Un détenu du centre pénitentiaire de Longuenesse s’est vu déclassé de son emploi aux ateliers de la prison le 13 octobre 2010 par la commission de discipline. Sa seule faute : s’être plaint de conditions de travail pourtant reconnues comme « difficiles » par l’employeur.
R.F. a déposé, le 28 octobre, un recours hiérarchique devant la Direction interrégionale des services pénitentiaire de Lille, demandant l’annulation de la décision prise par la commission disciplinaire du centre pénitentiaire de Longuenesse en date du 13 octobre 2010 par laquelle il a été déclassé des ateliers, pour avoir « refusé d’obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l’établissement ». L’administration pénitentiaire lui reproche d’avoir, le 23 septembre, « refusé d’effectuer le travail demandé à l’atelier » et, « malgré l’intervention du 1er surveillant et de l’officier infrastructure », d’avoir « persisté dans le refus de travail [et] essayé d’influencer d’autres détenus du même atelier ». Et pour cause : « J’ai déclaré uniquement que je voulais bien travailler, mais pas pour 30 centimes de l’heure. Même Monsieur M. [le responsable des ateliers] a été incapable de nous montrer comment faire [le travail]. Mon travail a toujours été fait. D’autres détenus doivent utiliser leur dents pour craquer le plastique, d’autres ont les pouces en sang... » a-t-il expliqué devant la commission de discipline.
L’intéressé, qui est connu comme un « très bon élément, toujours assidu dans son travail », qui « sait tenir son poste et organiser son travail » et qui est « capable de tenir n’importe quel poste aux ateliers » selon son « passeport professionnel », a indiqué à la commission de discipline avoir « fait 150 crayons à 30 centimes les 100 » en deux heures et demie de travail, « de 7h30 à environ 10h », le 23 septembre. Ce jour-là, vers 9h45 du matin, plusieurs détenus s’étaient plaints auprès du responsable des ateliers de la société SIGES de leurs difficultés à réaliser le travail demandé. Contacté le 24 septembre par l’OIP, le responsable a indiqué que ce travail consistait « à enlever un silver plastique sur des crayons de maquillage, car le client s’est trompé de silver », reconnaissant que c’était « une tâche plus difficile » qui demandait « plus de temps que d’habitude ». Il avait néanmoins répondu à l’un des plaignants qu’il valait mieux pour lui de travailler dans ces conditions que « dans des mines de charbon en Chine », comme il l’a confirmé à l’OIP.
Interrogé sur le salaire horaire moyen au sein de l’atelier, le responsable de la société a refusé de communiquer les chiffres. Selon lui, « cela dépend de la motivation de la personne. Bien sûr, une personne qui n’est pas motivée va gagner moins ». Mais, affirme-t-il, « le seuil minimum de rémunération fixé par l’administration pénitentiaire [soit 3,97 € par heure] est respecté sur le mois ». Un argument opposé à R.F. sans qu’il puisse le vérifier lors de la commission de discipline : malgré sa demande écrite à la direction du centre pénitentiaire en date du 12 octobre, aucun chiffre ne lui a été communiqué pour attester des niveaux moyens de rémunération, ni de sa rémunération effective le 23 septembre.
Le 28 octobre, l’OIP a effectué la même demande auprès de la Direction interrégionale qui s’est engagée à transmettre prochainement ces données.
L’OIP rappelle :
– que toute mesure d’entrave ou de répression de la liberté d’expression des personnes détenues doivent être strictement proportionnées à l’objectif de maintien de l’ordre (Yankov c/ Bulgarie, 11 déc. 2003, req. n°39084/97) et que l’article 29 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, bien qu’encore non applicable à ce jour, dans l’attente des décrets d’application, dispose que « sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité de l’établissement, les personnes détenues sont consultées par l’administration pénitentiaire sur les activités qui leur sont proposées » ;
– qu’aux termes de l’article D.102 du Code de procédure pénale, « L’organisation, les méthodes et les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions normales du travail libre », l’article D. 103 précisant que les rémunérations « sont fixées par convention, en référence aux conditions d’emploi à l’extérieur, en tenant compte des spécificités de la production en milieu carcéral ».