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Urgent : Un témoignage en direct de Varennes-le-Grand qui interroge sérieusement sur les conditions à la Maison d’Arrêt

Mise en ligne : 31 janvier 2009

Dernière modification : 21 février 2009

Texte de l'article :


Urgent : Un témoignage en direct de Varennes-le-Grand qui interroge sérieusement sur les conditions à la Maison d’Arrêt

Lettre adressée à Mme DATI, Ministre de la Justice - Garde des Sceaux
Varennes-le-Grand, le 16 janvier 2009
Par Salim MELLAH, détenu au Centre Pénitentiaire de Varennes-le-Grand (71)

Je viens par cette présente lettre, vous informer de ma situation préoccupante au sein du centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand. J’ai été incarcéré à la maison d’arrêt de Belfort (90) au mois de Juin 2008. Pendant la détention, j’ai été victime d’une agression à l’arme blanche par un autre détenu. J’ai déposé plainte et ce détenu a été transféré dans une autre prison.

Ma concubine a reçu des menaces d’amis du détenu qui m’a agressé. J’ai demandé mon transfert à la Maison d’Arrêt de Besancon (25) pour éviter des problèmes à ma concubine qui demeurait à Belfort.
A mon arrivée à Besançon, l’Administration s’est rendu compte que le détenu qui m’a agressé se trouvait aussi à Besançon.

On m’a donc transféré au Centre Pénitentiaire de Varennes-le-Grand.
Depuis mon arrivée à cette maison d’arrêt, j’ai rencontré d’énormes problèmes avec les agents de l’administration. Ce qui m’a obligé à porter plainte à trois reprises auprès du Procureur de la République de Chalon sur Saône (71), et une fois auprès du doyen des juges d’instruction de Chalon sur Saône (71), contre les agents de l’administration de Varennes le Grand, pour menace, chantage et abus de pouvoir.
Face à ces nombreuses plaintes, l’administration à commencer à me rendre mon incarcération impossible à supporter.
Alors que je me trouvais dans une cellule avec un détenu avec lequel j’ai eu des conflits, lors du retour de promenade, ce dernier a refusé de retourner dans la cellule, car l’administration refusait de le changer de cellule. Quelques minutes plus tard, j’ai eu la visite de plusieurs surveillants munis de gants, accompagner d’un brigadier et d’un chef de détention. Ils m’ont ordonné de dormir sur un matelas à terre avec deux autres détenus, dont l’un deux était incarcéré dans une affaire criminelle pour tentative de meurtre.
Or, la loi indique qu’il ne faut pas mettre dans la même cellule, un détenu incarcéré pour une affaire criminel et un détenu incarcéré pour une affaire correctionnelle,ce qui étais mon cas.

En premier lieu j’ai refusé de dormir au sol, car je ne comprenais pas pourquoi on me faisait quitter ma cellule pour aller dormir sur un matelas alors que c’était l’autre détenu qui refusait de regagner sa cellule. Mais je n’avais pas le choix, puisque si je refusais, on me menaçait de m’amener de force au quartier disciplinaire. J’ai donc accepté de dormir au sol pour éviter le quartier disciplinaire.
Suite à ces menace et chantages, j’ai de nouveau porté plainte pour la troisième fois auprès du doyen des juges d’instruction et je me suis porté partie civile. J’ai ainsi avisé mon avocat Maître Darey au Barreau de Belfort, pour lui expliquer la situation. Celui ci a transmis un courrier au Directeur, Monsieur Pompille, pour lui faire part de ses observations.

Après la réception de ce courrier le 15/01/09, le directeur M Pompille s’est empressé de me faire part de son mécontentement, par l’intermédiaire de la chef de détention et de deux brigadiers. Le jour même, ils se sont présentés à ma cellule pour encore m’ordonner de changer de cellule. Le problème, c’est qu’ils voulaient me remettre avec un détenu avec qui j’avais eu un conflit. Pour éviter à nouveau d’avoir d’autre conflits et de retourner au quartier disciplinaire, j’ai donc refusé de quitter la cellule et j’ai préféré rester dormir au sol.

J’ai posé la question au chef de détention : « Pourquoi me mettez-vous avec un détenu qui me veut des conflits et non pas avec un autre détenu ? »
Sa réponse a été : « Vous vous êtes plaint à votre avocat et vous avez déposer plainte, et bien maintenant vous assumez »
Vu mon refus de quitter la cellule, le chef m’a avisé d’un compte rendu d’incidents afin de me faire passer en commission de discipline.

La seule raison de mon refus était tout simplement que je ne voulais pas retourner avec ce détenu, pour éviter d’autres problèmes.

