La compagnie, un groupe d’artistes contemporains installés à Belsunce, semblent avoir décidés de se rendre complices de la diffusion de la cassette maudite d’Alain Moreau, Le sida... sauf votre respect. En effet, l’émission les avait informés (1) du fait que, pour réaliser ce film de commande pour le Ministère de la Santé, Moreau avait utilisé des détenus de la Maison d’arrêt de la Santé, pour ensuite expurger toute référence à la prison.
Quand je les avait contacté début janvier, Issa Massu, membre de la compagnie, m’avait déclaré qu’elle n’avait pas vu le film, qu’elle allait le regarder et prendre en compte notre avis. Depuis, elle n’a donné aucune nouvelle.
La compagnie maintient la programmation de ce film (2) et, dans sa présentation omet de mentionner la participation des détenus ou les choix particuliers du réalisateur.
C’est donc en connaissance des faits que ces artistes se rendent complices du déni de la parole des détenus en tant que tels, de surcoit des gens concernés par la maladie du sida.
J’ai demandé à Charlotte de l’association Ban public (3) et à Mimouna de l’association AFRICA de donner leurs points de vue sur cette situation.
Charlotte de Ban public : Je n’ai pas vu le film, mais vous dites qu’il n’y a aucune référence à la prison, que toute référence à la prison avait été effacée. C’est malheureusement ce qui se passe à chaque fois, c’est-à-dire qu’on utilise les prisonniers, on a une main-d’oeuvre pour des ateliers cultures, et on efface effectivement leur réalité parce que, voilà, la détention n’est pas quelque chose dont on parle.
Mimouna, je sais qu’à AFRICA vous recherchez des ressources audio-visuelles pour provoquer la discussion autour du sida...
Mimouna : ...Et nous, on a montré ce film. J’ai appris l’histoire en venant ici. On ne le passera plus. En plus, ce qui est dégueulasse, Alain Moreau aurait dit que la prison était le seul endroit où il pouvait trouver des gens qui étaient susceptibles de lui parler...
Reda : Oui, il m’avait déclaré dans un entretien enregistré qu’il ne connaissait pas d’autres immigrés...
Mimouna : C’est comme toujours une utilisation à des fins... Ils font un peu ce qu’ils veulent. C’est bien que l’émission Survivre au sida ai protesté, il faudra rajouter dans la protestation que des associations comme la nôtre, on diffuse ce film depuis trois ans, et bien on ne le diffusera plus. En plus, il a la caution de médecins et d’anthropologues, ce qui est doublement dégueulasse, parce que c’est au nom de rendre hommage au moins à ceux qui sont malades et qui se trouvent en prison, c’est la moindre des choses, de dire dans quel univers social ils se trouvent...