Publié le mercredi 28 mars 2007 | http://prison.rezo.net/00-note-de-synthese,9177/ NOTE DE SYNTHÈSE Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, le travail des détenus n’est plus obligatoire en France, mais le code de procédure pénale dispose que « toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle aux personnes incarcérées qui le souhaitent ». Actuellement, dans les prisons françaises, le travail des détenus est organisé selon trois régimes principaux. Dans chaque établissement, une partie des détenus est affectée au service général, pour l’entretien des locaux et l’exécution de tâches requises par le fonctionnement courant. Les activités productives ont lieu soit dans le cadre de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires, qui gère par exemple l’atelier de confection des uniformes pénitentiaires, soit, plus souvent, en concession. En effet, l’administration pénitentiaire a la possibilité de conclure des contrats de concession de main-d’oeuvre avec des entreprises privées. Le code de procédure pénale prévoit également que les détenus puissent être autorisés à travailler pour leur propre compte ou pour le compte d’« associations constituées en vue de préparer leur réinsertion sociale et professionnelle ». Quel que soit le régime, le travail des détenus, lorsqu’il a lieu a l’intérieur des établissements pénitentiaires, se déroule dans des conditions exorbitantes du droit commun : les personnes incarcérées ne signent pas de contrat de travail et, à l’exception des règles d’hygiène et de sécurité, le code du travail ne s’applique pas. C’est pourquoi le code de procédure pénale prévoit que la durée et l’organisation du travail des détenus « se rapprochent autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures ». La même recommandation vaut pour les rémunérations, mais le salaire minimum de l’administration pénitentiaire, légèrement différent selon que le détenu est incarcéré en maison d’arrêt ou en centre de détention, s’élève à environ 45 % du SMIC. Dans ces circonstances, il a paru intéressant d’étudier les conditions de travail des détenus dans plusieurs pays européens : l’Allemagne, l’Angleterre et le Pays de Galles, le Danemark, l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas. Cet examen permet de conclure que : - à l’exception du Danemark et de l’Espagne, tous les pays étudiés posent le principe du travail obligatoire des personnes condamnées à une peine privative de liberté ; - dans tous les pays étudiés, le travail des détenus qui sont employés à l’intérieur des établissements pénitentiaires se déroule dans des conditions exorbitantes du droit commun. 1) À l’exception du Danemark et de l’Espagne, tous les pays étudiés posent le principe du travail obligatoire des personnes condamnées à une peine privative de liberté a) Au Danemark et en Espagne, les personnes condamnées à une peine privative de liberté ont l’obligation d’avoir une activité, qui ne consiste pas nécessairement en un travail · Depuis mai 2001, au Danemark, les personnes condamnées à une peine privative de liberté n’ont plus l’obligation de travailler. Jusqu’en mai 2001, le code pénal danois comportait un article affirmant l’obligation de travailler pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté. Cet article a été supprimé et, désormais, la loi sur l’exécution des peines dispose que les détenus ont l’obligation d’avoir une « occupation », qui peut consister en un travail, mais aussi en une formation, voire en une activité reconnue par l’administration pénitentiaire, comme l’éducation de leurs enfants. En 2000, au Danemark, environ 15 % des détenus suivaient une formation, un peu plus de 30 % étaient employés au service général de leur établissement et environ 30 % avaient une activité productive. · En Espagne, la loi générale pénitentiaire énonce le caractère obligatoire du travail des détenus condamnés, mais elle ajoute que ce travail ne consiste pas nécessairement en une activité productive. La loi pénitentiaire assimile en effet au travail productif non seulement la participation au service général des établissements, mais aussi la formation professionnelle, les occupations à caractère thérapeutique et les études. Environ 17 % des détenus espagnols travaillent : un peu plus de la moitié dans le cadre du service général des établissements pénitentiaires et les autres dans des ateliers de production ou des exploitations agricoles. b) Les autres pays posent le principe du travail obligatoire des personnes condamnées à une peine privative de liberté, mais l’appliquent diversement · Le principe du travail obligatoire En Allemagne, la loi sur l’exécution des peines considère le travail et la formation des détenus comme des garanties de leur réinsertion ultérieure. Elle prévoit donc que l’administration pénitentiaire donne à chaque détenu un travail productif adapté à ses aptitudes et à ses goûts. En Angleterre et au Pays de Galles, l’ordonnance sur les prisons oblige les détenus qui ont été condamnés à accomplir un « travail utile ». La loi pénitentiaire italienne affirme le caractère obligatoire du travail pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté, le