INTRODUCTION
1- "Il n’est pas possible de réduire l’activité tumultueuse des humains à un ordre géométrique exempt d’irrégularité et de confusion. De même que les lois simples et constantes de la nature ne peuvent éviter les perturbations qui surviennent dans le cours des planètes, les lois humaines sont incapables d’empêcher le trouble et le désordre résultant des forces d’attraction innombrables et opposées du plaisir et de la douleur. C’est pourtant la chimère que poursuivent les hommes aux facultés limitées quand ils ont en main le pouvoir. Lorsqu’on défend une foule d’actes indifférents, on ne prévient pas des délits qui ne sauraient en résulter, mais on en crée de nouveaux en déplacant arbitrairement, entre le vice et la vertu, des limites que l’on proclame cependant éternelles et immuables. (...) Si l’on veut prévenir les délits, il faut faire en sorte que les lois soient claires et simples, et que tous les membres de la nation unissent leurs forces pour les défendre, sans qu’aucun puisse travailler à les détruire." [1]
2- Ces lignes, écrites il y a plus de deux siècles par l’initiateur des principes fondamentaux [2] de notre droit pénal positif, devront nous servir de guide dans l’étude qui est la nôtre, celle du droit pénal applicable sur Internet. Car ce droit a justement pour objectif de prévenir et réprimer les délits et les crimes, alors que ce réseau de réseaux [3], dont la qualité de réseau lui a été parfois contestée [4], dénommé tour à tour village planétaire, espace cybernétique ou cybermonde, société de l’information, autoroute de l’information, outil voire simple potentialité [5], est l’instrument comme le siège d’une multitude d’infractions qui sont favorisées par son développement et la nouveauté de sa technologie. La raison en est que le droit n’est souvent pas en cohésion avec ce qu’il prétend régir, et les Législateurs de tous pays tentent souvent d’y remédier en élaborant de nouvelles incriminations qui jettent plus de troubles qu’elles ne résolvent de difficultés.
3- " Beccaria (...) a tiré cette grande conclusion que les crimes ne peuvent être prévenus, et les lois criminelles justes et bonnes que lorsque l’organisation sociale toute entière est refaite dans un siècle de vraies Lumières" [6]. Telle est donc certainement la tâche qui nous incombe, s’agissant d’Internet. Il s’agira de repenser l’organisation sociale sur le réseau, si l’on veut qu’un droit pénal s’y applique de manière adéquate. Mais avant que d’examiner ce point, il nous faut répondre à une question préalable : un droit pénal a t-il vocation à s’appliquer à Internet ? pour le savoir, il faut déterminer ce qu’est Internet, si l’on peut y parler d’organisation sociale, et donc par là même qualifier Internet de lieu social.
4- La réponse est manifestement positive : que l’on considère que l’échange se fasse dans le cyber-espace, c’est-à-dire en un lieu virtuel, ou que l’on estime qu’il se fasse sur un, voire plusieurs écrans d’ordinateurs, simultanément ou non, donc en des lieux concrêts donnés et à un moment donné, et ceci par l’intermédiaire d’une technique de communication, il ne peut être mis en doute qu’échange il y a, et qu’Internet en est, selon la perception que l’on en a, soit le siège, soit l’instrument.
5- Les échanges entre les hommes étant constitutifs de relations sociales, et le droit ayant pour vocation de régir ces dernières, Internet doit donc être régi par le droit.
6- Mais que veulent exactement les utilisateurs d’Internet ? désirent ils y voir une société, un centre commercial planétaire, un vivier d’informations, un outil de communication de l’information qui, s’il s’accompagne d’un apprentissage de l’exploitation de celle-ci, peut mener le plus grand nombre à la connaissance ?
7- La réponse à cette interrogation ne peut cette fois être que multiforme : en effet certains ne voient en Internet qu’un outil qui, à l’instar du téléphone mais de manière plus conviviale et performante, permet la communication. D’autres à l’inverse y voient un septième continent, nouveau paradigme de notre société, tandis que beaucoup ne croient pas aux potentiels de société et d’apport de connaissance que pourrait offrir le réseau, la grande majorité des hommes en étant exclus [7]. Pour d’autres encore, Internet est LA société, en ce qu’il constitue le seul lieu où la rencontre d’autrui est possible [8]. La majorité des internautes, enfin, spécialistes inclus, semble ne pas s’être posée la question et qualifie tour à tour Internet de mouvement, d’outil, d’espace cybernétique, d’univers, et ceci au sein même d’un unique discours. Personne [9] ne peut le leur reprocher, ceci n’étant que la conséquence de l’incertitude que fait régner le réseau sur les notions et définitions qui nous sont communes. Mais cela nous permet d’affirmer qu’il ne sert à rien de tenter de faire entrer dans une catégorie définie quelque chose qui par essence ne pourra jamais y correspondre, et qu’Internet est tout ceci à la fois, et est perçu comme tel par la voie générale de ses utilisateurs.
