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(2007) Procès de Christophe et Cyril Khider pour tentative d’évasion à Fresnes

Procès de Créteil du huit au seize mars 2007

Jeudi matin :
Palais de justice hypersécurisé : gendarmes sur les toits, escortes renforcées, double fouille avec double portique, interdiction d’entrer avec un téléphone portable même éteint, sauf pour quelques avocats.
Dans la salle pleine de matons, de directeurs régionaux des flics encore...Le cirque sécuritaire est réglé au millimètre près histoire de souligner aux journalistes et aux jurés : attention vous allez voir de dangereux et irrécupérables criminels...

Dés l’ouverture du procès, la présidente pensait pouvoir régler rapidement les préliminaires, tirage au sort des jurés, lecture de l’acte d’accusation. C’était sans compter sur la pugnacité des trois inculpés et de Bernard Ripert (avocat de Mounir du barreau de Grenoble).

Premier incident :
Il commence par demander l’annulation du procès et son report à cause d’une fouille qu’ont essayé de lui imposer les gendarmes à l’entrée du palais. Il a ensuite été bousculé et éjecté dehors par les gendarmes devant les jurés et d’autres témoins qui assistaient à la scène. Il dépose des conclusions auprès de la greffière car cela représente un discrédit jeté d’emblée sur la défense qui apparaît du coup aux yeux du jury comme sujette à caution.
Interruption de séance, plaidoirie des avocats de la partie civile qui acceptent eux d’être fouillés comme tout citoyen et ne voyant là qu’une mesure sécuritaire nécessaire. Réquisitoire de l’avocat général qui rappelle qu’un avocat peut être pris en otage par les accusés (via sa famille qui serait retenue par des complices) et se trouver dans l’obligation de procurer des armes pour une tentative d’évasion... Ripert balaie tout ça, en leur rappelant fermement quelques vérités sur les véritables raisons de cette mascarade sécuritaire. Interruption, délibéré, la présidente déclare nulle la demande de Ripert.

Second incident :
Christophe et Mounir refusent de se lever lorsque la présidente leur parle.
Grandiloquente et sévère, elle somme Christophe de se lever. Il lui répond immédiatement : « alors que je vous l’avais demandé et que cela ne représente aucun danger pour vous, vous avez refusé que je sois à côté de mon petit frère Cyril dans ce box et que nous puissions nous voir au dépôt. Nous ne nous sommes pas vus en liberté depuis 1992 et la dernière fois c’était dans un parloir de la prison de Fresnes en 200. Vous ne nous respectez pas, je n’ai aucune raison de vous respecter  ».
A partir de cet instant, ils ne se lèveront quasiment jamais, excepté lorsqu’ils estimeront devoir le faire pour une personne venant à la barre ou pour prendre la parole. Pour la pilote, son avocat et quelques autres par exemple.

Comme tout a pris un certain temps, la présidente déclare vouloir commencer le procès de cette tentative d’évasion dont sont coupables les trois présents dans le box.
Ripert dépose une nouvelle conclusion et demande à nouveau le report du procès de cette tentative d’évasion devant une autre cour d’assises, la présidente ayant plus que clairement établi la culpabilité alors que l’acte d’accusation n’a pas encore été lu et que les jurés n’avaient pas été tirés au sort.
Nouvelle interruption, plaidoirie et réquisition de l’accusation qui bien évidemment jure ses grands dieux qu’on ne peut pas comprendre dans les paroles de la présidente le soupçon d’une partialité, Ripert démontre le contraire et met en évidence le rôle de la présidente qui, tout comme l’instruction mènera les débats à charge, tentant d’influer sur les témoins, les jurés, etc. Interruption, délibéré, la présidente annule la demande de Ripert.

La présidente présente les différents protagonistes et indique que l’Ufap et Fo pénitentiaires sont partie civiles dans ce procès. Ripert interrompt immédiatement et dépose des conclusions pour que ces deux syndicats ne puissent être parties civiles. Il est déjà tard dans l’après midi et la présidente montre des signes d’agacement et commence à perdre son sang froid. Elle menace Ripert en lui indiquant qu’elle va refuser ses interruptions : il lui répond fort calmement qu’il dépose une conclusion sur le fait qu’elle lui refuse de déposer des conclusions. Le ton monte, elle comprend qu’elle n’aura pas le dernier mot, que la bataille ne fait que commencer et s’excuse péniblement de sa réflexion. Interruption.
Ripert plaide logiquement que FO et UFAP n’ont rien à faire là en tant que syndicats, qu’ils n’ont pas été attaqués en tant que tels et les victimes, si il y en a, sont des surveillants en particulier. Ou sinon il faut choisir, soit c’est la profession qui est attaquée et les surveillants retirent leurs plaintes, soit ce sont les surveillants qui sont les victimes et les syndicats n’ont rien à voir.
L’avocat des syndicats pénitentiaires (Winter) déclame que les syndicats sont pour le progrès social et que c’est dans cette optique qu’il faut considérer cette représentation. Suspension, la présidente reporte sa décision.

Les jurés sont tirés au sort.
La greffière lit l’acte d’accusation.
L’audience est suspendue pour la pause repas.

Du coup, dés le début, le procès a été bousculé. La cour d’assises qui pourtant est une mécanique bien huilée, a été forcée de se révéler pour ce qu’elle est véritablement : une machine à broyer, où s’il n’est pas contesté d’emblée, le pouvoir de la présidente est absolu, où les jurés ne sont que des alibis à légitimer une accusation et une condamnation programmée. Mais, les trois accusés, Ripert ainsi que Delphine Boesel ne laisseront jamais ronronner ce procès où d’habitude la cour s’endort du sommeil du juste pendant le réquisitoire de l’avocat général qui demande tranquillement une peine de trente ans.

Jeudi après midi :
L’enquête de personnalité des trois accusés, Christophe, Cyril, Mounir et témoignages de Claude Charles Catherine dite Catherine (la mère de Christophe et Cyril) et de leur père (beaucoup plus réservé).
Elle s’adresse à la pilote de l’hélicoptère pour lui dire mes sincères regrets et souligner son extrême courage. Puis, elle se dépouille de ses faux semblants. Dans un streap- tease familial au tempos de vérité elle se met à nu. Elle raconte l’enfance de Cyril, son impossibilité à se construire alors qu’elle a une seringue plantée dans le bras, une paille dans le nez, ou un joint à la bouche. Le tout entre des allers retours incessants en prison. Elle raconte cette année 1973 où enceinte de Cyril elle perd sa petite sœur, de un an sa cadette qui meurt dans d’affreuses circonstances. Elle raconte sa tentative de suicide quelques jours après cet horrible événement et les bagarres avec le père de ses fils. Elle raconte sa désertion, sa peur de ne pas vivre et de vivre, son incapacité à être mère alors qu’elle n’est qu’une ado. Les jurés sont émus, certains font des efforts désespérés pour ne pas pleurer. Plusieurs d’entre eux lui adressent un petit sourire de compassion. Elle n’est ni dans le misérabilisme ni dans le pathos, elle énumère des faits crus, froids, cliniques mais bien réels. Délabrement de l’estime de soi, effondrement de l’égo au milieu des ruines affectives, émotionnelles et familiales. Effondrement de la conscience, comment se construire derrière tout ça demande t’elle à la cour d’une voie claire et tonique ?
Puis, elle raconte les frasques de Cyril sur le toit du métro lorsqu’il l’appelait au secours et qu’elle n’entendait rien, autiste qu’elle était. Alors que son esprit était perdu dans le piston d’une shooteuse, il montait sur un wagon suivi de ses copains puis se jetait à plat ventre juste à l’entrée des tunnels, jusqu’au jour où un de ses copains ne s’est pas jeté à plat ventre à temps, il s’est pris le béton en pleine tête...Il n’est pas mort, mais il ne reconnaît plus ses parents...Désespoir de l’adolescence solitaire. Face à la cour, elle raconte son mal amour, la démission, les foyers, les peurs de gosses, la drogue qui l’a conduite en prison, les juges pour enfant, l’amour entre les deux frères, alors que le sien est en guenilles. Pas cette maladie incurable aux yeux de la justice lorsqu’elle fait état de l’amour fusionnel. Non. Catherine parle de l’amour qui cimente les êtres. Amour de même nature que celui qui fit que Lucie Aubrac fit évader son mari des prisons allemandes à Lyon. Elle regarde toute sa vie en plissant des yeux, elle trébuche sur les maux de ses enfants. Dans le box, ses fils sont effondrés, leurs émotions sont en morceaux.
Elle raconte comment l’Acat (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), Ban public, le nouvel obs, le parisien Val de Marne ont soutenu Cyril durant sa grève de la faim, précisant que sans eux elle n’aurait pas pu tenir face à la machine à broyer de la justice et de la pénitentiaire.
Comment tous les membres de l’Acat ont écrit au doyen des juges du tribunal d’Evry pour exiger une enquête à propos de cet isolement prolongé, combien elle leur est reconnaissante. Tous ces « pieux » sont entrés son cœur. Elle raconte les interventions de l’Oip et de Delphine Boesel lorsque Cyril se faisait torturer dans l’opacité concentrationnaire des quartiers d’isolement.
Cinq ans sur six qui en valent 20 assène t’elle fermement. Elle rappelle que ces six années de détention provisoire contre lesquelles elle s’est battue pied à pied pour faire lever cette effroyable mesure étaient également désertées par la présomption d’innocence. Racontant comme son fils un peu plus tôt, une partie des tortures subies durant toutes ces années de ténèbres. Tabassages, Côtes cassées, pied cassé, viol de ses parties intimes par une dizaine de matons lui ayant écarté les fesses, deux empoisonnements, etc. Le tout dans l’indifférence quasi générale. Elle parle aussi de cette série fiction « Prison break » regardée par 7 millions de Français à chaque fois qu’elle passe à la télévision pour une grand messe hebdomadaire, alors que la réalité est tout autre.
La vie l’anime à nouveau lorsqu’elle raconte le travail de reconstruction entamé avec Cyril ces dernières années. La restauration de son égo et de son estime de soi, sa place qu’il a reprise dans la fratrie. Ils ont retissés des liens, dénoués leurs nœuds gordiens, virés pensées douleur et malheur. L’évolution a été fulgurante et concrète, fédératrice d’énergie positive et d’envies. Dans la tête de Cyril des projets de vie, une fille à construire dans la liberté, la compassion, la solidarité. Même si son devenir reste à écrire il est ancré dans le présent. Rejet du subir, se créer, mûrir, fleurir ou se fertiliser en fûts de « chaînes » peut être, mais se construire quand même. A bout portant aimer les siens aimer la vie.
Puis elle , elle conclue en demandant aux jurés de bien vouloir accorder une chance à Cyril. après avoir posé une question à la cour : « Quel est celui ou celle d’entre vous, qui, placé(e) dans une situation inextricable ne rêverait pas de voir arriver son frère, son père, sa sœur pour le (a) a sauver ? Que celui ou celle qui ose affirmer le contraire lui jette la première « pale  ».
Ensuite, elle se met à parler de Christophe précisant qu’elle passe outre son interdiction de parler de lui, de leur relation fusionnelle jusqu’à ses 16 ans, de même nature que celle qui unit les deux frères et qui est tout sauf une maladie émotionnelle. Elle raconte que Christophe n’avait que des rêves de gosses, il voulait réunir tous les siens autour de lui dans l’amour et le mieux être et que c’est l’idéalisme et l’utopie qui ont guidé sa vie jusqu’à son incarcération, il y a 12 ans, lorsqu’il avait 24 ans.

Vendredi 9 mars
La journée a débuté par une remise en place de la greffière de Ripert parce que celle-ci essayait de ne pas enregistrer un dépôt de conclusion qu’il exigeait qu’elle note car on venait encore d’essayer de le fouiller à l’entrée ! Tout de suite ça commence dans le speed et cela oblige la présidente à se montrer pour ce qu’elle est.

