Le juge Rouiller dénonce : des prisonniers qui n’ont rien à y faire séjournent dans le quartier de haute sécurité de la prison.
Fabian Citroni - le 10 juillet 2010, 10h04
Le Matin
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Des détenus qui devraient être soignés en unité psychiatrique croupissent dans le quartier de haute sécurité de Bochuz (VD), coupés du monde. Ce constat, inquiétant, ressort du rapport établi par l’ancien juge fédéral Claude Rouiller, mandaté par l’Etat de Vaud pour enquêter sur les circonstances du décès de Skander Vogt, mort dans sa cellule dans la nuit du 10 au 11 mars.
Dans le cadre de son travail, Claude Rouiller a voulu visiter le quartier de haute sécurité de la prison vaudoise, là où Skander Vogt a passé de nombreux mois ces dernières années. « J’ai été impressionné. C’est une forteresse dont Vogt ne sortait, pour sa promenade solitaire, sa douche et ses visites au parloir fort, qu’étroitement escorté, entravé et menotté. Les cellules sont étroites, les meubles incorporés et bétonnés. Quant aux fenêtres, translucides, elles sont cadenassées », raconte le juge Rouiller.
Le problème ? « Ce quartier a sa raison d’être pour contenir, le temps nécessaire, des détenus vraiment dangereux, ou menacés de mort par d’autres détenus ou encore appelés à témoigner dans un procès à risque. Il semble hélas qu’il soit aussi une sorte de dépôt des détenus atteints de maladie mentale qu’on ne peut garder en unité psychiatrique. »
Places manquantes
Médecin responsable du Service vaudois de médecine et de psychiatrie pénitentiaires, le Pr Bruno Gravier confirme, dans le rapport Rouiller, les craintes du juge. Il précise que c’est « faute de place dans l’unité psychiatrique et faute d’espace sécurisé adapté à une prise en charge psychiatrique » que des détenus souffrant de troubles psychiatriques graves séjournent dans le quartier de haute sécurité.
Médecin responsable du Service vaudois de médecine et de psychiatrie pénitentiaires, le Pr Bruno Gravier confirme, dans le rapport Rouiller, les craintes du juge. Il précise que c’est « faute de place dans l’unité psychiatrique et faute d’espace sécurisé adapté à une prise en charge psychiatrique » que des détenus souffrant de troubles psychiatriques graves séjournent dans le quartier de haute sécurité.
Pour le médecin, il faut « des moyens humains et architecturaux adaptés » pour ces détenus spéciaux car il est important qu’ils puissent « rapidement sortir de la sécurité renforcée pour pouvoir réintégrer le régime progressif de sécurité ordinaire ».
Selon Claude Rouiller, l’isolement d’un détenu est « en soi admissible, mais peut devenir inhumain et destructeur du fait de sa durée ». Il estime que le détenu « peut y perdre sa dignité, ses repères, s’il n’a plus de contacts sociaux suffisants ». « Quelle vue de la société peut avoir un prisonnier qui ne connaît que ses gardiens ? » s’interroge Claude Rouiller.
« Un beau gâchis »
Et le juge qui recommande « l’amélioration des conditions de détention dans le quartier de haute sécurité » de conclure en évoquant Skander Vogt, qui n’était « ni un malade mental ni un criminel ayant porté atteinte à la vie ou à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’autrui ». « Il avait été jugé dangereux du fait de sa personnalité profondément perturbée par une enfance et une adolescence d’une rare brutalité. Il n’était pas nécessaire de lire dans le marc de café pour prévoir que son internement carcéral ne mènerait à rien de positif et que ce serait en fin de compte un beau gâchis individuel et social. »
Et le juge qui recommande « l’amélioration des conditions de détention dans le quartier de haute sécurité » de conclure en évoquant Skander Vogt, qui n’était « ni un malade mental ni un criminel ayant porté atteinte à la vie ou à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’autrui ». « Il avait été jugé dangereux du fait de sa personnalité profondément perturbée par une enfance et une adolescence d’une rare brutalité. Il n’était pas nécessaire de lire dans le marc de café pour prévoir que son internement carcéral ne mènerait à rien de positif et que ce serait en fin de compte un beau gâchis individuel et social. »