Tout ceci à la fois, donc une société où l’on trouve de tout, du simple moyen de communication à la correspondance la plus intime, en passant par les relations commerciales.. et ceci dans une atmosphère qui se voudrait sécurisée par le droit.
8- En conclusion, l’application du droit ou tout du moins le respect de certains droits -ce qui pour nous ne paraît pas dissociable-, est désirée de tous, qu’ils en aient conscience ou non.
9- Parmi ceux qui n’en n’ont pas conscience se trouvent entre autres les partisans du "non-droit" sur Internet. Ils estiment que la société virtuelle est tant différente des nôtres que les droits jusqu’ici élaborés n’ont pas vocation à s’y appliquer : la liberté sur le net est une conséquence de ses origines comme de sa nature intrinsèque, quand bien même celui-ci serait un lieu social. Il convient alors d’examiner leurs thèses, pour en apprécier la pertinence :
10- La liberté est tout d’abord conséquence du réseau, pour certains, de par ses origines : il faut en effet rappeler qu’Internet est né d’un projet de la défense américaine, le réseau Arpanet, développé en 1969 au cours de la guerre froide. Il permettait, grâce à son mode de transmission de l’information par paquets de données ainsi que son maillage, de relier des ordinateurs aux quatre coins du globe sans craindre l’endommagement éventuel d’une partie de sa structure. Son extension et l’invention de nouveaux protocoles de transfert de données (notamment le protocole TCP/IP [10], langage numérique utilisé aujourd’hui sur Internet) amenèrent la défense américaine à isoler la partie militaire du réseau (Milnet), en 1983. Arpanet fut ensuite intégré au réseau NSFnet. Son amélioration, rendue nécessaire par le nombre croissant d’utilisateurs, entraîna ensuite l’apparition du réseau BITnet, précurseur d’Internet, quelques temps plus tard.
En France, c’est seulement en 1980 que les chercheurs du CNAM [11] et de l’INRIA [12] s’intéressèrent au phénomène : les laboratoires nationaux furent mis en ligne, de même que des centres lyonnais de physique. Le CNAM abandonna le projet mais l’INRIA, en 1992, créa notamment, en association avec EDF, le CEA, le Cnes, le CNRS et le Ministère de l’enseignement supérieur, un réseau national d’interconnexion réservé aux chercheurs et aux enseignants, dénommé Renater. D’autres opérateurs participèrent par la suite à cette interconnexion.
Ces origines militaires et universitaires font dès lors du réseau un espace libre, que le droit n’a pas légitimité à régir. De même, le fait que les données soient scindées en paquets qui ne transitent pas par les mêmes voies, ce qui rend quasiment impossible la reconstitution du cheminement de l’information entre l’émetteur et le recepteur [13], est encore un obstacle à la reconnaissance de l’application du droit, dont la réalité n’est pas en cohésion avec celle d’Internet.
11- La liberté est encore conséquence du réseau, pour d’autres, en ce qu’il révolutionne nos conceptions géographiques et techniques.
12 - Internet est tout d’abord véritablement et totalement international : il n’est localisé sur aucun sol spécifique, car il est partout à la fois : il emprunte les lignes téléphoniques de tous les pays sans considération de frontières, et son "maillage (...) est tel qu’il n’est pas possible de déterminer a priori le chemin que suivront les données pour être acheminées d’un point à un autre" [14] de la planète.
13 - Son architecture, ensuite, est distribuée et non hiérarchique : il fédère une multitude de réseaux, différents quant à leurs natures, origines et fonctionnements. Les ordinateurs qui y sont connectés appartiennent indifféremment à des établissements publics, des organismes privés à but lucratif ou non, ou à des particuliers. Le réseau des réseaux n’"appartient"donc à personne et connaît une gestion totalement décentralisée.
