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(2006) La prison à la mode de chez nous, la France

La prison à la mode de chez nous, la France

Décidemment, la prison n’a jamais été autant fun en cette année 2006 ! Après la série-télévisée, diffusée à 20h45 chaque jeudi sur M6, « Prison breack  », c’est Canal Plus qui diffuse à 12h35, à partir du 1er novembre 2006 pendant 15 jours, une émission intitulée « Prisons hors la loi ».

Ma première pensée fût tout de même positive, je me suis dit « enfin, on ose parler de la prison » à la télé. Bien que je me sois très vite dit également « comme tous les autres problèmes de société, ce n’est pas parce que l’on en parle à la télé, que cela va changer quelque chose ». Deux commissions sénatoriales et parlementaires n’ont pas vraiment fait en sorte que quelque chose change, en matière de conditions de détention, d’hygiène, d’intimité avec la famille lors des parloirs, etc., dans les geôles françaises, ni le mouvement en 2005 qui à amene plus de 100 signatures de hautes personnalités politiques, judiciaires, journalistiques, juristes pour dénoncer l’aspect «  inhumain de l’état de nos prisons  », ni, encore, ce que rapportent, depuis des années, les associations qui défentdent les droits des prisonnier(e)s comme Ban Public, L’envolée ou encore, l’Observatoire International des Prisons (OIP).
Dernièrement, il a été soumis aux personnes détenues un questionnaire sur la question des réformes à entreprendre en urgence en matière de conditions de détention en vue des prochains Etats généraux [1]. D’ailleurs, à propos de ces Etats généraux, qui a dit « si j’avais voulu les interdire, j’aurai pu le faire  » ? Un dictateur ? Non. C’est notre cher ministre de la Justice, monsieur Pascal Clément à qui apparemment cela dérangeait qu’ils aient eu lieu. Pourquoi, on se le demande ? Pour en revenir au questionnaire, les réponses aux questions se trouvaient déjà dans les rapports des commissions sénatoriales et parlementaires, mais qu’importe, l’intérêt était, encore une fois, de nous faire avaler la couleuvre que l’on s’occupe du problème des prisons. Pour information, ce questionnaire a été adressé prioritairement aux prisonniers sur support papier avec une enveloppe pré-timbrée que l’on pouvait fermer afin de respecter la confidentialité de nos réponses (25% des personnes détenues y ont répondu, un succès). Une autre consultation a eu lieu en direction des acteurs du monde pénitentiaire, surveillants, personnel médical, associatifs, avocats, juge d’application des peines, qui a été consulté par le biais d’Internet. On pourra trouver dommage que seulement 603 surveillants (1%) y ont répondu.
Le rapport des Etats généraux sera remis aux différents acteurs politiques, notamment aux candidats pour la présidentielle de 2007. Et pourquoi pas à ceux qui nous gouvernent actuellement ? Quelque chose m’échappe, vous m’excuserez. C’est vrai qu’avec des personnages comme Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur et Président de l’UMP, ou Pascal Clément, ministre de la Justice, il y a peu de chance que ce rapport soit pris en considération. Pour eux, leur solution est claire : construire plus de prison et le problème est réglé. En tant que détenu (et je pense ne pas être le seul), je suis en droit de me demander si ce rapport ne va pas terminer sa vie au fond d’un placard comme les rapports de ces deux commissions sénatoriales et parlementaires.
En attendant, la prison continue de broyer physiquement et psychologiquement des femmes et des hommes en toute impunité. Certains n’en peuvent plsu et choisissent l’option du suicide 122 et plus de 1.200 tentatives). D’autres deviennent fous, petit à petit, de manière insidieuse, sans rien voir venir et, le pire, sans que personne ne s’en soucie. « Cela en fera toujours un de moins  » doivent se dire les bonnes consciences de notre société.
Les mauvaises conditions de détention des personnes détenues ne sont pas le seul problème en réalité. Il ne faut pas s’imaginer que les personnes détenues cherchent à faire leurs peines dans une prison cinq étoiles. Un des autres problèmes qui existent en prison, c’est que fait une personne détenue pendant sa peine pour préparer sa sortie ? Dans l’état actuel des choses, rien. La prison ne sert ni plus ni moins a déshumanisé l’être humain. Le but d’une peine de prison ferme n’est pas uniquement la privation de liberté, mais bien la réinsertion dans la société. Les mots et les images ne reflèteront jamais la réalité carcérale. Sachez-le. Ce que nous vivons, les mots ne peuvent le décrire. Seul notre souffrance est à l’image de ce qu’est, en réalité, la prison.

Didier Robert, détenu à la M.A. de la Santé, à Paris.

[1] Dossier les Etats généraux de la condition pénitentiaire