Témoignage de Marielle Simon, pilote de l’hélicoptère.
Elle raconte avec précision ce qu’elle a toujours dit : la prise d’otage, le survol de la zone militaire pour essayer d’alerter les autorités, ce qui a été fait puisque les flics savaient alors qu’un hélicoptère survolait une zone interdite et se dirigeait vers la banlieue parisienne. Puis, le vol stationnaire et ce premier « ah les cons ils tirent  », les balles qui ont atteint l’habitacle de l’hélicoptère dont une pas loin d’elle, à quelques centimètres du réservoir de Kérosen, la blessure de l’un des trois, le départ, l’atterrissage sur le terrain de sport et le remerciement du « meneur » avant d’être menottée. Elle était certes partie civile contre les trois dans ce procès, mais elle conservait toujours cette interrogation en filigrane pourquoi lui avait-on tiré dessus ?
Puis, c’est au tour du surveillant Taffin, en poste au mirador qui a ouvert le feu sur l’hélicoptère, de témoigner. Et là aussi l’AP a montré son vrai visage, « mieux vaut deux cents morts que deux évadés  ». Il a parfaitement assumé le fait d’avoir tiré, à l’aveugle, ne sachant pas qui se trouvait dans l’hélicoptère, qu’il ne pensait pas aux otages mais que son travail était d’empêcher coûte que coûte les évasions, qu’il aurait d’ailleurs encouru des sanctions disciplinaires, voire une GAV pour complicité, s’il ne l’avait pas fait. Il conclut son magnifique discours par « si c’était à refaire, je le referai »... en sachant que Mlle Simon qui était dans l’hélicoptère est encore dans la salle : pas un mot d’excuse pour elle, il lui tire dessus une seconde fois avec une rafale de paroles fanfaronnantes devant une salle bondée et des jurés médusés. Cyril Khider avait tenu lui, à exprimer ses profonds regrets à la courageuse pilote pour les tourments causés.
Du coup, Marielle Simon et son avocat ont compris qui étaient les véritables dangers, qui avaient failli la tuer sans l’ombre d’une hésitation. Et Marielle Simon est revenue dire à la barre qu’elle insistait sur le fait que les premiers coups de feu tirés depuis l’hélicoptère n’avaient commencé qu’après le « les cons, ils tirent  », ce qui signifiait bien que le mirador avait ouvert le feu en premier en toute « illégalité ».
Sur ce coup, la présidente venait de perdre une partie civile qui jouera en fait contre elle et la position de l’AP : cet élément sera décisif aussi aux yeux des jurés qui ne pouvaient pas mettre en doute la parole de la pilote. Pourtant celle ci, partie civile contre Christophe, Cyril et Mounir de ce dossier, victime donc, n’a pas été une seule fois prise en compte. Ceci laisse entrevoir la manipulation du statut victimaire. Une fois de plus on a la confirmation dans ce genre de procès que la victime qui se contente de dire la vérité et ne hurle pas avec les loups, se voit dépossédée de ce statut et livrée à la vindicte de l’autorité.
 Il est important que les victimes sachent qu’elles seront jetées en pâture dans des cours d’assises ou de correctionnelles. Elles ne toucheront jamais le jackpot au tirage du grand loto pénal. Elles ne servent que de boucliers humains à une politique ultra sécuritaire qui les brandit pour asseoir des mesures toujours plus liberticides, coercitives et surtout rentables ou pour occulter les sujets embarrassants pour lesquels elle n’a aucune réponse. Une victime qui ne dit que la vérité est une mauvaise victime...
La journée se termine comme elle a commencé, Christophe dit à la présidente que leur présence est inutile car elle ne leur laisse jamais la parole.

Lundi 12 mars
La matinée est dévolue au rapport de l’expertise balistique de M. Schlingé. Moment important car c’est en s’appuyant sur les conclusions de cet escroc que l’accusation entend prouver aux jurés que les trois occupants de l’hélicoptère (dont Cyril a reconnu faire partie) auraient tiré les premiers justifiant ainsi les tirs du surveillant Taffin sur l’hélico en situation de légitime défense.
Exposé très long, fondé sur le visionnage de deux cassettes, films tournés par des témoins habitant dans la cité qui jouxte la prison (certainement des matons). On voit plusieurs fois ces cassettes, avec l’image puis sans l’image, au ralenti. Et l’expert tente de décrire chaque coup de feu avec une objectivité parfaitement aléatoire. De fait, c’est son seul titre d’expert qui donne du crédit à ce qu’il raconte, car à la vérité on n’entend pas du tout sur les cassettes ce qu’il décrit. La seule chose certaine reste que les trois compères eux n’avaient aucun intérêt à un échange de coups de feu, étant donnée la précarité de leur situation en vol stationnaire au-dessus de la cour. Mais qu’importe le trio infernal essaiera par tous les moyens de convaincre les jurés de cette absurdité : l’expert, la présidente, l’avocat général. C’était encore une fois sans compter les accusés eux-mêmes, les avocats de la défense, et l’avocat de la pilote de l’hélicoptère qui ont mis à mal cette version toute faite.
Pour l’expert il est incontestable que les premiers coups de feu ont été donnés par la kalachnikov depuis l’hélico : il compte même 18 coups avant le premier tir venant du sol. La distinction se fait d’après lui selon la qualité du son, assurant les jurés que les tirs de l’hélico s’entendraient mieux et plus nettement que ceux du mirador.
Christophe demande le visionnage d’une autre cassette, qui comme par hasard n’a pas été soumise à expertise (celle diffusée par FR2) et qui pour la présidente ne présente aucun intérêt : et pour cause, on n’entend pas les mêmes coups de feu. L’ambiance se tend à nouveau, la présidente cherchant à faire taire Christophe en lui ordonnant de ne parler que par l’intermédiaire de son avocat. Ripert intervient à son tour pour rappeler à la présidente que Christophe est tout à fait en droit de poser des questions et d’intervenir.
Les questions posées à cet « expert » vont ruiner ses mensonges.
La première chose qu’il faut rappeler est que l’arme de service qui se trouvait dans le mirador et dont s’est servi Taffin a évidemment pu être rechargée avant d’être mise sous scellés : on a ainsi minimisé le nombre de coups tirés par Taffin, et permis ainsi de refabriquer une chronologie farfelue des tirs.
L’avocat de la pilote de l’hélicoptère, bien que partie civile contre Cyril, Christoph et Mounir dans ce procès, devant l’énormité du témoignage de « l’expert » remet immédiatement en cause la pseudo scientificité de l’analyse sonore. Il prouve ainsi que celle-ci ne peut pas suffire et demande une comparaison avec d’autres éléments. Il demande confirmation qu’on a bien affaire aux originaux, ce qui n’est pas le cas. Il demande si l’on a examiné le matériel qui a filmé, la capacité des micros, celle de la bande passante : non, bien évidemment. Il met en valeur le fait qu’on n’a même pas comparé un tapotement sur le micro et l’enregistrement d’un coup de feu. Il rappelle qu’il est avocat dans l’aéronautique depuis fort longtemps et qu’il a étudié de très près le dossier concernant le crash du Concorde : l’éclatement du pneu de ce dernier n’a jamais été audible dans les enregistrements alors il s’étonne de la soi-disant évidence des preuves avancées par l’expert. La présidente le somme de ne pas faire de commentaires et de s’en tenir à des questions.
Delphine Boesel (avocate de Christophe) note que si l’on suit le décompte des tirs fait par l’expert, il y a un problème de chargeur et du nombre de balles retrouvées. La présidente lui coupe aussi la parole, cherchant à déconsidérer ses questions.
Ripert se lève à son tour et hurle à l’intention de l’expert : « vous êtes nul, nul, complètement nul et votre expertise est fausse  ». Il lui rappelle qu’il les connaît bien les experts, qu’il a l’habitude d’eux et de leur soi-disant scientificité qui cache mal des allégations bidons servant juste à légitimer des peines de prison.
Il commence par lui rappeler qu’il a lui-même convenu avoir travaillé avec un autre expert, en prises de sons celui-là, mais que son confrère n’est pas là pour témoigner de son travail, alors qu’il ne fait que le rapporter : en fait il reconnaît sa parfaite incompétence en la matière. Ripert exige la présence de l’expert audio. La présidente refuse, une fois de plus le ton est donné...
L’expert est décontenancé, il n’a pas l’habitude d’être apostrophé de la sorte, en général il est reconnu comme une espèce de savant dont on ne peut pas mettre les dires et la compétence en doute. La première question posée par Ripert est pourtant évidente : l’expert a dit que les derniers coups de feu avaient été tirés par le mirador (puisque les premiers l’avaient été depuis l’hélicoptère) alors que Taffin était gravement blessé à la poitrine !!!
Ripert peu à peu oblige l’expert à se confondre malgré l’aide de la présidente qui fait tout ce qu’elle peut pour le tirer de ce mauvais pas. Du coup l’avocat de l’hélico reprend la parole disant que l’on ne peut pas faire coïncider l’expertise et le témoignage de M. Simon. L’ambiance est survoltée, la présidente s’exprime complètement à charge sentant que la faiblesse du dossier est en train de se révéler devant les jurés. Et l’expert est finalement obligé d’admettre qu’il ne peut assurer qu’il n’y a pas eu de coups de feu avant le premier tir de kalachnikov depuis l’hélicoptère.
La présidente demande à revoir encore les deux films histoire d’essayer de convaincre les jurés dont certains affichent des signes d’exaspération devant certaines évidences qu’elle essaye de tout simplement occulter, notamment celle que le mirador n’a fait que riposter. Peine perdue tout le monde a vu s’écrouler lamentablement la théorie de « l’expert ».

Lundi après midi :
Interrogatoire de Cyril sur les motifs de son geste.
En fait l’accusation tente de prouver que Cyril est l’organisateur de cette tentative.
Cyril revient sur ses échanges avec Christophe au parloir : « il ne m’a jamais demandé de m’en occuper ; mais il me mettait la pression parce que d’autres gens ne voulaient pas faire ce qu’ils avaient dit. Et cela faisait plusieurs dimanches qu’il attendait et du coup il espérait de moi que j’aille les secouer. Un mois ou deux avant, il m’avait prévenu que des gens allaient me contacter. Je les ai rencontrés à ce moment-là. Et si, dans mes premières déclarations j’ai endossé la paternité de tout le projet, je n’ai en fait été que le relais entre mon frère et ses complices. J’ai aussi gardé le sac d’armes. Lors du dernier parloir avant le fameux dimanche, Christophe s’est fâché et m’a demandé de ne plus revenir et de faire ma vie. » Du coup, voyant que les autres ne mettaient pas leur promesse à exécution, la seule solution pour Cyril était de participer à l’opération pour qu’enfin elle se fasse. Cyril reconnaît avoir fait sortir les clients de l’hélico, puis les trois ont pris place dans l’habitacle. Cyril était à l’arrière droit, derrière le pilote. Puis lorsqu’ils sont arrivés au-dessus de Fresnes, ils ont survolé les cours avant de stationner, « on est arrivés entre la première et la deuxième division. J’ai rapidement vu Christophe et Mounir. Ils étaient dans la cour. Puis, je les revois une fois qu’ils sont montés sur le toit. En arrivant on a tenu en joue le mirador avec le famas démitlitarisé, en espérant que le maton se coucherait dans le mirador. Ensuite, j’ai vu le mirador pointer son arme sur mon frère, je l’ai vu sauter en panique dans la promenade, je suppose qu’alors que le mirador leur a tiré dessus également. Je regarde à nouveau le mirador et je le vois en train de nous viser. Je commence à lancer la corde et je me rends compte que le mirador nous tire dessus c’est à ce moment que je dis : « Ah les cons ils nous tirent dessus ». Ce n’est seulement qu’après que nous avons riposté aux tirs de Taffin. Moi je suis touché, mais je n’ai ressenti la douleur qu’un peu plus tard. »
Cyril insiste sur le fait que tout est loin d’être calculé, ce n’est pas une opération militaire comme on voudrait le faire croire. Entre la théorie et la pratique, il y a une grande différence. Pourquoi ont-ils jeté le sac dans la cour, il ne le sait pas. Tout a été transformé parce que le surveillant a tiré, on était persuadé qu’il n’y aurait pas de coups de feu, que le mirador allait se protéger et que nous pourrions repartir sans avoir besoin de nous servir d’armes.
La présidente, toujours aussi partiale, pose des questions à Cyril sur ses complices, en lui disant qu’il doit forcément savoir qui ils sont, et même qu’il les a revus après la tentative. Très illustratif de la manière dont elle cherche à influencer les jurés : elle lui parle d’un « complice » alors qu’elle sait très bien que la personne en question a eu un non lieu pendant l’instruction, mais qu’importe cela laisse toujours un doute dans l’esprit des jurés. « Après l’opération vous avez reçu un coup de téléphone d’un de vos complices qui vous disait Mon petit canard, où en es-tu ? » Et heureusement que Cyril flaire immédiatement le piège grossier et répond du tac au tac à la présidente « Vous insinuez que j’ai revu un des complices en citant ce coup de téléphone alors que vous savez très bien qu’il venait de Pascal A., un ami de mon frère, et que ce dernier a été blanchi dans cette histoire et donc il ne peut pas être pris pour un complice ! » La présidente cafouille et conclue en disant qu’elle présume ce qu’elle veut et que l’incident est clos.
Puis l’avocat des matons (Winter) tente de faire dire à Cyril, encore une fois, que l’hélico a tiré le premier, avant le jet de la corde en affirmant que c’est ce qu’il a vu dans les cassettes. Cyril lui répète « Je ne suis pas venu pour tirer ou blesser qui que ce soit. Je venais chercher mon frère. Pour moi il n’était pas question de tirer, seulement d’impressionner. » Et puis comme Winter insiste lourdement, Ripert le fait taire en lui disant « ça va, on a compris ce que vous voulez dire aux jurés, qu’ils ont affaire à des brutes sanguinaires mais ce n’est pas le cas, alors fichez-nous la paix avec vos impressions qui ne reposent sur aucun élément. »
Cyril, pendant tout ce témoignage, a montré que dans ce genre d’aventure, on est loin du professionnalisme attribué par l’accusation à tout le grand banditisme, décrivant aussi bien la détermination que les peurs, les regrets pour la pilote et même « quand j’ai vu Taffin ramper, j’ai immédiatement compris que tout devenait grave malgré nous, et là j’ai ressenti la peur  ».

