Chapitre 6 Demain, quelle culture pour les personnes placées sous main de justice ?
Quatre-cent participants ont répondu les 25 et 26 avril derniers à l’appel de la Fédération française des bibliothèques et des ministères de la Culture et de la Justice lors du colloque « Culture et prison : où en est-on ? », qui s’est tenu à Valence. Vingt ans après les Journées de Reims (1985), ce fut l’occasion de faire le point sur les partenariats Culture et Justice et d’ouvrir des perspectives. Un bilan contrasté mais une réflexion nécessaire qui peut nourrir des préconisations plus personnelles.
6.1 Une culture pénitentiaire non stigmatisée
La culture en prison sort progressivement de l’extraordinaire. Si elle subit un effet de mode, celui-ci ne doit pas cacher qu’il incombe encore aux partenaires à la fois culturels et pénitentiaires de nombreux efforts pour satisfaire un véritable développement culturel en milieu pénitentiaire.
6.1.1 Vers plus de légitimité
Plus de légitimité. Beaucoup d’intervenants culturels font cette demande, encore et toujours. Leur place dans l’institution pénitentiaire est sans cesse remise en cause, jamais acquise. Il conviendrait de clarifier plus nettement encore les rapports interministériels pour que le développement culturel s’ancre durablement dans le milieu pénitentiaire.
6.1.1.1 Des emplois spécifiques pour le développement culturel en milieu pénitentiaire
La nécessité d’avoir des personnes qualifiées qui assureraient la médiation entre l’Administration pénitentiaire et les artistes ou structures intervenant en détention est toujours d’actualité. Ces dernières années, des postes d’agents de justice ont vu le jour. Ces agents de développement culturel en milieu pénitentiaire menaient un travail capital en assurant le lien entre les intervenants et les établissements pénitentiaires. Ceux-ci veillent, au quotidien, au bon déroulement des interventions et se chargent de résoudre les éventuels problèmes d’ordre matériel ou autre qui peuvent survenir. Issus pour la plupart de formations en médiation culturelle, les agents de justice sont cependant rattachés au ministère de la Justice, ce qui leur confèrent certainement une plus forte légitimité aux yeux des personnels pénitentiaires. La disparition prochaine des emplois jeunes entraînera avec elle celle des agents de justice. Dès lors, qui va remplir leurs fonctions devenues indispensables et assurer une telle médiation ? La question demeure entière. Certaines DRSP anticipent ces départs en créant des postes d’agent de développement culturel sur leur budget. Mais les financements accordés par le ministère se réduisant au fil des années, les DRSP sont amenées à faire des choix. Une fois de plus la culture est mise en balance avec d’autres compétences. Et il est facilement prévisible que certaines DRSP sacrifieront la culture au profit d’autres postes tout autant nécessaires.
6.1.1.2 Des missions et des compétences clairement identifiées
Les emplois de « chargés de mission pour le développement culturel en milieu pénitentiaire » qui dépendant des structures régionales pour le livre peinent, selon les régions, à trouver leur place dans l’institution pénitentiaire. Ce rôle présupposé d’intermédiaire privilégié, de médiateur, n’est pas aussi évident dans les faits et est parfois bancal. Pourtant leur mise en place cherchait à répondre au besoin d’identifier clairement les missions et compétences de chacun. Partenaire culturel puisque rattaché à une structure régionale pour le livre, le chargé de mission possède des compétences culturelles qu’il peut faire valoir. Mais elles entrent de temps à autre en collision avec celles des institutions pénitentiaires. La répartition des attributions devient confuse et l’immobilisme prend alors le dessus, mettant en difficulté de nombreux projets en cours. La question posée aujourd’hui par l’Administration centrale est : ne faudrait-il pas des chargés de mission départementaux ? Cela permettrait une approche plus fine de l’action culturelle mais aussi de mener un travail conjoint avec les Spip plus pertinent qu’il ne l’est actuellement. Ce sont les Spip qui peuvent repérer les besoins car ils connaissent bien leurs publics et agissent à la fois sur le milieu fermé et le milieu ouvert, et préconiser des actions adaptées à la nature des établissements.
