Publié le lundi 5 mars 2007 | http://prison.rezo.net/non-a-l-ouverture-des-cef-22/ Vingt-deux nouveaux centres éducatifs fermés seront ouverts en 2008 Selon le ministère de la Justice, les 25 CEF ouverts depuis 2003 ont accueilli, pour des durées de six mois maximum, 860 jeunes dont 550 (62%) n’ont pas récidivé dans l’année suivant leur placement ; à la fin du programme en 2008, les CEF seront au nombre de 47 offrant 501 places. Alors que le Ministre de la Justice manifeste sa satisfaction, les professionnels de la Justice et de la Protection judiciaire de la jeunesse expriment des avis très sévères sur la politique suivie dans ce domaine. « On nous vend pour éducatif ce qui est une incarcération déguisée et on nous dit que c’est éducatif puisqu’il n’y a pas de barreaux ! » Le ministre de la justice annonce vingt-deux nouveaux centres éducatifs fermés en 2008 Alors que la loi sur la prévention de la délinquance a été définitivement été adoptée jeudi 22 février, le ministre de la justice Pascal Clément a qualifié, vendredi, de « très, très positif » le bilan des centres éducatifs fermés (CEF), des centres alternatifs à la prison pour les mineurs délinquants multirécidivistes. A l’issue d’une visite au CEF Txingudi d’Hendaye [2], dans les Pyrénées-Atlantiques, en compagnie de la ministre de la défense Michèle Alliot-Marie, il a également annoncé la création de vingt-deux nouveaux CEF d’ici à fin 2008. Depuis 2003, date de leur mise en place [3], vingt-cinq CEF ont accueilli, pour des durées de six mois maximum, huit cent soixante jeunes placés sur décision de justice. Ces centres seront au nombre de quarante-sept (cinq cent une places), à la fin du programme en 2008, selon les chiffres communiqués par le ministère de la justice. « Il y a beaucoup moins de récidive qu’à la sortie de prison », a poursuivi M. Clément, qui s’est dit « fier de ce que nous faisons pour la justice des mineurs ». Selon le ministère, « soixante-deux pour cent des mineurs » placés en CEF « ne récidivent pas » et « cinq cent cinquante mineurs sont sortis de la spirale de la délinquance » depuis 2003. "L’ENFERMEMENT EN TANT QUE TEL N’EST PAS UN PLUS ÉDUCATIF" Un bilan qui n’est pas partagé par tous. Syndicats de magistrats et d’éducateurs ont vivement critiqué, vendredi, les propos du ministre de la justice. Ainsi Agnès Franco, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, classé à gauche, et juge des enfants à Bobigny, a estimé que « l’enfermement en tant que tel n’est pas un plus éducatif ». « Les bilans, au-delà des chiffres, montrent que plus un CEF est ouvert sur l’extérieur, mieux ça marche, et que ceux qui mettent l’accent sur l’enfermement ont moins de résultat » en matière de lutte contre la récidive, a-t-elle ajouté, précisant que le problème principal posé par les CEF est qu’ils « ont absorbé des crédits, qui manquent cruellement à d’autres structures », comme les foyers éducatifs et le suivi dans les familles, qui ont été « sacrifiés ». « De nombreux établissements ont connu des problèmes importants de violences », a également nuancé Roland Cecotti, dirigeant du principal syndicat des éducateurs SNPES-PJJ (FSU). « Certains devenant de véritables Cocotte-Minute ont été obligés de s’ouvrir vers l’extérieur », a d’ailleurs noté le syndicaliste, « alors qu’en théorie toutes les activités d’un CEF doivent se faire à l’intérieur. »
par le Collectif 76 des Salariés du Secteur Social et Medico-Social, SNPES PJJ FSU. 22 février 2007 Créés par la loi d’orientation et de programmation du 9 septembre 2002, les centres éducatifs fermés (CEF) sont destinés à recevoir pendant une durée de six mois renouvelable des mineurs de 13 à 18 ans placés sous contrôle judiciaire ou ayant fait l’objet d’une condamnation assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve. Le programme prévoit d’ouvrir soixante centres sur la période 2003-2007. Après planification des remboursements, l’Etat reste débiteur aujourd’hui de 55 millions d’euros, à l’égard des associations qui mettent en oeuvre des mesures ordonnées par le juge des enfants. Cette somme correspond précisément à l’augmentation de la ligne CEF (Soit 700 euros par jour et par jeune). Quelques chiffres issus du projet de loi de finances : évolution entre l’exécution d’activité 2005 et les prévisions 2007 Pour les mineurs délinquants : Pour les mineurs en danger et jeunes majeurs sur la même période : On constate une augmentation des crédits alloués aux dispositifs pour mineurs délinquants (pour les réprimer pas pour les éduquer !) au détriment de la protection des mineurs et des jeunes majeurs sur cette période. Globalement la protection de l’enfance en danger subit une baisse de crédits de -10,88% au profit de l’action en faveur des mineurs délinquants (+ 42,99%). Plusieurs régions n’ont pas reçu le financement des mesures d’assistance éducatives exercées en 2005 et 2006. Les personnels de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) dépendent du ministère de la justice et travaillent auprès d’adolescents et de jeunes majeurs. Ces jeunes leur sont confiés par un magistrat, juge des enfants ou juge d’instruction, pour des raisons diverses et souvent liées : difficultés familiales, scolaires, sociales, délits... Ces adolescents sont donc suivis sur décision judiciaire par des équipes pluridisciplinaires (éducateurs, psychologues, assistants sociaux...) dans différentes structures : Centres d’Action Educative, foyer