Interrogatoire de Christophe :
Echange très tendu entre la présidente et Christophe. Elle ne supporte pas qu’il parle car il a un langage précis, un vocabulaire choisi et un charisme indiscutable. Il est l’anti thèse de sa représentation mentale de ce que devrait être un délinquant. Elle cherche à le faire taire tout le temps, lui coupant la parole, essayant d’empêcher qu’il explique ce qui s’est passé. Simplement parce que tout ce qu’il dit est extrêmement clair et évident et qu’elle a peur de l’effet que cela peut avoir sur les jurés. Faisant semblant de ne pas comprendre ce qu’il décrit, elle lui dit pendant ce moment « Vous êtes pénible M. Khider  » Il répond « Si moi je suis pénible, vous êtes très lourde. » Elle perd les pédales et n’ose même pas répondre et préfère botter en touche. Il raconte comment il a préparé cette évasion, comment et pourquoi il l’a proposé à Mounir tardivement en voyant que lui aussi ne supportait plus Fresnes. Pour lui, il n’était pas question que Cyril monte dans l’hélico. « Pour nous, ce qui était sûr, c’était qu’on ne voulait pas mourir dans la prison. On savait que les matons nous tireraient dessus une fois que l’on aurait attrapé la corde, comme ils l’ont toujours fait dans ces cas-là. C’est pour cela que j’avais exigé un baudrier, car même blessé à mort on ne serait pas retombé dans la cour. Quoiqu’il arrive je ne voulais pas mourir dans ce chiotte immonde qu’est la prison Fresnes. »
Et l’avocat général de chercher à provoquer Christophe pour le faire sortir de cette clairvoyance dont il fait preuve, et pour casser aux yeux des jurés l’image des liens familiaux : « Pourquoi n’avez-vous pas profité de votre notoriété pour aider votre mère, alors qu’elle était dans le besoin. » Christophe, patient, prend la peine de répondre à cette question parfaitement insultante « Je trouve vos propos un peu bizarres. Mais oui je l’aidais à l’époque, comme je pouvais, mais il ne s’agissait pas des mêmes sommes. » Le proc lui dit insolemment « Et vous pensez donc que trente-sept ans de prison, c’est invivable ? » Et Christophe prend encore la peine de lui répondre « Oui je ne veux pas mourir en prison ! »
Delphine Boesel lui demande « Quel était le but de tout ça ? »
Christophe « Sortir de l’enfer. Pour revivre. Ne pas être sur le qui-vive, retrouver le monde...  »
Ripert : « Que pensez-vous de l’expertise de M. Schlingé ? »
Christophe : « Elle est fausse. De toute façon, on m’a refusé toutes les confrontations pendant l’instruction. C’est bien que l’on veut cacher quelque chose. »
Delphine précise que Christophe n’a été entendu qu’une seule fois en cinq ans d’instruction et qu’il a toujours dit que les premiers tirs venaient du mirador.
A la présidente qui accuse Christophe d’avoir refusé des extractions, Il lui répond qu’il a refusé une seule fois pour protester contre les conditions de ses transferts depuis des lointaines maisons d’arrêt (Perpignan, Strasbourg, Rouen...) Menottes aux poignets, aux pieds, masque sur les yeux. La totale, version américaine.
Mounir décrit à son tour les conditions de détention qui l’ont poussé à vouloir s’évader, il ne voulait pas non plus crever en prison.
Puis, les surveillants en poste dans les autres miradors ce jour-là, viennent témoigner en affirmant leur « solidarité » avec Taffin : questionné par l’avocat de la pilote d’hélicoptère, ils affirment que placé comme Taffin, ils auraient de la même façon ouvert le feu sur l’hélico. Un autre surveillant ment en disant qu’il y a eu une rafale tirée en sa direction, certainement par Christophe, or Ripert lui rappelle simplement qu’on n’a retrouvé ni impacts ni douilles. Puis, un autre avoue qu’il aurait eu le temps d’ouvrir la porte aux surveillants pris en otage, mais qu’on lui a interdit de le faire...
Comme la défense pose des questions embarrassantes pour l’AP [1], qui a du mal à cacher qu’elle aurait pu éviter tout ça et que la hiérarchie avait encouragé les coups de feu, quitte à faire des blessés ou des morts, la présidente vole à leur secours, en embrouillant tout, en concluant à la va-vite, en embrouillant quitte à gommer les éléments importants. La partialité est telle que les jurés n’ont pas pu ne pas le comprendre. D’autant plus que ni Ripert, ni Christophe ne lui font de cadeaux. La tension est encore très forte, les mensonges de l’AP ne passent pas comme la cour l’aurait souhaité !

Mardi 13 mars :
Journée consacrée aux témoins, le matin les prisonniers, l’après-midi les flics et Pueyo directeur de Fresnes à l’époque des faits et actuel directeur de la prison de Fleury Mérogis où se trouve Christophe depuis le procès.

Matin :
Audition de Samuel Lamy, un des nombreux prisonniers qui étaient dans les cours de promenade de Fresnes ce dimanche et qui ont tout vu. Sur les plus de deux cents, seulement deux ont été entendus, parce qu’ils ont insisté pour le faire !
Evidemment, la présidente ne peut pas s’empêcher de commencer l’audition par le rappel de la condamnation de Samuel, condamnation qui n’a rien à voir avec le témoignage mais qui est de nature à le discréditer aux yeux des jurés. 30 ans de réclusion criminelle pour meurtre, il est en cassation. Ripert intervient immédiatement et la somme de se concentrer sur le témoignage lui rappelant qu’on n’est pas là pour juger M. Lamy mais bien pour l’entendre.
« Je suis descendu en promenade. On a entendu un hélico arriver. J’ai vu un des passagers pointer une arme en direction du mirador mais sans tirer. Puis, on a vu le mirador tirer sur l’hélico, au moment où un des passagers essayait de dégager la corde des filins de sécurité. Après le départ de l’hélico il y a eu un début de mouvement, des portes de cellules ont été cassées. Puis les CRS sont intervenus, vers 3 heures du matin, ils nous ont frappés à coups de matraque. Le lendemain, fouille ministérielle et ils nous ont saccagé nos cellules.
Le 2 juin, j’ai adressé un recommandé-accusé de réception, au procureur de Créteil pour porter plainte contre l’AP pour mise en danger de la vie d’autrui. Car si l’hélico était tombé nous serions tous morts en dessous. Je n’ai jamais eu de réponses. Bien au contraire, cela m’a valu un transfert.
 »
La présidente commence à poser ses questions toujours aussi décalées que partiales. « Comment avez-vous pu voir tout ça ? » Alors que Samuel venait de dire qu’il était juste en dessous !. Il confirme « Oui, le surveillant du mirador a tiré le premier, les coups de l’hélico ne sont partis qu’après. » « Je n’ai entendu aucune sommation. » « Tant que le surveillant du mirador était visé, il n’a pas tiré. C’est quand l’occupant de l’hélico a dégagé la corde, qu’il a un peu penché la tête à l’extérieur que le mirador lui a tiré dessus. »
Samuel précise que pour mieux voir, il a pris appui sur un crochet d’une porte de la cour, crochet qui devait servir dans le temps à accrocher des chevaux et que l’on n’avait jamais enlevé. La présidente et les parties civiles mettent en doute la parole de Samuel à propos de ce crochet qui d’après eux n’existent pas. Cela dure, alors Ripert se lève et dit que cela suffit et que si l’on ne veut pas croire le témoin, il demande une suspension du procès aussi longue que nécessaire pour que l’ensemble de la cour aille vérifier sur place la véracité du témoignage. Il rappelle également qu’il en a assez qu’on mette toujours en doute, sans rien prouver à l’inverse ce qui est avancé par la défense et les témoins.
Interruption pour que la cour délibère sur la demande de Ripert.
A la reprise, Ripert reprend la parole pour dire qu’il vient d’apprendre quelque chose qu’il ne peut pas laisser dans l’ombre. Il révèle aux jurés que Cyril s’est fait tabasser le matin par les ERIS à la Santé parce qu’il voulait prendre avec lui un tee-shirt et un caleçon pour son frère dont le paquetage n’était toujours pas arrivé à Fleury et qui n’avait donc rien pour se changer. C’est pour cela d’ailleurs que l’audience avait repris avec une heure de retard, Cyril avait dû être « vu » par un « médecin ». L’avocat général s’emporte à propos des retards que Ripert fait prendre au procès avec ses multiples requêtes. Ripert lui rétorque qu’il n’avait pas à mettre en doute la parole de M. Lamy et que puisqu’il l’avait fait, la seule solution était d’aller vérifier sur place et que de toute façon il n’avait pas de leçons à recevoir face de la part de gens qui laissaient les prisonniers se faire frapper sans intervenir.
Lumbroso, avocat de Cyril qui jusque-là n’avait pas brillé par sa pugnacité se réveille un peu et déclare « Je suis déçu par la tournure des événements. Je ne voulais pas parler de l’incident de la Santé de ce matin car je n’avais pas les éléments nécessaires. Mais la cour aurait pu dire quelques mots à ce sujet car elle, elle savait ce qu’il s’était passé d’autant plus qu’il y a un certificat médical. D’autre part je suis choqué du fait que vous ayez, Madame la présidente, évoqué la condamnation de M. Lamy, ce n’était pas le sujet du débat. La cour mène de façon partiale les débats et j’en suis déçu. »
La présidente, outrée, demande une suspension. En fait, elle ne tient plus du tout sa salle. Elle est bousculée par la défense qui ne se laisse pas embobiner par les mensonges habituels et pressée par l’accusation qui aimerait bien voir ce procès se terminer et aller vers une condamnation programmée.
Au retour de la suspension, elle fait une déclaration solennelle, aveu de faiblesse. « Je m’étonne des remarques de la défense sur l’absence de sérénité et sur l’évocation d’une déception. Je tiens à rappeler que je suis et serai toujours respectueuse de l’impartialité nécessaire à un jugement équitable. »
Mais elle sursoit tout de même à la demande de vérification sur place à Fresnes et reporte sa décision.
Elle lit le certificat médical établi le matin à 10 h 25, « douleurs lombaires et douleurs à l’épaule gauche ».
Cyril prend la parole et dit que le médecin ne l’a pas ausculté, qu’il ne l’a pas regardé alors qu’il a pris des coups sur les jambes, sur le visage. Il est prêt à les montrer aux jurés, la présidente l’en empêche. Alors il dit qu’il espère qu’il n’aura pas le même traitement au retour car les matons avaient raconté qu’il avait refusé l’extraction pour justifier le passage à tabac.
Samuel revient à la barre :
Ripert : « Pensez-vous que la mission des enquêteurs est d’entendre les témoins directs ? »
Samuel : « J’ai fait un courrier dans ce sens et on m’a transféré. Je sais que je vais repartir et qu’on va me faire la misère à cause de mon témoignage. Je suis venu pour dire ce que j’ai vu, mais les syndicats de matons vont se téléphoner... »

Deuxième prisonnier témoin : Nacer Farid
Il décrit à peu près la même scène. Puis « j’ai envoyé un courrier au procureur de Créteil le 6 juin 2001 pour lui décrire ce que j’avais vu : le surveillant a tiré, on aurait dit que ça le démangeait ; Il aurait pu nous tuer tous. On voyait très bien, l’hélico ne cachait pas le mirador. Et je suis formel, le surveillant a tiré en visant l’hélico, l’hélico n’a pas tiré avant. »
Puis, il décrit les menaces qu’il a reçues à Perpignan de la part des surveillants qui lui ont conseillé de dire que l’hélico avait tiré le premier. Il a alerté le proc de Perpignan, de Paris et Me Lumbroso des menaces du genre « on va te faire la vie dure. » « Mes lettres que j’ai envoyées depuis Fresnes ont toutes disparu ; mais je suis là pour dire la vérité et je n’ai pas peur des menaces. J’ai été tabassé à Fresnes. Je suis maintenant à 80 % invalide et dépendant de la Cotorep. Après la tentative d’évasion, j’ai été choqué par le tir du mirador et pendant 4 ans on m’a mis à Château-Thierry avant de me ramener à Fresnes et ensuite j’ai été transféré à Perpignan, du coup je n’ai plus aucune relation familiale. Je sors en juillet prochain et on me parle de réinsertion. »
Christophe remercie les deux témoins prisonniers, non pas parce qu’ils auraient juste corroboré leurs dires, mais parce qu’il sait qu’ils ont pris des risques. Cela énerve la présidente...

