau. Le réseau est ce qui lie
les praticiens entre eux et constitue le vrai coeur du système télémédecine dont toute la
technique n’est qu’accessoire. Toute l’efficacité du système Swinfen Charitable Trust
précédemment cité repose justement sur la qualité du réseau de spécialistes créé. Ce collège
de médecins comporte une soixantaine de médecins et chirurgiens spécialistes anglophones et
couvre l’ensemble des spécialités médico-chirurgicales. Ces spécialistes s’engagent sur la
base d’un volontariat à donner des avis spécialisés dans leur spécialité et surtout à les adapter
au milieu dans lequel le médecin requérant les appliquera. [69, 79-82]
De même, l’expérience de la télémédecine dans les Terres Australes et Antarctiques
Françaises a montré que les médecins de district faisaient généralement référence pour des
avis spécialisés préférentiellement à des personnes qu’ils connaissaient. Plusieurs raisons
expliquent cette évidence à laquelle les praticiens interrogés souscrivent à 100%.
D’une part, la communication est plus facile lorsqu’on connaît son interlocuteur. Dans un
contexte médical, la question du partage de la responsabilité oblige à une confiance mutuelle
facilitée lorsque des liens personnel ou professionnel existent entre les 2 praticiens.
D’autre part, même si cela est parfois difficile à avouer, le médecin qui sollicite l’avis
spécialisé d’un confrère expose à son jugement les limites de ses connaissances et de ses
compétences. Non seulement il peut s’être trompé de diagnostic mais aussi avoir adopté une
stratégie thérapeutique que le spécialiste contredira. Aussi, même si l’intérêt du patient
domine toute considération personnelle, n’est-il pas si simple de se référer à une personne
inconnue et le fait de connaître, pour le médecin requérant, le spécialiste consulté facilite
grandement la communication et la prise en charge des avis spécialisés. On note à ce sujet que
44% des spécialistes avouent qu’ils auraient des réticences à demander un avis à un confrère
qu’ils ne connaissent pas.
Ce dernier point est fondamental mais difficile à évaluer autrement qu’en constatant la sousutilisation
parfois surprenante de certains moyens de télémédecine pourtant tout à fait adaptés
aux besoins.
98
Plusieurs questions visaient ainsi à évaluer l’existence ou non d’un réseau entre le médecin de
l’UCSA et les spécialistes à l’hôpital.
D’après nos résultats, plus de 20% des généralistes ne vont jamais à l’hôpital de rattachement
et la plupart des médecins par manque de temps ne peuvent participer à des staffs qui pourtant
les intéresseraient.
Le principal mode d’obtention d’avis spécialisés est le recours aux extractions. Les avis
téléphoniques ne sont qu’épisodiques : quant aux avis par email, rappelons que seuls 35% des
médecins interrogés disposent à l’UCSA d’un accès à internet ou d’une messagerie
électronique.
Ainsi même si les praticiens considèrent majoritairement l’email comme un bon, voire très
bon moyen d’obtenir des avis spécialisés, ils n’en ont pas la pratique et les spécialistes qui à
78% ont un accès à internet ne l’utilisent pas plus que les généralistes (39% contre 32% pour
les généralistes).
La question du référent dans chaque spécialité participe à cette approche du réseau
personnalisé et 68% des généralistes sont pour le principe d’un référent unique dans chaque
spécialité même si les 2/3 des médecins pensent cela irréalisable dans le contexte hospitalier
actuel.
Parce que le réseau est avant tout un réseau entre humains, il faut pour le construire non
seulement du temps mais aussi une volonté certaine de chaque côté du mur de la prison.
Si on reconnaît que le réseau est essentiel au bon fonctionnement de la télémédecine, force est
de constater que le faible investissement de l’hôpital et des spécialistes à l’UCSA ainsi que le
défaut de communication dont se plaignent les soignants constitue vraisemblablement un frein
majeur au développement de la télémédecine en milieu pénitentiaire.
3. LA TELEMEDECINE EN PRATIQUE
3.1 Une organisation complexe
Comme nous l’avons vu en introduction, la télémédecine met en jeu, au sein d’une même
structure, l’hôpital, trois catégories professionnelles : les médecins, les techniciens et les
gestionnaires [41]. La notion de culture de métier que Chevrier [67] définit comme « un
ensemble complexe de savoir-faire, de connaissances, de valeurs et de représentations propres
à une profession » cloisonne chaque partie dans son milieu et constitue certainement un des
obstacles majeurs à l’utilisation régulière de la télémédecine.
L’étude de terrain menée par S.Froissart, confirme bien que les différences de culture et de
mode de communication entre ces trois corps de métiers sont à l’origine d’importants
problèmes organisationnels qui gênent le bon fonctionnement de la télémédecine.
3.2 Un bénéfice temps / efficacité discutable
La faible disponibilité des praticiens notamment spécialistes laisse également prévoir
quelques difficultés d’organisation des consultations de télémédecine. Ainsi dans notre étude,
20% des spécialistes contactés ont refusé de répondre au questionnaire faute de pouvoir
distraire 10 à 15 minutes de leur temps. De même, le manque d’effectif de spécialistes à
l’hôpital est cité en première position par les spécialistes et en troisième position par les
généralistes pour justifier le manque de spécialistes consultant à l’UCSA.
99
L’expérience de la télémédecine montre dans la pratique que si elle permet de réduire
avantageusement le temps lié au déplacement pour le patient comme pour le médecin, sa
gestion est loin d’être facile pour le spécialiste. D’une part, la ponctualité étant impérative en
visioconférence, les consultations en télémédecine s’avèrent beaucoup moins souples à gérer
que les consultations face-à-face dont les retards sont à l’hôpital relativement fréquents.
D’autre part, les limites de l’examen clinique par visioconférence ne permettent pas au
spécialiste de régler les problèmes aussi facilement que lors de consultations face à face et
imposent parfois de reprogrammer le patient pour une consultation classique.
Ainsi, la télémédecine offre pour le patient un accès aux soins facilité, de qualité et même
sans retard à la consultation comme le note le rapport d’évaluation du projet de télésanté aux
îles de la Madeleine, mais complique d’autant l’emploi du temps du spécialiste dont la
flexibilité des horaires est parfois la seule possibilité pour faire face à sa charge de travail
toujours plus lourde. C’est pourquoi, certains spécialistes ont fait part de leur scepticisme
quant au gain de temps réel que supposerait l’utilisation de la télémédecine.
3.3 Un manque de matériels et des problèmes techniques
Durant les entretiens, une infirmière répondait à la question sur la télémédecine que c’était
pour elle de la « science-fiction ». Il est vrai que le sous-équipement des UCSA notamment
d’un point de vue informatique (moins de 2 ordinateurs par UCSA) est alarmant et les UCSA
qui disposent d’un peu de matériel informatique se trouvent face au problème de la
maintenance qui normalement devrait être assurée par le service informatique de l’hôpital. De
la même façon que le courrier et les examens médicaux peuvent arriver avec 8 jours de retard,
les soucis informatiques de l’UCSA sont rarement des priorités pour les services
informatiques et la distance qui sépare l’UCSA et l’hôpital semble dissuasive pour toute
intervention rapide. Les praticiens furent ainsi nombreux à soulever la question du suivi
technique des infrastructures de télémédecine. En Guyane, le médecin de l’UCSA résume
l’expérience pourtant satisfaisante de la télémédecine à l’UCSA par : « cela fonctionne bien
mais c’est souvent en panne, et moins on utilise le matériel, moins on sait l’utiliser et plus les
problèmes techniques sont difficiles à gérer ».
Par ailleurs, les praticiens notent que la formation des soignants à ces nouveaux outils dont ils
n’ont ni la pratique ni la culture est un obstacle supplémentaire au développement des TIC.
Ainsi au-delà des problèmes de fonctionnement intrinsèque de la télémédecine notamment lié
aux cultures de métiers, les graves carences matérielles et techniques des UCSA soulèvent le
plus grand scepticisme des professionnels quant au bon fonctionnement de la télémédecine au
sein de ces unités qui restent par ailleurs soumises au contrôle de l’administration
pénitentiaire.
3.4 Le coût de la télémédecine
Cité par les praticiens comme le premier frein à l’implantation de la télémédecine, le coût
financier de la télémédecine est loin d’être une question accessoire. Qui va payer ? l’hôpital
ou l’administration pénitentiaire ? Le problème s’est déjà posé concrètement lorsque la DHOS
a proposé aux UCSA d’Île de France un projet pilote de télémédecine financé à 50% par le
ministère, le restant devant être supporté par l’hôpital de rattachement. Même si d’autres
raisons expliquent la non-adhésion des professionnels de santé à ce projet, la question
financière a largement contribué à ce refus d’après les différents échos émis par les médecins
d’UCSA.
100
Comme le note le Dr V Hazebroucq130, il existe un conflit d’intérêts entre l’hôpital et la prison
dans la gestion financière des avis spécialisés. Ainsi, lorsqu’un détenu consulte un spécialiste
à l’hôpital, l’extraction est à la charge de l’administration pénitentiaire qui dispose d’un
budget spécifique pour cela, et l’hôpital facture la consultation spécialisée. L’utilisation de la
télémédecine pour les consultations spécialisées devrait à terme diminuer le nombre
d’extractions, au bénéfice de l’administration pénitentiaire, mais aussi diminuer les recettes
des consultations spécialisées à l’hôpital même si la dernière loi de finance pour 2005 prévoit
enfin « la reconnaissance et la rémunération des actes de télémédecine »131.
Dans la répartition actuelle des coûts, il apparaît que l’administration pénitentiaire serait le
principal bénéficiaire du développement de la télémédecine et devrait par conséquence
participer à son investissement. En Guyane où la visioconférence a pu être installée grâce à
des fonds européens et à l’appui du CNES, le problème du paiement des factures de
communication de télémédecine par l’administration pénitentiaire se pose déjà.
3.5 Quelques « échecs » et un certaine fragilité pérenne
Beaucoup des projets de télémédecine à la fin des années 90 furent le fruit d’initiatives
personnelles, portés par des médecins engagés et décidés à améliorer certaines prises en
charge médicales déficientes et à permettre ainsi une meilleure équité dans l’accès aux soins.
Le Dr Alain Cloutier décédé l‘année passée en fut un illustre exemple : cardiologue pédiatre
et pionnier de la télémédecine au Québec, il lança entre autres, le Réseau Québécois de
Télésanté de l’Enfant.132
La télémédecine « clef en main » n’existe pas. Parce que les projets sont complexes à gérer et
doivent s’inscrire impérativement dans la durée, il est nécessaire que les acteurs, au premier
rang desquels les médecins, y adhèrent pleinement pour assurer la pérennité et le succès à
long terme. Or pour être motivé et s’investir dans ce type de projet, le médecin doit non
seulement y trouver la possibilité de répondre efficacement à un réel besoin qu’il a lui-même
constaté, mais aussi avoir un bénéfice concret dans l’utilisation de ce nouveau moyen qui sera
pour lui synonyme d’un nouvel apprentissage et d’une pratique différente de celle dont il a
l’habitude.
