Monsieur Dominique PERBEN
Ministre de la Justice et Garde des Sceaux
13, place Vendôme
75042 PARIS Cedex 01
le 17 décembre 2002
Monsieur le Ministre,
Par la présente nous voulons vous alerter sur la dégradation de l’état de santé de Monsieur Alain Solé, en détention préventive depuis trois ans et trois mois et actuellement incarcéré à la Maison d’arrêt de Nanterre.
Alain Solé souffre en effet d’un diabète de type 3, nécessitant un traitement permanent d’insuline, et entraînant la dégradation progressive des fonctions essentielles, et notamment d’organes vitaux. Une grave alerte est déjà survenue le 4 octobre 2002, entraînant son hospitalisation en urgence.
L’un de ses défenseurs, Maître Isabelle Coutant-Peyre, du barreau de Paris, écrit : "Le rapport de l’expert désigné, le Professeur Jacques F. Azorin, établi le 25 novembre 2002, démontre que le maintien en détention d’Alain Solé entraînera obligatoirement des accidents vitaux, faute de structures de soins appropriées aux graves pathologies dont il souffre. Ce rapport démontre d’ailleurs que l’évolution de ces pathologies vitales résulte du manque de traitement depuis son incarcération.
Le résumé des différents comptes-rendus d’hospitalisation démontre que :
- faute de surveillance médicale, alors que l’administration pénitentiaire avait refusé l’extraction d’Alain Solé pour différents examens hospitaliers, le 4 octobre 2002, survenait un infarctus du myocarde, dans un cadre de cardiopathie ischémique.
Les examens effectués à la suite de l’hospitalisation d’Alain Solé aux urgences, révélaient :
. " une sténose serrée de l’artère iliaque primitive associée à des plaques sur la bifurcation fémorale "
. " l’artère coronaire droite occluse à la fin du segment I, réopacifiée en distalité par la circulation collatérale
homolatérale " entraînant " une nécrose dans le territoire inférieur "
Dans ses conclusions, l’expert relève : " Surtout, il a été mis en évidence récemment sur le plan cardiaque, une insuffisance coronarienne avec un infarctus du myocarde au niveau du territoire inférieur, infarctus silencieux fréquent chez les diabétiques".
L’expert relève également au niveau des effets du diabète d’Alain Solé un risque d’occlusion brutale de l’artère iliaque interne gauche.
Or, si le médecin expert ne se prononce pas explicitement sur l’incompatibilité de l’état actuel d’Alain Solé avec la détention, car indique-t-il " Ne connaissant pas personnellement les conditions d’une détention ordinaire, il nous est difficile d’affirmer ", il relève :
- " comme facteur de risque, nous avons retenu un diabète insulino-dépendant qu’il n’est pas toujours facile d’équilibrer ", Or, note-t-il " Il est difficile de réaliser un régime particulier dans ces conditions de détention "
- la nécessité de procéder à des examens médicaux complexes " scintigraphie myocardique au Thallium Permantine ", " une angioplastie de l’artère iliaque gauche pour éviter une occlusion brutale pouvant entraîner une ischémie du membre inférieur gauche ", et une fois ces conditions requises :
- les moyens logistiques et médicaux nécessaires à l’équilibrage du diabète.
Il faut nécessairement déduire de ces constatations que l’administration pénitentiaire n’est pas en mesure de répondre à ces actes nécessaires pour empêcher l’aggravation de l’état de santé d’Alain Solé, mettant sa vie en péril.
Ainsi, s’ajoute encore à une détention provisoire inadmissible, une incarcération dans des conditions visant à le détruire physiquement.
L’infarctus dont a été victime Alain Solé le 4 octobre 2002, aurait pu être évité si l’administration pénitentiaire n’avait refusé dans la période précédente à ce qu’il soit procédé à des examens en milieu hospitalier, comme les médecins l’avaient demandé."
Monsieur le Ministre, en maintenant Alain Solé plus longtemps en détention, le système judiciaire français aggrave en connaissance de cause son état de santé et met sa vie en danger. Et ce dans un contexte où M. Solé, non encore jugé, est un citoyen présumé innocent en dépit d’une période de détention provisoire qui expose la France à une nouvelle condamnation devant la Cour européenne des droits de l’homme. Nous vous demandons, Monsieur le Ministre, de ne pas laisser se prolonger ce scandale.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre considération distinguée.
Christian GUYONVARC’H
Responsable des relations extérieures
Coordonnées du service
UDB
Service des relations extérieures
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