Publié le mercredi 7 mars 2007 | http://prison.rezo.net/2005-saisine-no-2005-61-pour/ Saisine n°2005-61 AVIS et RECOMMANDATIONS à la suite de sa saisine, le 16 juin 2005, La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 16 juin 2005, par M. Michel DREYFUS-SCHMIDT, sénateur du territoire de Belfort, de faits concernant M.L.J., détenu à la maison centrale de Moulins-Yzeure, qui avait été maintenu au quartier disciplinaire du 28 avril 2005 au 12 mai 2005 après que trois certificats médicaux de contre-indication au QD aient été établis par l’Unité de consultations et de soins ambulatoires. LES FAITS Suite à un incident au parloir le 10 avril 2005, il fait l’objet d’une commission de discipline le 28 avril, qui le sanctionne de 15 jours de cellule disciplinaire avec sursis pour avoir refusé d’obtempérer aux ordres du personnel, et de 15 jours de cellule disciplinaire dont 8 avec sursis pour avoir proféré des insultes et des menaces à l’encontre d’un surveillant. Les deux procédures ayant été confondues, il est placé au QD le 28 avril pour 7 jours. L’incident à l’origine de la procédure disciplinaire M. M.P., le directeur de l’établissement pénitentiaire, a précisé, concernant l’organisation des parloirs, que les détenus qui reçoivent des visites très régulièrement ne sont pas obligés de s’inscrire à chaque fois, mais que « si les familles qui ne viennent pas souvent se présentent, elles sont prioritaires pour le parloir ». Il confirme que M. L.J. a dit au surveillant du parloir qu’un autre détenu présent acceptait de laisser la sienne. Le surveillant n’a pas accepté cette explication. Il a demandé à M. L.J. de remonter en détention. Le chef d’établissement a exposé qu’il y avait une insuffisance de places au parloir et que certains détenus ou certaines familles de détenus exerçaient des pressions concernant ces places. « Il y a eu une altercation et M. L.J. est resté au parloir ». M. D.W., le directeur de la centrale, expose que la décision prise par le surveillant répondait aux instructions données « que les parloirs ne doivent pas être décidés par les détenus entre eux, c’est l’administration qui doit garder la gestion et la maîtrise des parloirs ». M. L.J., informé de la procédure disciplinaire à son encontre, a tenu « des propos insultants et menaçants au surveillant, lui disant qu’il était une canaille ». Ce qui lui a donc valu un deuxième rapport d’incident examiné lors de la commission de discipline du 28 avril. La mise au quartier disciplinaire de M. L.J. Le directeur de la centrale, M. D.W., ordonne alors la sortie de M. L.J. du quartier disciplinaire et son placement immédiat à l’isolement, « le temps de vérifier si son comportement en détention n’aurait pas de conséquences ». Il a tenu à préciser à la Commission que « lorsqu’un détenu ne veut pas sortir du QD, il refuse d’utiliser la force car il n’est plus possible après de sortir d’une spirale de violence ». De plus, il jugeait que « le retour de M. L.J. en détention était risqué, puisque l’incident concernait les parloirs, question sensible dans les relations entre les détenus et les familles de détenus ». Dans la procédure de placement à l’isolement, il a motivé ainsi sa décision : « Votre état de santé rendant incompatible votre maintien au QD, votre retour en détention ordinaire n’est [pas] envisagé immédiatement, en raison du trouble causé par vos infractions ». M. L.J. refuse de sortir du QD pour aller à l’isolement et fait l’objet d’un Le 3 mai, alors qu’il existe deux certificats d’incompatibilité au QD, la commission de discipline, présidée par M. D.W., le directeur de la centrale, sanctionne M. L.J. pour son refus d’être placé à l’isolement de 8 jours de QD, en révocation du sursis accordé le 28 avril. Le 4 mai, le Dr N.T. de l’UCSA constatant que M. L.J. est encore en cellule disciplinaire, établit deux nouveaux certificats médicaux, précisant au surveillant qui le lui réclamait que « l’état de santé de M. L.J. n’avait pas changé en 24 heures », l’un pour le QD, l’autre contre-indiquant son placement au quartier d’isolement. Le directeur décide alors le retour de M. L.J. en détention ordinaire, mais dans une autre cellule que la sienne, à un autre étage. M. L.J. refuse, ressentant cette décision comme la volonté de le « brimer », car le changer d’étage, c’est lui ôter ses repères et le priver de ses liens amicaux. Il estime que dès le début de la procédure disciplinaire, il aurait pu être sanctionné d’un confinement dans sa cellule, sanction qu’il aurait