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14 Espagne

Publié le mercredi 28 mars 2007 | http://prison.rezo.net/14-espagne,9181/

ESPAGNE

Le deuxième alinéa de l’article 25 de la Constitution, consacré aux peines privatives de liberté, affirme leur objectif de « rééducation et de réinsertion ». Il précise que les condamnés ont « droit à un travail rémunéré et aux prestations correspondantes de sécurité sociale ».

Appliquant ce précepte constitutionnel, la loi générale pénitentiaire, c’est-à-dire la loi organique n° 1 du 26 septembre 1979, énonce le caractère obligatoire du travail des détenus et ajoute que ce travail ne consiste pas nécessairement en une activité directement productive.

Les dispositions de la loi pénitentiaire, et notamment celles qui régissent le travail des détenus, ont été développées dans plusieurs textes réglementaires successifs. Le dernier, qui a fait l’objet du décret royal n° 190 du 9 février 1996, reste en vigueur, à l’exception de ses articles sur le travail des détenus.

En effet, comme la loi-cadre portant statut des salariés dispose depuis 1980 que les détenus qui sont employés à l’intérieur des établissements pénitentiaires ne sont pas soumis au droit du travail, mais à un régime juridique spécial, et comme ce sujet a suscité un important contentieux judiciaire, une loi a habilité, en décembre 1999, le gouvernement à établir par décret les particularités du droit du travail des détenus. Le décret n° 782 du 6 juillet 2001 détermine donc désormais les principales règles applicables au travail des détenus. Pour l’essentiel, il reprend, en les actualisant parfois, les dispositions du décret de 1996. En outre, il fait bénéficier les détenus qui sont employés à l’intérieur des établissements pénitentiaires du régime général de sécurité sociale.  

1) L’obligation de travailler
Tous les détenus qui ont été condamnés ont l’obligation de travailler. Le travail qui leur est confié doit correspondre à leurs aptitudes. Il ne doit pas être subordonné à la recherche de résultats économiques de la part de l’administration ni s’apparenter à une mesure de correction, car il doit être formateur et permettre aux détenus d’acquérir ou de conserver des habitudes de travail.

Le travail des détenus ne consiste pas nécessairement en une activité directement productive. En effet, la loi pénitentiaire assimile au travail productif la participation au service général de l’établissement, la formation professionnelle, les occupations thérapeutiques, les activités artisanales, intellectuelles et artistiques, ainsi que les études. En fonction du régime pénitentiaire des intéressés, ces activités se déroulent à l’intérieur ou à l’extérieur des établissements pénitentiaires.

Les détenus ont l’obligation de réaliser le travail qui leur est confié, en respectant les mesures de sécurité et les instructions de l’encadrement.

Outre les détenus qui en sont incapables, ne sont pas soumis à l’obligation générale de travailler :
- les personnes de plus de soixante-cinq ans ;
- les retraités bénéficiaires d’une pension ;
- les femmes pendant leur congé de maternité, qui dure seize semaines, réparties au gré des intéressées avant et après l’accouchement. Les femmes ne peuvent cependant pas travailler pendant les six semaines qui suivent l’accouchement.

Les personnes qui se trouvent en détention préventive peuvent travailler. Si elles le font, leur travail se déroule dans les mêmes conditions que celui des condamnés.

L’attribution des emplois se fait selon les règles prévues par le décret de juillet 2001. La liste des emplois vacants comportant la description des postes de travail doit être publiée et, dans chaque établissement, une commission interne présidée par le directeur affecte les emplois. Les détenus condamnés ont priorité sur les autres. L’attribution se fait ensuite en fonction du programme individualisé de traitement des détenus et de leurs capacités professionnelles. La longueur du séjour dans l’établissement, la conduite [1] et les obligations familiales sont également prises en compte. Le texte précise que le changement d’établissement ne doit pas constituer un handicap. Il prévoit donc que les détenus qui ont travaillé pendant plus d’un an de manière satisfaisante dans un établissement bénéficient d’une priorité dans leur nouvel établissement.

2) L’organisation du travail dans les établissements pénitentiaires
C’est l’Office autonome pour le travail et les prestations pénitentiaires (OATPP) qui organise le travail à l’intérieur des établissements pénitentiaires.

L’OATPP est un établissement doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. Il a été créé par le décret n°326 du 3 mars 1995 et s’est alors substitué à un établissement existant. L’OATPP est rattaché au ministère de l’Intérieur. Le décret de 1995 lui confie d’autres compétences : la formation et l’assistance sociale aux détenus, la gestion des peines de substitution aux peines de prison par exemple. En revanche, l’OATPP n’intervient pas dans la surveillance des détenus.

Le travail des détenus à l’intérieur des établissements pénitentiaires s’effectue selon deux régimes principaux, l’OATPP restant l’employeur des détenus.

L’OATPP gère directement des ateliers de fabrication et des exploitations agricoles, les détenus travaillent alors sous la direction de personnels de l’OATPP [2]. L’OATPP gère également certains services internes aux établissements (boulangerie, cuisine, économat, réparation...) sous forme d’ateliers de production.

L’OATPP peut aussi concéder à des entreprises privées la totalité des activités de production, les entreprises concessionnaires organisant le travail, fournissant le personnel d’encadrement et le matériel, se chargeant de la commercialisation des produits et veillant au respect de la législation sur l’hygiène et la sécurité. Les entreprises concessionnaires et les détenus sont liés par un contrat qui définit le poste de travail, la durée de l’éventuelle période d’essai, la rémunération, les horaires et les congés annuels. Les entreprises concessionnaires remboursent à l’OATPP les coûts qu’il supporte.