Mardi après midi
Témoignage des flics

Le commissaire de la BRB (Ivarse) qui est venu à Fresnes et qui a négocié avant l’arrivée du Raid. Témoignage larmoyant où ce haut flic joue parfaitement le rôle de la victime choquée à vie alors qu’aucun coup ne lui a été porté, voire même aucune menace. Témoignage hyper long et surdramatisé qui présente Christophe comme un implacable et Mounir comme un fou. A la fin, histoire d’en rajouter une couche, l’avocat général lui dit « Vous avez révélé une fort belle personnalité  ». Ripert de son côté lui rappelle que tout son discours pathos n’est que le fruit de son imagination car personne n’est mort et les otages ont été lâches. Christophe, écœuré depuis le début du témoignage, se lève pour parler et pour essayer de rétablir la vérité. La présidente tente de le faire taire. Christophe lui conseille de l’expulser de la salle par la force car il en marre de ne rien pouvoir dire alors qu’il entend un lot de mensonges et qu’on ne peut pas l’empêcher de se confronter avec « ce mythomane » comme on l’en a déjà empêché avec le surveillant Taffin. La présidente lui promet qu’il aura la parole plus tard et demande au commissaire de rester dans la salle.
Ensuite, c’est le tour du responsable du Raid, ce n’est pas celui qui a directement négocié avec Christophe et Mounir, car lui avait demandé à témoigner mais sa hiérarchie, craignant qu’il ne dise la vérité, l’en avait empêché. Le responsable se montre beaucoup plus froid et technique que le flic de la BRB, dans son analyse aucune fanfaronnade ni fiction à l’inverse de de son collègue qui vient de témoigner. Il présente Christophe et Mounir comme des gens normaux et il décrit leur geste comme celui d’une déception décroissante qui a été jusqu’à la reddition. Un espèce de robot froid qui applique des consignes tout à fait strictes, prêt à négocier comme à tuer si c’est nécessaire.
Dommage que le négociateur réclamé à corps et à cris tout au cours de l’instruction par les accusés n’ait pu venir à la barre. Tout comme l’avait demandé Catherine juste avant le procès à Patrick Devedjian, à cette époque, porte parole de Nicolas Sarkosy, devant deux cent personnes lors d’un colloque à Radio France..
Puis, c’est le tour des surveillants pris en otage par Christophe et Mounir. Ils se présentent comme des héros qui ont su par leur intelligence et leur sang-froid déjouer le plan des deux candidats à l’évasion. Version complètement tronquée.

Laurent Lamonvaltais (Antillais) :
« J’ai vu mon collègue visé par l’hélico puis juste après un sac a été jeté. Je me suis retrouvé bloqué sur la passerelle de la promenade (en hauteur) et je me suis demandé pourquoi on ne m’ouvrait pas la porte car je risquais ma vie. Christophe m’a vu par une lucarne et m’a dit « Bouge pas et reste là ». J’ai refermé la porte et je pensais qu’il ne pouvait pas accéder à la passerelle. En fait les portes étaient ouvertes et j’ai ouvert la dernière qui n’était pas très solide. Je les ai emmenés jusqu’à un téléphone. J’ai demandé qu’on me passe un gradé : j’ai dit que j’étais pris en otage et de l’autre côté on m’a raccroché au nez. Puis, on s’est présenté les uns et les autres et la tension est un peu retombée. Malgré tout, Mounir semblait prêt à tout et on ne savait pas comment le contrôler. J’ai toujours eu peur, pour ma vie, du début à la fin. Mais en même temps mon collègue et moi on n’a pas essayé de fuir car on ne voulait pas les laisser s’évader. » Ce surveillant essayait devant les jurés de se faire passer pour un héros, histoire aussi de gonfler la dangerosité des inculpés.
Christophe l’apostrophe en lui disant qu’il devrait avoir honte de ce qu’il raconte, que rien ne s’est passé comme il vient de le raconter. La présidente intervient encore. Ripert se lève et dédaigneusement demande au surveillant, comme une punition, de reprendre tout son témoignage. Il lui demande aussi quels sont ses rapports avec les prisonniers en général ; il lui répond qu’ils sont bons et Ripert s’étonne alors des cris poussés par la détention à l’adresse de Christophe et Mounir « Tuez les  ». Le surveillant dit ne jamais avoir entendu de tels cris.
En fin d’après-midi arrive Pueyo, ancien directeur de Fresnes et actuel directeur de Fleury.
Il vient dire que Taffin a accompli son devoir et son travail et que s’il n’avait pas tiré sur l’hélicoptère, il aurait commis une faute professionnelle. Pour lui, la « circulaire » ministérielle qui « préconise » de ne pas tirer sur un hélico est moins importante que la loi qui dit qu’il faut empêcher toute évasion. A ce moment, l’avocat de la pilote intervient pour lui faire répéter tout ça, pour être sûr que la hiérarchie ordonne elle-même aux surveillants de désobéir aux décrets qui interdisent de tirer sur un hélicoptère en vol stationnaire au-dessus d’une prison. Il lui demande s’il connaît vraiment le décret qui réglemente l’utilisation des armes à feu en cas d’évasion. Pueyoe ex directeur de la prison de Fresnes et actuel directeur de celle de fleury Mérogis, s’enfonce sans aucune pudeur ni honte, certifiant ainsi que pour eux la vie d’un otage vaut beaucoup moins que le risque de laisser une évasion se faire...
Ripert l’interroge à son tour et lui demande comment il sait que c’est l’hélico qui a tiré le premier alors qu’il n’était pas là puisqu’il est arrivé à Fresnes plusieurs heures après le départ de l’hélico. Pueyo répond en bafouillant qu’il connaît le résultat de l’expertise : Ripert lui signale que c’est contre la loi qu’un tel rapport soit rendu public avant le jugement. Puis Pueyo se justifie en disant qu’il a entendu le personnel pénitentiaire. Rien de tout cela ne tient la route, et tout est monté de toutes pièces. Ripert poursuit en lui lisant le passage concernant les aéronefs dans le règlement sur l’utilisation d’armes lors d’une évasion. Christophe et Mounir se lèvent pour le rappeler aux jurés. La présidente s’énerve en prétendant que les inculpés n’auraient pas le droit de parler aux témoins. Fin de séance.

Mercredi matin :
Au début de l’audience, Mounir dit à la présidente que dorénavant si on ne les laissait pas prendre la parole pour interroger directement les témoins, ils la prendraient car, au contraire de ce qu’elle prétend, c’est tout à fait légal et prévu par le CPP.

Le deuxième surveillant Laurent Delangue (le blanc)
Il dit tenir à regarder Christophe en face et lui parler, la présidente flippe et lui refuse.
Il précise un coup de téléphone qu’il y a eu avec un directeur adjoint qui ne voulait pas lui passer le directeur et du coup Delangue s’est énervé et Christophe lui a dit que leur hiérarchie n’en avait rien à faire d’eux et qu’ils les avaient laissés en pâture. D’autant plus que les autres prisonniers criaient « Tuez-les  ». A ce sujet il dit exactement l’inverse de son collègue la veille. Il confirme avoir eu peur tout le temps malgré le fait qu’il y avait un peu de dialogue entre eux et les deux. Il affirme qu’ils ont essayé de les dissuader de tirer sur le Raid. Pour lui, heureusement que Christophe avait la tête sur les épaules car Mounir était prêt à déclencher une émeute et s’il y avait eu une mutinerie, ils se seraient fait lyncher.
A Ripert qui lui demande quels sont ses rapports avec la détention, il répond la phrase syndicale « on n’a pas les moyens de la réinsertion mais je n’ai jamais entendu ou vu un collègue dire tiens je vais aller tabasser du détenu  »

Intervention de Christophe : il demande au surveillant de dire la vérité. Notamment au sujet du deuxième coup de fil où il a mis le haut-parleur pour faire entendre aux surveillants otages ce que leur hiérarchie disait d’eux « tue-les, tue-les, on s’en fout  ». Comme la présidente lui demande de se taire, il lui répond qu’il en a plus qu’assez qu’on les traite comme des merdes, qu’il veut parler et qu’il ne faut pas s’étonner de leur manque de respect vu qu’elle ne les respecte pas. Il dit au surveillant Delangue qu’il est vraiment un homme indigne.
Ripert intervient pour montrer que la présidente, encore une fois a fait dire au surveillant que l’hélico avait tiré en premier en relisant sa déposition aux flics juste après la prise d’otages. En fait, dans sa déposition à l’instruction, il a dit au contraire qu’il ne pouvait pas dire qui avait tiré d’abord ; Il est donc en contradiction avec ce qu’il vient de déclarer à l’invitation de la présidente. De plus, ce même surveillant, n’ayant certainement pas bien suivi les démonstrations oiseuses de l’expert, a affirmé que l’arme du mirador avait fait plus de bruit de la Kalach, donc ce serait celle qu’on entend le mieux dans la cassette !
Arrivée d’une psychologue qui vient pour Mounir (Mme Gontrand)
Portrait plutôt positif : pas de perversité, pas de dangerosité. Il est intelligent, il peut se donner les moyens de s’en sortir. Christophe conclut son rapport en disant « je souhaite à tout le monde d’avoir un ami comme Mounir. »

