B - Les voies de recours et la procédure de révocation
La décision du juge peut faire l’objet d’un appel par le parquet ou le condamné lui-même (1).
Cette décision devenue définitive pourra également être révoquée, car il ne s’agit que d’une suspension (2).
1 - Les voies de recours
La voie de l’appel est ouverte aux deux parties (a), mais une certaine primauté est conservée au profit du ministère public (b).
a - Délais et juridictions
L’article 712-1 du Code de procédure pénale précise que « Les décisions du juge de l’application des peines et du tribunal de l’application des peines peuvent être attaquées par la voie de l’appel ». La décision est portée devant la Chambre de l’application des peines de la cour d’appel créée par la loi du 9/03/2004. Pour les jugements rendus par le juge de l’application des peines ou le tribunal de l’application des peines, l’appel est porté devant la chambre de l’application des peines de la cour d’appel territorialement compétente réunie en formation régulière comprenant le président et deux assesseurs [1]. Cependant, pour les décisions rendues par le Tribunal de l’application des peines, la formation de principe sera complétée par la présence d’un responsable d’une association de réinsertion des condamnés et d’un responsable d’une association d’aide aux victimes [2]. Pour les condamnés ayant commis des infractions terroristes, la juridiction d’appel compétente sera exclusivement la chambre de l’application des peines de la Cour d’appel de Paris [3].
Devant la chambre, un débat contradictoire est mené, les observations du parquet et de l’avocat du condamné sont prises en compte. Cependant, il est à noter que le condamné n’a pas à être présent sauf si la cour en décide autrement [4].
Le délai pour former un appel est de dix jours [5] pour le condamné ainsi que pour le parquet.
Comme précisé ci-dessous, une faculté particulière est donnée au parquet faisant appel dans les vingt-quatre heures de la notification de la décision.
Les décisions de la chambre de l’application des peines sont également susceptibles de pourvoi en cassation. Il peut s’opérer dans les cinq jours suivant la notification de la décision.
Le pourvoi en cassation n’est pas suspensif [6].
b - La primauté du parquet et la simple faculté du condamné
La décision d’accorder une telle suspension de peine étant une décision juridictionnelle depuis la loi du 15/06/2000, un appel est possible [7] à la fois par le parquet et par le condamné. Le condamné peut désormais attaquer une décision non favorable rendue à son encontre et ce quelque soit la mesure depuis la juridictionnalisation finale des mesures prises par le Juge de l’application des peines, opérée par la loi du 9/03/2004. En faisant appel d’une décision prise à son encontre, le condamné n’annule ni ne suspend la décision prise par la juridiction. En effet, ces décisions sont exécutoires par provision [8]. Cette grande avancée est cependant à relativiser avec le pouvoir supplémentaire que détient le parquet en cas d’appel dans les vingtquatre heures de la notification de la décision [9]. En principe, les décisions frappées d’appel sont exécutoires par provision, mais si le recours est exercé par le ministère public dans les vingt-quatre heures suivant sa notification, il sera suspensif [10]. Cette prérogative dévolue au parquet marque un attachement au passé tenant au pouvoir du parquet dans l’application des peines prononcées, elle contraste fortement avec les efforts de modernisation dans ce domaine, notamment opérés par la loi du 15/06/2000, complétée par la loi du 9/03/2004 [11].
Dans le cas d’un tel appel, la décision de la juridiction du premier degré est suspendue jusqu’à ce que la Cour d’appel saisie fasse connaître sa décision [12]. Dans ce cas, l’article 712-14 du Code de procédure pénale précise que « l’affaire doit être examinée au plus tard dans les deux mois suivant l’appel du parquet, faute de quoi celui-ci est non avenu. ». Cet avantage du parquet en la matière peut s’analyser également comme « une véritable faculté de blocage de certaines décisions prises par le Juge de l’application des peines [13] ». La justification pouvant être avancée sur cette compétence extraordinaire est la mission même du ministère public de garantir la sécurité aux citoyens [14].
