B - Une meilleure prise en charge de la santé dans l’univers carcéral
Pour mener à bien et parvenir à étendre le champ d’application [1] de cette suspension de peine, des améliorations relatives à la santé des détenus sont à apporter tant au niveau interne (a), qu’au niveau externe (b) de la prison.
1 - Au sein de la prison
Au coeur même de la prison, des efforts considérables ont été faits et le sont encore dans le cadre de la prévention des maladies, épidémies (a) et dans le domaine de l’amélioration de la prise en charge de détenus malades (b).
a - L’amélioration de la détection des maladies
La prévention et la détection des maladies en univers carcéral sont des problèmes récurrents et anciens [2]. De nos jours, de nombreux efforts ont été faits dans ce domaine. Le grand changement dans ce domaine a été opéré avec la loi du 18/01/1994, dont l’objectif était « d’assurer aux détenus une qualité et une continuité de soins équivalents à ceux offerts à l’ensemble de la population » [3]. A titre d’exemple, à l’arrivée d’un détenu en prison, un bilan de santé est dressé [4]. Ce dernier permet de connaître l’état de santé général de l’individu [5] et de prendre les mesures particulières s’imposant à son cas et ce dans la mesure du possible.
Au sein de la prison et durant son incarcération, le condamné a la possibilité de rencontrer l’équipe médicale existant au sein de la prison (l’UCSA). Ces visites sont possibles, mais ne sont pas obligatoires, ainsi cela ne dépend que du bon vouloir du condamné de vouloir rencontrer un médecin. Il lui faut d’autre part avoir les capacités physiques de se rendre au sein du cabinet spécialement aménagé ou parvenir à obtenir la visite du médecin au sein même de sa cellule.
Des progrès importants ont été faits également dans le domaine de la prévention. Des conseils sont donnés aux détenus par l’équipe médicale, des propositions de test de séropositivité sont faîtes. De plus, certains dépistages sont obligatoires comme celui de la tuberculose ou de certaines MST. Dans le cas précis de la tuberculose, la prévention et l’information sont primordiales. Ainsi, une personne atteinte de cette anomalie sera répertoriée et pourra être confinée, dans le but de protéger les autres détenus ou le personnel pénitentiaire [6]. Des personnes s’étant soumise au test du sida, seront également répertoriées [7].
Cependant, une lacune importante existe dans le domaine de la prévention et plus précisément de la détection des pathologies graves [8]. Il serait souhaitable d’instaurer un système d’examen médical complet obligatoire et régulier pour l’ensemble des condamnés. Ainsi, les pathologies diverses pourraient être soignées en amont et ainsi éviter une aggravation. Un sujet à risque [9] pourrait ainsi recevoir des conseils adaptés et se soigner dans le cadre d’une prévention.
b - Amélioration de la prise en charge des détenus malades
Avec la maladie et la vieillesse, les facultés d’une personne diminuent peu à peu. Il est admis que « l’âge n’est pas une maladie [...] « mais une fin de vie naturelle » [10]. Ainsi, une demande fondée sur le seul âge du patient n’est pas recevable. Cependant, une requête déposée pour problèmes cardiaques provenant de la vieillesse, sera recevable et pourra quelquefois être acceptée [11]. Parfois des gestes courants peuvent devenir complexes. L’univers carcéral plus que tout autre est hostile pour ce genre d’incapacités. Ainsi, des couloirs étroits ne permettront pas à une personne en fauteuil roulant de se déplacer convenablement. Des améliorations pourraient ainsi êtres apportées quant aux possibilités d’accès aux étages, aux cours de promenades, aux parloirs pour les personnes dont l’état physique se dégrade [12].
Concernant, ces condamnés malades, des chambres spécialisées pourraient êtres construites au sein même de la prison, comme le sont les chambres dans les UHSI. Cependant, la peine a-telle encore un sens à l’égard d’un prisonnier gravement malade ? Le détenu est il encore capable de comprendre sa peine d’effectuer un travail de resocialisation ? Il semble que non.
En effet, plutôt qu’une volonté d’amendement, se développe un sentiment de haine de plus en plus fort envers la société le laissant dans cet état en prison. Les prisons dîtes spécialisées dans l’accueil de détenus malades, telles que la prison de la Santé sont des solutions permettant d’éviter d’accorder la suspension de peine pour raisons médicales à des détenus souffrants.
Avant d’octroyer cette suspension, les autres possibilités d’accueils dans les établissements pénitentiaires spécialisés sont étudiées [13].
Pour ces détenus malades, des visites régulières à l’hôpital sont nécessaires comme par exemple pour un condamné devant être dialysé trois fois par semaine. Ses trois extractions lui sont accordées d’office, car ce traitement est nécessaire à sa survie. Cependant, ces extractions vers un centre de dialyse sont puisées sur le quota d’extractions générales de l’établissement [14]. Ainsi, cela se fera au préjudice d’autres détenus attendant pour aller passer un examen médical précis, tel qu’un IRM. Cela pourra notamment avoir des conséquences graves, car la maladie naissante ne pourra pas être traitée à temps [15]. Il serait préférable d’une part de ne pas poser de quotas d’extraction. Mais dans la mesure du possible, si ce nombre d’extraction se doit d’être maintenu pour prévoir les effectifs, il serait préférable de ne pas inclure ces malades spéciaux devant subir de extractions régulières pour soins dans le quota d’extraction dîtes normales.
