Une erreur s’est glissée dans la loi Perben II. Une grosse erreur législative, qui pourrait permettre à des milliers de détenus de sortir de prison beaucoup plus tôt qu’ils ne l’espéraient. En théorie du moins. Quelques mots du texte de loi se sont, en effet, perdu au détour d’une navette législative entre les deux assemblées.
La loi Perben II, en vigueur depuis le 1er janvier, a revu le dispositif d’aménagement des peines, très complexe, en créant un dispositif de réduction automatique. Lorsqu’il est placé sous les verrous, un détenu sait désormais avec plus de clarté combien de temps il s’apprête à passer en prison, grâce à un système de crédit. S’il se comporte correctement, il peut ainsi bénéficier de trois mois de réduction de peine la première année, et de deux mois les années suivantes. Le texte fixe aussi le crédit à « sept jours par mois », mais - et c’est là l’erreur - il omet de préciser qu’il s’agit en réalité de sept jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an.
Dans l’esprit du législateur, le calcul est le suivant : une personne condamnée à trois ans de prison accumule un crédit de trois mois de réduction de peine au titre de la première année, plus deux fois deux mois, soit sept mois de moins. Mais, si l’on se fonde sur la rédaction du texte telle qu’elle est parue au Journal officiel du 10 mars 2004, ce condamné pourrait, en outre, revendiquer 36 fois 7 jours de « crédit », soit plus de huit mois encore à soustraire de la peine...
A l’heure actuelle, aucun détenu n’a tenté de bénéficier de l’application stricte du texte ainsi (mal) rédigé. Une circulaire de la direction de l’administration pénitentiaire en date du 7 avril 2005 est venue opportunément préciser les règles du jeu en matière de réduction de peine, cette fois sans erreur.
La Chancellerie s’apprête à corriger la loi en repassant devant le Parlement, de façon à éviter tout risque de contentieux... Et cela, dès que le calendrier législatif le permettra, éventuellement lors de l’examen du texte visant à renforcer la lutte contre la récidive.
Comment une telle mésaventure peut-elle se produire ? « C’est une erreur de plume, plaide-t-on au ministère de la Justice. Mais l’examen des travaux parlementaires de l’époque montre bien qu’il n’y a aucune ambiguïté sur la volonté du législateur. » Les députés ont en effet corrigé la copie renvoyée par les sénateurs, mais en oubliant la fin de leur phrase.
Alors que le Sénat proposait d’instaurer un crédit de réduction de peine de trois mois par an dès la deuxième année et de sept jours par mois pour une durée d’incarcération moindre, l’Assemblée nationale a voulu revenir à un dispositif moins généreux, avec trois mois au titre de la première année et deux mois ensuite. C’est alors que la « plume » s’est un peu brouillée.
L. C. - Le Figaro - 1er septembre 2005