Témoignage de Claude Charles Catherine (dite Catherine) mère de Christophe et Cyril :
Elle arrive et très calmement et de sa voix forte dit à la cour : «  aujourd’hui je sais ce que veux dire l’expression garder un témoin au frais  » ! Madame la présidente vous m’avez traité comme un chien, laissé dans le froid alors que vous aviez promis dans cette cour de m’entendre très rapidement. Mon fils Cyril s’est fait frapper par des agents de la pénitentiaire ce matin et personne n’a eu la décence de venir me rassurer, pas un huissier, rien ni personne. Tandis que la présidente lui rétorque que tous les témoins ont été traités de la même manière pour l’empêcher de parler, Catherine lui répond que c’est faux, lui coupant sèchement la parole et d’ajouter ; il y a un espace prévu çà cet effet et des boissons pour les parties civiles. Elle n’a eu droit qu’au vide et au mépris. Elle rappelle qu’elle n’est pas mise en examen et qu’elle s’exprimera comme elle l’entend que tout ceci est inadmissible et laisse augurer de la partialité du procès.
Le 27 mai 2001, après avoir appris par la télé ce qui se passait à Fresnes, je suis arrivé à la prison. Là, je me suis enquise de l’état de santé du surveillant blessé. Puis, je passe la nuit avec ma fille à attendre que les choses avancent alors que j’entends hurler tout autour de moi. Vers 5 heures du matin on m’a ramenée chez moi. Deux heures après, on vient me chercher pour repartir à Fresnes. Je rencontre un membre du Raid qui se présente comme Christophe et qui me demande si, à mon avis, mon fils pourrait tuer un otage. Je réagis immédiatement en disant Bien sûr que non. On me passe mon fils au téléphone : « Bonne fête maman  » « Bon anniversaire Christophe » Puis je lui dis « Tu sais, ils ne te laisseront pas sortir, ils préféreront sacrifier le surveillant et toi tu es un gentil chronique je sais que tu ne lui feras pas de mal » Il me répond « Cela ne m’a jamais servi d’être gentil. Trente ans, même des mecs comme Milosevic ont pris moins d’années que moi. A la cour d’assises, ils m’ont tué ». Moi je savais qu’il n’y aurait pas de violence sur les surveillants. Il me disait « J’en peux plus  » A la fin je lui ai dit « Quel que soit ton choix, je t’aime, je suis avec toi. » Puis sa sœur lui a parlé : « Moi aussi avec le VIH, j’ai pris perpétuité. Tu ne peux pas nous faire ça Christophe. » Ensuite on m’a ramenée chez moi. J’ai supplié le Christophe du Raid de ne pas tuer mon fils. Après la reddition Christophe le négociateur m’a appelé et dit que je pouvais aller à Bois d’Arcy, au parloir pour voir mon fils. Il m’a dit « c’est une belle personne  ». J’y suis allé et j’ai vu Christophe pendant trois heures. Il m’a expliqué pourquoi il avait calmé l’émeute, parce qu’il ne voulait pas qu’il y ait de drames à cause du feu que les gars allumaient dans leurs cellules ; Et il me raconte ce coup de téléphone où un responsable lui avait dit « Lâche le blanc  », tandis qu’il avait mis le haut parleur pour que les surveillants otages puissent entendre la conversation. Elle termine son témoignage en disant que tant qu’on condamnera des prisonniers à des peines de mort, des peines de trente, de quarante ans, on fabriquera de la délinquance et de la criminalité afin d’ alimenter le secteur sécuritaire, on remplira des prisons de personnes qui ne penseront qu’à s’évader. En fabriquant de la haine et de la violence on engendre toujours plus de violence.
La présidente a fini par admettre que dans les dépositions il était en effet question de ce coup de téléphone avec la mention du blanc et du noir. Mais cela ne semble pas choquer ni le parquet, ni la partie civile (pilote exceptée) qui ne voit là aucune marque de racisme... Il fallait bien différencier les deux surveillants...

Mercredi après midi
Les experts
L’expertise médicale pour Taffin.
Expertises psychiatriques pour les trois par l’expert Borstein médecin psychiatre.
Cyril  : troubles du caractère précoce, impulsif, instable, jeunesse tumultueuse, exempté du service national. Clan fraternel, altruiste, prise de risque considérable. Pas de maladie mentale. Pas d’état dangereux au sens psy. Responsabilité engagée. Chaleur fraternelle, acte de cœur et dévouement pour cause fraternelle. Cyril a pu évoluer depuis. Pas d’anomalie de conduite. Sa famille, sa femme et surtout sa fille peuvent l’aider.
Christophe : intelligence largement au dessus de la moyenne, culture générale très vaste, réservé, prudent, assuré, dynamique, stable, mental fort, grande capacité à assumer la solitude ; pas de maladie mentale, pas d’addictions. Personnalité affirmée, tonique, réactive. Direct, autonome, indépendant sur le plan mental. Incapable de tuer de sang-froid. Assume ses actes. Erreur d’aiguillage de sa vie pipée dès le départ à cause des carences éducatives et affectives. Il a toutes les capacités pour réussir dans n’importe quel secteur dans lequel il serait brillant. Il reste réadaptable socialement.
Mounir : gai, têtu, toujours souriant, jamais d’état dépressif. Regret de l’échec de l’évasion. Affable. Pas d’état dangereux. Joueur, il peut par avance accepter l’échec. Pas d’expression de son refus de la détention.
Christophe reprend sur le récit de la prise d’otages
Au contraire des récits embrouillés, emphatiques, et puant le mensonge auxquels on a eu droit, son témoignage est limpide, précis, un débit fluide. Récit d’un drame évité. Il est lui-même surpris par tout ce qu’il a entendu et rappelle d’entrée qu’après sa reddition, un préfet ou un procureur est venu le voir, lui a mis la main sur l’épaule pour lui dire « qu’avec les deux Laurent (les surveillants otages), on n’oubliera pas ce que vous avez fait ». Promesse de dupes...
Le but pour nous était de prendre contact pour que je puisse parler avec le directeur. Il fallait responsabiliser quelqu’un ; C’est là que j’ai dit au surveillant du mirador 3 « si tu ne me réponds pas, je tue tes collègues ». Réponse du surveillant : un doigt d’honneur avant de s’enfuir. Pour moi, cela signifiait, vas-y tue-les.
Quant au commissaire Ivarse, il raconte n’importe quoi. Je lui avais donné dès le début ma parole qu’il repartirait vivant. Et lui m’avait promis de faire ouvrir la grille. Moi j’ai tenu parole, lui non et aujourd’hui il vient jouer les héros. Il s’était présenté comme le responsable qui avait le pouvoir de faire ouvrir la grille. Tout ça était fort dangereux pour les otages car ces mensonges auraient pu rendre fous des gens vraiment dangereux ! Il était transi de peur. Je pensais le féliciter ici mais tout ce qu’il a raconté sur nos attitudes est tellement démesuré... Il brouille tout, quand j’ai dit « il n’y a pas d’embrouilles  » ce n’était pas à Mounir que je parlais, comme Ivarse a essayé de vous dire pour prétendre que Mounir était incontrôlé, mais à lui, pour le rassurer tellement il avait peur.
Après notre tentative de sortie sous la couverture et contrairement à ce qu’ont raconté les deux surveillants, c’est Mounir et moi qui étions devant et derrière, les plus sujets à prendre les balles. Le Raid a refusé d’ouvrir la grille. Il y a eu ce coup de fil avec le directeur où celui-ci a clairement dit qu’il se moquait de la vie des deux surveillants. Après j’ai calmé les prisonniers pour qu’ils ne se fassent pas massacrer ensuite. En fait, ce sont des potes qui nous ont proposé de venir nous aider, je leur ai dit qu’ils allaient morfler et que cela ne servait à rien. A ce moment on était dans le dortoir du personnel homme. J’ai proposé aux deux Laurent d’aller se reposer. Puis, il y a eu le dialogue avec le négociateur « Christophe » du Raid. Au matin je me suis rendu compte que c’était cuit.
Comme la partie civile tente une question, Christophe dit à Winter qu’il ne veut pas lui parler et qu’il n’a qu’à comprendre que les surveillants ont arrangé tout leur témoignage à la sauce pénitentiaire.. A Lumbroso qui lui demande s’il sait que Cyril était dans l’hélico, il lui répond qu’il est venu à cause de sa pression et que quand il a vu 3 hommes dans l’hélico, il a compris que le troisième était son frère. Il dit avoir été à la fois fier de lui et en même temps avoir regretté de l’avoir provoqué à le faire. Quand l’avocat général lui demande s’il est fier de ce qu’il a fait, il lui répond qu’il est fier qu’il n’y ait pas eu de morts, que les surveillants soient toujours là. « C’est parfois plus dur de ne pas tirer : c’est un choix. »
Christophe est extrêmement précis dans son vocabulaire, très direct, très authentique. Quand Delphine Boesel lui pose la question : « A la fin vous aviez envie de mourir ? » « Envie ? ( avec un sourire) Non, mais, je l’avais accepté. »
Mounir : On n’a jamais envisagé d’exécuter les otages. On les a pris du tac au tac ; on les a pris, puis après on a fait pression, on s’en est servi comme monnaie d’échange. Celui qui a fait un doigt d’honneur, c’est une crapule qui abandonne ses potes. Je comprends que Ivarse ait eu peur : ceux qui n’ont pas peur sont des fous ou des débiles. Je ne souhaitais pas qu’Ivarse parte, je préférais le garder mais Christophe avait donné sa parole de le relâcher.
S’évader c’est la seule solution pour échapper à la mort. Tout est fait en prison pour enlever l’espoir, pour pousser au suicide. J’ai fait cinq années et demie d’isolement, j’ai engagé une procédure, le directeur a même été condamné mais j’ai été transféré et remis à l’isolement. Pour moi, il y a un tunnel, qu’il soit plus ou moins long, c’est toujours un tunnel dont je ne vois pas le bout. Si la justice appliquait sa loi, je pourrais faire une peine (pas d’isolement, des conditionnelles...) En France, on est condamné à ne jamais sortir vraiment de prison. Une fois libre, je serai encore condamné, donc je changerai de continent.
Arrivée en début de soirée de l’experte Michèle Agrapart, psychologue, non médecin, criminologue demeurant à Melun. Un physique insensé, une espèce de robot psychotique, hypernerveux, pleine de tics, puant la peur, pressée d’en finir en arguant du fait qu’elle était peu rétribuée pour ce qu’elle faisait et qu’elle voulait rentrer rapidement chez elle, et que vu l’heure tardive, elle demandait une escorte car elle avait peur de se promener seule le soir. Une angoisse ambulante. Son passage qui sera finalement plus long qu’elle l’avait prévu sera un des moments les plus tendus du procès...
Mounir  : intelligence normale. Niveau socioculturel fatalement bas. Incapable de se remettre en question. Pas de pathologie mentale. Difficulté d’adaptation sociale. Principe de plaisir au détriment du principe de réalité. Absence totale d’interdits. Traits psychopathes évidents : échec scolaire, demande affective sans retour, agressivité, mépris pour sa propre sécurité, absence totale de remords. Dangerosité considérable criminologique. Violence constitutionnelle. Passages à l’acte brutaux sans alerte. Hypertrophie du moi. Pronostic assez négatif, la réadaptation semble aléatoire.
Cette « expert » aura vu Mounir vingt minutes et elle se permet de conclure « J’ai le sentiment que si quelque chose les avait gênés vraiment, ils auraient pu tuer. »
Ripert réagit immédiatement : il lui rappelle sans ménagement que le CPP lui interdit de tirer aucune conclusion de sa soi-disant expertise. Et c’est en réponse à une question de la présidente qu’elle vient de dire « je suis certaine qu’ils auraient tiré  ». Ripert la taille en pièces, « votre expertise est complètement bidon, comme toutes celles de vos confrères. Vous ne l’avez vu que quarante minutes, et vous lui avez parlé de vous, de votre livre. On se contrefout de votre avis, et on se contrefout de vos supputations débiles. Gardez-vous de tout commentaire et parlez-nous plutôt de la tenue dans laquelle vous êtes venue pour les voir... » Ça gueule de partout, Mounir lui dit qu’elle ferait mieux de faire vétérinaire pour chat. La présidente menace de faire expulser la salle. Ripert lui dit à son tour ses quatre vérités, et lui signifie son rôle néfaste et dangereux. La présidente, complètement dépassée suspend la séance.
Au retour, Christophe dit qu’il vaut mieux calmer le jeu et que si l’experte n’outrepasse pas se prérogatives, ils essaieront de ne pas s’énerver.
Christophe : homme courtois, agréable, coopératif. Il est devenu délinquant par nécessité et il a volé des voitures pour manger. Intelligence supérieure à la normale. Culture très poussée. Stock verbal riche. Facultés très opérationnelles. Très mature. Sphère psychique normale. Processus défensif bien en place. Carences affectives massives. Dépourvu de jugement moral. Les tests ont montré une immaturité supérieure à l’apparence. Comportement impulsif. Pas de mode pervers ni psychopathe. Pas de violence fondamentale, ni d’agressivité. Il devient dangereux quand il est en situation de danger et il se met souvent en situation de danger. Ses seuls regrets sont tournés vers lui il aime moins son frère que celui ne l’aime. Réadaptation aléatoire car il n’a pas de trouble de la personnalité.
Christophe rappelle à Agrapart qu’il avait commencé par lui dire qu’il allait mal car Cyril, à l’époque, venait de se faire arrêter. Elle nie, et affirme à Christophe qu’il aime moins Cyril que Cyril ne l’aime. Elle dit qu’elle sait voir quand un détenu est dépressif et que par exemple elle vient d’en voir un à Fleury pour qui elle a reporté l’expertise. Christophe lui demande comment elle a pu écrire et d’où elle conclut que sa grand-mère était « laxiste ». Elle lui répond « de manière générale les grands-mères sont tolérantes, et si la votre n’avait pas été aussi laxiste, elle ne vous aurait pas placé à la Ddass » Elle sous-entend que c’est par laisser-aller qu’elle a placé Christophe alors que c’est parce que, à son plus grand malheur, elle n’arrivait plus à joindre les deux bouts.
Esclandre à nouveau : les avocats protestent sur ses conclusions quasiment insultantes, Christophe la traite de menteuse. Catherine, la mère, se lève et invective la présidente : « Vous ne savez pas tenir votre procès, vous poussez à l’incident  » pour protester, la présidente veut la faire expulser, les flics rentrent en nombre dans la salle mais rien ne se passe. L’un d’entre eux la regarde, dépité il compatit.
C’est encore Christophe qui calme l’affaire en jetant un mépris profond à l’attention de cette débile d’experte.
Elle reprend en disant qu’elle aimerait bien finir. Elle a à peine le temps de commencer de lire ses conclusions au sujet de Cyril qu’une embrouille commence à prendre de l’ampleur dans les rangs du jury. L’une des jurés finit par se lever, choquée par ce qu’a dit l’experte. Elle crie qu’elle ne veut plus entendre ça, qu’elle ne veut pas participer et qu’elle veut partir.
La présidente suspend l’audience.
La jurée ne revient pas, « pour raisons personnelles » dit la présidente. En fait, on apprendra très rapidement qu’elle était écœurée surtout par la présidente, qu’elle ne supportait pas son autoritarisme quasiment hystérique. Et qu’elle était loin d’être la seule à refuser de rester en sa compagnie pendant les suspensions car elle essayait en hurlant, en les traitant comme des moins que rien de les mettre à sa botte, de leur faire admettre de gré ou de force la position du parquet et des parties civiles. D’après certains jurés, elle aurait même dit ses quatre vérités à la présidente avant que celle-ci ne lui dise « quittez le palais » alors que cette jurée avait précisé ne pas vouloir partir pour ne causer aucun tort aux trois accusés en quittant l’audience définitivement. Du rarement vu !
Pour Cyril il y a eu deux expertises, l’une mauvaise et une seconde « meilleure ».