Les succès et les échecs des projets de télémédecine ont déjà fait l’objet de nombreuses
analyses, et il semble intéressant, à travers quelques exemples, de comprendre quelques-unes
des raisons pour lesquelles certains projets ont été arrêtés.
Ainsi, la téléradiologie entre la prison de la Santé et l’hôpital Cochin dont le Dr Hazebroucq
fut l’instigateur, ne fonctionne plus après quelques années alors même que l’expérience avait
donné une complète satisfaction. Le matériel est pourtant toujours fonctionnel, les locaux
disponibles et l’équipe UCSA demandeuse mais en aval à l’hôpital Cochin il n’y a plus de
radiologue pour répondre. Parmi les raisons invoquées, le manque de motivation et le manque
de temps de l’équipe hospitalière semblent une fois de plus déterminants. A travers la non
utilisation de cette structure de télémédecine, les radiologues font le choix d’un
fonctionnement « traditionnel » avec transfert et interprétation des résultats sur place.
130 Entretien du 17/01/05 avec Dr V.Hazebroucq
131 Avis, loi de finance pour 2005, N°1864, Tome XI, santé, famille, personnes âgées et personnes handicapées
présentée par Mme Bérengère Poletti
132 « La télésanté au CHUM et au CUSM : problématiques et solutions », Talbot J.F., Saint-Gelais M.
Desrochers, mars 2004
101
Certes la télémédecine facilite l’accès à des soins mais souvent au prix d’une organisation
plus lourde pour les praticiens notamment en terme de disponibilité. Ils se montrent prêts à
l’accepter si cela répond à un réel besoin voire une nécessité et il est probable alors que la
téléradiologie entre la prison de la Santé et l’hôpital Cochin, distants de 200 mètres, n’en est
pas une.
Un autre problème est soulevé par l’expérience de télépsychiatrie au Québec. Ce programme
entre l’hôpital de Montréal (CHUM) et le Nunavut initié par le chef de Service de psychiatrie
s’est interrompu dès lors que celui-ci a été muté133. Cela montre d’une part la nécessité pour
tout projet de télémédecine de s’inscrire dans une démarche collective, soutenue par tous et
non pas seulement par son enthousiaste initiateur. D’autre part, cela rappelle la nécessaire
étape d’appropriation du projet par le médecin s’il n’en est pas l’initiateur.
En reconnaissant cette appropriation par le professionnel comme fondamentale, on peut
émettre les plus grandes réserves sur l’application à long terme par les praticiens, de projets
de télémédecine même très bien pensés qui émaneraient directement d’une structure
institutionnelle.
A l’initiative d’une mère dont l’enfant bégayait et qui vivait au Québec en région éloignée, un
programme de téléorthophonie avec l’hôpital Sainte Justine fut mis en place pour permettre
aux enfants vivant en région éloignée de bénéficier de séances de rééducation orthophonique.
Cette télé-orthophonie dont la pratique s’est révélé être un franc succès est un exemple
flagrant de l’intérêt de la télémédecine pour améliorer l’accès aux soins de populations situées
à l’écart des grands centres urbains où sont concentrées la plupart des structures de soins
spécialisés. Malheureusement, ce programme a été interrompu.
Compte tenu des faibles effectifs d’orthophonistes, les enfants des villes avaient
paradoxalement des délais de rendez-vous plus longs et donc un accès aux soins plus difficile
que les quelques enfants en région éloignée qui grâce à la télémédecine étaient suivis de façon
plus régulière.134
Aussi choquant que puisse paraître l’idée, il s’agit d’un point de vue de santé publique d’une
forme de discrimination positive.
Or durant l’étude, plusieurs soignants, médecins ou infirmières, ont noté cette discrimination
positive dans l’accès aux soins des détenus. Ainsi, une infirmière expliquait que certains
détenus étaient « exigeants et dès leur arrivée en prison, ils en profitaient pour faire un checkup
complet », leur statut de détenu leur permettant d’accéder à des soins plus facilement que
la population générale. Ce sentiment semble bien partagé parmi les soignants puisqu’un quart
des infirmières pensent que leur accès aux soins spécialisés est meilleur que celui de la
population générale.
Enfin, nous terminerons sur une dernière expérience de télémédecine qui donne une idée de
l’évaluation dans le temps d’un projet de télémédecine.
Les Îles de la Madeleine sont situées dans le golfe du Saint Laurent à plus de 1000 Km du
premier centre hospitalier régional et abritent une population qui varie selon les saisons de
13000 à 50000 habitants. Il existe un centre hospitalier d’une centaine de lits et un staff
médico-chirurgical permanent composé de 22 médecins généralistes et de 10 spécialistes
parmi lesquels 3 chirurgiens. L’équipe médicale est complétée par des spécialistes
« visiteurs » qui, à des fréquences variables selon les besoins, se rendent sur l’archipel à
l’occasion de « cliniques itinérantes ».
133 64. Bonnardot, L., La télésanté au Québec : problématiques et applications en région éloignée, in
Laboratoire d’Ethique Médicale, IREB. 2004, Paris 5.
134 Entretien S.Froissart, Mai 2004, Montréal
102
Le projet de télésanté aux îles de la Madeleine dont l’objectif principal était « l’amélioration
de l’accessibilité à des services spécialisés a permis d’évaluer durant 13 mois 14 applications
en télémédecine. Les résultats de l’étude [85] sont très positifs en termes d’accès aux soins, de
qualité des soins, de satisfaction des professionnels comme des patients et démontre surtout
que « la télémédecine est d’abord un exercice de relations humaines ».
Il est intéressant de noter comment, trois ans après la fin du projet qui fut à l’origine de toute
l’infrastructure de télémédecine fournissant un accès dans 14 spécialités, l’activité s’est
naturellement remodelée selon les besoins réels. Ainsi on distingue à présent 4 principales
applications :
- la téléradiologie qui en nombre de connexions est l’activité la plus importante
notamment pour la transmission d’images de traumatologie
- les téléconsultations en diabétologie, hématologie, conseil génétique et
anatomopathologie
- la téléformation notamment en psychiatrie, orthophonie, physiothérapie, et chirurgie
(staff départemental)
- la « télé-administration » qui s’est largement développée, facilitant les réunions de
direction avec la Gaspésie
Cependant les cliniques itinérantes des spécialistes restent la principale source d’avis
spécialisés dont la fréquence n’a pas diminué avec la mise en place du réseau de
télémédecine.
On rapprochera de cette observation, l’utilisation de la télémédecine dans les terres australes
et antarctiques françaises qui depuis plusieurs années bénéficient de la part de son service
médical d’un réel soutien et de moyens en conséquence. Mais on constate que les médecins
hivernants semblent préférer les moyens traditionnels de communication (téléphone) plutôt
que de mettre en pratique les applications de télémédecine. [64]
Par ailleurs, la téléformation aux îles de la Madeleine tient toujours une place importante dans
les applications de télémédecine. Les résultats ont montré que les soignants en milieu
pénitentiaire l’ont bien compris puisque 84% des médecins généralistes estiment que la
visioconférence peut constituer un bon moyen de formation continue.
L’exemple du Centre Hospitalier des îles de la Madeleine dont l’organisation des soins et
l’accomplissement de sa mission sanitaire en font un véritable modèle de structure de soins en
situation d’éloignement géographique, permet de noter un dernier point fondamental pour la
viabilité d’un projet de télémédecine : la juste et rigoureuse évaluation des besoins. Ainsi, il
a fallu plusieurs années à Mme Therrien Saillant, directrice des services professionnels et
responsables de la télésanté sur l’archipel, pour évaluer les besoins en matière d’avis
spécialisés et ainsi établir la juste fréquence des passages de médecins spécialistes. [64]
Cela permet d’imaginer un peu mieux la difficulté pour les médecins en milieu pénitentiaire
d’évaluer et d’établir de façon juste les besoins en avis spécialisés d’une population qui, en
maison d’arrêt, est sans cesse en mouvement et dont la durée moyenne de séjour est de 3,8
mois.135
135 Les chiffres clefs de l’Administration Pénitentiaire : durée moyenne de détention provisoire : 3, 8 mois pour
l’année 2002 en métropole (1975 : 2,4 mois)
103
4. LES SPECIALISTES A L’UCSA
4.1 La seule réponse à l’ « équivalence des soins »
Encourager les spécialistes à venir consulter sur place constitue certainement une des
meilleures façons de donner aux détenus un accès aux soins spécialisés « équivalent » à celui
de la population générale.
Curieusement, alors que la loi prône l’équivalence des soins, l’« évaluation » des besoins a
conduit les autorités de tutelle à proposer en 2004, 0,4 Equivalent Temps Plein (ETP) pour
une maison d’arrêt de 600 places comme temps de vacation de médecins spécialistes. De plus,
ce temps est non seulement censé couvrir l’ensemble des besoins en avis spécialisés dans les
24 spécialités mais il inclut aussi « les temps d’intervention des masseurs-kinésithérapeutes et
les temps de présence de manipulateurs en électro-radiologie ».136
Cette inadéquation absolue et évidente, presque grossière entre les besoins et les moyens
alloués confirme, comme nous l’avons vu précédemment, que le principe d’équivalence que
la loi impose au médecin, repose essentiellement sur son engagement personnel : à lui de
gérer avec les moyens du bord les difficultés d’accès aux soins. De toute façon, il doit en
assumer la responsabilité.
Malheureusement, comme le soulignent les praticiens interrogés, cette orientation se heurte au
problème du manque d’effectifs de spécialistes, et du manque de disponibilité des praticiens
hospitaliers majoré depuis le passage aux 35 heures. On note ainsi que tous les spécialistes qui
ont refusé l’entretien, faute de temps, étaient hospitaliers.
Ce problème est national et touche autant la population générale que les détenus. Si la
télémédecine peut aider à mieux répartir selon les régions les ressources médicales
notamment spécialisées, aucune mesure ne pourra compenser les mesures politiques de
restriction en matière d’accès aux spécialistes prises par les gouvernements successifs. Les
chiffres et les prévisions de la démographie médicale sont connus depuis longtemps et sans
surprise, nous entrons comme prévu avec le départ à la retraite des « baby-boomers » dans
une période où l’accès aux soins spécialisés est de plus en plus difficile dans certaines
spécialités comme en témoigne l’allongement des délais de rendez-vous [22].
Nous l’avons vu, d’un point de vue géographique, la prison reste à proximité de l’hôpital. Ne
peut-on pas alors envisager que des vacations régulières dans certaines spécialités soient
assurées dans les UCSA au même titre qu’elles le sont dans les hôpitaux périphériques du
CHU ?
136 Guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes détenues, Ministère dela Santé,
Ministère de la Justice, Septembre 2004, annexe D, « grille indicative des personnels médicaux et non médicaux
en ETP, dans le cadre de la reprise par le service public hospitalier de la fonction santé des établissements
pénitentiaires du programme 13 000 ».