6.1.1.3 Des financements adéquats
La question des financements est régulièrement soulevée et peu de réponses satisfaisantes ont été apportées pour l’instant. Comme dans bien des domaines, la culture en prison fait défaut d’un véritable budget. Les directeurs des Spip doivent par moments user de fins stratagèmes pour pouvoir dégager un budget réservé aux achats de livres pour la bibliothèque pénitentiaire mais aussi aux différentes actions culturelles menées en détention. Faute de financements suffisants, certains projets sont moins ambitieux dans les faits, voire avortent en cours d’accomplissement. Cela met une fois encore en exergue l’inconfortable place réservée à la culture. N’étant jamais prioritaire, elle est la première à être mise à mal dans les périodes de restrictions budgétaires.
6.1.2 Des partenariats toujours plus nombreux et diversifiés
Au-delà des conventionnements et accords interministériels, il est important que la culture en milieu pénitentiaire s’étaye sur des partenariats à la fois nombreux et diversifiés, afin que la prison soit de plus en plus ouverte sur l’extérieur, sur le monde libre. Gérard Brugière, conseiller pour le livre et la lecture et correspondant de la Direction des archives de France, soutient que « les collectivités territoriales sont les principales opératrices et les principaux bailleurs de fonds dans le domaine de la culture. Seul le développement de conventions entre elles et les services pénitentiaires peut garantir une avancée, encore faut-il que la volonté soit présente » [1].
6.1.2.1 La nécessaire ouverture de la prison sur l’extérieur
« Il s’agit en premier lieu d’assurer une continuité territoriale et géographique [...] car sans la proximité de la ville, c’est toute la politique de réinsertion, d’emploi, de maintien des liens familiaux qui est réduite à néant » [2]. C’est ce que préconise le rapport de l’Assemblée Nationale sur la situation dans les prisons françaises. Aujourd’hui, il est impossible de considérer la prison comme une institution à part, et de faire comme si elle n’existait pas. La prison dérange, nous fait violence, pour des raisons diverses, mais elle existe bel et bien. L’institution carcérale a beaucoup à faire pour être gratifiée d’une image moins dépréciative ; et c’est par cette volonté d’ouverture sur le monde extérieur qu’elle y parviendra. De plus en plus d’élus s’accordent à penser la prison non comme un espace périphérique mais plutôt comme un des quartiers de la ville. L’établissement pénitentiaire, et ce d’autant plus s’il est situé en ville, n’est pas isolé mais interagit avec la société civile. Les détenus sont certes privés de liberté mais n’en restent pas moins des citoyens, avec tous les droits et devoirs que cela implique. Depuis quelques décennies, la prison a amorcé une ouverture sur le monde libre, notamment en accueillant des intervenants et des bénévoles. Cette démarche peut prendre tout son sens à condition que la société civile esquisse un même mouvement. Il n’est plus possible de nos jours d’ignorer l’institution carcérale. L’approche actuelle pousse à une intéraction forte entre l’extérieur et l’intérieur parce que ces deux mondes n’en forment finalement qu’un. En favorisant le maintien des liens (sociaux, familiaux, professionnels, etc.), cette ouverture réciproque serait également pour les personnes incarcérées le gage d’une réinsertion réussie.
6.1.2.2 Des réponses urgentes à apporter au problème de l’illettrisme
L’illettrisme est un problème majeur en milieu pénitentiaire qui nécessite que l’on s’y attarde. Lors du colloque de Valence, le directeur de l’Administration pénitentiaire, Patrice Molle, dévoila deux chiffres qui parlent d’eux-mêmes : 30% des détenus ont des difficultés de lecture et 20% sont illettrés. Le taux d’illettrisme repéré est bien plus élevé que dans la population générale. Pour mieux lutter contre, un repérage systématique des illettrés est mis en place à l’entrée des établissements pénitentiaires depuis 1996. L’illettrisme est un phénomène d’exclusion dans notre société, et la situation est encore aggravée par les conditions de vie en prison. En effet, la communication écrite est requise dans tous les actes de la vie quotidienne (demande d’activités, d’achat ou de communication avec l’extérieur) et les illettrés sont par conséquent dépendants du personnel pénitentiaire ou des autres personnes détenues. L’illettrisme se pose comme l’un des obstacles majeurs à une future réinsertion sociale et professionnelle. La lutte contre l’illettrisme s’inscrit donc comme une priorité dans la politique de réinsertion de l’Administration pénitentiaire. Elle s’appuie sur une coopération étroite avec les services de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle qui interviennent en prison.