2 - A la sortie de la prison
La mesure de suspension de peine offerte par la loi du 4/03/2002 n’est pas fréquemment accordée par les juges, ni forcement mise à exécution suite à son prononcé. La préparation d’un projet de sortie du condamné (a), ainsi que la construction de structures d’accueil pour ces personnes sortantes (b) pourraient permettre une meilleure utilisation de cet aménagement de peine.
a - La préparation d’un projet de sortie
Le condamné bénéficiant de l’aménagement de peine proposé par la loi Kouchner peut sortir de la prison si son état de santé est estimé incompatible avec la détention. Ainsi, son comportement au sein de la prison n’est pas pris en compte, ni même ses efforts pour se réinsérer au sein de la société. L’individu n’est donc pas préparé à retourner à la vie extérieure à la prison. On parle alors de sortie sèche. Ces dernières sont néfastes au détenu et à la société.
En effet, un détenu n’ayant pas travaillé sur le sens de sa peine avec l’aide du Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) et se retrouvant en milieu libre sera plus enclin à commettre une infraction. Le SPIP intervient à la fois en milieu ouvert et en milieu fermé. En milieu fermé, ce dernier aide le condamné dans ses démarches pour obtenir une suspension ou remise de peine, pour lui trouver un logement ou un emploi à la sortie de la prison. Le travailleur social apporte son aide au condamné et l’aide à construire un projet de sortie, cela aide le condamné à préparer son retour au sein de la société et à comprendre le sens de sa présence au sein de la prison. Cela évite ainsi des sorties dîtes sèches, brutales, pouvant conduire à un rejet de la société et à la commission de nouvelles infractions.
Dans le cadre d’une suspension de peine pour raisons médicales, le type d’individu visé est le condamné libéré non pour pronostic vital engagé à court terme, mais pour incompatibilité de suivi du traitement avec le milieu carcéral. Ce dernier pourrait encore avoir les forces et la condition physique nécessaire pour commettre une infraction [16]. Cette suspension de peine pour raisons médicales n’est pas « une mesure fondée sur la resocialisation du condamné [17] ».
Cela explique en partie le refus de certains juges à appliquer la lettre de manière large [18]. C’est pour cela que la loi du 12/12/2005 a ajouté aux conditions de fond celle relative à la prévention de la récidive. Cependant, la meilleure solution serait un travail continu sur le sens de la peine et ce dès l’incarcération du condamné, même pour les peines les plus longues. Des peines de prison plus courtes et plus intensives ne seraient elles pas préférables [19] ? Et ne permettraient elles pas d’éviter de telles procédures de suspension de peine de dernière chance ? Les juges seraient plus enclin à accorder cette mesure une fois la période de sûreté passée ou si le détenu à déjà effectué un certain temps au sein de la prison et a commencé un travail sur lui-même. Malgré ces obstacles, certaines demande aboutissent à un accord, cependant un autre problème apparaît : celui du logement du condamné malade libéré.
b - La recherche d’un lieu d’accueil
Une fois la mesure de suspension de peine de l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale admise par la juridiction concernée, le condamné peut de droit sortir de la prison et recouvrer la liberté. Cependant, certains condamnés gravement malades ayant obtenu cette suspension restent en prison car ils ne peuvent se loger à l’extérieur [20]. Certains parviennent à être admis à l’hôpital pour pouvoir sortir de la prison après l’obtention de leur suspension, cependant cet univers hospitalier ne leur convient pas plus, s’ils n’ont pas à y résider [21]. La prison isole les gens. Les détenus se retrouvent le plus souvent sans famille, sans aucun soutien. Les divers transferts au sein des prisons de France les éloignent de leur lieu de résidence d’origine et de ce fait de leur famille. De plus, les contacts avec l’extérieur sont limités. Ainsi, à la fin de sa peine ou lors d’une telle suspension de peine, le condamné se retrouve la plupart du temps seul à l’extérieur. Il n’a pas de lieu d’hébergement [22], ni d’argent pour se loger [23].
Certains parviennent à se loger chez des parents [24] ou dans des structures spécialisées.
Cependant, ces structures spécialisées sont peu nombreuses et très onéreuses. Des maisons de retraites spécialisées existent, mais la plupart sont à la fois très chères et également réfractaires [25] à l’idée d’accueillir dans leurs murs des anciens délinquants et parfois même des criminels [26].
La volonté du pouvoir politique de créer des hébergements spécialisés et de faciliter la sortie de ces détenus particuliers est fréquemment réaffirmée [27]. Cependant, la carence persiste.
Dans la pratique, l’hébergement de ces condamnés se fait par le biais d’association telles que la croix rouge [28], le Secours Catholique. Celles-ci travaillent en relation avec les SPIP [29], qui essaient de trouver un hébergement convenable aux détenus ayant bénéficié de cette suspension [30].
Actuellement, un projet de construction d’hôpitaux-prisons est en cours d’étude [31]. Cela permettrait certes à ces détenus d’être soignés comme dans un hôpital ordinaire, cependant est-ce réellement la solution ? La peine prononcée peut-elle encore être exécutée par ces condamnés ? A-t-elle encore une utilité pour le condamné ou pour la société ?