104
Parmi les spécialités les plus sollicitées, quatre couvrent les 2/3 des demandes :
- la chirurgie et notamment la traumatologie mais aussi le suivi post-opératoire des
patients opérés
- la dermatologie
- la cardiologie
- l’ophtalmologie
A partir de ce constat, si une étude le confirme à l’échelon national, ne serait-il pas
souhaitable de proposer puisque la loi l’ « impose », des vacations à l’UCSA dans ces
spécialités très sollicitées et d’organiser des « cliniques itinérantes » dans les autres spécialités
dont les besoins sont plus modestes ?
Par ailleurs, les spécialistes hospitaliers ne sont pas les seuls à intervenir en prison. Dans notre
étude, 1/3 des spécialistes interrogés sont des médecins libéraux qui gardaient quelques
vacations à l’hôpital. Cependant, les mesures encourageant la participation des médecins
libéraux au réseau de la prison sont nulles. Si plus des 3/4 des praticiens spécialistes trouvent
les consultations en milieu pénitentiaire enrichissantes, le « côté humain » est l’une des
premières raisons pour eux de continuer à consulter en prison.
Les consultations à l’UCSA leur coûtent de l’argent dans la mesure où la faible rémunération
ne couvre pas leurs charges fixes de fonctionnement. La seule solution trouvée par certaines
UCSA est de déclarer 2 voire 4 vacations et de n’en faire qu’une. Ainsi une vraie politique
d’ouverture sur la médecine de ville permettrait avec des mesures incitatives fortes
notamment financières de pallier le problème du manque de disponibilité des praticiens
hospitaliers.
Plus que jamais les besoins en matière d’avis spécialisés pour les détenus doivent faire l’objet
d’une évaluation rigoureuse à un niveau national grâce au recueil des données fournies dans
les rapports d’activité annuels des UCSA. C’est là un préalable incontournable à toute
orientation politique des moyens d’accès aux soins spécialisés.
Cette solution permet en outre de résoudre la plupart des problèmes posés par les autres
modes d’accès aux soins précédemment évoqués.
105
4.2 Une réponse aux problèmes posés par les autres modes
d’accès aux soins spécialisés
4.2.1 Les extractions médicales
En augmentant le nombre de consultations spécialisées à l’UCSA, on diminue le nombre
d’extractions pour des consultations programmées et on libère d’autant les équipes pour des
extractions médicales en urgence. Cela permettrait d’alléger les problèmes de coordination
entre les différentes administrations auxquels est confronté quotidiennement le personnel
soignant.
Les consultations de spécialistes au sein de l’UCSA règle du même coup le problème
fondamental du respect du secret médical.
Une des limites de cette orientation est le sous-équipement des UCSA en matière de locaux et
de matériel de consultation médical. Cependant, l’économie réalisée par la diminution des
extractions devrait permettre de mieux équiper les UCSA, même si les « silos budgétaires »
137empêchent malheureusement cette souplesse de raisonnement.
4.2.2 La télémédecine
Comme nous l’avons vu, le réseau est la base des applications de télémédecine et le facteur
humain essentiel à son bon fonctionnement. [41, 71]
Par ailleurs, pour donner toutes les chances au réseau de fonctionner efficacement, il est
souhaitable que les spécialistes, qui constitueront ce réseau, connaissent non seulement le
personnel et les médecins de l’UCSA mais aussi les conditions d’exercice médical à l’UCSA
et ses contraintes horaires. Par exemple, l’orientation des patients en fin d’après-midi ou le
week-end pose souvent de gros problèmes d’organisation à l’UCSA et nécessite d’en adapter
spécifiquement la prise en charge.
Ainsi on remarquera que l’efficacité du réseau médical dans les Terres Australes et
Antarctiques Françaises est en partie due au fait que la majorité des membres de ce réseau ont
eux-mêmes participé à des missions dans les terres australes : ils connaissent ainsi les
conditions sur place et les moyens dont disposent les soignants et sont, ainsi, plus à même de
donner des avis adaptés au milieu d’exercice.
137 Expression de Jean-Paul Fortin, congrès du Catel 2004
106
IV. A QUELLE DISTANCE SONT LES PRISONS ?
1. SI PROCHE, SI LOIN
La distance géographique qui sépare les prisons françaises des hôpitaux auxquels elles sont
rattachées, est relativement faible puisque la médiane statistique pour les maisons d’arrêt est
de 3,5Km.
L’expérience croisée de la vie en milieu isolé et de la détention en quartier d’isolement
montre que paradoxalement ce n’est pas la distance géographique d’un lieu qui isole
l’individu mais son lien social ou professionnel si l’on pense au médecin avec son groupe de
référence.
Aussi, en dépit d’une relative proximité de l’hôpital, les soignants en prison ont-ils un
sentiment d’isolement marqué, qui s’exprime différemment chez les infirmières et chez les
médecins :
Les infirmières dont la présence à l’UCSA, en journée et le week-end, est continue, ont un
sentiment d’isolement dans leur pratique quotidienne notamment en dehors des présences
médicales, et ressentent une forme d’exclusion à travers le manque de reconnaissance et de
considération de la part de l’hôpital dont l’investissement est objectivement insuffisant.
Pour les médecins, dont la présence à l’UCSA est discontinue, le sentiment d’isolement se
traduit comme pour les médecins exerçant en milieu isolé, à travers les difficultés d’accès aux
soins spécialisés et l’éthique de la responsabilité imposée par un milieu d’exercice difficile et
mal connu.
La loi du 18 janvier 1994 fait de l’UCSA une Unité Fonctionnelle de l’hôpital à part entière.
Or, tant sur un plan matériel qu’organisationnel, le défaut d’investissement de l’hôpital dans
cette « annexe » un peu particulière contribue largement à créer une distance plus symbolique
que géographique.
Ainsi, les médecins généralistes comme les spécialistes posent comme première difficulté
dans leur pratique à l’UCSA, les problèmes de coordination avec l’hôpital et proposent alors
pour améliorer l’accès aux soins des détenus de porter tous les efforts sur l’accès aux soins.
L’hôpital est « rentré dans la prison »138, par la loi du 18 janvier 1994 ; Onze ans après, il
serait temps qu’il l’investisse réellement.
Les réponses des professionnels de santé séparent clairement la question du DMP des
perspectives de télémédecine en temps différé ou en temps réel. A une écrasante majorité, ils
se prononcent pour la mise en place de ce dossier même si quelques divergences existent sur
les questions du contenu et des personnes avec qui le partager. De même, 90% des médecins
généralistes considèrent comme « indispensable ou nécessaire » la mise en réseau de l’UCSA
avec l’hôpital réaffirmant ainsi l’urgence de l’investissement hospitalier en milieu carcéral.
138 35. Sénat, N°449, Rapport sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. juin 2000.
107
2. LA LEGITIMITE D’UNE MEDECINE A DISTANCE
Cette notion de distance est essentielle à comprendre pour adapter les modes d’accès aux
soins et assurer ainsi l’équité des soins des personnes.
L’impact de la télémédecine sur la relation médecin-patient n’a pas été abordé dans ce travail
alors qu’elle est fondamentale. [86] Cette question ne se pose pas en milieu isolé où la
télémédecine permet à une population de bénéficier de soins auxquels elle n’avait pas accès
auparavant. Pour les prisons françaises, la question se pose parce qu’il existe d’autres moyens,
peut-être plus chers mais peut-être aussi plus sûrs. L’influence de télémédecine sur la relation
médecin patient est au coeur de la discussion de la télépsychiatrie. Ainsi, ces programmes de
télémédecine sont largement répandus et défendus outre-atlantique notamment dans le milieu
pénitentiaire où les psychiatres anglo-saxons l’intègrent dans leur approche
comportementaliste. [87, 88] En France où la psychiatrie repose davantage sur une approche
analytique, ce type de programme trouve encore peu d’écho.
La distance géographique est économiquement l’une des principales raisons pour envisager de
recourir à la télémédecine. L’exemple des prisons états-uniennes est révélateur. En effet, il est
difficilement envisageable qu’une société supporte les coûts financiers qu’imposerait le
maintien d’un accès aux soins équivalent à celui proposé dans les grands centres urbains pour
des milieux dont les contraintes liées à l’éloignement géographique sont majeures. La pratique
alors d’une médecine à distance dont la qualité est aujourd’hui tout à fait admise [85], est une
solution d’autant plus légitime que les autres moyens d’accès aux soins comme les transferts
ou le maintien de spécialistes sur place ne sont économiquement acceptables que dans un
contexte d’urgence.
Pour le milieu pénitentiaire français, cette légitimité perd de sa force dès lors qu’on analyse la
distance qui cautionnerait le recours à une « médecine à distance ».
Cette distance évaluée par les soignants à travers leur sentiment d’isolement, apparaît plus
symbolique que géographique. Mais l’évaluation de leurs difficultés dans leur pratique révèle
en premier lieu le manque de présence et d’investissement de l’hôpital à l’UCSA.
Ainsi, est-on en droit de se demander si le recours à la télémédecine ne risque pas de favoriser
le maintien à distance de l’UCSA alors qu’au contraire tous les soignants demandent à se
rapprocher de l’hôpital en espérant un plus franc investissement de celui-ci. De même, la
reconnaissance professionnelle en milieu carcéral doit passer par la sensibilisation du
personnel hospitalier aux spécificités de l’exercice en milieu carcéral et susciter une plus
étroite collaboration.
Aussi, on comprend à la fois la réserve des médecins travaillant à l’UCSA pour la
télémédecine comme mode d’accès aux soins, mais aussi l’importance que revêt
l’intervention des spécialistes au sein même de l’UCSA.
Celle-ci semble nécessaire y compris pour des perspectives futures d’utilisation des TIC car
elle permettra de tisser durablement le réseau qui sous-tend toute application de
télémédecine.
108
Enfin, il faut rappeler que le parc pénitentiaire français est très hétérogène, et notre réflexion
s’est basée sur des moyennes. Il existe un certain nombre d’établissements
pénitentiaires139situés dans des zones géographiques médicalement « désertées » et pour
lesquels les applications de télémédecine sont tout à fait adaptées au même titre que pour les
milieux isolés.
Par ailleurs, si nous avons davantage insisté sur les échecs de la télémédecine pour mieux
comprendre l’enjeu de ce mode d’accès aux soins, il convient d’en rappeler les succès dont
nous avons pu mesurer les bienfaits durant notre enquête, notamment dans la région
toulousaine qui bénéficie de l’efficace Réseau de Télémédecine Régional Midi-Pyrénées.140
139 notamment les centres de détention
140 Pr L. Lareng, entretien du 4/09/02 sur la télémédecine en milieu pénitentiaire avec Hervé Nabarette et Elie
Lobel, www.medcost.fr
109
CONCLUSION
Si l’imaginaire du milieu isolé s’oppose radicalement à celui du milieu pénitentiaire, le
problème de l’accès aux soins en milieu pénitentiaire rappelle celui du milieu isolé.
Les spécificités de la pratique médicale en milieu isolé éclairent alors un peu mieux celles du
milieu pénitentiaire souvent méconnues et à tort peu valorisantes.