14 - Il échappe dès lors à tout contrôle étatique ou d’une quelconque autorité souveraine. Certains Etats ont bien entendu tenté de contrôler Internet, ce qui ne paraît pas fondamentalement illégitime, en ce sens qu’un contrôle minimum permettrait de "sauvegarder le droit à l’expression des minorités" [15], face aux monopoles financiers ou politiques qui ôtent aujourd’hui à l’utilisateur toute réelle liberté d’accès et de parcours sur Internet [16]. Mais, ils se sont heurtés à la contradiction qu’il y a, comme le souligne M.Vivant, "entre un phénomène qui ignore les frontières et des entités qui n’existent et n’ont compétence qu’à l’intérieur de frontières données" [17]. Toute tentative de contrôle public s’avère inefficace, car il est impossible d’empêcher la réception d’une information : on ne peut empêcher un individu de se connecter à un serveur diffusant des données contraires à notre droit pénal, ce serveur peut se délocaliser facilement en cas d’interdiction administrative, et en tout état de cause la fermeture d’un site n’empêche pas le "re-routage" des informations litigieuses par un chemin différent, à partir d’un autre site.
La seule possibilité pour l’Etat d’avoir ce contrôle, est pour lui de prendre "en main la totalité du fonctionnement de l’Internet, ce qui est le cas de Singapour" [18]. Mais il ne nous semble pas que cette méthode totalitaire soit une solution idéale.
15 - L’Etat est donc absent du réseau. Il est pourtant constant que le droit pénal est l’expression de l’autorité étatique, qui exerce à travers lui son contrôle social [19] : par déduction, le droit pénal est absent d’Internet.
16 - La liberté, enfin, peut encore être vue comme une conséquence du réseau en ce que la technologie qu’il recouvre fait exploser les notions juridiques traditionnelles, à l’instar de nos notions géographiques : et lorsque les premières informations litigieuses ont été perçues, beaucoup ont estimé que les problèmes étaient nouveaux, qu’ il existait un vide juridique. Internet peut en effet correspondre à la fois aux définitions juridiques de l’audiovisuel, de la télécommunication, ou de l’informatique. De même, si en général il y a, dans tout processus de communication, un émetteur, un récepteur et d’éventuels intermédiaires, Internet offre cette possibilité pour tout internaute d’être tour à tour serveur (en hébergeant un document sur son site), simple émetteur ou réémetteur et récepteur d’informations.
17 - Sur ces justifications, donc, de nombreuses personnes revendiquent une totale liberté sur le net, et veulent un espace "sans lois et sans contrôle" [20]. Nous pouvons citer par exemple M. John P. Barlow qui prône, dans sa "déclaration d’indépendance du cyber-espace", une société nouvelle, en marge de toute application d’un quelconque droit existant sur la planète. Et ses intentions sont pourtant des plus pures : " Nous allons créer une civilisation de l’esprit dans le cyberspace. Puisse-t-elle être plus juste et plus humaine que le monde qu’ont construit vos gouvernements auparavant. " [21]
De même, plusieurs organisations militent de manière plus ou moins virulente pour qu’Internet reste libre : le cas le plus frappant reste la "Campagne Internationale pour la Liberté sur Internet" (CILI), connue encore sous le nom de "Global Internet Liberty Campaign" (GILC), créée lors de la réunion annuelle de l’Internet Society (ISOC) à Montréal en 1996 [22]. Cette organisation estime que "les frontières nationales n’ont aucun sens sur Internet", que les actions gouvernementales ou internationales "peuvent affecter de façon majeure les droits des citoyens dans le monde", et que "les utilisateurs d’Internet doivent travailler ensemble pour protéger la liberté d’expression et le droit à la vie privée".
18- Mais est-ce-à dire que ces "militants" de tous bords demandent une liberté totale ? Il semble que non, pour la plupart, et que l’idée soit plus ici la revendication d’un "droit de l’Internet" ou celle d’un droit minimal accompagné d’une autoréglementation.
19- Revendication, pour les premiers, d’un "droit" de l’Internet, ou plus exactement de "règles" de l’Internet, qui seraient élaborées par les internautes et qui ne seraient destinées à s’appliquer que dans ce monde autonome auquel le réseau semble correspondre. Cette idée n’est pas dénuée d’intérêt, et nous irons même jusqu’à l’aborder en deuxième chapitre de cette étude. Mais nous pouvons déjà relever l’un de ses points faibles, à savoir que des "règles" sans sanctions ne se sont jamais révélées efficaces. Me Stéphane Lilti a d’ailleurs pu écrire que "l’expérience montre que tout système exclusivement fondé sur la sagesse des hommes est un mauvais système" [23]. Et si des sanctions telles que le boycott, ou autres pratiques destinées à "chasser" du réseau un contrevenant aux principes y établis venaient à être prises, comme cela a déjà été suggéré, alors nous nous rapprocherions d’une certaine forme de droit pénal, sans toutefois y retrouver les garanties judiciaires que notre système étatique apporte aux personnes mises en cause.