2 - Une suspension révocable
L’aménagement de la peine proposé par la loi du 4/03/2002, n’est que suspensif. Après avoir été accordé, il peut être révoqué si les obligations imposées au condamné ne sont pas respectées (b) ou si il est établi que l’état de santé du condamné ne justifie plus cet aménagement (a).
a - Entre expertises et surveillance de l’état de santé
Une autre procédure peut également remettre en cause la suspension de peine pour raisons médicales accordée à un condamné. Il s’agit de la révocation de la mesure. La suspension de l’article 720-1-1 n’est pas définitive [15]. En effet, il est à rappeler que la suspension de l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale est strictement encadrée. Pour en bénéficier, l’état de santé du condamné doit relever d’une certaine gravité. Si cet état s’améliorait au cours de la suspension, l’article précise lui-même in fine que « le juge de l’application des peines peut à tout moment ordonner une expertise médicale à l’égard d’un condamné ayant bénéficié d’une mesure de suspension de peine en application du présent article et ordonner qu’il soit mis fin à la suspension si les conditions de celle-ci ne sont plus remplies ». Cet état de santé qualifié est fortement surveillé. D’une part, le Juge de l’application des peines peut demander une expertise quand il le désire, d’autre part, le ministère public a le pouvoir de demander à ce juge d’ordonner une nouvelle expertise médicale pour vérifier que ces conditions relatives à l’état de santé du condamné sont toujours remplies [16]. Enfin, une surveillance médicale supplémentaire a été ajoutée par la loi du 12/12/2005, elle concerne les personnes condamnées à une peine criminelle. Pour ces derniers, une expertise médicale semestrielle est obligatoire [17]. Peu de jurisprudences ont été rendues à ce sujet, mais il a été prouvé que cette suspension pouvait être révoquée si il s’avérait que les expertises premières étaient faussées par le condamné lui-même et que son handicap, en l’espèce une cécité, lui permettait tout de même de vivre une vie normale et qui de surplus lui avait permis de commettre les infractions pour lesquelles il purgeait sa peine [18].
b - Une révocation pour non-respect d’obligations annexes
Pour encadrer le retour à la liberté d’un tel condamné, n’ayant prévu aucun projet de sortie ou n’ayant purgé qu’une infime partie de sa peine, le législateur a prévu la possibilité de lui imposer des mesures et obligations diverses [19]. Ainsi en cas de non respect de l’une de ces obligations telles que la non résidence à un lieu fixé par la Juge de l’application des peines, la mesure de suspension pourra être révoquée. En cas de non respect de ces obligations, l’autorité compétente pour prononcer la révocation est le Juge de l’application des peines territorialement compétent [20].
[1] Article 712-1 du Code de procédure pénale « Les décisions du juge de l’application des peines et du tribunal de l’application des peines peuvent être attaquées par la voie de l’appel. L’appel est porté, selon les distinctions prévues par le présent chapitre, devant la chambre de l’application des peines de la cour d’appel, composée d’un président de chambre et de deux conseillers, ou devant le président de cette chambre »
[2] Article 712-13 du Code de procédure pénale « Pour l’examen de l’appel des jugements mentionnés aux deux premiers alinéas de l’article 712-7, la chambre de l’application des peines de la cour d’appel est composée, outre le président et les deux conseillers assesseurs, d’un responsable d’une association de réinsertion des condamnés et d’un responsable d’une association d’aide aux victimes »
[3] Article 706-22-1du Code de procédure pénale « Par dérogation aux dispositions de l’article 712-10, sont seuls compétents le juge de l’application des peines du tribunal de grande instance de Paris, le tribunal de l’application des peines de Paris et la chambre de l’application des peines de la cour d’appel de Paris pour prendre les décisions concernant les personnes condamnées pour une infraction entrant dans le champ d’application de l’article 706-16, quel que soit le lieu de détention ou de résidence du condamné. »
[4] Article 712-13 du Code de procédure pénale « L’appel des jugements mentionnés aux articles 712-6 et 712-7 est porté devant la chambre de l’application des peines de la cour d’appel, qui statue par arrêt motivé après un débat contradictoire au cours duquel sont entendues les réquisitions du ministère public et les observations de l’avocat du condamné. Le condamné n’est pas entendu par la chambre, sauf si celle-ci en décide autrement »