En effet, l’exercice en milieu isolé ramène le médecin aux sources d’une médecine générale
aussi exigeante que passionnante. Basée essentiellement sur la clinique et marquée par une
forte implication sociale du soignant, elle va à contre-courant de l’évolution actuelle de cette
médecine moderne qui tend à réduire l’être humain à une série d’organes en dérivant vers une
hyperspécialisation technicienne, renforçant par là même la séparation entre le médical et le
social.
Mais le rapprochement avec le milieu isolé permet aussi une autre lecture du principe
d’« équivalence des soins » affirmé par la circulaire du 8 décembre 1994 et dont l’application
repose injustement sur le seul engagement du soignant.
En milieu isolé, le soignant s’adapte aux contraintes du milieu et cherche davantage à assurer
l’équité d’accès aux soins qu’une improbable « équivalence des soins par rapport à la
population générale ». D’une part, les inégalités au sein même de la « population générale »
(riche et pauvre, rurale et urbaine) empêchent tout référentiel fiable, et d’autre part, les
contraintes majeures du milieu justifieraient un déploiement de moyens considérables qui en
terme de politique de santé publique s’effectuerait aux dépens de la satisfaction d’autres
besoins.
Les médecins aujourd’hui n’ont pas les moyens d’assurer cette équivalence et doivent
pourtant en assumer la responsabilité.
Aussi ce principe d’équivalence tend-il à renforcer la pression procédurale à laquelle les
praticiens en milieu pénitentiaire sont soumis dans leur exercice141 et risque à terme d’affecter
la relation médecin patient déjà complexe et fragile en prison.
L’expérience croisée du milieu isolé et du milieu pénitentiaire met en évidence que le
sentiment d’isolement est plus souvent corrélé à un état d’exclusion par rapport à un groupe
de référence ou un mode de fonctionnement qu’à l’éloignement géographique.
Si le milieu isolé géographiquement est un modèle d’inclusion sociale, les contraintes de ce
milieu ne permettant aucun exclu, le modèle pénitentiaire, créé uniquement par l’homme pour
d’autres hommes souvent déjà exclus, offre un modèle d’exclusion remarquable dont nous
avons tous la charge et la responsabilité.
141 Le nombre de patients suivis par médecin et par an est beaucoup plus élevé à l’UCSA qu’en milieu libre. De
plus, chaque patient est potentiellement assisté d’un avocat.
110
Plutôt que l’équivalence des soins, qui n’est en rien un gage d’équité, ne devrions-nous pas
surdévelopper la prise en charge du volet social de la santé des détenus ? 1 travailleur social
pour 40 surveillants142, c’est certes plus que pour la « population générale » mais ne faudrait-il
pas, pour assurer l’équité des soins en milieu carcéral, compte tenu du degré extrême
d’exclusion et de précarité de la population détenue, un travailleur social pour un surveillant ?
Pour certains professionnels de santé, il faut repenser et réorienter la mission de soin en
milieu pénitentiaire.
Le paroxysme de l’exclusion est atteint par la détention en quartier d’isolement, dénoncée par
le Dr D.Faucher143. L’isolement « expérimental » de l’individu par rapport à son groupe social
a de graves conséquences pour sa santé et pose plus que jamais la question de « la finalité de
la peine » évoquée par Paul Ricoeur.144
Depuis 1945, « la peine privative de liberté a pour but essentiel l’amendement et le
reclassement du condamné »145. La prison aujourd’hui montre que la question du « comment
punir » dans le respect de la dignité de la personne est loin d’être résolue, et certainement
comme l’écrit Paul Ricoeur, le jugement médical peut éclairer le jugement judiciaire... 146
L’accès aux soins notamment spécialisés est une des difficultés partagées par les soignants en
milieu pénitentiaire et en milieu isolé.
La question de la distance entre le soignant et son centre hospitalier de référence est
fondamentale dans la choix du mode d’accès aux soins.
« Si proche, si loin » résume la distance qui nous sépare des prisons et qui a été évaluée dans
notre étude :
- si proche, parce que la majorité des établissements pénitentiaires français est
géographiquement proche des hôpitaux de rattachement.
- si loin, parce que les murs de la prison sont toujours aussi difficiles à franchir pour les
personnes et les mentalités comme en témoignent les sentiments d’exclusion et
d’abandon exprimés par les soignants.
Si les médecins en milieu isolé géographiquement n’ont pas d’autre choix que de développer
la télémédecine pour améliorer l’accès aux soins de leur population, les médecins en milieu
pénitentiaire, par la faible distance qui les sépare de leur hôpital de rattachement, ont plusieurs
modes d’accès aux soins spécialisés. L’analyse des résultats fait émerger des tendances mais
la solution optimale viendra probablement de la combinaison des 3 principales modalités
d’accès aux soins qu’il conviendra d’adapter à la situation de chaque établissement
pénitentiaire.
142 Les chiffres-clés de l’administration pénitentiaire, Juillet 2003, Direction de l’Administration Pénitentiaire,
Ministère de la Justice
143 Ethique médicale en milieu carcéral : suivi des personnes détenues en quartier d’isolement, D.Faucher, 1999,
Paris 7
144 Chapitre « Justice et médecine, la problématique de la personne y est également posée », Paul Ricoeur,
Visions éthiques de la personne, 2001, L’Harmattan, Ed Hervé
145 Premier principe de la réforme Amor, 1945
146 Ibidem, Paul Ricoeur, Visions éthiques de la personne, 2001
111
L’évaluation des difficultés pratiques des soignants en milieu pénitentiaire montre que la
priorité est à l’investissement humain et matériel de l’hôpital dans son unité fonctionnelle de
consultation pénitentiaire, ce qui supposerait une considération nouvelle pour cette activité.
A l’heure de la transversalité, l’hôpital devrait trouver en l’UCSA un terrain privilégié pour
développer une vraie et cohérente politique de soins ambulatoires.
Cette politique est aujourd’hui urgente pour la prise en charge de patients atteints de troubles
psychiatriques.
Parmi les modalités d’accès aux soins spécialisés :
- la venue des spécialistes sur place est une solution de choix qui permet de résoudre la
plupart des problèmes posés par les autres modes d’accès aux soins tout en préparant
le lit de l’utilisation de la télémédecine. Certaines consultations apparaissent
indispensables comme la gynécologie dans les prisons pour femmes ou d’autres
spécialités très sollicitées. Mais l’organisation des consultations spécialisées sur place
suppose en amont une évaluation rigoureuse des besoins en matière d’avis spécialisés
que l’importance des mouvements de détenus notamment en maisons d’arrêt rend
difficile. Dès lors, une mission d’évaluation de ces besoins à l’échelle nationale
semble incontournable.
- les extractions médicales par les problèmes organisationnel, éthique et financier
doivent être les plus limitées possibles, même si des aménagements et des solutions
sont envisageables à tous les niveaux de difficultés.
- s’il ressort que le DMP est un préalable incontournable et prioritaire à toute
application de télémédecine, les professionnels sont favorables au développement des
TIC même s’ils n’en font pas une priorité pour l’accès aux soins. En utilisant ces
technologies, ils attendent plus de l’investissement de l’hôpital dans la mise en oeuvre
d’un réseau de télémédecine avec l’UCSA que du réel potentiel de ce mode d’accès
aux avis médicaux dont beaucoup mettent en doute les bénéfices.
Aussi, avec une juste prudence, les soignants rappellent-ils que l’utilisation des TIC ne doit
pas « isoler » la prison, en renforçant une distance qui, bien que géographiquement faible, est
humainement considérable.
Pas plus que l’île n’est une prison, la prison n’est une île147, et nous devons veiller à tout faire
pour qu’elle n’en devienne pas une et investir, comme le font déjà diverses associations148, le
terrain carcéral.
Je finirai sur les paroles d’un confrère hépatologue qui après 2 ans d’exercice en milieu
pénitentiaire concluait notre entretien en notant qu ‘« en prison, c’est pareil que dehors, les
patients sont les mêmes ». Ce simple et honnête constat est certainement un des points
essentiels à intégrer pour faire évoluer durablement l’accès aux soins des détenus.
147 En dehors de Cayenne, Alcatraz et autres « îles-prisons », http://jacbayle.club.fr/livres/ile_prison/liste13.html
148 parmi lesquels, GENEPI (groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées), l’ANVP
(association nationale des visiteurs de prison), le Secours catholique...
112
ANNEXE 1
LA PRISON : quelques repères chronologiques
Document établi à partir des sources suivantes :
- Chronologie de la politique pénitentiaire disponible sur le site www.vie-publique.fr
- Rapport du Sénat, N°449, juin 2000 (« repères chronologiques : des galères du roi à
l’expérimentation du bracelet électronique)
- Rapport d’évaluation sur « l’organisation des soins au détenu », IGAS-IGSJ, juin
2001
- Surveiller et punir, Michel Foucault, Gallimard
- Soigner en prison, Bruno Milly, Puf
- Traité de droit criminel, Merle, Vitu, 4ème édition, Ed Cujas
- « La déontologie médicale à l’épreuve des contraintes pénitentiaires », N.Franchitto,
DEA d’éthique médicale, 2004
113
A. EVOLUTION DES PEINES
I. DE L’ANCIEN REGIME À LA RÉVOLUTION FRANCAISE
Des galères du roi aux supplices : logique afflictive du châtiment
2 mars 1757 : supplice de Robert-François Damiens [89]
 ? 1670
La Grande Ordonnance criminelle de Louis XIV, rédigée par Colbert, accorde une place
secondaire à la prison dans l’arsenal des châtiments.
• 1690
Le moine Mabillon dénonce dans « Réflexions sur les prisons des Ordres religieux » les
conditions d’enfermement et propose d’adapter la peine » aux forces du corps et de
l’esprit ».
• 1748
Les grands bagnes portuaires de Brest, Rochefort et Toulon sont créés pour l’exécution
des travaux forcés (assèchement des marais) en remplacement de la peine des galères.
• 1777
John Howard prône dans « l’Etat des prisons » un traitement plus humain des prisonniers.
• 1788
Abolition de la torture.
• 1789
Suppression du pilori.
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen proclame que « nul homme ne peut
être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes
qu’elle a prescrites. »
114
II. DE LA FIN DES SUPPLICES A LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE
Naissance de la conception moderne de la prison : la privation de liberté est reconnue
comme peine à part entière
• Fin XVIII et début XIX :
Fin des supplices, acquise en 1830-48 [89].
• 1791
Adoption du premier code pénal qui place l’enfermement au centre du dispositif
judiciaire, généralise la peine privative de liberté mais conserve la peine de mort et les
travaux forcés. La prison est un lieu de punition et d’amendement du condamné par le
travail et l’éducation. Après 1791, 2 types de prisons existent :
- les départementales : maisons d’arrêt pour les prévenus et les courtes peines
- les maisons centrales : pour les longues peines
• 1795
L’administration des prisons est créée au sein du Ministère de l’Intérieur.
• 1810
Le deuxième code pénal privilégie le principe de prison châtiment et renforce les
châtiments corporels (boulets au pied et flétrissure au fer rouge) et le travail obligatoire.
• 1837
La voiture cellulaire remplace la chaîne des forçats et sa parade.
• 1842
Le prétoire est créé et le cachot devient la principale sanction disciplinaire.