20- Revendication, pour les autres, d’une intervention minimale du droit, accompagnée de règles élaborées par les cyber-citoyens. Cette approche révèle cependant plusieurs contradictions.
21- Si la CILI, par exemple, reconnaît que des lois peuvent imposer des restrictions "sur le contenu de l’expression électronique" [24], elle estime en revanche, répétons le, que "les actions des gouvernements et des organisations multinationales comme le G7 [25] et l’OCDE [26] peuvent affecter de façon majeure les droits des citoyens dans le monde". Or, elle soutient "la prohibition [sur Internet] de toute discrimination" basée entre autres sur la race, la couleur, le sexe ou les opinions, de la même manière qu’elle demande la protection des informations nominatives qui y circulent.
Cette coalition revendique donc la protection de droits inhérents à la personne humaine. C’est pourtant ce que recherchent également le G7 et l’OCDE, au travers de leurs différentes initiatives. Certes, ces derniers veulent faire appel au droit et aux systèmes juridictionnels de nos Etats pour y parvenir. Mais personne n’a encore jamais trouvé plus efficace que des institutions démocratiques pour assurer l’effectivité d’une telle protection.
22- Contradiction, encore, dans l’appartenance à la CILI de l’AUI, qui estime -à juste titre- qu’Internet n’est pas un monde "virtuel" mais une continuation de notre monde réel, qu’il "n’est rien d’autre qu’une infrastructure de communication de données numériques, sur laquelle s’appuient des services", et que sa "démystification passe par par la démonstration qu’ [il] n’échappe pas aux règles sociales" [27]. Est-il justifié, dès lors, de réclamer une protection privée de la liberté d’expression et de la vie privée, qui serait applicable à une partie de notre société réelle ?
23- Non, bien sûr. Les approches d’Internet en tant que "monde" virtuel ne sont que pures appréhensions de l’esprit, et il semble opportun de raisonner avec les concepts qui ont cours dans notre univers, ne serait-ce que car tous les acteurs d’Internet, loin d’être des créatures virtuelles ayant légitimité à revendiquer leurs propres lois, sont de concrêts êtres humains, titulaires d’une nationalité définie, et de ce fait "assujettis à leurs droits nationaux respectifs". [28]
24- Nous pouvons également répondre à tous les arguments qui ont été vus plus haut qu’Internet, avant d’être un cyber-monde, a eu pour vocation d’être un outil professionnel, quand bien même aurait-il été mis au point par des chercheurs américains. Et un outil est un élément d’une société réelle, auquel les règles de celle-ci s’appliquent. De la même manière, une absence de contrôle étatique ne justifie pas l’absence de son droit de regard sur un phénomène qui peut l’atteindre dans ses intérêts fondamentaux, et à l’égard duquel il est légitime à vouloir se protéger. Enfin, ce n’est pas non plus car le droit appréhende difficilement une situation du fait de sa nouveauté qu’il n’est pas en mesure d’y remédier : depuis le contrat social de Rousseau [29], les lois se sont toujours adaptées aux évolutions, et si ce n’est de par leur caractère général et abstrait comme il se devrait, c’est tout du moins de par l’intervention du Législateur, voire du juge.
25- Il ne fait désormais plus aucun doute que le droit doive être présent sur Internet. Le vide juridique est un "mythe dépassé" [30], et si l’on ne devait n’y apporter qu’une seule justification, au delà de toutes les considérations techniques et notionnelles qui viennent d’être rappelées, ce serait celle si justement énoncée par M. Vivant : "il n’y a pas à hésiter à une intervention légale dès lors que l’on croit à certaines valeurs" [31]. Ainsi, "Ce qui est illicite hors ligne doit le rester sur les réseaux". [32]
26- Et les décisions de justice de plus en plus nombreuses concernant Internet renforcent cette réalité. Il en est de même de la présence "de fait" du droit sur le réseau [33], même si l’éveil est lent et que le réflexe "droit" n’est pas encore total. [34]
27- Droit, mais quel droit ? Il convient de voir ce qu’il devrait être, puis ce qu’il est.
