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Témoignage de la soeur de Nordin

Mise en ligne : 24 juin 2007

Texte de l'article :

Le cri de détresse d’une grande sœur
Samira Benallal

Je revendique le « DROIT » à la réinsertion pour tous les détenus du royaume même pour mon frère Nordin Benallal.
Nordin était incarcérer à la prison d’Andenne depuis 17 mois et sa réinsertion socioprofessionnelle était en de bonne voie (très fructueuse).
Aussi bien la psychiatre qui le suivait, que le service social interne de la prison d’Andenne et que l’aumônier témoignent bien volontiers de son comportement positif et de sa volonté de tout mettre en œuvre pour se réinsérer.
Il est d’ailleurs depuis plusieurs mois, membre du conseil d’Administration de l’asbl DéClik, celui-ci était le relais à la prison d’Andenne, il s’employait avec détermination et conviction à sa mission première qui était la réinsertion des détenus (futur-ex).
Il suivait également différentes formations, entre autres une formation en gestion commerciale et il s’apprêtais à entamer son jury central.
Bref, toutes les conditions pour favoriser sa réinsertion de manière très positive était de rigueur mais voilà...
Lundi matin, alors que Nordin s’apprêtait à se rendre à sa formation, on lui annonce un imminent transfert pour des raisons de sécurité... !?
Vous n’imaginez pas l’étonnement de Nordin, lui qui pensait être un détenu modèle...
 
Et donc, aujourd’hui il se trouve incarcérer à la prison d’Ittre en cellule dite de « Sécurité » qui est en réalité un cachot. Mais pourquoi ? Parce que l’étiquette d’Ennemi public numéro 1 va le poursuivre éternellement et finalement on ne lui offrira jamais une seconde chance ? Nordin est au cachot à la prison d’Ittre et ce, suite à une « intercation » avec un/des matons. Et bien sûr, le fait que les matons provoquent, humilient et poussent a bout les détenus n’est en aucun cas pris en compte...
De plus, Nordin a des coups sur la tête et refuse de s’alimenter depuis 5 jours (C’est sa manière à lui de dénoncer ces abus de pouvoir qui sont approuvés par la direction d’Ittre).
On peut aisément dire que Nordin est désorienter, désemparer et n’arrive plus à comprendre la « Justice », qui s’acharne à nouveau sur lui, elle le puni parce qu’il s’est parfaitement réinsérer dans le système pénitentiaire d’Andenne. C’est une incompréhension totale !
La direction de la prison d’Andenne à justifier ce transfert de la manière suivante : « Nous avions des soupçons quant à la préméditation d’une éventuelle évasion ».
 
Quels soupçons ? Basés sur quoi ? Sur le fait qu’il ne soit pas un détenu paumé, qu’il ait envie de changer, de réussir et de se reconstruire ?
 
De manière plus générale, au delà du cas de Nordin, on peut se poser la question du sens de l’incarcération. Si, comme on nous dit, il s’agit de protéger la société de ces « délinquant », on peut supposer que l’incarcération est le moment où il convient de leur faire prendre conscience des règles et valeurs qui régissent cette société ; celles justement auquelles ils ont dérogé.
La prison sera le lieu où une identité sociale, respectueuse des règles et des autres pourra se reconstruire et ce, afin de ne pas prendre le risque de réintroduire dans la société des individus pires que ce qu’ils étaient en entrant en prison, plus révoltés, plus dangereux. Cela passe naturellement par des formations qualifiantes, des rythmes (des horaires), des règlements.
Encore faut-il que tous les moyens mis en place prennent sens, or où est le sens quand les formations sont interrompus intempestivement par des transfèrements auquels les détenus ne comprennent rien.
La justice est le nécessaire gérant des valeurs de la société et donc ultime garant de son épanouissement (Il est évident que tout individu conscient de cette nécessité d’une justice ne pourra que la respecter).
Encore faut-il que celle-ci s’exerce de la même façon pour tous, qu’elle soit juste et respectueuse de l’homme qui existe dans le détenu, de cet homme qui après la période d’incarcération redeviendra un acteur responsable dans la société.
 
Et donc, je revendique pour Nordin le même droit à la stabilité, à l’évolution et à la formation. Et je revendique pour tous les détenus que la « justice » leur soit appliquée au même titre que tout un chacun, dans le respect, le dignité, sans acharnement et provocation gratuite.
 
Je veux dénoncer cette injustice qui détruit Nordin et beaucoup d’autres détenus dans sa situation !!!
 
J’appelle à l’humanité et la sensibilité de chacun pour me soutenir, se joindre à moi afin de dénoncer ce genre de pratique inacceptable dans une démocratie.
 
Samira Benallal, soeur de Nordin Benallal et auteur du livre « Mon frère n’est pas l’Ennemi public numéro 1 » aux éditions Couleur Livres 2006.

 

 

A propos de Samira et des jeunes détenus.
Luk Vervaet

Elle me fait penser aux mères de la Playa de Mayo en Argentine. Ou à l’épouse, la mère ou la sœur de Bahar Kimyongür.

