Publié le mardi 27 février 2007 | http://prison.rezo.net/04-chap1-1-i-b-un-etat-de-sante/ B - « Un état de santé durablement incompatible avec le maintien en détention » 1 - Une incompatibilité liée aux conditions de suivi du traitement a - La poursuite impossible du traitement dans de bonnes conditions Cependant l’Etat n’est en aucun cas dispensé de prendre les mesures nécessaires à la prise en charge des détenus malades [4]. Il devra ainsi soigner le détenu en prison ou l’hospitaliser si nécessaire s’il ne peut bénéficier d’une suspension de peine pour raisons médicales. « Un(e) détenu(e) est avant tout et demeure quel que soit son chef d’inculpation, un être humain qui, en tant que tel, a droit à l’accès aux soins dans des conditions décentes, comme la loi le stipule pour chaque citoyen français » [5]. Cette condition semble être remplie la plupart du temps. Le problème majeur est la poursuite du traitement en prison. Les opérations sont bien évidemment faites en milieu hospitalier, mais les conditions dans lesquelles ces traitements ou opérations sont effectuées ne sont pas toujours adéquates. Par exemple, un homme [6] devant subir plusieurs chimiothérapies par semaine en hôpital de jour était transporté dans un fourgon cellulaire et non un véhicule adapté au transport des personnes malades. De plus il précise que pendant ses séances de chimiothérapies, il était attaché à son lit à l’aide de menottes [7]. Cet exemple est antérieur à l’adoption de la loi du 4/03/2002, mais il permet de montrer les problèmes rencontrés par de nombreux détenus dans l’administration de leurs soins. Au cours de l’année 2000 [8], un autre détenu refusa de subir une intervention en raison des conditions dans lesquelles il était détenu au sein de l’hôpital où il devait se faire opérer. En effet, la journée, il était surveillé par des policiers et menotté, et la nuit il était entravé, ce qui lui causé des douleurs à chacun de ses mouvements. Il est à noter que des exigences de sécurité sont à respecter dans le transport d’un condamné à l’hôpital. Ces dernières sont prises par le directeur de l’établissement pénitentiaire en fonction de la dangerosité du détenu, de sa maladie, de ses antécédents judiciaires. Des problèmes relatifs à l’intervention rapide des personnels soignants sont également à noter. En effet, pour permettre à un détenu de quitter la prison pour séjourner en hôpital ou pour y passer des examens, un véritable parcours du combattant commence. Les impératifs de sécurité sont prépondérants et ne permettent pas une sortie immédiate d’un condamné et cela même pour un cas d’urgence [9]. La procédure d’extraction médicale entre la prison et l’hôpital de proximité est problématique. En effet, les forces de police sont réquisitionnées pour assurer la sécurité lors du transfert entre les deux établissements. Cela demande beaucoup de temps et de disponibilité. De plus, des extractions prévues à l’avance pour un détenu devant aller passer un examen précis à l’hôpital pourront être annulées pour indisponibilité des forces de l’ordre, ou la plupart du temps car un détenu plus nécessiteux le demande. Des extractions pourront également parfois être annulées en cas de désaccord entre l’administration pénitentiaire et le médecin demandeur [10]. b - Une incompatibilité durable avec le maintien en détention 2 - Une incompatibilité liée à la santé et aux conditions de vie a - L’absence d’aide entre détenus b - l’absence de structure adaptée [1] CERE (J.P.), Droit de l’exécution des peines : panorama 2004, in D. 2005, p. 995 [2] Article 3 CEDH « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » [3] MARON (A.), HAAS (M.), Sors de prison et marche ! , in JCP, éd. G, avril 2003, p. 21 [4] CERE (J.P.), L’influence du droit européen sur le droit de l’exécution des peines, RPDP, juin 2005, p. 263 « [...] Il est acquis depuis longtemps que la santé des personnes privées de liberté fait partie de facteurs à prendre en compte dans les modalités de l’exécution de la peine privative de liberté. Il importe en effet que la santé du détenu soit préservée, notamment par l’administration de soins médicaux. [...] » [5] Le sénat rétablit la peine de mort [6] CEDH 14/11/2002, Mouisel c/ France, n° 6726301, www.dalloz.fr [7] ROETS (D.), Le maintien en détention de personnes malades et l’usage des menottes au regard de l’article 3 de Convention européenne des droits de l’homme, in Petites affiches, juillet 2003, n°141, p. 13 [8] CEDH 27/11/2003, Hénaf