• 1854
Promulgation de la loi sur la transportation Guyane et en Nouvelle-Calédonie pour
l’exécution de la peine des travaux forcés. Fermeture des derniers bagnes portuaires.
• 1875
La loi Bérenger généralise l’emprisonnement cellulaire pour les détenus qui sont astreints
au silence et au port d’une cagoule lors des déplacements en dehors de la cellule. Elle
prévoit une remise d’un quart de peine en contrepartie d’un isolement total.
• 1885
Le sénateur Bérenger fait voter la liberté conditionnelle et le sursis.
• 1911
L’administration pénitentiaire est rattachée au Ministère de la Justice.
• 1912
Instauration de la liberté surveillée. Création des tribunaux pour enfants.
• 1938
Suppression des derniers bagnes coloniaux en Guyane.
115
• 1945
Abolition des travaux forcés.
III. DE LA RÉFORE AMOR AU BRACELET ÉLECTRONIQUE
La prison doit permettre la réinsertion sociale des condamnés.
• Mai 1945
La réforme Amor énonce 14 principes dont le premier se résume la philosophie : « la peine
privative de liberté a pour but essentiel l’amendement et le reclassement social du
condamné ». Le traitement infligé au détenu doit être humain, exempt de vexations et
tendre principalement à son instruction générale et professionnelle
• 1958
Le juge d’application des peines est institué. Création du sursis avec mise à l’épreuve.
• 1972
Institution des réductions de peine. L’obligation du port du béret est abolie.
• 1975
Réforme pénitentiaire aboutissant à une nouvelle classification des établissements
pénitentiaires : maison d’arrêt, maison centrale, et centre de détention orienté vers la
réinsertion sociale. Création des Quartiers de Haute Sécurité (QHS) et développement des
peines de substitution.
• 1977
Les 2 derniers condamnés à mort sont guillotinés à la prison de la santé à Paris.
• 9 octobre 1981
La peine de mort est abrogée (Loi 81- 908). La peine privative de liberté devient la
peine maximale de référence (Déclaration de Robert Badinter le17 septembre 1981).
• 1983
La peine de travail d’intérêt général est créee et R Badinter humanise la vie quotidienne
des détenus et renforce leurs droits. Les hygiaphones sont retirés des parloirs : détenus et
visiteurs peuvent se toucher.
• 1987
L’obligation de travail du condamné est supprimée.
• 1992
Le troisième code pénal est adopté.
Conventions expérimentales entre 3 établissements pénitentiaires et leur hôpital de
proximité.
• 1997
La loi du 19 décembre 1997 prévoit le placement sous surveillance électronique de
détenus purgeant une peine de moins d’un an ou reliquat de peine inférieur à un an.
116
• 1999
Création des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP) visant à la
réinsertion des détenus.
• Février 2004
Inauguration de la première Unité Hospitalière Sécurisée Interrégionale (UHSI) à Nancy.
• Avril 2005
Rapport sur « le placement sous surveillance électronique mobile » préconisant le recours
au bracelet électronique mobile comme alternative à l’incarcération.
117
B. EVOLUTION DES SOINS AUX DETENUS
I. DE L’ANCIEN RÉGIME À LA RÉVOLUTION FRANCAISE
Des galères du roi aux supplices : logique afflictive du châtiment
2 mars 1757 : supplice de Robert-François Damiens [89]
 ? XVIème
François 1er créé les « petites maisons » pour y enfermer les « marauds, vagabonds,
incorrigibles, belistres, ruffians, caymans et caymandeuses ».
 ? 1656
Louis XIV crée l’hôpital général de Paris avec des quartiers de force pour les condamnés
qu’ils soient femmes, âgés ou vagabonds.
• 1662
Edit de Louis XIV qui créé dans chaque cité importante du royaume de France, un Hôtel-
Dieu et un hospice pour les pauvres, les vieillards, les vagabonds et les orphelins.
 ? 1670
La Grande Ordonnance criminelle de 1670 rédigée par Colbert permet la création des
premières infirmeries et instaure des visites régulières de médecins en prison.
 ? 1777
John Howard prône dans « l’Etat des prisons » un traitement plus humain des prisonniers.
 ? 1788
Abolition de la torture.
 ? 1789
la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen proclame que « nul homme ne peut
être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes
qu’elle a prescrites. »
II. DE LA FIN DES SUPPLICES À LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE
Naissance de la conception moderne de la prison : la privation de liberté est reconnue
comme peine à part entière
• Fin XVIII et début XIX :
Fin des supplices, acquise en 1830-48 [89]
• 1791
Adoption du premier code pénal qui place l’enfermement au centre du dispositif
judiciaire, généralise la peine privative de liberté mais conserve la peine de mort et les
travaux forcés.
La prison est un lieu de punition et d’amendement du condamné par le travail et
l’éducation.
118
• 1810
Le deuxième code pénal privilégie le principe de prison châtiment et renforce les
châtiments corporels (boulet au pied et flétrissure au fer rouge) et le travail obligatoire.
• 1819
Louis XVIII créé la Société Royale des Prisons avec les premiers postes de médecins de
prison. Les médecins dénoncent alors les conditions misérables de détention.
• 1860
Le service de santé des prisons est créé définissant pour la première fois la mission des
médecins et chirurgiens intervenant en prison.
• 1877
La création de la société générale des prisons s’accompagne du début de spécialisation des
médecins notamment en psychiatrie.
III. DE LA RÉFORME AMOR À LA LOI DU 18 JANVIER 1994
• Mai 1945
La réforme Amor énonce 14 principes dont le premier se résume la philosophie : « la peine
privative de liberté a pour but essentiel l’amendement et le reclassement social du
condamné ». Le traitement infligé au détenu doit être humain, exempt de vexations et
tendre principalement à son instruction générale et professionnelle.
• 1945 :
Le corps des infirmiers de prison et celui des assistantes sociales sont créés.
• Années 50
Création d’hôpitaux pénitentiaires (Fresnes, les Baumettes) et plusieurs centres spécialisés
dans le dépistage et le traitement de certaines pathologies (troubles psychiatriques,
tuberculoses).
• 1958
Le juge d’application des peines est institué. Création du sursis avec mise à l’épreuve.
• 1967
Les premiers CMPR (centres médico-psychologiques régionaux) sont crées mais les
psychiatres devront attendre 10 ans (décret 1977) pour être libérés de la « subordination
hiérarchique » au directeur d’établissement.
• 1979
Le docteur S Troisier énoncera pour la première fois à Athènes en 1979 un serment
professionnnel propre aux médecins exerçant en milieu pénitentiaire :
« Nous, membres des professions de santé exerçant en prison, réunis à Athènes le 11 septembre 1979,
prenons l’engagement, dans l’esprit du serment d’Hippocrate, de prodiguer les meilleurs soins possibles à
ceux qui sont incarcérés à quelque titre que ce soit, sans porter atteinte aux principes de nos éthiques
professionnelles respectives. »
119
Publication dans le code de déontologie de 1979 d’un article spécifique à la médecine en
milieu pénitentiaire qui constitue la première reconnaissance d’une spécificité de la
médecine en milieu pénitentiaire.
• 1983
La peine de travail d’intérêt général est créee et R Badinter humanise la vie quotidienne
des détenus et renforce leurs droits. Les hygiaphones sont retirés des parloirs : détenus et
visiteurs peuvent se toucher.
 ? 1984
Le contrôle sanitaire des établissements pénitentiaires est confié à l’Inspection Générale
des Affaires Sociales (IGAS).
 ? 1986
Création des Services Médico-Psychologiques Régionaux (SMPR) avec rattachement aux
établissements hospitaliers.
 ? 1987
Création du Programme 13 000 qui confie la fonction santé à des opérateurs privés dans
les établissements faisant partie du programme.
 ? 1989
Conventions signées entre établissements pénitentiaires et services hospitaliers spécialisés
pour la prise en charge des patients atteints du VIH (CISIH).
• 1992
Conventions expérimentales entre 3 établissements pénitentiaires et leur hôpital de
proximité.
 ? 1993
Rapport alarmant du Haut Comité en Santé Publique sur la santé en milieu carcéral.
 ? 18 Janvier 1994
Loi 94-43 qui confie l’organisation des soins en milieu pénitentiaire aux hôpitaux publics.
 ? 2000
Publication du livre « Médecin-chef à la prison de la Santé » de V. Vasseur entraînant la
création de 2 commissions d’enquête, celle du Sénat centrée sur les maisons d’arrêt et
celle de l’Assemblée Nationale dont les rapports sont remis en juin 2000.
• 2001
Rapport d’évaluation de l’IGAS /IGSJ intitulé « l’organisation des soins aux détenus ».
Etude de faisabilité sur « Télémédecine et établissement pénitentiaire » par la Direction de
l’Hospitalisation et l’Organisation des Soins (DHOS) et les ministères de la Justice et de
l’emploi et de la solidarité.
• Février 2004
Inauguration de la première Unité Hospitalière Sécurisée Interrégionale (UHSI) à Nancy.
120
ANNEXE 2
LA TELEMEDECINE : LA RÉUNION DE 3
DISCIPLINES
A partir du travail de S.Froissart [41] et du cours de G. Moutel[90]
I. LA MEDECINE
• Vème siècle avant JC
HIPPOCRATE marque le début de la médecine moderne, rationnelle et de la nosologie. Il est
à l’origine des fondements de la médecine occidentale. 149 Il introduit les préceptes de la
clinique, définie comme : « l’art d’observer au lit du malade, d’interpréter et de conclure »150
• IIème siècle après JC
GALIEN a la volonté de libérer la pensée scientifique du dogme religieux et revendique le
droit à l’expérimentation. Les premières planches anatomiques sont réalisées.
• Vème siècle après JC
L’Eglise se déclare officiellement dépositaire du savoir scientifique et médical.
• XIème au XIIIème siècle
Renaissance de la médecine en Italie avec l’école de Salerne tenue par des clercs
En Orient, les travaux d’Avicene font progresser la médecine.
• XVIIème siècle et XVIIIème siècle
Emergence des premiers cabinets médicaux et des hôpitaux qui sont plus des lieux de charité.
• XIXème siècle
- CLAUDE BERNARD (1813-1878) révolutionne la médecine par ses travaux de
physiologie expérimentale : le patient ne devient plus porteur d’une maladie mais a
seulement un organe déficient.
- PASTEUR découvre la fermentation et les techniques de vaccination (1880). Passage
de l’organe à l’univers cellulaire.
- Le début de l’INDUSTRIE MEDICALE amène la production de médicaments,
vaccins, développements des hôpitaux : la santé devient un marché. Beaucoup
d’historiens place le début de la médecine au moment de l’industrialisation.151
149 Cours du Dr G Moutel, 27 mars 2003, « La naissance de la profession médicale dans l’histoire occidentale »
www.inserm.fr/ethique
150 41. Froissart, S., La rencontre entre la médecine et les nouvelles technologies de l’information et des
communications : implications pour le management, in Thèse HEC Montréal. 1999., p 20
151 41. Ibid., p 22
121
II. LES TECHNOLOGIES MEDICALES
AVANT 1940
• 1610
Galilée invente la lunette astronomique puis le microscope est mis au point en 1660.