Samira Benallal : c’est le genre de femmes qui peut faire tomber une dictature.
Elle se bat en premier lieu pour l’avenir de ses propres enfants. Elle habite à Bruxelles, avec sa famille et envoie ses enfants dans une école néerlandophone, pour leur « donner un maximum de chances dans ce pays ». Elle-même ne parle pas néerlandais, ce qui ne lui facilite pas la vie dans ses contacts avec l’école. Elle mobilise autour d’elle toute personne qui peut aider ses enfants dans leur suivi scolaire.

Mais son asbl Declik, elle l’a mise sur pied pour les jeunes des quartiers populaires de Bruxelles. Et comme si cela ne suffisait pas, cela fait des années qu’elle remue ciel et terre pour la protection de son plus jeune frère, Nordin. Nordin est en prison. Quand la police le recherchait, elle l’avait baptisé « l’ennemi public N°1 ».

Samira n’a pas d’exigences déraisonnées.

Elle ne conteste pas l’incarcération de son frère, ni même sa condamnation. Elle demande seulement qu’on lui donne une seconde chance ainsi que du respect pour tous les prisonniers, ne serait-ce que dans l’intérêt de la société elle-même.

En tant qu’éducateur en prison, je ne peux que souscrire à la lettre de Samira.

Les transferts arbitraires et inattendus vers d’autres prisons déstabilisent les détenus. Ils rendent impossibles plannings et perspectives. Ils interrompent les formations. Les raisons invoquées pour ces transferts sont soit la surpopulation carcérale, soit le comportement du détenu, jugé négatif ou (trop) positif. Les transferts sont légion après un incident en prison. Mais, plus étrangement, trop de comportement positif inquiète. Si quelqu’un commence à se sentir « comme chez soi », si des liens d’amitié se nouent (pour autant que cela soit possible en prison), alors le transfert menace... Tout cela fait partie de la punition, même si cela ne sera jamais exprimé ainsi lors de la condamnation.

J’aimerais ajouter quelques points sur la situation dans les prisons.
Les délinquants à qui nous avons affaire sont de plus en plus jeunes. Il s’agit de la « génération perdue » des enfants du peuple, le plus souvent dépourvus d’un diplôme du secondaire, souvent issus de famille de l’immigration, même s’ils ont aussi peu avoir avec l’immigration que vous ou moi. Leur seul lien est le plus souvent leur patronyme et la couleur de leur peau. Mais cela suffit pour leur faire porter un stigmate. Ajoutons à cela l’échec scolaire et le statut socio-économique, tout est là pour en faire glisser certains sur la pente de la délinquance.
 
L’unique réponse de la société est l’enfermement des délinquants dans les prisons. Pratiquement tous les partis politiques ont affirmé lors de la campagne électorale du 10 juin 2007 « qu’il fait davantage de prisons et de cellules ». Les uns à partir de « considérations humanitaires » car les prisons seraient décidément (trop) surpeuplées ; les autres pour des raisons purement répressives. A ce sujet, pas question de « cordon sanitaire ». Les seules divergences portent sur le nombre de cellules à créer.

Une fois de plus la “gauche” s’affiche sur un thème qui réussit à la droite. Quel que soit le nombre de cellules, il y a fort à parier qu’elles seront plus vites remplies qu’elles ne seront construites. Et, l’expérience d’autres pays nous le montre, la sécurité de la société n’en sera pas pour autant mieux garantie.

Un autre thème couru de la campagne électorale était la peine en elle-même.

Ici aussi règne la quasi-unanimité : « Il faut en finir avec les libérations conditionnelles des détenus grâce à la loi Lejeune ». Ici encore, de petits différends pour la forme. Pour les uns la loi Lejeune existe à peine dans la pratique et il n’est même pas nécessaire de la supprimer, pour les autres il faut formellement abroger la loi. Des peines plus longues et plus dures ? Personne ne peut réellement croire que cela résoudra quelque problème que ce soit. C’est une surenchère électorale de plus pour plaire à l’opinion publique. Une opinion publique qui se forme de plus en plus, non pas au travers de son expérience propre, d’analyses objectives ou des prises de positions d’une organisation syndicale ou associative, mais au travers de « ce qu’on voit à la télévision ou ce qu’on lit dans le journal ». Cela fait des années que jour après jour chaque délit d’y étale, en gros plan ; on peut véritablement parler de la création d’une culture de la peur.

La détention commune et de longue durée des délinquants est pour eux soit la meilleure école du crime, soit une manière de les briser et de les détruire psychologiquement.

Un seul exemple : l’organisation française Ban Public vient de révéler que cinq suicides ont eu lieu en une semaine dans les prisons françaises en juin 2007. Elle signale que le nombre suicides dans les prisons est sept fois plus élevé que la moyenne nationale dans le reste de la société (http://prison.eu.org/article.php3?id_article=9748). 

Si vous pensez que cela ne concerne que la France, voici un chiffre de la prison d’Andenne, prison sur laquelle Samira écrit : en 2003, on y a signalé sept suicides sur quinze mois de temps ! Combien d’autres depuis, je ne le sais pas. Seulement ceci : il y a juste deux semaines, le détenu D.D.C. s’y est pendu dans sa cellule, un peu avant minuit. Mais ce fait divers, on ne l’a pas étalé sur les chaînes de télévision ou dans les colonnes de votre journal.

Luk Vervaet.