c/ France, n° 65436-01, www.dalloz.fr [9] Communiqué Nlpf ! : LIBEREZ NATHALIE MENIGON ! « [...] En matière d’AVC, la rapidité de l’intervention médicale est déterminante, or, pour d’absurdes et inhumaines « raisons de sécurité », le moindre déplacement de notre camarade entraîne la mobilisation d’une escorte du GIPN ainsi que des fouilles interminables, des déplacements avec entraves aux pieds et aux poignets qui, outre la souffrance insupportable ajoutée à la situation médicale, ne permettent pas une intervention médicale avant, que ne soient coulées de précieuses heures (4 pour la dernière fois) [...] » [10] Act up Paris, Santé en détention, un double anniversaire, « [...]Les extractions en hôpital extérieur (avec lequel l’établissement pénitentiaire a signé un protocole et dont l’UCSA dépend) sont censées permettre aux détenus d’accéder à l’ensemble des consultations ou examens spécialisés qui n’ont pu être réalisés dans l’établissement pénitentiaire. L’hôpital référent est censé, dans ce but, disposer de chambres sécurisées, qui doivent répondre « aux exigences de sécurité et de surveillance ». C’est là encore l’impératif sécuritaire qui prime. On voit mal, dans ce cadre, comment une égalité d’accès à la santé pourrait être obtenue. [11] Il s’agit d’octroyer à un condamné une libération anticipée [12] Cass.crim. 29/10/2003, n° de pourvoi : 03-80374, http://www.legifrance.gouv.fr/ [13] CA Paris 18/09/2002, n° de pourvoi : 2002/09562 http://www.legifrance.gouv.fr/ « [...].Que les experts ont déposé un rapport complémentaire à la demande du juge de l’application des peines, qui souhaitait savoir si l’état de santé de Y... X... serait compatible avec une incarcération en milieu spécialisé, et qu’ils ont conclu que faute de structures carcérales adaptées existant en France, la détention en milieu spécialisé ne leur paraissait pas envisageable.[...] » [14] LEVY (J.), Aveugle, amputé mais toujours prisonnier. Maintien en détention d’un grand malade, « [...] Pour le médecin chef de l’établissement pénitentiaire, il y est soigné correctement : « il bénéficierait des mêmes traitements s’il était dehors et n’a donc pas besoin d’être libéré » [...] » [15] PONCELA (P.), Les lieux d’exécution de la peine privative de liberté, in Droit de la peine, éd. PUF, Coll. Themis droit privé, 2ème édition, mai 2001, p. 466 [16] OIP, Le Guide du prisonnier, La découverte guide, juin 2004, p. 16 [17] Les détenus sont bien pris en charge, interview du Dr Fac, médecin à la maison d’arrêt de Fresnes, « [...] Fresnes a la particularité d’avoir des cellules adaptées aux personnes dépendantes. Dr Fac : Oui, nous avons huit places pour personnes dépendantes (en fauteuil roulant, munies d’un déambulateur ou désorientées) ayant besoin d’une aide à la vie. Ces espaces adaptés se composent de deux fois deux cellules reliées par une salle de bains centrale aménagée. Les lits ne sont pas superposés, les toilettes sont rehaussées, un siège est installé dans la douche... De plus, nous avons récemment fait installer une rampe d’accès près des escaliers [...] » [18] GUIBERT (N.), Le cri d’alarme du médecin-chef, psychiatre de la prison de Fresnes, Le Monde, 7/05/2006 [19] Cass.crim. 12/02/2002, n° de pourvoi 02-86531 http://www.legifrance.gouv.fr/ [20] VARAUT (J.M.), Pour le plus vieux prisonnier de France, in Le Monde, 5/01/2001, p. 14, « [...] Et la commission constate : « la présence de ces personnes dans les établissements pénitentiaires pose très concrètement la question de la mort en prison. Les personnels surveillants, les autres détenus ne sont pas préparés à cette éventualité et rien n’est fait de façon très encadrée pour accompagner le détenu dans ses derniers moments. Mourir en prison, c’est affronter une solitude sans espoir ; c’est un constat d’échec et de gâchis pour les familles qui n’ont pu être présentes dans les derniers moments [...] » [21] CA Paris 18/09/2002, n° de pourvoi : 2002/09562 http://www.legifrance.gouv.fr/ « [...] malgré un traitement médical permanent et correctement assuré, une surveillance précise et des interventions thérapeutiques rapides et adaptées [...] » [22] PELLERIN (D), Rapport : Situations pathologiques pouvant relever d’une suspension de peine, pour [23] HERZOG-EVANS (M.), Suspension médicale de peine : la mort doit survenir à court terme, in AJP, n°12, décembre 2005, p. 30 « [...] Pour ce qui concerne l’état incompatible avec la détention, le fondement réside dans le fait qu’il est inhumain de laisser en prison quelqu’un qui est dans un tel état que chacun de ses gestes est rendu douloureux ou difficile et qui doit être assisté en permanence, alors que l’aide est rarement disponible. [...] » [24] Le constat de la surpopulation carcérale [25] LANGLET (M.), Mise à mort de la suspension de peine pour raison médicale, Journal du sida n°182, janvier-février 2006, « [...] 