Environ 8 200 détenus  [3] travaillent actuellement dans les établissements pénitentiaires. Un peu plus de la moitié sont employés dans le cadre du service général des établissements et les autres dans les quelque 400 ateliers de production et exploitations agricoles, où les travaux d’assemblage représentent la très grande majorité (75 %) des activités offertes. Le solde se répartit entre la charpenterie, la confection, la céramique, les arts graphiques et l’agriculture. Le nombre des détenus employés dans les établissements pénitentiaires a beaucoup augmenté au cours des dernières années : il ne s’élevait qu’à 3 200 en 1996.

3) Les conditions de travail dans les établissements pénitentiaires
La loi-cadre portant statut général des salariés précise que les détenus qui travaillent dans les établissements pénitentiaires sont employés selon un régime exorbitant du droit du travail, mais qui doit prendre en compte les droits fondamentaux reconnus à chacun par la Constitution.

Une loi adoptée en décembre 1999 a habilité le gouvernement à définir par décret le statut professionnel des détenus. Il est maintenant déterminé par le décret n° 782 du 6 juillet 2001, qui constitue en quelque sorte le droit du travail des détenus, puisque le droit commun du travail s’applique seulement lorsque le décret y renvoie explicitement.

Ce régime particulier s’applique uniquement aux détenus qui sont employés à l’intérieur des établissements pénitentiaires, directement par l’OATPP ou par les entreprises concessionnaires. Les détenus qui travaillent à l’extérieur des établissements pénitentiaires sont, à quelques exceptions près, employés selon le droit commun.

a) La rémunération
La loi pénitentiaire prévoit que tout travail « directement productif » doit être rémunéré. Les détenus qui ont une occupation non productive ne sont donc pas rémunérés. Ils peuvent cependant percevoir des gratifications, qui n’ont pas le caractère de salaires, car les activités non productives ne se déroulent pas dans le cadre du décret de juillet 2001.

Le mode de calcul des rémunérations est déterminé chaque année par le conseil d’administration de l’OATPP, par référence au salaire minimum interprofessionnel.

La rémunération doit être proportionnelle au nombre d’heures effectivement travaillées ou au rendement. Elle doit aussi tenir compte de la classification du détenu, car le décret de juillet 2001 distingue deux catégories. Les ouvriers « de base » accomplissent l’ensemble des tâches nécessaires au fonctionnement des ateliers de production, tandis que les ouvriers de niveau supérieur réalisent les mêmes tâches d’exécution et participent en outre à l’organisation du travail. Par ailleurs, l’OATPP peut également prévoir des primes de qualité ou de rendement.

En 2001, l’OATPP a consacré 15 % de son budget (soit environ 19,5 millions d’euros) au paiement des rémunérations des détenus et des charges sociales correspondantes. Actuellement, la rémunération mensuelle des détenus est d’environ 200 €.

b) La durée du travail
L’administration pénitentiaire doit garantir aux détenus un repos hebdomadaire d’un jour et demi sans interruption, en principe le samedi après-midi et le dimanche. Toutefois, le calendrier de travail établi chaque année par le directeur de l’établissement peut prévoir une organisation du travail différente (par équipes, journée continue...).

La durée de la journée de travail ne doit pas dépasser la durée maximale prévue par le droit commun.

Par ailleurs, les détenus ont droit chaque année à trente jours de congés payés.

c) Les autres conditions de travail
Les dispositions du décret de juillet 2001 s’apparentent au droit commun du travail :
- application de la loi sur la procédure régissant les conflits du travail en cas de différend individuel ;
- suspension du contrat de travail pour certains motifs limitativement énumérés (incapacité temporaire, maternité, sanctions disciplinaires...), qui permet au directeur de l’établissement de désigner un autre détenu pour occuper le poste de travail ;
- rupture du contrat de travail pour d’autres motifs également énumérés (démission, discipline, limite d’âge, libération, emploi à l’extérieur, infractions aux règles du travail...) ;
- droit à la promotion et à la formation ;
- participation à l’organisation et à la planification du travail ;
- droit de ne subir aucune discrimination dans le travail ;
- déroulement du travail dans les conditions d’hygiène et de sécurité de droit commun.

Grâce au décret de juillet 2001, tous les détenus qui exercent une activité productive à l’intérieur des établissements pénitentiaires sont couverts par le régime général de sécurité sociale de façon rétroactive depuis le 1er janvier 2001. L’OATPP doit assumer les charges qui incombent à tout employeur.

En vertu d’une modification apportée en décembre 2000 à la loi générale sur la sécurité sociale, l’OATPP bénéficie d’une réduction de 65 % sur les cotisations pour l’assurance chômage, la formation professionnelle et le fonds de garantie salariale (qui se charge du versement des salaires en cas de défaillance de l’employeur). Pour les cotisations correspondant aux risques courants (maladie, vieillesse, famille...), l’OATPP bénéficie des mêmes réductions que les entreprises qui embauchent des personnes en difficulté. Les cotisations d’assurance chômage et de formation professionnelle des détenus sont également diminuées de 65 %.

L’affiliation au régime général de la sécurité sociale permet en particulier aux détenus de bénéficier des prestations de l’assurance chômage au moment où ils sortent de prison.

[1] La participation des détenus aux tâches du service général qui ne sont pas réalisées en atelier (ménage, service des repas...) permet à l’administration d’évaluer le comportement.

[2] En 2001, les activités productives employaient 160 des 1 350 salariés de l’OATPP

[3] Il y a environ 48 500 détenus : 78 % ont été condamnés et les autres sont en détention préventive