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L’education des morts
ou les hommes à tout fers

Publié le lundi 4 mars 2002 | http://prison.rezo.net/l-education-des-morts/

Onze prisonniers viennent d’être transférés de la maison centrale de St Maur vers les maisons d’arrêts de la région parisienne, onze longues peines, dont certains se sont retrouvés directement en quartier d’isolement. Que s’est il passé à Saint Maur ? Une émeute, une révolte ? Comme à Grasse ou à Poissy ?
Non. Juste des soupçons vaseux, un flou paranoïaque de l’administration pénitentiaire, un "peut-être que" dans le doute. Ces onze détenus se nomment eux-même : LES DÉPORTES et ils disent l’horreur du transfert disciplinaire sans motif réel.
Les voilà, séparés les uns des autres mais aussi de leur famille, de leur peu d’objets, de leur liens écrits, parloirs, argent, ils n’ont plus rien et le transfert s’accompagne d’une mise au secret psychologique. La torture blanche est là.

La réflexion nous amène à la question du pourquoi de ce transfert de onze hommes et, étrangement, la logique ressort de l’ambiance politique. Comment faire accepter l’idée des futurs Quartiers Haute Sécurité si, d’ores et déjà, on ne nous montre pas ceux qui vont y être enterrés.
Voilà, ce qui se passe, ces onze hommes sont paraît-il ingérables pour la matonnerie de St-Maur, centrale de force. L’administration pénitentiaire en a peur ? Non, elle joue de la peur artificielle qu’elle distille dans ce laboratoire à vivisection qu’est la prison. Ils pourraient contaminer les autres détenus ces prisonniers là. Par la violence ? Non ! Par pire que tout ! Le partage de la conscience. Alors, on nous les montre le temps d’un transfert : onze d’un coup, les déportés de St Maur. Demain ? Onze autres de Moulin ? Puis onze de Clairvaux et encore onze de Lannemezan puis onze d’Arles… Voilà déjà un bâtiment d’une Maison Centrale à effectif réduit plein, en attendant de remplir le suivant par les futurs condamnés.
Ceux-là, ces morts éduqués à la mort lente par les transferts et les séjours en quartier d’isolement seront presque contents de souffler quelques décades dans une prison-tombeau où le courrier arrivera, où les parloirs pour les familles ne seront plus à risque de se cogner le nez devant l’arbitraire administratif qui fait que la veille d’une visite familliale, le prisonnier se voit transféré sans pouvoir prévenir qui que ce soit. Les morts seront bien là dans les tombes cellulaires.

Voilà la stèle plantée au coeur du cimetière social. Le monument aux morts  :

Guenifi BELKACEM
Patrick BOURKAIB

Lionel DARMON
André FRANCESCHI
Fati GHADBANE
Laurent JACQUA
Alain MAURISSON
Abdel MENASRIA
Christophe PEDRON
Moustafa RAJIB


Jadis, la paille bourrait des matelas dits paillasses, de nos jours, cette paille est interne dans le corps des prisonniers où chacun couche sa douleur, sa solitude, sa misère et sa haine. Voilà venir les temps de la taxidermie carcérale. L’administration pénitentiaire va les évider pour, en place des organes, placer les mécanismes, les automatismes, les engrenages dont on fait les ZOMBIES. Oui, ceux-là même que nous croisons dans les transports en communs dès l’aube, à l’heure des décapitations : les USAGERS de - par - et pour la… vie ?

Les haineux de la liberté ! Les laineux… pour la THonte !

AH Benotman