81 ans, condamné à 8 ans d’emprisonnement. Il souffre de gros problèmes vasculaires et circulatoires qui affaiblissent ses jambes ; pourtant son compagnon de cellule lui a refusé la couchette du bas. Il doit se débrouiller pour grimper sur son lit, sans escabeau, et un jour, il tombe. Il passe une partie de la nuit à terre, dans son sang, sans que personne ne vienne lui porter secours [...] » [26] MALEMPRE (H.L), Le suicide en milieu carcéral : état des lieux et réflexions, RD pén. crim. , 2001, p. 99 [27] ROUSSET (A.S.), La suspension de peine pour raisons médicales : une loi utopique ? , 2004, http://ecorev.org/article.php3?id_article=222 [28] JAP Toulouse 23/05/2002, n° de décision 2002/00269, http://www.legifrance.gouv.fr/ [29] JAP Toulouse 23/05/2002, n° de décision 2002/00269 http://www.legifrance.gouv.fr/ [30] PRIEUR (C.), Selon les experts, la santé de M.Papon est incompatible avec la prison, in Le Monde, 5/09/2002, p. 9 « [...] Ces diverses pathologies l’ont rendu presque invalide :il est obligé de dormir en position semi assise avec trois oreillers, et ne quitte plus le couloir de son étage, l’essoufflement à l’effort ne lui permettant plus d’utiliser les escaliers menant de sa cellule à la cour de promenade [...] » [31] BEAUPERE (P.), La santé en détention, in RPDP, n°1, mars 2005, p. 66 « [...] Escaliers et lits superposés pour les personnes âgées à mobilité réduite ou pour certaines transitoirement handicapées par un traumatisme d’un membre. Etroitesse des portes, pas d’accès handicapé aux douches. Absence d’eau chaude en cellule [...] » [32] THIERRY (J.B.), Révocation d’une suspension de peine pour motif médical : l’enjeu des expertises, in AJP, juin 2005, p. 248 [33] PELLERIN (D), op.cit., « [...] Malheureusement la plupart sont incarcérés dans des établissements inadaptés aux handicaps physiques liés à l’âge : nombreux escaliers, absence d’ascenseurs, absence de plans inclinés rendant inaccessibles de nombreux locaux, y compris les locaux médicaux voire les lieux de promenade, a fortiori pour ceux qui doivent utiliser un fauteuil roulant [...] » [34] CEDH 7/06/2001, Maurice Papon c/France, in Petites affiches, septembre 2001, n°188, p. 14 « [...] Depuis trois mois, il a de la peine à monter les escaliers (deux étages) nécessaires pour se rendre au parloir. Cette difficulté à monter les étages, à la limite de l’incapacité, a entraîné l’arrêt de toute promenade, d’autant qu’au repos, il manifeste quelques épisodes de douleurs thoraciques [...]. » [35] BOITARD (E.), La situation des détenus âgés au regard de la Convention européenne des droits de l’homme, in Petites affiches, septembre 2001, n°188, p.14 « [...] alors même que les établissements pénitentiaires ne sont pas équipés pour accueillir cette population et que le personnel n’est pas formé pour en prendre soin convenablement.[...] » [36] CEDH 14/11/1002, Mouisel c/France, Le maintien en détention de personnes malades et l’usage des menottes au regard de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, in Petites affiches, juillet 2003, p13. ROUSSET (A.S.), op.cit. [37] Ibid « [...] M est paraplégique. [...]. On laisse M se pisser dessus. On ne l’aide à accéder à une douche qu’au bout de trois semaines. [...] » [38] ROUSSET (A.S.), op.cit., « [...] A est séropositif. Atteint de dysfonctionnements rénaux, il apprend qu’il devra se procurer par ses propres moyens l’eau minérale prescrite par le service médical. Il lui faut dix jours de grève de la faim pour que l’administration accepte de lui fournir cette eau. [...] » [39] ACT UP PARIS, Grâces médicales : attendre et mourir, « [...] Le matériel d’hygiène (savon, papier toilette, etc.), mais aussi les vitamines et les compléments nutritionnels, dont ont souvent besoin les séropositifs, sont à des prix inaccessibles. [...] » [40] PELLERIN (D), op.cit. [41] 149 BEAUPERE (P.), op.cit. , p 65, « [...] Epileptique : doit dormir sur le lit inférieur pour éviter les chutes graves en cas de crise. Le certificat est fait mais souvent c’est un autre arrangement dans la cellule, l’épileptique se trouve perché [...] » |