28- Comme nous l’aurait enseigné Beccaria, ce droit, pour être véritablement adapté à Internet, doit être déterminé en fonction de la réalité sociétale que le réseau recouvre. Cette société doit être examinée dans son organisation de fait, c’est à dire dans la manière dont ses membres ont commencé à y évoluer et ce à quoi ils aspirent en son sein. Il faut ensuite étudier l’organisation sociale d’Internet telle qu’elle est perçue par les règles qui tentent de s’y appliquer, c’est à dire nos différents droits nationaux., voire un droit international. Et si cette dernière organisation ne correspond pas à la réalité dont nous parlions plus haut, il faut alors la repenser. La repenser, pour la refaire. Repenser et refaire le droit, donc, corollairement. Et cette fois en partant du phénomène à saisir et non plus du droit existant, à l’inverse de ce qu’il a toujours été fait.
29- Nous avons vu plus haut que la voie générale des utilisateurs d’Internet désire un nouveau type de société, sans frontières, qui permettrait autant la simple communication que la recherche d’information ou le commerce, ceci dans le respect et des droits humains et de la structure technique d’Internet.
30- La question est alors de savoir si notre droit pénal national, si les droit pénaux nationaux, ou si un droit pénal international sont capables de remplir cette mission. Il semble en effet que des difficultés soient rencontrées à cette occasion, car Internet n’est localisé en aucune définition juridique connue ni en aucun lieu précis.
31- Aucune définition juridique n’est réellement adaptée, ce qui pose souvent de sérieux problèmes de qualification des faits et actes qui voient le jour sur ou pour Internet, et qui pose par là même des conflits de lois internes.
32- Aucun lieu précis, car le réseau couvre toute la planète, et les liens hypertextes permettent de passer d’un territoire à un autre en quelques secondes. Seule une page déterminée peut être localisée avec certitude, encore que les choses ne soient pas aussi évidentes concernant le réseau Usenet, dont dépendent les newsgroups. Notons d’ailleurs ici que nous inclurons l’étude de ce réseau quand nous parlerons d’Internet : car s’il n’en fait pas réellement partie, il a des liens avec lui, et peut être rejoint à partir de lui. Il soulève de plus les même problèmes qu’Internet.
33- A défaut d’un droit pénal spécialement dédié à Internet comme d’une localisation précise, à défaut d’un droit pénal véritablement international, il est évident que le droit pénal ayant vocation à s’appliquer sur le réseau est alors celui de chaque pays, et au sein de chacun de ceux-ci, de plusieurs textes. Nous en arrivons donc à cette hypothèse inverse, dans laquelle Internet est submergé par une multitude de droits différents, qui se veulent souvent contradictoires.
34- Pour voir comment ces différents droits peuvent régir internet sans l’étouffer, il nous faudra examiner les éventuelles propositions du droit pénal international, c’est à dire de la "branche du droit criminel qui règle l’ensemble des problèmes qui se posent au plan international" [35]. Cette expression étant, comme chacun sait, source de confusion, nous l’entendrons comme regroupant à la fois les règles internationales prévoyant une incrimination -c’est à dire le droit pénal véritablement international-, et les règles de droit pénal interne destinées à s’appliquer en cas d’infraction internationale, c’est-à-dire en cas de comportement infractionnel présentant un élément d’extranéité. Par soucis de clareté, et pour ne pas entrer dans un débat qui est étranger à notre propos, nous utiliserons, pour désigner respectivement chacune de ces deux "sous-classes" du droit pénal international, les expressions retenues par le Professeur Claude Lombois, à savoir celles de "droit des infractions internationales", et de "droit pénal extranational". [36]
35- Après avoir examiné les solutions proposées par ces deux branches du droit pénal international, c’est-à-dire après avoir étudié le droit tel qu’il est à l’heure actuelle appliqué sur Internet (Chapitre 1), nous serons amenés à reconnaître que les problemes persistent et que les solutions sont à rechercher ailleurs. Il faudra alors déterminer si le droit pénal que nous voulons voir appliquer à Internet doit être un droit national, hypothèse dans laquelle il faudra alors déterminer les critères de son application pour une justice et une répression qualitativement optimale, ou s’il est opportun d’envisager un droit spécialement dédié à Internet, que l’approche de celui-ci soit interne ou externe au réseau. Un tel droit sera alors naturellement à justifier quant à son existence et à son élaboration. En résumé, nous aborderons les solutions qui pourraient nous conduire vers un droit applicable sur Internet (Chapitre II).