Que cherche à améliorer la justice ?
Quand on regarde le terrain de recherches et d’études pour la justice, on s’aperçoit que rien n’est prévu pour la réinsertion. Après avoir effectué une peine, doit on ou non réintégré une société, sinon que faire ?
Je parle de réintégrer et non d’une aide, à chacun de faire ses preuves mais faut-il encore en avoir l’autorisation, l’accès ; ainsi pour avoir décidé, de par ma sensibilité, mon expérience et pour avoir côtoyé tant de misère psychique et sociale, de venir en aide aux gens qui se marginalisent, s’écartent de la vie socio-économique. J’ai travaillé avec sérieux et j’ai obtenu des résultats encourageants, que ce soit avec les chantiers d’insertions ou les ateliers destinés aux S.D.F.
Je regarde maintenant en arrière et je m’aperçois que l’on s’est juste servi de moi pour mettre en place des structures, dans un secteur où, même si on ne m’a pas attendu pour mettre en place des projets, ces derniers étaient souvent voués à l’échec, car il manquait une dimension que j’ai pu apporter et que seuls des gens qui ont eu un vécu et un statut « d’exclus » peuvent ressentir et comprendre.
Malgré cela ma reconnaissance professionnelle reste impossible, car mon statut d’ancien détenu - condamné interdit d’œuvrer en ce sens et dans ce secteur.
De quoi je me plains ? de rien si ce n’est de ne pouvoir travailler et œuvrer avec passion et amour, mais aussi technicité et humilité dans le secteur social. Là où il m’apparaît évident que je peux apporter quelque chose de positif et surtout sauver de l’exclusion quelques personnes.
Le ban délibéré
Avoir été condamné par la justice, par la société et après avoir compris sa faute, entamer une rémission, une rééducation ne suffisent pas à se réinsérer.
Le chemin est long tortueux, piégé !
Après avoir accompli et subi une peine, la règle veut qu’un condamné réintègre la société et recouvre une liberté, celle-là même dont on l’a privé par sanction, mais, normalement, pour une durée définie.
Pourquoi, dans la réalité, cela n’arrive pas à être concrétisé ? Est ce la faute de l’ancien (et toujours ?) condamné ? Est-ce la société qui ne veut plus de ces êtres bannis ? En tout cas, la réalité du terrain est telle qu’il faut décrire la distorsion entre : la volonté d’un ancien condamné à se réinsérer et la volonté de la société à réinsérer un ancien condamné.
Le terme ancien condamné est une gageure car apparemment il reste condamné à vie puisque : retrouver ses droits civiques et civils reste quasi impossible. Être utile à la société et faire part de son expérience pour aider autrui à ne pas dériver, trouver les moyens et les arguments, les mots et les maux, tout cela reste chose interdite.
Je citerai une phrase de l’Abbé Pierre : « Seuls ceux qui ont soufferts peuvent aider ceux qui souffrent ». La souffrance d’une peine et d’une incarcération est, dira-t-on, la conséquence normale d’une condamnation et appuit le sentiment de punition recherché, à cela il faut ajouter la souffrance d’être marqué et banni à vie, de n’avoir pas véritablement d’avenir social normal.
La souffrance qui a amené à déroger ou déraper, transgresser les règles sociales et/ou morales, a son importance dans le sens où il nous est impératif de ne pas négliger les causes de la délinquance ( terme général pour définir tant de choses différentes).
Est-ce la société ou les institutions qui n’ont pas confiance en leur système de "peine-rémission" ?
Loin de vouloir réintégrer une notabilité quelconque, il me suffirait d’être respecté pour mes actes, actions, démarches actuels et à venir. Des projets, on en fait en prison, c’est ce qui sauve de la déraison et de ne s’estimer juste bon à pourrir ou survivre entre quatre murs. On n’imagine pas une seule seconde que si l’on a la volonté forte d’être utile à la société et à son prochain, on puisse en être empêché.
La deuxième chance
Trouver un emploi en étant incarcéré voilà la condition d’une liberté conditionnelle. Ce qui implique qu’il faut expliquer, montrer et démontrer, convaincre que l’on reste un être humain, sensible et respectueux de son prochain, capable de travailler en groupe et en société.
Pas mal d’employeurs privés ou publics, restent méfiants et pourtant par la volonté et l’énergie qui en ressort, on arrive à prouver que l’on tient la route, que même si le passé est condamnable, le fait d’avoir compris et regretté sa faute,
définit une partie de la démarche du condamné.
Au bout de combien d’années me permettra-t-on d’avoir une vie civile et civique normale, de ne pas être marqué au fer rouge à chacune de mes démarches et recherches d’emploi ?
Ainsi les centres communaux d’action sociale et leurs directeurs comprennent vite l’importance de notre vécu pour être efficace dans des actions socioprofessionnelles et socioculturelles ; ils échangent avec certains d’entre nous mais ne peuvent que prendre des informations, ils ne peuvent travailler véritablement avec nous car notre statut les en empêche... ! Beaucoup m’ont dit le regretter amèrement allant jusqu’à dire qu’ils voulaient m’embaucher mais que le D.R.H. s’y opposait. Ils me disent aussi que, pourtant ils sont pour donner une deuxième chance, mais une deuxième chance de quoi ? Vivre, respirer, espérer, une deuxième chance....à quoi faire , juste à comprendre qu’il n’y aura jamais de deuxième chance, on est rangé dans une catégorie, que le commun des mortels se refuse à voir qu’il aurait pu en faire parti.
J’ai vécu ! Une vie s’achève et une autre commence, c’est ce que j’aimerais croire ; il paraît qu’il y a des cycles de vie pendant lesquels on est, plus ou moins, béni ou banni, il paraît que ces cycles durent 20 ans suivant les croyances et les références. Faut-il croire en quelque chose pour supporter son destin ?
Se plaindre, se plaindre, ce n’est pourtant pas ma démarche et mon ambition de vie, cela apparaît comme une habitude réactionnelle..........Il y a des genres et il y a des gens !
C’est sûr d’avoir commis un acte criminel, être puni et s’astreindre à sa peine est une chose normale, c’est la moindre des choses, je vous l’avoue bien volontiers, c’est une de mes convictions.
La moindre des choses.......Que comporte le reste des choses ? Il y a matière à interprétation on dirait bien, car que l’on se place du côté de la victime, de la justice, de la morale, de la société et son opinion ou accessoirement du côté du condamné, les opinions divergent ; si elles convergent c’est pour s’affronter au lieu de communiquer.
La peine en elle même a un sens si elle permet de punir (justement ou pas, on pourrait en débattre longtemps), de punir donc un condamné qui doit reconnaître sa faute et le dissuader de commettre de nouvelles infractions quelles soient morales, sociales ou autre.
Reconnaître sa faute est un chemin personnel de prise de conscience et, pour certains, cela se fait obligatoirement dans la douleur car il faut admettre que l’on ait pu être néfaste ou dangereux !
Mais, pour revenir à la peine et le sens de la peine, ses effets et ses conséquences, son utilité et son opportunité, il faut :
• Pour la justice être très technique,
• Pour la morale être démagogique,
• Pour la société être utile,
Je pense que l’on peut se rallier à un point commun qui est, pour tous, la non récidive, l’utilité et la réintégration sociale.
Que nous permettent de faire, tout d’abord la loi, la justice en ce sens, en considérant le respect des victimes et les garanties que la réintégration sociale se fasse durablement ?
Eric