Le lendemain, à 14h30, se présente encore à ma cellule, la chef de détention, 2 brigadiers et plusieurs surveillants. Un des brigadiers m’ordonna de préparer mes affaires, pour me rendre au quartier disciplinaire car j’avais 20 jours à effectuer suite à l’introduction d’une montre au parloir pour le profit de mon ancien co-détenu. Avant l’incident du 15/01/09 avec la chef de détention, j’étais en attente pour aller au quartier disciplinaire, du fait du manque de place.
En général les surveillants viennent à 8h00, pour escorter les détenus qui doivent aller au quartier disciplinaire.
Etonné de voir les surveillants venir me chercher en début d’après midi, j’ai posé quelques questions au brigadier : « Pourquoi êtes vous pressé de me mettre au quartier disciplinaire ? ». Il m’a répondu,
« C’est ça, quand on se plaint à son avocat et qu’on dépose plainte, voila ce qui se passe, on joue on perd »
Je lui dis « Mais pourquoi vous me faîtes la misère ? ». Il me répondit « tu appelles ça la misère ? Je vais te montrer ce que c’est la misère, prend tes affaires et dépêche-toi d’aller au trou »

J’ai beau demander mon transfert auprès du procureur Général de la cour d’appel de Besançon, afin de me rapprocher de ma famille et d’éviter toutes ces persécutions. Mais le procureur m’a renvoyé vers le directeur de Varennes-le-Grand en me prétextant que ce n’était pas a lui de s’occuper du transfert.
J’ai donc reformulé ma demande auprès du directeur de Varennes-le-Grand. Celui-ci m’a renvoyé à son tour, auprès du procureur.
Je ne sais plus vers qui me tourner : ma détention est un enfer. Je me trouve actuellement au quartier disciplinaire où j’ai débuté une grève de la faim pour me faire entendre, car j’estime que je ne suis pas entendu par la justice et le centre pénitentiaire.

J’ai été incarcéré pour effectuer ma peine dans des conditions normales. J’estime qu’en étant enfermé entre 4 murs, je paye mes dettes. Je sais que je ne pourrai pas prouver plusieurs paroles et agissements qui ont été dîtes et faits par les agents de l’administration. J’ai malheureusement été déjà condamné a plusieurs reprises. Je ne suis jamais arrivé à un tel stade. Je n’ai jamais porté plainte pour toutes les injustices que j’ai subi lorsque j’étais incarcéré avant. Alors si je vous écris ce courrier, croyez moi, tout ce que je vous raconte sur cette lettre est vrai.

Je vous en conjure, Madame le Ministre que durant toutes mes incarcérations, pas l’ombre d’une seconde je n’ai pensé à mettre fin à mes jours. Mais j’arrive à un stade où je suis poussé à bout par les agents de l’administration de Varennes le Grand. Cela m’affaiblit psychologiquement, malgré les années que j’ai passé derrières les barreaux. J’ai peur de faire une bêtise pour mettre fin à cette situation. Car celle-ci affecte aussi ma concubine et ma famille qui se font énormément de soucis. De plus avec l’éloignement de ma famille, que je vois très rarement, mon moral s’affaiblit encore plus.

Je m’en remets à vous Madame le Ministre, vu que ni le procureur de Besançon, ni le Directeur de Varennes-le-Grand veulent me transférer.
Je souhaiterais être transférer près de Belfort, à la maison d’arrêt de Belfort, Lure, Vesoul ou Mulhouse selon la place disponible.

Je n’ai que 21ans, et je n’ai pas envie de terminer mes jours entre 4 murs mais auprès de ma concubine et ma famille.

Dans l’attente, veuillez agréer mes sincères salutations distinguées.

Salim MELLAH

Nota Bene : Ce texte a été expurgé de ses fautes d’orthographe et grammaticale à sa demande, et pour faciliter une bonne compréhension de son témoignage.
D’autres éléments complètent sa lettre, dont un témoignage oral recueilli lors de la visite en urgence de son frère Omar, le 16 janvier au matin.
Pour tenter d’obtenir son transfert sans délais vers une autre Maison d’arrêt (Belfort), et craignant le pire, Omar a contacté le député-Maire Christophe Sirugue, à sa permanence afin qu’il agisse au plus vite, en se rendant à Varennes.
Pour obtenir une réaction rapide du Directeur de la prison de Varennes, Monsieur Pompille, et/ou du Procureur de la République, nous alertons l’ensemble des personnes qui sont en situation de pouvoir secourir Salim Mellah.
Son témoignage est une pièce à conviction pour l’ensemble des prisonniers et de ses soutiens. Pour le cas où le malheur de la disparition subite de Salim Mellah survenait, ce témoignage constitue la preuve évidente .
Source :
Vivre à Chalon