acceptée. M. L.J. reste au QD et le 11 mai, après un passage de quelques heures en cellule d’isolement « suite à une erreur », il est affecté à un autre étage de la détention ordinaire et déclare : « J’ai accepté car j’en pouvais plus du régime du mitard ». La commission de discipline se réunit à nouveau le 12 mai 2005 pour Le chef de la détention, M. B.M., a confirmé le déroulement des procédures, bien que n’étant intervenu personnellement dans la situation de M. L.J. que lors d’un échange avec le Dr N.T., pour lui confirmer la validité de son certificat initial d’incompatibilité. Les certificats médicaux d’incompatibilité établis au quartier disciplinaire Concernant la détention en cellule disciplinaire, le médecin de l’UCSA explique que « ces malades ne doivent pas y être placés. Les cellules sont dans un état de précarité, insuffisamment chauffées, avec des WC à la turque et un vasistas qui laisse peu pénétrer la lumière naturelle. Pour des détenus malades comme M. L.J., ce régime de la détention est préjudiciable ». Elle expose : « Ils ont besoin d’activités pour supporter moralement leur maladie ». Or, dans le placement au quartier disciplinaire et dans la mise à l’isolement, les activités sont suspendues ou réduites. Elle souligne l’importance de l’état psychologique dans le suivi des détenus atteints de pathologie lourde comme celle de M. L.J. Le Dr N.T. relève que depuis janvier 2006, le chef d’établissement M. M. P. a mis en place une réunion tous les lundis entre le service médical et la pénitentiaire, « où sont abordés des problèmes particuliers en vue de trouver des solutions ». L’enquête de l’administration pénitentiaire Elle estime « régulière la procédure de mise à l’isolement engagée alors par M. D.W., le directeur de la centrale. M. L.J. était astreint à accepter sa mise en cellule d’isolement, quitte à contester le cas échéant le bien-fondé de cette mesure devant la juridiction administrative. Elle considère que « le retour de M. L.J. en détention n’était pas envisageable immédiatement en raison du trouble causé par ses fautes disciplinaires ». Selon l’administration pénitentiaire, on ne peut reprocher à la direction de AVIS En ce qui concerne cette « tolérance », la Commission prend acte de la volonté du directeur du centre pénitencier de trouver une solution à l’insuffisance des parloirs qui ne sont organisés que les samedis et dimanches, et d’améliorer les conditions de visite faites aux familles des détenus. - En ce qui concerne les procédures disciplinaires dont a fait l’objet M. L. Interrogé sur ce point, M. D.W., directeur, a déclaré : « Je précise, concernant l’imprimé de la décision de la commission du 12 mai, que les erreurs y figurant sont dues vraisemblablement aux dysfonctionnement du dispositif GIDE, dont je ne suis pas satisfait (...) ». - La Commission constate que la commission régionale de libération conditionnelle a refusé en 2004 à M. L.J. une suspension de peine au titre de l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale, applicable aux détenus atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital. Tout manquement à la discipline peut conduire l’administration pénitentiaire à engager des poursuites disciplinaires, s’agissant notamment d’une injure ou d’un refus d’obtempérer aux injonctions ; mais la Commission rappelle qu’un certificat médical d’incompatibilité avec le placement en quartier disciplinaire doit être exécuté. À supposer qu’il existe une pratique des médecins de l’établissement de déclarer systématiquement incompatible, pour de tels malades, le placement en cellule de discipline ou d’isolement, il appartient à l’administration pénitentiaire, qui dispose de toutes les données, d’anticiper en choisissant une des autres sanctions prévues par l’article D.251 du Code de procédure pénale. RECOMMANDATIONS La Commission demande également à M. le Garde des Sceaux de rappeler qu’un certificat médical d’incompatibilité avec le placement en quartier disciplinaire ne laisse aucun pouvoir à l’administration pénitentiaire et doit être exécuté ; qu’il en va de même pour une décision de mise à l’isolement. Enfin, la Commission demande à M. le Garde des Sceaux de rappeler les pouvoirs d’appréciation de la sanction à prononcer disciplinairement contre les détenus dont il est acquis d’avance qu’ils ne seront pas maintenus en quartier disciplinaire par décision médicale. Adopté le 5 avril 2006 Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux, dont la réponse a été la suivante : |