travail devant faciliter leur réinsertion sociale. D’après la loi pénitentiaire néerlandaise, les détenus qui ont été condamnés ont l’obligation de réaliser le travail qui leur est confié par le directeur de leur établissement. Dans chacun de ces quatre pays, l’obligation ne s’applique pas aux prévenus, qui peuvent cependant travailler s’ils le souhaitent. · L’application du principe varie d’un pays à l’autre Aux Pays-Bas, presque tous les détenus travaillent, y compris les prévenus. En Allemagne, le pourcentage des détenus qui ont été condamnés et qui ne travaillent pas varie entre 15 et 20 %. En revanche, en Angleterre et au Pays de Galles, un peu moins de 40 % des détenus travaillent, les exploitations agricoles et les ateliers pénitentiaires en employant un peu plus de la moitié, tandis que le service général des établissements occupe les autres. En Italie, malgré le caractère obligatoire du travail des détenus condamnés, seuls 24 % d’entre eux travaillaient en juin 2000. 2) Dans tous les pays étudiés, le travail des détenus qui sont employés à l’intérieur des établissements pénitentiaires se déroule dans des conditions exorbitantes du droit commun a) Les règles applicables au travail des détenus dérogent au droit commun Alors que les relations entre les détenus qui travaillent à l’extérieur des établissements pénitentiaires et leurs employeurs obéissent en grande partie au droit commun, les conditions de travail des détenus employés dans les établissements sont régies par des textes spécifiques. Les grands principes applicables au travail des détenus sont définis par la loi sur l’exécution des peines en Allemagne et au Danemark, et par la loi pénitentiaire en Espagne, en Italie et aux Pays-Bas, des règlements d’application de ces différentes lois déterminant les dispositions détaillées. En Angleterre et au Pays de Galles, en l’absence de texte législatif ou réglementaire précis sur la condition pénitentiaire, les règles applicables au travail des détenus sont dispersées dans de nombreux documents internes à l’administration. En règle générale, les dispositions du droit commun relatives à l’hygiène et à la sécurité sont les seules qui s’appliquent au travail des détenus, tandis que les autres conditions de travail, le cas échéant déterminées par référence au droit commun, y dérogent. C’est en particulier le cas de la rémunération : la rémunération horaire est généralement de l’ordre d’un euro. L’Angleterre et le Pays de Galles, avec une rémunération hebdomadaire de l’ordre de douze euros, font exception à cette règle. L’Italie fait également exception à cette règle, puisque la loi pénitentiaire dispose que la rémunération des détenus ne peut pas être inférieure aux deux tiers de ce qui est prévu par les conventions collectives correspondantes. Cependant, compte tenu des retenues pratiquées sur les gains des détenus, on estime que leur rémunération nette s’élève à 40 % de celle des salariés libres. b) Les règles applicables au travail des détenus forment un droit spécifique plus ou moins complet Si l’on excepte l’Angleterre et le Pays de Galles, tous les pays étudiés ont édicté un ensemble de règles qui encadrent le travail des détenus et forment un ensemble plus ou moins cohérent. Ainsi, le Danemark et les Pays-Bas garantissent un revenu minimum aux détenus qui ne travaillent pas, l’Italie fixe la rémunération de ceux qui travaillent à hauteur des deux tiers de celle qui est garantie par les accords collectifs correspondants, l’Allemagne leur accorde des congés payés, le Danemark organise la répartition hebdomadaire du travail et prévoit des pauses prises sur le temps de travail, l’Allemagne et le Danemark octroient des compensations horaires lorsque le travail a lieu en dehors des horaires habituels. Cependant, c’est en Espagne que le droit du travail des détenus est le plus complet. La loi-cadre portant statut général des salariés précise que les détenus qui travaillent dans les établissements pénitentiaires sont employés selon un régime exorbitant du droit commun, mais qui doit tenir compte des droits fondamentaux reconnus à chacun par la Constitution. Ce régime spécial a été défini par un décret de juillet 2001, qui constitue en quelque sorte le droit du travail des détenus : il organise la classification des postes de travail, prévoit la publication des emplois vacants, établit les critères d’attribution des postes, énumère les motifs de suspension et de rupture de la relation spécifique qui existe entre les détenus et l’Office autonome pour le travail et les prestations pénitentiaires (OATPP). En effet, même lorsque les activités de production sont concédées à des entreprises privées, l’OATPP reste l’employeur des détenus. Ces derniers signent cependant avec les entreprises un contrat qui définit les principales caractéristiques de l’emploi (nature du poste de travail, rémunération, horaires, durée des congés...). Le décret de juillet 2001 affirme aussi le droit des détenus à la promotion et à la formation, à participer à l’organisation et à la planification du travail et à ne pas subir de discriminations dans le travail. |