« Le défi pédagogique au niveau des formations de base tient à la fois à l’ampleur des difficultés d’apprentissage des personnes, au volume d’heures hebdomadaire restreint, à une durée de formation en moyenne courte et à une motivation friable. Non seulement il faut convaincre ces personnes, à l’accueil et lors du repérage, qu’elles ont tout intérêt à venir en classe, mais il s’agit ensuite de leur montrer très rapidement qu’elles sont encore capables d’apprendre, ce dont elles sont rarement convaincues » [3]. De nombreux facteurs sont générés par le contexte carcéral. Une politique spécifique est donc pleinement nécessaire. Il serait intéressant de proposer plus d’actions transversales entre le personnel enseignant et les intervenants culturels et artistiques. Les artistes qui animent un atelier en détention sont eux aussi régulièrement confrontés au problème de l’illettrisme, et l’utilisation de moyens d’expression autres que l’écriture ouvre bien des perspectives pour les enseignants.
6.1.2.3 Développer un nouveau type de travail d’intérêt général : les TIG culture
En ce qui concerne le milieu ouvert, des tentatives sont faites pour développer de nouveaux travaux d’intérêt général (TIG), comme les TIG culture par exemple. Il s’agirait pour la personne condamnée à cette peine d’effectuer les heures exigées au sein d’une structure culturelle. Les possibilités sont aussi nombreuses que le sont les domaines culturels. Bien souvent les propositions faites aux « tigistes » (personnes qui effectuent un travail d’intérêt général) sont restreintes à quelques domaines spécifiques (espaces verts, chantiers d’insertion, associations caritatives, etc.). Les partenariats déjà bien établis avec le milieu fermé devraient permettre à ces TIG culture de se mettre en place plus facilement. C’est le cas au Spip du Val de Marne où le théâtre municipal accueille des tigistes dans son équipe technique sur une période de montage d’un spectacle. On comprend aisément que ce type de travail d’intérêt général soit plus porteur et cela prendrait d’autant plus de sens si ces périodes de TIG débouchaient sur une vraie formation pour ceux qui le désirent. Un parcours de réinsertion s’inscrivant dans la continuité n’en sera que plus réussi. Il devrait en être ainsi pour tous les travaux d’intérêt général afin de permettre, quand cela est possible, une validation des acquis.
6.2 Le besoin d’information et de formations
Les relations entre les ministères de la Culture et de la Justice souffrent d’un grand défaut de communication. C’est bien ce qui rend indispensable une médiation. Afin de parvenir à une action coordonnée, il est très important pour chacune des institutions d’être en contact permanent avec son homologue ; d’être informée et d’informer. Des formations adéquates et qualifiées s’imposent également aux différents acteurs.
6.2.1 Un personnel pénitentiaire à sensibiliser
Lorsque l’on parle du personnel pénitentiaire, on pense en premier lieu aux surveillants de prison. Bien qu’ils passent leurs journées dans le monde clos de la prison, ce sont eux qui sont le plus connus par l’opinion publique. C’est d’eux également qu’on entend le plus parler. Or, l’Administration pénitentiaire est bien évidemment constituée du corps des surveillants mais aussi par les travailleurs sociaux, les cadres pénitentiaires et tout le personnel administratif et technique. Autant de professions qui doivent être à des degrés différents sensibilisées à l’action culturelle.
6.2.1.1 La culture, grande absente de l’enseignement à l’ENAP
L’ENAP, c’est l’École nationale de l’administration pénitentiaire. C’est un établissement public administratif placé sous l’autorité du garde des Sceaux qui assure la formation initiale de l’ensemble des personnels pénitentiaires et contribue à leur formation continue. Selon les catégories, la formation est plus ou moins longue. Nous avons déjà signalé l’absence de sensibilisation au développement culturel au sein de la formation des surveillants. Les cadres pénitentiaires et les travailleurs sociaux bénéficient de quelques modules d’information mais on ne peut pas parler d’une véritable formation culturelle.
6.2.1.2 Un réel besoin de sensibilisation et de formation
Il semblerait indispensable que l’ensemble des personnels bénéficient d’une approche à la fois théorique et pratique de l’action culturelle, ce qui préparerait efficacement les cadres et les travailleurs sociaux à mettre en oeuvre de projets en direction des personnes placées sous main de justice, mais aussi les surveillants à accueillir les intervenants en détention. Une meilleure connaissance du milieu culturel et de ses spécificités faciliterait considérablement les relations parfois tendues et tissées d’incompréhensions entre les deux institutions. L’ENAP pourrait envisager pour ses élèves des modules de formation continue ou les adjoindre aux formations initiales.