éducatifs auprès du Tribunal... Eduquer où enfermer il faut choisir Avant les lois Perben 1 et 2, et maintenant le projet de loi dit de prévention de la délinquance, les professionnels s’appuyaient sur la philosophie de l’ordonnance de 1945 qui préconisait la primauté des mesures éducatives sur les mesures répressives, c’est pourquoi les personnels de la Protection Judiciaire de la Jeunesse s’efforçaient de prendre en compte le délit comme un passage à l’acte révélateur d’une souffrance, en lien avec l’histoire du jeune, son parcours, sa situation. Toutes ces lois modifient profondément les missions de la PJJ, elles centrent les interventions sur des mesures de contrôle, de répression et du seul traitement du délit. De plus elles tendent à considérer de plus en plus les mineurs comme des majeurs. Le gouvernement méprise l’expérience des professionnels et laisse penser à l’opinion publique que toute ces lois vont pouvoir répondre aux problèmes de la délinquance des mineurs. Prétendre que les Centres Educatifs Fermés évitent l’incarcération des mineurs est une aberration, dans la mesure où des primo-délinquants peuvent y être enfermés. En cas d’entorse au règlement ceux-ci y sont directement envoyés, alors qu’au départ ils ne relevaient pas d’une peine de prison. Les Centres « Educatifs » Fermés, une des mesures-phare de la loi Perben 1, sont présentés comme des solutions innovantes alors qu’ils ont déjà existé par le passé et qu’ils ont généré violences et maltraitances à l’intérieur ; ils ont prouvé leur dangerosité et leur inefficacité, ce qui a entraîné leur fermeture il y a plus de vingt-cinq ans. Ils adoptent les mêmes principes de « ré-éducation » : enfermer les mineurs, les éloigner de leur cadre de vie et de leur famille, exercer une surveillance et un contrôle permanent. Ils se proposent d’éduquer les jeunes en vase clos, ce qui s’apparente à du « dressage » et du comportementalisme dans le but de les mettre à l’écart afin de maintenir la paix sociale. L’habillage éducatif qui est mis en avant vient en réalité masquer cet objectif. L’enfermement, n’est pas une réponse aux difficultés d’une jeunesse qui a besoin pour sortir de la délinquance, d’avoir des perspectives d’intégration sociale. Le gouvernement mène une véritable propagande sur l’insécurité qui dénature totalement le regard de la société sur la jeunesse. Beaucoup de moyens, mais pour quel projet ? Aujourd’hui, tous les moyens humains et financiers sont prioritairement concentrés sur l’ouverture et le fonctionnement des centres fermés et prochainement des Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs (EPM), la deuxième mesure-phare de la loi Perben1. Le gouvernement va donc construire 7 prisons pour mineurs et fait ainsi clairement le choix de la détention pour ceux-ci. Le programme des CEF et des EPM asphyxie véritablement les autres structures de la PJJ, toutes celles qui travaillent dans un cadre ouvert avec les jeunes. Alors que les centres fermés se banalisent et deviennent quasiment la seule solution de placement, de plus en plus de foyers éducatifs ferment (sept, en l’espace de deux ans). Les mesures en attente dans les services de milieu ouvert sont nombreuses, empêchant l’exécution des décisions judiciaires et la prise en charge des jeunes dans des délais adaptés. Les éducateurs recrutés en CEF ont rarement un diplôme approprié à la prise en charge de ce type de jeunes à la dérive, beaucoup ont des formations d’éducateurs sportifs Cette politique est catastrophique pour la jeunesse la plus en difficulté de ce pays à laquelle on ne propose aujourd’hui que des solutions de relégation inefficaces et dangereuses car elles réduisent les jeunes au silence ou les poussent à la révolte. Les professionnels savent que tout adolescent qui commet un acte de délinquance recherche par cet acte une attention particulière car son délit est un signe pour les adultes d’une situation de souffrance, de danger...Il ne s’agit pas de cautionner les délits mais bien de les appréhender dans une démarche éducative globale. L’enfermement des mineurs délinquants ne peut en aucun cas permettre ce travail, il est antinomique avec l’éducation qui, elle, a besoin de la durée, de la liberté et surtout d’une ambition pour la jeunesse qui soit portée par l’ensemble du corps social. Surveiller, enfermer, punir. Les salariés du secteur Social et Médico-Social s’opposent à ce traitement de l’être humain et refusent d’être les agents de ces politiques répressives et ultralibérales. NON A L’OUVERTURE DES CEF ! Source : LDH Toulon [1] Jean-Pierre Rosenczveig est président du Tribunal pour Enfants de Bobigny. Les citations sont extraites de son billet Colère à peine contenue ! [2] Situé dans une zone industrielle d’Hendaye, face à l’Espagne, le CEF Txingudi peut accueillir jusqu’à dix jeunes de 16 à 18 ans, sous la responsabilité de l’association Philae, qui emploie sur ce site 25 professionnels - éducateurs, psychologue, professeur des écoles, etc. Jean Teuma, directeur départemental de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), reconnaît que le prix à payer par l’administration est élevé, « 440 euros par jour et par adolescent », mais qu’il se justifie par l’objectif du placement : éviter l’incarcération d’un jeune. Source : Dépêches de l’Education, du 23 février 2007 [3] Voir la présentation du programme des CEF, sur le bulletin officiel du ministère de la justice n°89, du 1er janvier 2003 |