Introduction
107 saisines concernant 97 affaires ont été transmises par des parlementaires et la Défenseure des enfants à la Commission nationale de déontologie de la sécurité en 2004. Cette année a été marquée par une nouvelle progression du nombre de dossiers. Ceux-ci au nombre de 19 en 2001, 40 en 2002, 70 en 2003, ont augmenté de 38 % en 2004.
Comme l’année dernière, la très grande majorité des saisines concerne des fonctionnaires de la police nationale et de l’administration pénitentiaire.
Si la plupart des réclamations concernant la police nationale a pour origine les conditions d’interpellation, de contrôle d’identité, de garde à vue, et d’emploi de gestes techniques professionnels d’intervention (GTPI), il apparaît cette année qu’un certain nombre ont leur origine dans une
infraction contestée au Code de la route. En outre, cette année la Commission a été saisie à plusieurs reprises pour des faits mettant en cause des membres de la surveillance générale [1] (SUGE) de la SNCF.
Depuis quatre ans, l’examen des saisines a mis en évidence des problématiques récurrentes qui ont conduit les membres de la Commission à s’interroger sur la part de la discrimination dans les manquements à la déontologie. En avril 2004, la Commission a confié à un de ses membres, madame Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS, la réalisation d’une étude méthodologique sur les dossiers traités en 2001, 2002, 2003 et 2004. L’enquête et les conclusions, approuvées par la Commission en réunion plénière le 13 janvier 2005, sont proposées dans ce rapport, elles ont pour premier objectif d’élargir la réflexion sur les principaux moyens à mettre en œuvre pour faire diminuer les manquements constatés.
Comme précisé dans l’enquête, la Commission ne prétend pas stigmatiser le fonctionnement global de telle ou telle institution, ce qui serait excessif mais dénonce des pratiques individuelles dont le nombre, par rapport à ses saisines, est significatif. Elle s’interroge sur les causes de telles situations qu’il importe, non de nier, mais d’analyser pour les corriger et les prévenir.
En réponse à des recommandations émises en 2003 et au début 2004, les ministères de l’Intérieur et de la Justice ont diffusé de nouvelles circulaires en 2004.
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L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
La Commission n’a pas compétence pour intervenir dans les fonctions administratives relatives à la tenue du registre d’écrou (2004-51, 2004-57, 2004-62). Le problème des suicides en détention est un problème grave.
La Commission a dit n’y avoir lieu à intervenir de sa part lorsque des mesures de prévention avaient été mises en place (2003-61). En revanche, elle s’alarme de la répétition des suicides dans les quartiers disciplinaires.
Les recommandations prises en 2004
a) Les escortes en milieu hospitalier :
- elles ne doivent pas compromettre le fonctionnement de l’unité médicale sous un prétexte imputable à un fonctionnaire de police peu expérimenté (2004-2) ;
- les annulations à répétition de demandes d’escortes peuvent avoir des conséquences sérieuses pour une détenue qui ne reçoit pas à temps les soins nécessités par son état (2004-3).
La circulaire du 10 février 2004 a mis fin à une situation choquante selon laquelle une détenue devait choisir entre accoucher menottée, ce qui fut fait, ou en présence d’une surveillante (2004-6).
b) Les transferts :
- sur une longue distance, ils ne sauraient être effectués, même pour des détenus particulièrement surveillés, dans des conditions de contraintes excessives (2004-14) ;
- les conditions de transfèrement des détenus présentant des troubles de comportement doivent être étudiées en vue d’une amélioration (2004-53).
c) Mobilité pénitentiaire : la surpopulation carcérale conduit à des changements de lieux de détention dans des conditions d’impréparation qui ont pu avoir pour le détenu des conséquences dramatiques.
L’intervention de services d’ordre en prison
La Commission a condamné les conditions dans lesquelles le GIPN est intervenu en détention à l’encontre d’une détenue. Pour justifier l’action, la dénonciation anonyme d’une codétenue a été privilégiée par rapport aux indications techniques excluant tout danger. Alors que la porte de la cellule avait été ouverte sans incident, un pistolet générateur de décharges électriques a été utilisé sur une détenue malade. Cette opération a été conduite en présence de deux journalistes, dont un photographe, non contrôlés à l’entrée, dans le but de promouvoir l’action du service de police susceptible de faire usage d’une arme nouvelle (2004-3).
La Commission regrette qu’un détenu particulièrement surveillé, à l’isolement depuis plus de deux ans, n’ait pu rencontrer lors de ses déplacements que des membres de l’ERIS cagoulés (2004-14). Le traitement brutal et dégradant appliqué à des détenus à la maison centrale de Moulins, à la suite d’une prise d’otages mais alors que la situation avait été dénouée sans incident, a conduit la Commission à poser les problèmes de la coordination des différents services intervenants en détention en cas de crise, de la légalité de certains groupes cagoulés intervenant brutalement et de la responsabilité disciplinaire des responsables qui ont la charge de prévenir et d’arrêter les violences (2003-31).
Les suicides en quartier disciplinaire
La mise en quartier d’isolement est une mesure grave, notamment pour les détenus fragiles. Saisie de trois suicides en 2002 à la maison d’arrêt de Tarbes, la Commission a déploré que le manque de personnel, la surpopulation carcérale entraînant des transferts éloignant le détenu du milieu familial, l’insuffisante connaissance de détenus notamment sur le plan psychologique, l’inadaptation du dispositif de surveillance aient conduit à des drames.
Elle a préconisé avec d’autres (Commission nationale consultative des droits de l’homme, Comité de prévention de la torture) que des méliorations sensibles soient apportées (2003-26, 2003-48).
De même, les mises à l’isolement successives pouvant dépasser deux années sont des mesures d’une particulière gravité (2004-14).
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