6.2.1.3 L’implication du personnel de surveillance
Pour aller plus loin, le personnel de surveillance devrait être plus fortement impliqué dans la mise en place des activités culturelles et artistiques. Souvent, les surveillants se sentent exclus des actions décidées et certains éprouvent une sorte de mépris de la part des intervenants qui parfois ne leur adressent pas la parole. Les surveillants se refusent à être de simple « porte-clefs », mais désirent être plus investi dans le quotidien des détenus. Plus le personnel de surveillance est averti de ce qui va se passer dans l’établissement, moins il sera réticent et méfiant. Qu’un chef de service pénitentiaire assiste aux réunions préalables à la mise en place d’une nouvelle action culturelle rendrait sans aucun doute plus facile sa mise en oeuvre, notamment l’aspect matériel qui pose souvent beaucoup de problèmes. Il serait également par la voix de ses subordonnés un efficace relais de l’information. Cette collaboration, effective dans certains établissements pénitentiaires, gagnerait à être généralisée.
6.2.2 Des intervenants culturels à encadrer
Il est essentiel que les artistes franchissant les murs d’une prison soient préparés à ce type d’intervention et soient au fait du fonctionnement interne parfois déroutant du système carcéral. Cet encadrement doit être effectué par le personnel pénitentiaire.
6.2.2.1 Préparer les artistes qui interviennent en détention
Un atelier de pratique artistique ou la représentation d’un spectacle en détention ne ressemblent en rien à ce qui peut être proposé à l’extérieur. Le contexte carcéral est si fort qu’il conditionne de manière impérieuse le déroulement des activités culturelles. Et les artistes ont besoin d’être guidé pour se repérer dans les couloirs de l’établissement et parmi la multitude des règles en vigueur. Sans cet accompagnement, de nombreux impairs menacent l’artiste qui peinera aussi à trouver sa place dans la vie de l’établissement pénitentiaire. Certains artistes n’ont jamais été introduits dans la prison avant de commencer leur première intervention ; et sans cette familiarisation avec le monde carcéral, il arrive que ces intervenants soient très déçus par le déroulement de l’activité, par l’accueil du personnel pénitentiaire ou par le travail qu’ils vont pouvoir mettre en place avec les détenus.
6.2.2.2 Le rôle du Spip
Il relève du Spip d’assurer ce rôle d’accompagnement. Souvent, le Spip est l’intermédiaire entre l’artiste et l’établissement où celui-ci va intervenir. En décidant de la programmation culturelle en détention, le Service pénitentiaire rencontre les éventuels intervenants et ce premier contact avec les artistes permet de cerner ses motivations pour venir en détention. Car il s’agit de repérer les personnes qui présentent parfois une fascination malsaine pour la prison plus qu’une réelle envie de se consacrer à ce public pénitentiaire. Comme le souligne Colombe Babinet, de l’Administration pénitentiaire, « Il y a des intervenants qui viennent pour de mauvaises raisons » [4]. Dans un second temps il est important que le futur intervenant visite la prison, et pas seulement les salles où il sera susceptible d’être, mais l’ensemble de l’établissement dont il ignore en grande partie l’existence. La première fois que l’on passe sous le détecteur de métaux et dans le sas qui précèdent la véritable entrée dans l’établissement laisse une forte impression, tout comme ces grilles verrouillées qui se referment les unes derrière les autres après notre passage.