Avant l’examen clinique reposait sur la description du mal par le patient, l’observation
visuelle, et l’examen physique grâce au toucher
• 1819
Laennec invente le stéthoscope
• 1895
Röntgen découvre les rayons X
• Fin XIXème siècle
Méthodes de calculs permettent des mesures objectives des constantes corporelles
(respiration, température, circulation sanguine)
• Mi XX ème siècle
Passage de la cellule au gène avec le développement de la génétique
APRES 1940
• Après 1945
Naissance de la radioscopie et des appareils à ultrasons
• 1970 à fin des années 80
Scanner, échographie, endoscopie, résonance magnétique, coeliochirurgie
Création de nouvelles professions pour la manipulation et l’interprétation de ces
technologies comme les radiologistes
122
III. LES TECHNOLOGIES DE LA TELECOMMUNICATION
• Renaissance
Invention de l’imprimerie : les livres deviennent support de la connaissance et facilitent la
diffusion du savoir.
• 1843
Invention du morse : Samuel Morse envoie son premier message entre Baltimore et
Washington
• 1876
Invention du téléphone par Graham Bell
• XX ème siècle
Invention des fibres optiques, satellite, modem
Le secteur des Télécommunications devient celui des TIC avec le développement de
l’informatique et du multimédia
123
ANNEXE 3
QUESTIONNAIRE TELEPHONE INFIRMIER
Question 1
- A quelle distance (approximativement), en km et en temps, êtes-vous situés de
l’hôpital de rattachement ?
Question 2
- Combien avez-vous de vacations, par semaine (1/2 journée) de médecine générale ?
- En psychiatrie ?
- Pour les soins dentaires ?
Question 3
- Avez-vous des médecins spécialistes qui consultent sur place ?
- Si oui, lesquels et à quelle fréquence ?
Question 4
- Je sais que cela est extrêmement variable, mais pourriez- vous me donner une idée du
nombre d’extractions par semaine ? par jour, 5, 10 par semaine, ou par an ?
Question 5
- Pourriez-vous me dire combien de détenus vous avez dans le centre ? Pour combien de
places théoriques ?
Question 6
- Pensez-vous qu’il existe des difficultés / problèmes d’accès aux soins spécialisés pour
les détenus, ou que l’accès aux soins spécialisés est globalement équivalent à celui de
la population générale ? exemple d’accès soins spécialisés : consultation dermatologie,
rhumatologie...
Question 7
- Est-ce que comme vos collègues, vous assurez la permanence / continuité des soins
toute la semaine ? et le week-end ?
Question 8
- Une question plus personnelle maintenant ; je ne sais pas si vous avez déjà exercé à
l’hôpital, mais j’aimerais savoir si dans votre pratique à l’UCSA vous vous sentez
isolé, et si vous pouvez dans ce cas-là me donner un chiffre compris entre 1 et 10,
sachant que 1 correspond à pas isolé du tout (comme à l’hôpital) et 10 très isolé.
- S’il y a demande d’explication sur le mot isolé : isolé par rapport à l’hôpital, absence
de médecin sur place (infirmière en première ligne)
Question 9
- Lorsque vous n’avez pas de médecin sur place, par quel moyen obtenez-vous un avis
médical ?
124
Question 10
- A quel service êtes-vous rattaché ?
Question 11
- Quelle est pour vous, la principale difficulté dans votre pratique à l’UCSA, celle la
plus notable s’il en existe une ?
- Eléments suggérés si il n’y a pas de réponse : rapport avec la pénitentiaire, les
conditions carcérales, les détenus, absence de reconnaissance ou de considération de
votre travail, isolement par rapport à l’hôpital ou l’accès aux avis médicaux
QUESTIONS COMPLÉMENTAIRES
Question 12
- Un des volets de l’étude concerne la télémédecine et notamment la visio conférence.
Cela permettrait d’avoir en direct, de visu, le médecin sollicité qui aurait alors la
possibilité de vous voir avec le patient.
- Pensez-vous que cela serait intéressant de mettre en place la visio dans L’UCSA ?
Question 13
- Avez-vous accès à internet ?
- Êtes-vous reliés à l’intranet de l’hôpital ?
Question 14
- Recevez-vous souvent des prescriptions téléphoniques ?
- Avez-vous des protocoles thérapeutiques établis par les médecins ?
125
ANNEXE 4
QUESTIONNAIRE MEDECIN UCSA
DESCRIPTION
PRISON
1.Quel est dans votre établissement ?
 ? le nombre d’entrants / an
 ? le nombre de détenus ce jour
 ? le nombre de places
2. A quelle distance (approximativement), en km et en temps, êtes-vous situé de l’hôpital de rattachement ?
 ? en Km
 ? en temps
3.Combien de fois en moyenne vous rendez-vous à l’hôpital de rattachement ?
 ? par semaine ?
4.A quel service êtes-vous rattaché ?
5.Quel est le nombre de consultation à l’UCSA par an ?
 ? médecine générale
 ? médecine spécialisée
6.Combien avez-vous de vacations en médecine générale (1/2 journée par semaine ou ETP)
 ? médecine générale
 ? en psychiatrie
 ? pour les soins dentaires
7. Avez-vous des spécialistes qui consultent sur place (1/2 journée par semaine) ?
 ? dermato pneumo gyneco
 ? oph cardio uro
 ? HGE chir endoc
 ? Minf ORL Add
 ? Mint Rhumato reeduc
8.Les nombres de vacation de généraliste et de spécialiste consultant sur place sont-ils ?
 ? Très insuffisant
 ? Insuffisant
 ? Suffisant
 ? Largement suffisant
9.Quel est l’intervenant médical appelé la nuit et les jours fériés en première intention ?
 ? Garde sur place
 ? Astreinte sur place
 ? Garde libérale / SOS médecin
 ? régulation 15 / Pompier
 ? Transfert service urgence de l’hôpital de rattachement
10.Tous les postes prévus à l’UCSA sont-ils pourvus ?
 ? Oui
 ? si non, lesquels ne le sont pas ?
11.Les effectifs répondent-ils à vos besoins ?
 ? Psychiatre oui / non
 ? Dentiste oui / non
 ? IDE oui / non
 ? Pharmacien oui / non
 ? Préparatrice oui / non
 ? Kiné oui / non
 ? Manip oui / non
 ? Psychologue oui / non
 ? Secrétaire oui / non
12.L’UCSA est-elle équipée d’ordinateurs ?
 ? Non
 ? Si oui combien ?
13.Existe-t-il un réseau intranet ou internet ?
 ? non
 ? si oui, avec qui êtes-vous en réseau ?
126
o au sein de l’UCSA
o avec l’hôpital de proximité
14.Comment jugez vous l’accès aux soins des détenus ?
 ? très satisfaisant
 ? satisfaisant
 ? insuffisant
 ? très insuffisant
DIFFICULTES et ISOLEMENT de la médecine en milieu pénitentiaire
15.En général, quelles sont les principales difficultés rencontrées dans votre pratique médicale ? Citez par ordre d’importance les 3
principales ?
 ? 1
 ? 2
 ? 3
16.Parmi les items suivants, quels sont ceux qui sont susceptibles de décrire vos difficultés à l’UCSA (de 1 à 4) ?
 ? 1= pas du tout
 ? 4= beaucoup
 ? être à l’écart de l’hôpital, à part
 ? travail non reconnu, dévalorisé par rapport à l’hôpital
 ? Manque de soutien de l’hôpital
 ? difficulté à obtenir escorte ou extraction
 ? gestion des urgences notamment psychiatriques
 ? sentiment d’enfermement lié au milieu carcéral
 ? relation conflictuelle avec l’ administration pénitentiaire
 ? le manque d’effectifs médical / paramédical
 ? la gestion de la pharmacie
 ? les difficultés pour assurer la permanence des soins
 ? l’agressivité des détenus
 ? les difficultés d‘accès aux détenus
17.Est-ce que dans votre pratique à l’UCSA, vous vous sentez ISOLE, et pourriez-vous alors me donner un chiffre entre 1 et 10, en sachant
que 1 correspond à « pas isolé du tout » (comme à l’hôpital) et 10 « très isolé ».
 ? 1---- 10
 ? En quoi vous sentez-vous isolé ?
18.Pensez-vous que l’activité de l’UCSA reçoive le soutien de l’hôpital ?
 ? Pas du tout
 ? Un peu
 ? Suffisamment
 ? Largement
19.Avez-vous à l’UCSA, un sentiment d’exclusion par rapport à l’hôpital ? (l’UCSA, une unité fonctionnelle de l’hôpital à part entière ?)
 ? Pas du tout
 ? Un peu
 ? Souvent
 ? Toujours
20.Pensez-vous que les contraintes du milieu pénitentiaire ont une influence sur la pratique médicale ?
 ? Non
 ? si oui sous quel forme se traduit elle ?
21.Considerez-vous les détenus comme des patients comme les autres ?
 ? Oui
 ? si non, quelle(s) différence(s) faites-vous ?
22.Vous sentez-vous indépendant par rapport à l’administration pénitentiaire dans votre pratique professionnelle ?
 ? Pas du tout
 ? Un peu
 ? Assez
 ? Tout à fait
127
AVIS SPECIALISES (du conseil téléphonique à la consultation en prison)
23.Pensez-vous qu’il existe des difficultés d’accès aux soins spécialisés pour les détenus, ou que globalement, leur accès aux soins
spécialisés est équivalent à celui de la population générale ?
 ? oui
 ? non
 ? non au contraire, meilleur accès
24.Dans votre activité médicale, vous sentez-vous démuni dans les possibilités d’accès aux soins spécialisés ?
 ? jamais
 ? parfois
 ? souvent
 ? toujours
25.Quelles sont les 3 principales spécialités pour lesquelles les avis spécialisés sont le plus souvent nécessaires ?
 ? 1
 ? 2
 ? 3
26.Avez-vous des difficultés à obtenir des avis spécialisés ?
 ? jamais
 ? parfois
 ? souvent
 ? toujours
27.Le délai moyen de consultation d’un spécialiste est-il en moyenne ?
 ? comme à l’hôpital
 ? moins long
 ? plus long
28.Parmi les facteurs suivants, lesquels par ordre d’importance expliquent les délais de consultation de spécialistes ?
 ? Délai de prise de rendez-vous à l’hôpital
 ? Accompagnement pénitentiaire / police
 ? Détenus
29.Avez-vous recours aux avis téléphoniques ?
 ? jamais
 ? parfois dans quelles spécialités ?
 ? souvent
 ? très fréquemment
30.Pensez-vous que de connaître personnellement et / ou professionnellement les spécialistes que vous consultez, cela permette une meilleure
gestion des avis spécialisés ?
 ? non
 ? si oui, pourquoi ?
31.A moyen d’investigation égal, pensez-vous préférable pour le patient qu’il soit examiné par le spécialiste à l’hôpital ou à l’UCSA ?
 ? UCSA pourquoi ?