[5] Article 712-11 du Code de procédure pénale « Les décisions du juge de l’application des peines et du tribunal de l’application des peines peuvent être attaquées par la voie de l’appel par le condamné, par le procureur de la République et par le procureur général, à compter de leur notification :
1º Dans le délai de vingt-quatre heures s’agissant des ordonnances mentionnées aux articles 712-5 et 712-8 ;
2º Dans le délai de dix jours s’agissant des jugements mentionnés aux articles 712-6 et 712-7 »
[6] Article 712-15 du Code de procédure pénale « Les ordonnances et arrêts mentionnés aux articles 712-12 et 712-13 peuvent faire, dans les cinq jours de leur notification, l’objet d’un pourvoi en cassation qui n’est pas suspensif »
[7] Article 712-61 du Code de procédure pénale « Les décisions du juge de l’application des peines et du tribunal de l’application des peines peuvent être attaquées par la voie de l’appel »
[8] Article 712-14 du Code de procédure pénale « Les décisions du juge de l’application des peines et du tribunal de l’application des peines sont exécutoires par provision »
[9] HERZOG-EVANS (M.), Juridiction nationale de la libération conditionnelle : une procédure boiteuse, in
D. 2002, n°22, p. 1788
[10] Article 712-14 du Code de procédure pénale
« Toutefois, lorsque l’appel du ministère public est formé dans les vingt-quatre heures de la notification, il suspend l’exécution de la décision jusqu’à ce que la chambre de l’application des peines de la cour d’appel ou
son président ait statué »
[11] HERZOG-EVANS (M.), Juridiction nationale de la libération conditionnelle : une procédure boiteuse, op.cit « [...] C’est ainsi que, quoique modernisé, le régime issu de la loi du 15/06/2000 conserve des traces du lointain passé. Ce faisant, il entérine des incohérences techniques qui portent atteinte au principe du procès équitable. L’arrêt du 26 déc. 2001 de la JNLC renforce le poids du passé. Il confirme que parquet et condamné sont dans une situation diamétralement inégalitaire [...] »
[12] GAGNOUD (P.), Les réductions de peine accordées aux condamnés après la loi du 9 mars 2004 : entre automaticité, individualisation et juridictionnalisation, in Gaz. Pal. , septembre-octobre 2004, p. 2908
[13] CERE (J.P.), L’influence du droit européen sur le droit de l’exécution des peines, RPDP, juin 2005, p. 273 « [...] Toutefois, cette loi maintien une différence de traitement entre les parties, comme l’avait fait la loi du 15 juin 2000 pour les mesures qu’elle avait déjà juridictionnalisées. Ainsi, en vertu de l’article 712-12 C.pr.pén, l’appel exercé par le procureur est suspensif. Su la chambre de l’application des peines utilise le délai de deux mois pour statuer prévu par l’article 712-4 C.pr.pén., l’appel du procureur s’assimile à une véritable faculté de blocage de certaines décisions prises par le juge de l’application des peines. [...] »
[14] Article 31 du Code de procédure pénale « Le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi »
[15] HERZOG-EVANS (M.), Droit de l’application des peines, éd. Dalloz, 2002, p. 278 « [...] Pour autant, elle n’a pas nécessairement vocation à se prolonger indéfiniment. Le législateur n’a pas voulu faire preuve de faveur lorsque les raisons humanitaires qui y ont initialement présidé ont disparu [...] »
[16] D.147-5 du Code de procédure pénale « A tout moment, le procureur de la République peut saisir le juge de l’application des peines afin qu’il ordonne une expertise médicale pour vérifier si le condamné remplit toujours les critères prévus à l’article 720-1-1. Il peut en outre le saisir pour qu’il ordonne l’expertise exigée par l’avant-dernier alinéa de l’article 720-1-1 »
[17] Article 720-1-1 du Code de procédure pénale « Si la suspension de peine a été ordonnée pour une condamnation prononcée en matière criminelle, une expertise médicale destinée à vérifier que les conditions de la suspension sont toujours remplies doit intervenir tous les six mois. »
[18] CA Nancy 9/12/2004, in AJP, juin 2005, n°6/2005, p.248
[19] Voir supra, p.39
[20] Article D 147-3 du Code de procédure pénale « Le relèvement ou la modification des obligations peut être ordonné, après avis du service pénitentiaire d’insertion et de probation, par le juge de l’application des peines »