Jeudi matin
Tout le monde parle du départ de la jurée, du fait que la présidente, de par sa partialité, agace tout le monde et qu’en fait elle ne tient plus son procès.
Témoignage d’un troisième prisonnier de l’époque à Fresnes  :
Eric Vidal qui entre temps a été libéré confirme à son tour que le mirador s’est acharné à tirer sur l’hélico, et que la seule personne dangereuse qu’il ait vue était le surveillant du mirador.
Christophe ; sur les conditions de détention à Fresnes avant la tentative d’évasion.
Je voulais m’évader avant. Ce que je vais dire ne concerne pas les surveillants pris en otages car ils ne travaillaient pas dans ma division.
Quand je suis arrivé, j’étais entravé et menotté. La première chose qu’on m’a dite, c’est « Ici tu marches droit et sur le côté  » A la fouille, on m’a détruit pas mal d’affaires. A Fresnes, pendant mon procès d’assises en 1999, on ne me laissait pas prendre de douches. Le matelas était dégueulasse, des odeurs excrémentielles, des chiottes innommables, du coup je dormais sur le sommier jusqu’à ce qu’un jour un surveillant prenne sur lui de m’apporter un matelas neuf.
Fresnes est à l’image de la ligne blanche dans les couloirs qu’on n’a pas le droit de quitter des pieds, un règlement sans raison, juste pour maintenir l’idée de discipline à laquelle je n’ai pas accepté de me plier bêtement. Les promenades font environ 7 mètres sur 3, d’anciens boxes à chevaux et on peut se retrouver à 40 là-dedans, c’est invivable. Il n’y a jamais de calme. Même le parloir, seul moment d’oxygène, reste problématique, on ne peut pas prendre sa copine, sa mère dans ses bras alors que les séparations sont interdites depuis 1986. Le personnel est alcoolisé dès 7 heures le matin. En hiver on gèle, en été on crève de chaud. Le comportement des matons est majoritairement belliqueux. Moi on ne me touchait pas trop, mais j’en ai vu plein se faire dérouiller. Je me souviens d’un jeune gars un peu perdu, faible, qui s’est pris une droite parce qu’il croquait dans une pomme qu’il avait dans la main. Ce jour-là, si je n’avais pas eu un projet d’évasion, j’aurais collé une raclée au maton (alors que je ne l’ai pas fait pendant la prise d’otages).
Mounir  : Moi ce qui m’a frappé, ce sont les cris, les ordres hurlés. Pas de promenade où l’on peut courir. 2 douches par semaine. On m’a toujours répondu à tout ce que je disais « ferme ta gueule  ». Impossible de suivre des études alors que j’en avais commencé avant. Pas de sport (la note de Nanterre disait que j’étais DHR). Tout pour détruire. Il n’y a aucun dialogue. C’est malsain, c’est constamment « ici tu fermes ta gueule, tu ne sais pas encore ce qu’est vraiment la prison. »
L’avocate de la partie civile pose quelques questions qui permettent à Christophe de revenir sur les techniques de « gestion » des prisonniers : comment l’AP crée les situations où les uns finissent par ne plus vouloir côtoyer personne, où l’on mélange sciemment des gens qui n’ont rien à faire ensemble dans des réduits à taille d’insecte.
Les conditions de détention après la tentative d’évasion.
Cyril : Une fois arrêté, on me place directement à l’isolement à Nanterre. Je ne peux parler à personne. J’étais affaibli moralement et physiquement depuis l’échec de l’évasion. On m’a dit que l’isolement durerait trois mois et demi. Je n’avais accès à rien, pas de sport, pas d’activités, que la télé. En fait, juridiquement parlant, rien ne justifiait mon isolement. Ensuite, je passe un mois en détention normale à Nanterre. Puis je suis transféré à la prison de Fleury : mon avocate me dit que je suis suspecté de tentative d’évasion. L’AP n’a jamais apporté aucune preuve de cette préparation d’évasion. Toutes les nuits, les matons frappaient dans ma porte « Enculé, on va te faire la peau ». J’avais peur de devenir cardiaque, on me faisait payer très cher. Au bout de 21 jours, on fouille ma cellule, puis changement de cellule. Paquetage dégueulasse. Je refuse la fouille du surveillant, direction mitard. En fait, je préférais être au Quartier disciplinaire (QD) avec des draps « propres » que dans une cellule infecte. Pour finir, on m’a remis dans un autre bâtiment : ça a été tranquille pendant deux mois. Puis, à nouveau les tracasseries ont commencé. Refus de promenades, parloirs retardés... Je proteste : rapports, prétoire, mitard à nouveau. Je refuse d’en sortir car le directeur veut me mettre à l’isolement avec les « protégés » (les flics, les pointeurs, les pédophiles etc.) Je suis à l’isolement total pendant un mois jusqu’au transfert à la prison de Villepinte : au début tout va bien. Puis les surveillants m’ont prévenu, « on était à Fresnes à l’époque, tu vas voir ». Passages fréquents la nuit pour me réveiller. J’en ai parlé à la direction. Du coup ils m’ont détruit ma cellule, mes affaires pendant des fouilles. Un jour un maton m’a provoqué, appel d’urgence. Je passe au mitard pour un tutoiement...
Il y a eu l’histoire de la puce de téléphone dans ma chemise. Une connerie inventée. Puis une perquise des flics, ils ont trouvé deux joints alors qu’ils cherchaient un téléphone. Quinze jours de mitard. En sortant je reprends mon stage informatique. Puis, peu de temps après, le directeur me remet à l’isolement sans qu’on me dise pourquoi. Une équipe de matons nazillons a commencé à me mettre sous pression ; : des fouilles humiliantes constantes. Rien, pas de sport et personne pour constater. Je suis tout seul, je n’ai rien.
Dans la cellule à côté, il y avait un homme qui avait tué deux enfants, juste à côté un violeur d’enfants. Avec eux les matons étaient pleins de monsieur. Leurs cantines arrivaient. Moi je devais me contenter de l’immonde gamelle. Un jour, je rentre de promenade et je me suis rendu compte que chaque fois que je sortais, mes affaires étaient toujours changées de place (montre, télécommande...). Comme pour me rendre fou. Je pensais que je perdais les pédales. J’ai commencé à faire des marques pour être sûr que je n’étais pas fou. Ils m’avaient prévenu « On t’aura à l’usure ».
L’histoire de la fouille  : l’anecdote de la carte bleue comme ils disent, ils passent la main dans les fesses, comme un attouchement. Tout ça fait évidemment que je suis à fleur de peau. Je proteste ; on me met au mitard, je pète un plomb et j’insulte leur chef. Je me retrouve au cachot, menotté, entravé. Heureusement que ma femme est arrivée au parloir sinon ils m’auraient laissé comme ça. J’ai fait une crise de nerfs, j’ai inondé deux cellules de mitard. Je voulais être transférer au plus vite pour ne pas devenir fou.
Osny : ça allait un peu mieux. D’autres détenus m’ont soutenu. Et du coup on m’a accusé d’être en association avec les individus les plus dangereux alors qu’ils ne faisaient qu’être solidaires pour que je puisse respirer.
Rouen en 2003. Ma fille venait de naître. Ma femme ne pouvait pas venir, ma mère non plus. Alors je suis allé directement au mitard pour protester contre cet éloignement. Au bout de 91 jours de mitard, on m’a retransféré.
Puis Nanterre, toujours à l’isolement pendant deux mois. D’abord mitard suite à des provocations de surveillants qui m’empêchaient d’aller au sport. Jamais d’apaisement toujours la pression.
Puis, Fleury, toujours l’isolement. Le D5. Là toujours tout dans l’excès. On m’interdit la chauffe. Mais moi je ne voulais pas me servir de leur pastille vendue en cantine trop dangereuse et cancérigène. Toujours un œil derrière moi, même sur les chiottes. L’oppression constante. Toujours des joutes verbales en rapport direct avec les motifs de mon incarcération. Et je n’arrivais pas à me dégager de ce rapport, je les insultais. Mitard encore : je refuse de me baisser et de tousser, je veux rester digne, je ne veux pas me laisser violer. Une fois ils m’ont eu, une deuxième fois je ne veux pas les laisser m’écarter les fesses. Je me mets dos au mur. A trois ils se mettent sur moi, je ne me laisse pas faire. Ils me frappent (côtes fêlées, doigts de pied cassés). Le médecin refuse de me faire un certificat. Je commence à perdre pied, je craque et je commence à penser à m’en faire un. Ma mère me persuade de porter plainte pour agression sexuelle. Ils pouvaient me frapper mais pas me violer. Au-delà de la sécurité, il y avait toujours l’humiliation, l’envie de détruire.
La troisième fois je refuse catégoriquement la fouille. Rapport de forces, on me remet dans ma cellule, on m’apporte à manger et le soir je me vide, empoisonnement.
Puis Liancourt, pendant deux mois. Là on m’invente une nouvelle préparation d’évasion (via les services secrets intra muros dont le responsable, deviendra directeur à la centrale de Moulins un peu plus tard).
Rouen : rebelote, 95 jours de mitard.
Ensuite, retour à Fleury : on me sort de l’isolement, au bout de 15 jours on m’y remet. Pour me déstabiliser. On me met au D1 : je demande à suivre des cours. Sur les 7 mois, j’en ai fait six d’école. Je voulais passer un brevet, on m’a mis dans une classe inférieure pour que cela ne me serve à rien. Au bout des sept mois, le prof me raconte que l’AP leur avait dit que j’étais un dangereux preneur d’otages. Je continue ces cours car ils me permettent quand même de survivre, de faire quelque chose, de voir le soleil. Pui,s je demande à travailler pour envoyer un peu d’argent à ma famille. A ce moment, transfert.
Rouen encore : là je dis au directeur que je suis prêt à accepter l’isolement (quand j’ai demandé pourquoi on m’y remettait, on m’a répondu « après le beau temps l’orage) s’il me promettait qu’il me ferait transférer rapidement. Parole pas respectée, au bout de 4/5 mois je commence une grève de la faim qui durera 45 jours pour exiger mon transfert. (dénoncée par l’Acat, action des chrétiens pour l’abolition de la torture).
Fleury : mitard car je refuse d’intégrer une cellule insalubre, sans carreaux.
Hôpital de Fresnes : 2 nuits. On me dit d’arrêter ma grève et qu’on va me mettre en région parisienne.
Bois d’Arcy : on veut me mettre les menottes dès que j’arrive. Là-bas, ils veulent toujours mettre les menottes, comme pour conditionner alors qu’on est déjà enfermé. Je refuse et je vais à l’isolement. Ils me font la misère, ils continuent à m’empêcher de dormir. Les pressions quotidiennes.
La dernière en date à la Santé il y a deux jours quand les surveillants m’ont frappé parce que j’apportais avec moi un tee-shirt, un caleçon à mon frère, alors que c’était accepté par les gendarmes.
Mounir  : les QI sont des QHS qui soi-disant ont été abolis. Un décret Guigou stipulait qu’au QI, on devait être deux en promenade, au sport, aux activités, afin de permettre une sociabilité. L’isolement sensoriel est a priori interdit mais en fait c’est tout le contraire. Ma violence à l’intérieur n’était que résistance face au système et une façon de survivre contre les tortures. J’ai fait une vingtaine de maisons d’arrêt en cinq ans. Je n’ai passé que dix mois de détention normale à Moulins. L’isolement c’est presque comme le mitard (à part la télé, les cantines et les parloirs). Pendant plus de cinq ans, je n’ai pas pu porter mon regard au loin. J’avais toujours des matons autour de moi. A La santé, c’est même les matons qui décident de la lumière, il n’y a pas d’interrupteur dans la cellule.
Exemple du transfert : avant 2003, avant les ERIS, il y avait le problème du paquetage qui met toujours beaucoup de temps à arriver et qui parfois n’arrive pas. Après 2003, avec les Eris : ils arrivent cagoulés. En 2003, à Bois d’Arcy, j’étais dans ma cellule, j’avais mis mes boules quiès pour étudier. Les fouilles pouvaient intervenir à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Il était 21 heures, je vois des cagoules, des boucliers, des matraques qui rentrent. J’ai peur, je leur jette un tabouret. Ils me foutent par terre et me rentrent les doigts dans les yeux, me serrent les parties. Comme à chaque fois je résiste, donc je prends des coups, ils me menottent aux mains et aux pieds. Ils me mettent à plat ventre dans la promenade. Je suis resté comme ça pendant deux heures, j’ai demandé un médecin, refus. Dans ces moments durs, j’avais des horreurs en tête, ça réveille la haine, ça empêche toute culpabilité. Ils me remettent en cellule toujours attaché. Sans matelas, à plat ventre attaché au lit. A 4 heures et demie, ils me donnent un caleçon, un tee-shirt, des claquettes, et ils me descendent comme ça au greffe, transfert. Les ERIS me mettent un bandeau, sur les yeux, entravé. Ils m’emmènent à la Santé.
Je refuse systématiquement les fouilles humiliantes, donc c’est toujours des problèmes.
A Douai, on m’a cassé le poignet et quatre points de suture à la lèvre. Là-bas j’ai porté plainte en 2004 et toujours rien, pourtant j’ai eu le nom du surveillant qui m’avait frappé. J’arrivais de Rouen, après 45 jours de mitard pour tentative d’évasion. Je demande à aller au sport et le directeur me répond qu’il n’y en a pas. Quand j’arrive, je suis menotté, je vois un mec arriver et me dire « écoute ici des mecs comme toi je les mate, moi mon kif c’est le GIGN  ». Je lui réponds « Et bien, va te faire enfiler par eux  » Il me saute dessus, heureusement l’escorte le repousse. Puis je refuse la prise d’empreintes. Mitard, attaché à poil au sol. Je prends des coups. Puis le directeur arrive « ici c’est nous la loi  ». On me jette un plateau avec de la bouffe dessus. Un autre directeur arrive : « je vais vous détacher  ». Il m’apporte mes habits, je m’habille et je m’allonge pour me reposer. A 6 heures du matin, la porte s’ouvre, je vois le même mec (c’est même pas un animal social), toujours là, les manches relevées. Ils me foncent dessus, je me retrouve par terre menotté. Il me serre le cou, il criait « j’ai fait la guerre », « mon fils c’est un CRS ». Un autre prend son élan et me met un coup de pied dans la tête et m’ouvre la lèvre. Puis ils m’emmènent au greffe pour me faire les empreintes en me forçant le poignet si fort qu’ils me l’ont cassé. Heureusement les infirmiers arrivaient et ont prévenu mon avocate.
Dans ces quartiers, j’ai toujours suivi des études par correspondance.
Début 2006, on me met en centrale, en détention. Il y a moins de pression. Bien que j’aie une grosse colère contre ces gens-là. Et je me suis dit, il faut dépasser un peu cette haine. J’ai trouvé des gens qui m’ont aidé, qui m’ont fait évoluer, qui m’ont donné envie de me dépasser, c’est les profs. J’ai passé des diplômes, je suis le plus possible de stages. J’ai essayé de dépasser ce qui m’arrivait.
Et on m’a retransféré à Bois d’Arcy sans paquetage et à l’isolement. L’isolement est illégal et vous le savez très bien. La prison avec des conditions comme ça, elle est sans issue. Il est illusoire de penser qu’avec des peines de 20 ou 30 ans on peut revenir sans aide, alors avec l’isolement ! En prison il n’y a pas de mécanisme qui aide à un retour à la société. Heureusement qu’il y avait les profs. On vous voit toujours avec le passé criminel même si on l’a dépassé. Je n’ai vu qu’une infernale machine à entretenir et à reproduire la violence et le crime. Si vous voulez qu’on change, qu’on suive vos lois, il faut vous aussi vous soumettiez à votre à vos propres lois.
La présidente lit ses rapports disciplinaires, elle parle d’un morceau de cannabis retrouvé... Parfaitement ridicule d’autant plus qu’à la lecture du mot SPIP elle pense qu’il s’agit d’un Christophe
Pas de coups physiques, mais des pressions psychologiques, comme ce qui a été fait à ma mère mise nue pour être fouillée à la prison de Luynes alors que j’avais une mesure hygiaphone, à Mounir, à Cyril. J’aurais préféré une bonne bagarre à toute cette pression directe ou indirecte.
Le parloir hygiaphone : ne pas pouvoir prendre ma mère dans mes bras, et ne pas montrer que je suis triste. Nous ne pouvons pas montrer nos émotions à nos familles.
A Luynes, les effets psychologiques ont fait que j’ai eu envie de casser la porte du parloir, attraper le premier surveillant venu et le fracasser. Chez moi ce n’est pas naturel. Il faut m’y pousser.
S’en prendre aux familles, c’est comme si j’envoyais des copains pour aller humilier les familles des matons. Moi je m’y refuse, je ne toucherai pas à une famille, à un enfant. Ils n’y sont pour rien.
L’hygiaphone, la première fois c’était à Strasbourg, un double vitrage plexiglass crado. J’ai refusé, d’entrer dans la cabine de parloir. Un surveillant m’a attrapé le bras, je l’ai repoussé, puis je suis quand même allé au parloir sachant que la personne qui s’y trouvait avait fait un long trajet pour me voir. Ensuite, nous avons pleuré, quelques larmes de rage.
Le transfert : on part sans paquetage, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, avec les ERIS c’est rarement pacifique. Faire des compromis c’est différent que de se compromettre.
Pour résister à cette pression, j’ai souvent imaginé être violent. Toujours penser, jamais faire. C’est horrible de pousser quelqu’un à ses extrémités. Les punitions sont trop longues. Le but de ces conditions d’incarcération, c’est de nous pousser soit au suicide, soit à la haine. Nous sommes bien vivants et nous n’avons pas la haine. Nous sommes restés les mêmes qu’en rentrant.
Je n’ai pas la haine, je n’ai ni avenir, ni perspective. Dans ma situation, l’espoir c’est du poison.