 ? Hôpital
32.Avez-vous les possibilités d’extraction médicale suffisantes pour assurer un accès aux soins équivalent à celui de la population générale ?
(ou êtes-vous amené à effectuer un tri ?)
 ? Oui
 ? Si non, pourquoi ?
33.A votre avis quelles sont les raisons principales qui expliquent le manque de spécialistes intervenant en prison ?
 ? le volume de consultations trop peu important
 ? la prison / les détenus font peur, milieu carcéral
 ? financières
 ? accueil en prison (rôle des surveillants contraintes de passage...)
 ? Surcharge de travail, manque effectif
 ? autres...
34.Quelles seraient alors les mesures qui permettraient de faire venir davantage les spécialistes à l’UCSA ?
 ? accès aux malades facilité
 ? financières (prime multisite / pénibilité...)
 ? collaboration plus étroite avec l’hôpital
 ? revalorisation de statut...
128
Dossier Médical Partagé et Télémédecine
Les Nouvelles Technologies de l’Information et de Communication (NTIC) offrent des outils utiles pour améliorer la prise en charge et
l’accès aux soins des patients.
On peut distinguer schématiquement 3 types d’application des NTIC en milieu pénitentiaire :
- le Dossier Médical Partagé correspond à la constitution d’un dossier informatique regroupant les comptes-rendus médicaux, les
examens complémentaires et permettant de « partager » le dossier avec d’autres intervenants (UCSA, hôpital) qui bénéficieront alors
d’un accès privilégié.
- la Télémédecine peut être définie par toute utilisation des NTIC dans le domaine de la santé. On peut distinguer 2 types de
télémédecine :
o la télémédecine en temps réel avec l’utilisation de la visioconférence
o la télémédecine en temps différé par envoi d’email avec des pièces attachées. (réseau intranet ou liaison internet sécurisée)
35.Avez-vous déjà pensé utiliser ces technologies pour demander des avis spécialisés ?
 ? Jamais
 ? Parfois Laquelle ?
 ? Souvent
 ? Très souvent
DMP
36.Pensez-vous qu’il réponde à un réel besoin ?
 ? non
 ? si oui, quel est il ?
37.Avec qui pensez vous qu’il soit nécessaire de le partager ?
 ? autres UCSA (transfert, deuxième avis)
 ? hôpital de rattachement (avis spécialisé)
 ? médecin traitant
 ? services sociaux
38.Quels éléments doivent y figurer à votre avis ?
 ? observation médicale
 ? examens complémentaires (biologiques, radio, echo...)
 ? lettre et avis spécialisés, CRO, CRH
 ? Avis psychiatre/ SMPR
 ? Dossier médico-social
Télémédecine en temps différé (email dans réseau sécurisé)
39.Avez-vous accès facilement à internet / messagerie au sein de l’UCSA ?
 ? Oui
 ? non
40.Jugez-vous utile d’avoir accès aux recueils de bonnes pratiques cliniques par internet ?
 ? oui
 ? si non, pourquoi ?
41.Vous arrive-t-il de demander des avis par messagerie ?
 ? non
 ? si oui, à quelle fréquence ? dans quelle spécialité ?
42.Pensez-vous que cela puisse être un bon moyen d’obtenir l’avis d’un confrère ?
 ? très mauvais
 ? mauvais
 ? bon
 ? très bon
43.Auriez-vous des réticences à demander un avis spécialisé à un confrère que vous ne connaissez pas ?
 ? non
 ? si oui, pourquoi ?
44.Quel délai de réponse vous semble acceptable (hors situation aiguë) ?
 ? <24h
 ? 24-48h
 ? >48h < 1semaine
 ? > 1semaine
45.Pensez-vous souhaitable d’avoir dans chaque spécialité un référent unique ?
 ? non
 ? si oui, pensez-vous cela réalisable ?
129
46.Par rapport au téléphone, l’email est-il selon vous ?
 ? Plus sûr, moins sûr ou équivalent
 ? Plus rapide, moins rapide ou équivalent
 ? Plus contraignant, moins contraignant ou équivalent
47. Par rapport au téléphone, l’email ou la visioconférence engagent-ils ?
 ? Plus la responsabilité du spécialiste
 ? Moins la responsabilité du spécialiste
 ? équivalent
Télémédecine en temps réel (visioconférence)
48.Pensez-vous que la visioconférence avec l’hôpital (service des urgences ou spécialité) puissent être utiles
 ? au médecin de l’UCSA ?
 ? Oui
 ? Non
 ? A l’infirmière, en dehors de la présence du médecin ?
 ? Oui
 ? Non
49.Seriez-vous prêt à consulter un spécialiste en présence du patient par visioconférence ?
 ? Oui
 ? Si non, pourquoi ?
50.Pensez-vous que dans certaines spécialités, la visoconférence puisse diminuer significativement le nombre de consultations face à face ?
 ? Non
 ? Si oui, ? dans quel(les) spécialité(s) ?
 ? de quel ordre (%)
o 0 - 25%
o 25 - 50%
o 50 - 75%
o 75 - 100%
51.Trouvez-vous préférable pour les avis spécialisés ? (par ordre d’importance)
 ? d’envoyer les patients à l’hôpital
 ? de développer la visionconférence (et ainsi diminuer ainsi le nombre d’extractions)
 ? d’augmenter les consultations de spécialiste à l’UCSA
52.Comment pensez-vous que le patient acceptera ce mode de consultation ?
 ? bien
 ? sans plus
 ? mal
 ? refus
53.La visioconférence permettrait d’assister à des présentations scientifiques et différents staffs (traumato, médecine interne...)
Pensez-vous que cela vous serait profitable ?
 ? oui
 ? si non, pourquoi ?
54.Pensez-vous que cela représente un bon moyen de formation continue ?
 ? oui
 ? si non, pourquoi ?
synthèse
55.Pensez-vous que le recours aux Technologies de l’Information et communication (dossier informatisé et télémédecine) peut être utile pour
la prise en charge des détenus ?
 ? pas du tout
 ? un peu
 ? assez
 ? beaucoup
56.Pensez-vous que l’utilisation du dossier informatisé améliorera la qualité de prise en charge des détenus ?
 ? oui
 ? si non, pourquoi ?
57.Pensez-vous que la télémédecine (visio+email) permettra de diminuer le nombre d’extractions médicales ?
 ? Oui
 ? Non
58.Pensez-vous que la télémédecine (visio+email) permettra d’améliorer l’accès aux soins notamment spécialisés en milieu pénitentiaire ?
130
 ? oui
 ? si non, pourquoi ?
59. Pensez-vous que la télémédecine permettra de diminuer l’isolement de la pratique médicale en milieu pénitentiaire ?
 ? pas du tout
 ? un peu
 ? assez
 ? beaucoup
60.Quels sont pour vous aujourd’hui les freins au développement des Technologies IC en milieu pénitentiaire ?
 ? financier
 ? correspondant
 ? manque désir patient
 ? contrainte sécuritaire
61. Pensez-vous que le développement des Technologies IC fasse partie des priorités pour améliorer l’accès aux soins des detenus ?
 ? oui
 ? si non, quelle(s)serai(en)t ces priorités ?
62.Etes-vous favorable à la création d’un réseau de spécialistes inter-UCSA ?
 ? oui
 ? non
63.Concernant la mise en reseau de l’UCSA avec l’hôpital de rattachement, pensez-vous qu’elle soit ?
 ? Accessoire
 ? Utile
 ? Nécessaire
 ? indispensable
PROFIL
MEDECIN
64.Quel âge avez-vous ?
65.Quelle est votre formation ?
 ? médecine générale
 ? spécialité : laquelle ?
66.Avez-vous suivi une formation spécifique pour exercer en milieu pénitientiaire ?
 ? non
 ? si oui, laquelle ?
67.Suivez-vous une formation continue ?
 ? non
 ? si oui, laquelle ? (staff...)
68.Avez-vous déjà eu une activité en milieu hospitalier ?
 ? non
 ? si oui, combien de temps
 ? dans quel service ?
69.Depuis quand exercez-vous en milieu pénitentiaire ? nb années ?
 ? < 2 ans
 ? entre 2 et 5 ans
 ? entre 5 et 10 ans
 ? >10 ans
70.Quel est votre statut ?
 ? PH temps plein
 ? PH temps partiel
 ? Vacataire
 ? Attaché`
71.Combien de consultations en moyenne effectuez-vous par semaine ?
 ? par demi-journée ?
72.Possédez-vous un ordinateur à titre personnel ?
 ? non
 ? si oui, depuis combien d’année ?
73.Avez-vous une adresse email à titre personnel ?
 ? non
 ? si oui, à quelle fréquence l’utilisez-vous ?
o plusieurs fois par jour
131
o 1/jour
o quelques fois par semaine
o quelques fois par mois
CONCLUSION
74.Enfin, souhaiteriez-vous exprimer un autre idée que nous n’aurions pas abordée ?
 ? non
 ? si oui, laquelle ?
75. Pourriez-vous m’indiquer le nom de 1 ou 2 spécialistes qui consultent régulièrement en prison ?(pour questionnaire / comment les joindre
N°/email)
Sexe
 ? homme
 ? femme
132
ANNEXE 5
QUESTIONNAIRE SPECIALISTE HÔPITAL
DESCRIPTION
1. A quelle distance (approximativement), en km et en temps, êtes-vous situé de l’hôpital de rattachement ?
 ? en Km
 ? en temps
2.Combien en moyenne effectuez-vous à l’UCSA ?
 ? de vacations (1/2 journée) par semaine ?
 ? de consultations / vacations ?
3.Comment jugez vous l’accès aux soins des détenus ? (en général)
 ? très satisfaisant
 ? satisfaisant
 ? insuffisant
 ? très insuffisant
DIFFICULTES et ISOLEMENT de la médecine en milieu pénitentiaire
4.En général, quelles sont les principales difficultés rencontrées dans votre pratique médicale à l’UCSA ? Citez par ordre d’importance les 3
principales ?
 ? 1
 ? 2
 ? 3
Suggestions :
 ? les détenus, des patients particuliers (prise en charge psycho-sociale / vulnérabilité / demande ressentie, accès aux patients)
 ? l’administration pénitentiaire
 ? les contraintes du milieu carcéral
 ? l’isolement du praticien
5.Est-ce que dans votre pratique à l’UCSA, vous vous sentez ISOLE, et pourriez-vous alors me donner un chiffre entre 1 et 10, en sachant
que 1 correspond à « pas isolé du tout » (comme à l’hôpital) et 10 « très isolé ».
 ? 1---- 10
 ? En quoi vous sentez-vous isolé ?
6.Pensez-vous que l’activité de l’UCSA reçoive le soutien de l’hôpital ?
 ? Pas du tout
 ? Un peu
 ? Suffisamment
 ? Largement
7.Avez-vous à l’UCSA, un sentiment d’exclusion par rapport à l’hôpital ? (ou pensez-vous que l’hôpital considère l’UCSA comme une unité
fonctionnelle à part entière ?)
 ? Pas du tout
 ? Un peu
 ? Souvent
 ? Toujours
8.Pensez-vous que les contraintes du milieu pénitentiaire ont une influence sur la pratique médicale ?