6.2.2.3 La formation du personnel des bibliothèques pénitentiaires
En dehors des bibliothécaires professionnels qui appartiennent aux bibliothèques municipales ou aux bibliothèques départementales proches des établissements pénitentiaires desservis, le personnel qui fait vivre les bibliothèques en détention sont les détenusbibliothécaires et les bénévoles. Autant de personnes à qui il faut assurer une formation de base afin de les rendre opérationnelles. La formation des détenus classés s’effectue le plus souvent selon leur bonne volonté : le détenu acquiert les notions de bibliothéconomie [5] en autodidacte, ou avec l’aide de bibliothécaires professionnels lorsqu’ils sont disponibles. Les formations extérieures (comme celles dispensées par l’Association des bibliothécaires français) sont très rarement pratiquées. De plus, l’expérience acquise par le détenu lors de son travail à la bibliothèque n’est guère prise en compte alors que l’on pourrait envisager une validation professionnelle des acquis. Alors que le monde carcéral paraît propice au bénévolat, ce recours est très peu utilisé dans les bibliothèques. D’après Dominique Chauvigny et Claudine Lieber, « tout se passe comme si le monde des professionnels et celui du bénévolat n’étaient pas interpénétrables, si l’on excepte quelques bibliothécaires retraités volontaires. Mis à part la maison d’arrêt de Valence, où des bénévoles choisis et formés par la médiathèque publique apportent leur aide, la mission n’a pas eu connaissance de cas où le volontariat soit régulièrement impliqué par les professionnels dans le fonctionnement de la bibliothèque » [6]. Cet état de fait est d’autant plus regrettable que l’appel au bénévolat, s’il est convenablement encadré par des professionnels, permettrait de rapidement mettre aux normes les bibliothèques pénitentiaires et de les moderniser.
6.2.3 Une meilleure communication au sein des établissements
Entretenir de manière constante les relations interministérielles Culture/Justice est une priorité. Mais il conviendrait aussi de pouvoir compter sur une communication plus grande au sein même des établissements pénitentiaires où les informations circulent parfois difficilement.
6.2.3.1 Des activités culturelles clairement identifiables par les détenus
Afin de garantir aux détenus un égal accès aux activités socioculturelles, une information claire et régulière doit leur être apportée. Car il arrive fréquemment que des détenus ne soient pas au courant qu’un nouvel atelier a été ouvert. L’information peut être relayée par différents interlocuteurs, notamment par le Spip qui conçoit un affichage culturel au sein de la détention. Il faut également penser à un support autre que l’écrit pour ne pas exclure de fait les détenus ne maîtrisant pas, ou très mal, la langue écrite. On pourrait imaginer que les travailleurs sociaux ou les surveillants informent eux-mêmes les détenus des actions culturelles à venir. Les affichages sont de plus en plus pensés selon un code de couleurs ou de logos faciles à lire. Quoi qu’il en soit, les propositions culturelles faites par l’Administration doivent être clairement identifiables et compréhensibles par l’ensemble de la population carcérale.
6.2.3.2 Deux propositions : la réalisation d’un journal ou d’un canal interne(s)
Deux supports différents pourraient être utilisés pour améliorer la communication interne à un établissement pénitentiaire : un journal et un canal vidéo. De nombreux établissements pénitentiaires en disposent déjà. Des détenus se retrouvent régulièrement (la plupart du temps encadrés par un ou des intervenants) pour travailler à la conception du journal de la prison ou bien d’une chaîne qui passerait sur le canal vidéo interne. Ces deux outils de communication réservent un espace d’expression relativement libre (dans les limites d’une censure propre au système carcéral). Ainsi circule une information qui n’est pas issue de l’Administration mais qui est produite et véhiculée par les détenus eux-mêmes. Cette distinction est très importante et permet à ceux qui collaborent à cette collecte d’informations et à leur mise en forme, ainsi qu’à ceux qui lisent le journal ou regardent l’émission en question, de se réapproprier quelque chose dans leur vie carcérale. Cette information est à la fois transmise par des détenus et destinée aux autres personnes incarcérées. L’idéal serait bien évidemment de conjuguer les deux médias afin de diffuser l’information au plus grand nombre de détenus, quel que soit leur niveau d’alphabétisation.
6.2.3.3 Des efforts de communication avec l’extérieur
Cette communication interne si importante s’accompagne d’une communication indispensable avec le monde libre, avec l’extérieur. Pour que la prison ne soit pas ou plus considérée comme un espace fermé sur lui-même, elle doit multiplier ses efforts de communication avec le reste de la société. Il faut informer les gens de ce qui se passe en prison, et notamment de toutes les actions sociales, culturelles ou autres qui s’y déroulent. Cette volonté donnera une image moins opaque des établissements pénitentiaires et coupera court aux représentations qui relèvent souvent plus du fantasme que de la réalité. Ce mouvement d’ouverture sur l’extérieur jouerait très certainement en faveur de relations plus saines entre la société et ses prisons.