Jeudi après midi
Plaidoiries parties civiles
Christian Devaux avocat de Marielle Simon :
Marielle Simon ne fait pas de littérature avec son courage. Elle a un esprit clair et une pensée rigoureuse. Sa question est « Pourquoi est-ce qu’on m’a tiré dessus ? »
Ce que je vais dire est ce que je pense de tout un système. Il y a une culture qui mijote dans l’AP qui fait que les surveillants des miradors se croient légitimes de tirer sur un otage dans un hélicoptère, protégés par des règlements aléatoires. Alors que comme par hasard, pendant les vingt heures de prise d’otages des surveillants, il n’y aura pas un seul coup de feu.
J’ai entendu et je suis convaincu des regrets de Cyril Khider vis-à-vis de Marielle Simon. Car on ne lui a pas appris à s’excuser. Je prends ses regrets comme une sorte d’espoir que son examen de conscience a commencé.
J’ai entendu les cris de révolte sur les conditions de détention : ils ne sont pas factices. Tous les avocats le savent. Les prisons sont la honte de la république disaient en 2000, un an avant les faits, les sénateurs. On ne peut que comprendre la révolte des prisonniers.
Je sais bien que l’opinion publique en général dit des criminels que c’est de leur faute. On disait la même chose pour la peine de mort. Il faut maintenant abolir la torture en prison. Surveiller oui, humilier non.
Dans une société civilisée on ne tire pas sur des otages, comme ça a été fait en Russie dans une école. Marielle Simon a failli être tuée deux fois, une balle à quinze centimètres, une balle dans le réservoir.
Il n’y avait pas de détenus sur l’échelle ; qu’est-ce qu’elle avait fait pour qu’on lui tire dessus ?
Il y a des consignes précises dans la circulaire de 1998 qui interdit de tirer sur un hélicoptère. Il y a des agents de la pénitentiaire qui lisent ces consignes d’une drôle de façon. Les surveillants ont répété qu’ils n’hésiteraient pas à tirer sur l’hélicoptère « bien que ce soit formellement interdit dans le cahier des charges ».
Est-ce que c’est la politique courante que des agents n’obéissent pas aux consignes et que des fonctionnaires revendiquent leur désobéissance. Ils ont fait leur loi à eux dans les murs opaques de la prison. Il y a des surveillants républicains qui obéissent à la loi. Le règlement de Fresnes dit que la légitime défense est quand il n’y a pas d’autres solutions. Entre la fuite et la protection de soi-même il y a une différence. Taffin aurait pu s’allonger ou se retirer dans l’escalier pour se protéger.
Monsieur Pueyo a dit que si on quitte son poste, on est poursuivi pour abandon de poste. Théorie complètement absurde : l’architecture du mirador ne permet pas de se protéger et on n’a pas le droit de partir. Les gardiens deviennent donc des kamikazes.
M. Taffin n’a pas cherché à se protéger, il s’est exposé en sortant son arme et il a tiré sans état d’âme, sinon il aurait baissé son froc. Il a cru monter au combat. Ce n’est pas de la légitime défense, il aurait pu faire autrement.
Et le sort de Marielle Simon n’a pas été le même pour les surveillants pendant la prise d’otages. Il n’y a pas eu de riposte aux coups de feu de la part de Christophe Khider. Jamais on n’a pris le risque de tirer sur les surveillants pris en otage. Pourquoi le Raid n’a pas tiré, parce qu’il y avait les otages. Là on s’est comporté avec précautions extrêmes. Et ça, Marielle Simon n’y a pas eu droit. M. Ivarse a décrit « la voix blanche » de Stefan surveillant pris en otage, Marielle Simon, elle, était complètement blanche quand on lui a tiré dessus. Y a-t-il les bons otages de l’AP et les autres extérieurs comme Marielle Simon ?
Même si le surveillant Taffin visait le passager, il n’est pas tireur d’élite. On ne peut pas dire qu’il a fait attention. La dernière idée inacceptable est que peut-être la pilote serait un malfaiteur : le seul cas que je connaisse est celui de Nadine Vaujour. Et, de ce que j’en sais le cas de Fresnes est le seul où l’on a tiré sur un hélicoptère.
Le simple fait qu’il y avait un otage interdisait de tirer. C’est ce qu’a fait le Raid. 85 % de négociations « On intervient que si la vie des otages est vraiment en danger »
Il ne fallait pas tirer sur Marielle Simon. C’est bien joli les théories de la pénitentiaire, moi je préfère les solutions concrètes.

Plaidoiries des deux de la pénitentiaire :
Winter et l’autre qui physiquement ressemblait à Marine Le pen et dont dont je ne connais pas le nom ont aligné les mêmes inepties habituelles.
Je suis en colère parce que j’ai entendu certains propos. J’ai cru comprendre qu’on inversait le procès. J’ai été déçu, touché de tout ce que j’ai vu et entendu ici. Ce n’est pas digne d’une cour d’assises. Ici le respect n’avait pas sa place, en tout cas pour les victimes. Quand on compare l’AP à des nazis, je trouve cela inacceptable. On peut faire de la défense mais pas de l’offense.
Ce qu’il faut retenir est que Christophe a pourri Cyril et que Cyril a dit être celui qui était couché avec l’échelle. J’ai vu dans le film que Cyril est celui qui est à genoux sur la banquette, il est donc celui qui a tiré. Etc.etc. Sans intérêts...