 ? Non
 ? si oui sous quel forme se traduit elle ?
AVIS SPECIALISES du consultant à l’UCSA (du conseil par téléphone à la consultation)
9.Pensez-vous qu’il existe des difficultés d’accès aux soins spécialisés pour les détenus, ou que globalement, leur accès aux soins spécialisés
est équivalent à celui de la population générale ?
 ? oui
 ? non
 ? non au contraire, meilleur accès
10. Est-ce un choix personnel de consulter en milieu pénitentiaire ?
 ? non (imposé ?)
 ? si oui, pour quelle(s) raison(s) ?
11.La consultation est-elle différente de votre consultation hospitalière ?
 ? non
 ? si oui, en quoi ?
133
12.Qu’est-ce qui vous pèse le plus lorsque vous consultez en milieu pénitentiaire ?
 ? l’ambiance sécuritaire
 ? l’isolement
 ? le matériel
 ? le personnel
 ? l’attente des détenus
 ? autre
13.Considerez-vous les détenus comme des patients comme les autres ?
 ? oui
 ? si non, quelle(s) différence(s) faîtes vous ?
14.Quel est à votre avis le délai de consultation d’un spécialiste, en moyenne ou par spécialité ?
 ? comme à l’hôpital
 ? moins long
 ? plus long
15.Etes-vous sollicité pour avis par téléphone ?
 ? jamais
 ? parfois
 ? souvent
 ? toujours
16. Pensez-vous que de connaître personnellement et/ou professionnellement le médecin de l’UCSA cela permette une meilleure gestion des
avis spécialisés ?
 ? oui
 ? non
17.A moyen d’investigation égal, pensez-vous préférable pour le patient qu’il soit examiné par le spécialiste à l’hôpital ou à l’UCSA ?
 ? UCSA pourquoi ?
 ? Hôpital
18.A votre avis quelles sont les raisons qui expliquent le manque de spécialistes intervenant en prison ?
 ? le volume de consultations trop peu important
 ? la prison / les détenus font peur
 ? financières
 ? accueil en prison (rôle des surveillants contraintes de passage...)
 ? Surcharge de travail, manque effectifs
 ? autres
19.Quelles seraient alors les mesures qui permettraient de faire venir davantage les spécialistes à l’UCSA ?
 ? accès aux malades facilité
 ? financières (prime multisite / pénibilité...)
 ? collaboration plus étroite avec l’hôpital
 ? revalorisation de statut...
Dossier Médical Partagé et Télémédecine
Les Nouvelles Technologies de l’Information et de Communication (NTIC) offrent des outils utiles pour améliorer la prise en charge et
l’accès aux soins des patients.
On peut distinguer schématiquement 3 types d’application des NTIC en milieu pénitentiaire :
- le Dossier Médical Partagé correspond à la constitution d’un dossier informatique regroupant les comptes-rendus médicaux, les
examens complémentaires et permettant de « partager » le dossier avec d’autres intervenants (UCSA, hôpital) qui bénéficieront alors
d’un accès privilégié.
- la télémédecine peut être définie par toute utilisation des NTIC dans le domaine de la santé. Elle regroupe essentiellement 5 domaines :
la téléexpertise, Téléassistance, Télésurveillance, la téléformation et les réseaux informatisés. On peut distinguer 2 types de
télémédecine :
o la télémédecine en temps réel avec l’utilisation de la visioconférence
o la télémédecine en temps différé par envoi d’email avec des pièces attachées. (réseau intranet ou liaison internet sécurisée)
20.Avez-vous déjà pensé utiliser ces technologies pour donner des avis spécialisés ?
 ? Jamais
 ? Parfois Laquelle ?
 ? Souvent
 ? Très souvent
DMP
21.Pensez-vous qu’il réponde à un réel besoin ?
 ? non
 ? si oui, quel est il ?
134
22.Avec qui pensez-vous qu’il soit nécessaire de le partager ?
 ? autres UCSA (transfert, deuxième avis)
 ? hôpital de rattachement (avis spécialisé)
 ? médecin traitant
 ? services sociaux
23.Quels éléments doivent y figurer à votre avis ?
 ? observation médicale
 ? lettre et avis spécialisés
 ? examens complémentaires (biologiques, radio, echo...)
 ? CRO, CRH
 ? Avis psychiatre/ SMPR
 ? Dossier médico-social
Télémédecine en temps différé (email dans réseau sécurisé)
24.Avez-vous accès facilement à internet / messagerie dans votre service à l’hôpital ?
 ? oui
 ? non
25.Jugez-vous utile d’avoir accès aux recueils de bonnes pratiques cliniques par internet ?
 ? oui
 ? si non, pourquoi ?
26.Vous arrive-t-il de demander des avis par messagerie ?
 ? non
 ? si oui, à quelle fréquence ? dans quelle spécialité ?
27.Pensez-vous que cela puisse être un bon moyen pour donner votre avis ?
 ? très mauvais
 ? mauvais
 ? bon
 ? très bon
28.Auriez-vous des réticences à donner un avis spécialisé à un confrère que vous ne connaissez pas ?
 ? non
 ? si oui, pourquoi ?
29.Dans quel délai pourriez-vous fournir un avis par internet (hors situation aiguë) ?
 ? <24h
 ? 24-48h
 ? >48h < 1semaine
 ? >1 semaine
30.Pensez-vous souhaitable d’avoir dans chaque spécialité un référent unique ?
 ? non
 ? si oui, pensez-vous cela réalisable ?
31.Par rapport au téléphone, l’email est-il selon vous ?
 ? Plus sûr, moins sûr ou équivalent
 ? Plus rapide, moins rapide ou équivalent
 ? Plus contraignant, moins contraignant ou équivalent
32. Par rapport au téléphone, l’email ou la visioconférence engagent t-ils ?
 ? Plus la responsabilité du spécialiste
 ? Moins la responsabilité du spécialiste
 ? équivalent
Télémédecine en temps réel (visioconférence)
33.Pensez-vous que la visioconférence avec l’hôpital (service des urgences ou spécialité) puissent être utiles
 ? au médecin de l’UCSA ?
 ? Oui
 ? Non
 ? A l’infirmière, en dehors de la présence du médecin ?
 ? Oui
 ? Non
34.Seriez-vous prêt à faire une consultation en présence du médecin de l’UCSA par visioconférence ?
 ? Oui
 ? Si non, pourquoi ?
35.Pensez-vous que dans votre spécialité, la visoconférence puisse diminuer significativement les consultations face à face ?
 ? Non
135
 ? Si oui, de quel ordre (%) ?
o 0 - 25%
o 25 - 50%
o 50 - 75%
o 75 - 100%
36.Pensez-vous qu’une vacation de consultation par visoconférence pourrait remplacer une vacation de consultation classique ?
 ? oui
 ? si non, pourquoi ?
37.Trouvez-vous préférable en milieu pénitentiaire ? (par ordre d’importance)
 ? d’envoyer les patients à l’hôpital
 ? de développer la visionconférence (et ainsi diminuer ainsi le nombre d’extractions)
 ? d’augmenter les consultations de spécialiste à l’UCSA
38.Comment pensez-vous que le patient acceptera ce mode de consultation ?
 ? bien
 ? sans plus
 ? mal
 ? refus
39.La visioconférence permettrait d’assister à des présentations scientifiques et différents staffs (traumato, médecine interne...)
Pensez-vous que cela serait profitable au médecin de l’UCSA ?
 ? oui
 ? si non, pourquoi ?
40.Pensez-vous que cela représente un bon moyen de formation continue ?
 ? oui
 ? si non, pourquoi ?
synthèse
41.Pensez-vous que le recours aux Technologies de l’Information et Communication (dossier informatisé et télémédecine) peut être utile
pour la prise en charge des détenus ?
 ? pas du tout
 ? un peu
 ? assez
 ? beaucoup
42.Pensez-vous que l’utilisation du dossier informatisé améliorera la qualité de prise en charge des détenus ?
 ? oui
 ? si non, pourquoi ?
43.Pensez-vous que la télémédecine (visio+email) permettra de diminuer le nombre d’extractions médicales ?
 ? Oui
 ? Non
44.Pensez-vous que la télémédecine (visio+email) permettra d’améliorer l’accès aux soins notamment spécialisés en milieu pénitentiaire ?
 ? oui
 ? si non, pourquoi ?
45. Pensez-vous que la télémédecine permettra de diminuer l’isolement de la pratique médicale en milieu pénitentiaire ?
 ? pas du tout
 ? un peu
 ? assez
 ? beaucoup
46.Quels sont pour vous aujourd’hui les freins au développement des Technologies IC en milieu pénitentiaire ?
 ? financier
 ? correspondant
 ? manque désir patient
 ? contrainte sécuritaire
47. Pensez-vous que le développement des Technologies IC fasse partie des priorités pour améliorer l’accès aux soins des détenus ?
 ? oui
 ? si non, quelle(s)serai(en)t ces priorités ?
48.Etes-vous favorable à la création d’un réseau de spécialistes inter UCSA ?
 ? si oui, seriez-vous prêt à y participer ?
 ? si non, pourquoi ?
49.Concernant la mise en reseau de l’UCSA avec l’hôpital de rattachement, pensez-vous qu’elle soit ?
 ? Accessoire
 ? Utile
 ? Nécessaire
136
 ? indispensable
PROFIL
Médecin
50.Quel âge avez-vous ?
51.Quelle est votre formation ?
 ? quelle spécialité ?
 ? Ancienneté ?
52.Depuis quand exercez vous en milieu hospitalier ?
 ? Date
 ? Nombre d’années
53.Quel est votre statut ?
 ? PH temps plein
 ? PH temps partiel
 ? Vacataire
54.Combien de consultations en moyenne effectuez vous par semaine dans votre service hospitalier ?
 ? par 1.2 journée
 ? combien de 1/2 journée par semaine
55.Depuis quand exercez-vous en milieu pénitentiaire ?
 ? nombre d’années
56.Possédez-vous un ordinateur personnel ?
 ? non
 ? si oui, depuis combien d’année ?
57.Avez-vous une adresse email ?
 ? non
 ? si oui, à quelle fréquence l’utilisez-vous ?
o plusieurs fois par jour
o 1/jour
o quelques fois par semaine
o quelques fois par mois
CONCLUSION
58.Trouvez-vous les consultations en prison enrichissantes ?
 ? Non
 ? Si oui, à quel point de vue ?
59.Enfin, souhaiteriez-vous exprimer un autre idée que nous n’aurions pas abordée ?
 ? non
 ? si oui, laquelle ?
Sexe
 ? Homme
 ? Femme
137
BIBLIOGRAPHIE
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29. Foucault, M., Surveiller et punir. 1975 : Gallimard. op.cit.p 17.
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36. Merle, R., Vitu, Andre, Traité de droit criminel : ed cujas. op.cit. p 808.
37. Merle Roger, V.A., Traité de droit criminel : ed Cujas. op.cit.p 822.
38. Merle, R., Vitu Andre, Traité de droit criminel : Ed Cujas. op.cit. p 817.
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