Vendredi matin réquisitoire :
L’avocat général a fait une description mélodramatique, histoire de remettre tout ça en ordre dans la bonne logique victimaire...Sauf que l’on a vu au cours de ce procès que la première victime de cette affaire, Marielle Simon, pilote de l’hélicoptère, s’est fait tirer et retirer dessus de nombreuses fois par la pénitentiaire de façon symbolique à chacune des interventions des matons et du directeur de Fleury ex directeur de Fresnes au moment des faits. De nombreux impacts psychologiques risquent de longtemps la hanter sans apporter de réponse à sa lancinante question : pourquoi m’ont ils tiré dessus ?
« C’était le 27 mai 2001, il faisait beau. Il y avait des gens qui se préparaient à faire un baptême de l’air. D’autres, plus jeunes, s’apprêtaient à aller jouer au football sur un terrain de l’Hay les Roses. Toute une sereine tranquillité, baignée dans des bonheurs de famille ce jour de fête des mères. (etc.) Mais le cours de la vie de ces personnes va basculer parce que Christophe Khider, trente ans de réclusion criminelle et Mounir Benbouabdellah, quinze ans de réclusion, ont décidé de s’évader. Est-ce que vous croyez une seule seconde que tous les dimanches ils attendent une belle comme on a essayé de vous le dire. Bien sûr que non. Tout était prévu, scientifiquement prévu. De l’autre côté, Cyril lui aussi est prêt, avec ses trois amis complices qu’il connaît bien.
Les rôles sont distribués. Tout a été préparé, repéré, on connaît exactement les horaires des vols d’hélicoptères. L’association de malfaiteurs est largement constituée.

Acte I : la prise de l’hélicoptère
Tout est calculé. Marielle Simon est prise en otage. Tout ça devant des familles, des enfants qui visitent l’abbaye. C’est une opération brutale, rapide, très efficace. Quinze minutes de vol, quinze minutes d’angoisse où le passager de gauche enlève sa cagoule. Derrière, un autre sort une kalachnikov. Pourquoi ? Ne vous laissez pas prendre par une hésitation entre vol et détournement : oui il y a vol, oui il y a association de malfaiteurs, oui ils sont armés, oui Cyril y participe au premier chef, oui Christophe est l’organisateur, oui Mounir a participé à ce projet.

Acte II : les tirs sur le mirador
Sur un ton très théâtral qui laisse augurer du longue et belle carrière, il fait un réquisitoire comme si on n’avait pas pu prendre conscience des mensonges de l’AP pendant l’ensemble des débats, comme si jurés et témoins étaient des idiots. Le surveillant fait les sommations « Halte, halte, halte ou je tire ». Pour l’hélicoptère, il faut neutraliser le mirador car le surveillant n’a pas eu peur comme ils l’avaient prévu. Ils ne sont pas arrivés en tirant, ils l’ont fait parce que le surveillant ne s’est pas enfui à leur vue. Le famas n’était pas factice mais juste enrayé, sinon il aurait servi aussi. Si vous ne répondez pas oui à la préméditation, vous répondrez oui à la volonté de tuer. Il y a neuf impacts tous ciblés autour de la fenêtre. Oui on a voulu tuer parce que le mirador voulait empêcher l’évasion. Nicolas Taffin est devenu ici un peu l’accusé. En fait, il n’a pas vidé son chargeur sur l’hélicoptère, il a fait un choix. S’il s’était accroupi, il pouvait encore être touché. Il a fait le choix le plus approprié pour sauver sa vie. Taffin exerce un métier difficile, pas reconnu, un métier qui n’apporte pas de gloire. Taffin a estimé exercer son devoir. Dans une prison, les surveillants ne portent pas d’armes alors qu’ils vivent entourés de gens dangereux. Taffin a exercé sa légitime défense. Deux tirs contre vingt-sept.
Oui, on aurait dû entendre d’autres détenus, mais ceux que j’ai entendus ne m’ont pas convaincu. Taffin est touché, il tombe. Il demande à voir ses enfants. Puis il est emmené par le Samu. Son état est réservé pendant plusieurs jours, le chirurgien a dit que c’était passé à deux centimètres. Je rappelle ici qu’aucune balle n’a traversé ou n’est restée dans la poitrine de Taffin, ce sont les éclats du mur qui l’ont atteint et blessé.
Pour ces tirs, la responsabilité de Cyril est engagée, il a permis ces tirs en apportant les armes, il a d’ailleurs reconnu tout ça, il a facilité la commission de ces tirs. Pour les deux autres, ce sont eux qui ont organisé le commando. Ils sont les instigateurs.

Acte III : la fuite de l’hélicoptère
L’opération a échoué non pas parce que la corde était trop courte, mais parce qu’elle s’est prise dans les filins.
Cyril a eu un parcours dans la vie qui l’a mené à la délinquance. C’est néanmoins celui qui a le plus progressé notamment en détention, il a fondé une famille, il s’est cultivé. Il est passé d’un amour fraternel à mort à un amour plus détaché. Vous en tiendrez compte même s’il a un rôle majeur.

Acte IV : prise d’otages à la prison de Fresnes
Vous aurez aperçu la résolution immédiate de Christophe et Mounir d’agir. Les policiers et les surveillants qui ont témoigné vous ont montré leur courage et leur volonté d’éviter un autre drame. C’est grâce à leurs réactions que les deux ont fini par se rendre, et tout ça malgré leur peur de mourir.
Christophe vous a expliqué que trente ans de réclusion, c’était trop, il a oublié de vous dire qu’en fait cela signifiait au plus vingt-cinq ans car il a déjà bénéficié d’un crédit de remise de peines de cinq ans. Christophe est puéril, fier, sans regret. Il a encore beaucoup de chemin à faire. Il vient encore de chercher à s’évader. Il ne tient compte de rien sauf de lui-même, lui seul est important à ses yeux. Mounir a montré un narcissisme surdéveloppé. Lui aussi a essayé de s’évader à nouveau, alors qu’il avait bénéficié d’une remise de peine de trois ans et demi. Il aurait pu demander très rapidement une libération conditionnelle, mais non c’est tellement plus simple d’accuser le système.
Ils ne se sont pas levés à votre entrée. Ils vous ont toujours défiés. Vous les condamnerez pour leur dire que ce qu’ils ont fait est inacceptable, pour protéger la société de tels individus. Leur évolution n’est pas suffisante pour qu’ils puissent réintégrer la société. Vous les punirez et ainsi vous protégerez la société. Je requiers dix-huit ans pour Christophe, seize ans pour Mounir avec une interdiction définitive du territoire, et quinze ans pour Cyril.

Vendredi après midi  : plaidoiries des avocats.
Ripert  :
On vient d’avoir droit à un réquisitoire bien ficelé, trop bien ficelé, en fait un scénario tronqué, manipulé. Monsieur l’avocat général, la justice ce n’est pas du cinéma, d’autant plus que dans votre scénario vous avez oublié les prisonniers.
18, 16, 15 ans : avec de telles peines, c’est certain, vous légitimez leur tentative d’évasion : c’est vous qui commencez à faire des prisons françaises des camps de concentration modernes. Vous demandez qu’on les condamne à mourir enfermé. Il est de leur devoir de se rendre justice à eux-mêmes quand la justice ne se rend plus. Vous n’avez parlé que de répression. Moi je vais vous parler de droit, de justice, de liberté. Et l’on verra bien quel discours triomphera. Celui de la négation de la république ou celui de l’avenir, de la liberté.
Christophe et Mounir ne mendient pas votre clémence, le droit est de leur côté. Les condamner à ces peines extravagantes, c’est refuser de rendre justice. Mais notre société condamne l’homme avant le crime, c’est pour ça qu’on construit de nouvelles prisons.
Vous voulez condamner ces hommes et pour cela vous êtes prêts à tricher, aussi bien sur les faits que sur le droit. Vous aurez le choix non pas entre la sévérité et la clémence mais entre la vérité et le mensonge.
Qui a tiré en premier et pourquoi ? Cette question est au cœur du débat depuis le début. Mais elle ne modifie en rien les infractions qui sont reprochées. Cela pourrait modifier les peines car cela détermine les circonstances de cette infraction.
Taffin est une vraie victime, mais de qui, de quoi ? Les surveillants, les policiers, les gendarmes ont toujours raison même quand ils ont tort. La victime est toujours surprotégée.
Le récit de Taffin me laisse perplexe, il ressent le besoin récurrent de répéter qu’il n’a pas tiré le premier. Dans sa première déposition il disait avoir tiré plus d’une dizaine de coups, il ne savait pas d’où venaient les coups de feu. De l’autre côté, l’hélicoptère n’avait aucun intérêt à tirer en premier. Comme ils l’ont dit, il leur suffisait de le tenir en joue. Si l’hélico avait tiré en premier il aurait touché tout de suite Taffin, c’est plus difficile de tirer précisément quand celui qui est en face tire aussi.
Taffin s’arroge le droit de tirer sur un hélicoptère et sur un détenu qui ne menaçait pas sa vie. C’est une tentative d’assassinat. La circulaire qui régit le droit de tuer lors d’une tentative d’évasion nous vient tout droit de la France vichyste, de Pétain en 1943.
Vous avez entendu le témoignage de Mme Simon en face de la détermination de tuer de Taffin...
Vous avez compris ce que sont les experts : ils sont tout puissants, ils racontent n’importe quoi mais pourtant ils dominent la justice, leur parole est divine. Je vous rappelle seulement qu’ils sont payés par cette justice et que souvent ils disent exactement ce que cette justice veut entendre.
Sa plaidoirie est entièrement ensuite sur les faits : démontrer qu’il n’y a pas eu de vol d’aéronef, mais détournement dix ans de prison contre vingt, qu’il ne peut pas y avoir association de malfaiteurs juridiquement. En fait Christophe et Mounir ne devraient pas encourir une peine supérieure à 10 ans...)
A la fin il rappelle qu’en France, pénitentiaire et police le prouvent, on a aboli la peine de mort, mais on n’a pas aboli le droit de tuer. Il est aussi ignoble d’inscrire Liberté, Egalité, Fraternité devant les prisons que Le travail rend libre devant les camps de concentration.
Pierre Lumbroso qui après s’être insurgé sur le fait que l’on puisse comparer la prison aux camps de concentration, reconnaît le vol de l’hélicoptère et termine avec un portrait assez juste de Cyril capable de faire pleurer toutes les gargouilles de Notre Dame.
Delphine Boesel rappelle après les faits énoncés par ripert qu’elle a fait un rapide calcul du nombre d’années de prison qui s’accumulent pour Christophe son client et l’ont amené à une date de libération autour de 2050.
L’évasion est un droit à la vie

Samedi matin :
Quand la présidente demande aux trois s’ils ont quelque chose à dire...
Mounir  : j’ai de la compassion pour une personne et une seule, Mme Marielle Simon. Notre comportement ici n’était pas dirigé contre elle, ni contre les jurés mais contre la partialité de la justice au service des parties civiles de la pénitentiaire.
Christophe  : Pour ma défense je n’ai rien à ajouter. J’ai un message pour la seule personne parmi les parties civiles qui soit vraiment digne, courageuse, droite même face à la pénitentiaire, Marielle Simon. J’ai été élevé dans une famille matriacarle où les femmes sont les patronne, donc cela ne m’étonne en rien.
Si j’ai crié et invectivé les parties civiles, ce n’était pas contre les hommes de l’époque mais contre les menteurs qu’ils sont devenus. Nous avions même décidé de ne faire aucun reproche aux deux Laurent...
Si je ne me suis pas levé, ce n’est pas contre l’être humain, c’est contre votre robe. J’ai une demande à faire, à vous faire et, cette fois ci, c’est à l’être humain que je m’adresse. Je voudrais être, le temps du délibéré, avec mon frère Cyril au dépôt, même entravé et menotté.
La procureur de service s’y oppose et montre une dernière fois le vrai visage de l’accusation.
Le chef d’escorte des gendarmes va voir Christophe dans le box pour lui dire que si c’est efusé il prendra sous sa responsabilité cette dernière requête.
Après un court délibéré la cour accepte la demande de Christophe qui se lève avec Mounir pour la remercier.

Samedi soir  : verdict (12 heures de délibération)

Les chefs d’inculpation ont pratiquement tous sautés :
Christophe 15 ans
Mounir 13 ans
Cyril 10 ans

[1] AP Administration Pénitentiaire