Rapport explicatif de la Convention européenne pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition (STE n° 051)
I. La Convention européenne pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition, élaborée au sein du Conseil de l’Europe par un Comité d’experts intergouvernementaux, a été ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l’Europe le 30 novembre 1964.
II. Le texte du rapport préparé par le comité d’experts et adressé au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, tel qu’amendé et complété par le CO, ne constitue pas un instrument d’interprétation authentique du texte de la Convention bien qu’il puisse être susceptible de faciliter l’application des dispositions qui y sont contenues.
INTRODUCTION
En 1957, le Comité des Ministres décida de créer un Comité d’experts ayant pour mandat « de préparer et de mettre en oeuvre le plan d’action du Conseil de l’Europe dans le domaine de la prévention du crime et du traitement des délinquants ». Le Comité reçut ultérieurement le nom de « Comité Européen pour les Problèmes Criminels » (C.E.P.C.).
Lors de sa première réunion tenue du 30 juin au 3 juillet 1958, le C.E.P.C. élabora un premier plan d’action du Conseil de l’Europe. Ce plan comprenait entre autres points la question des possibilités de coopération européenne en ce qui concerne l’entraide post-pénale et post-pénitentiaire.
Ce plan fut approuvé par le Comité des Ministres en septembre 1958.
A la suite de cette décision, le C.E.P.C. considéra qu’il était opportun d’élaborer un projet de convention européenne pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition.
Un sous-comité fut chargé de préparer un avant-projet de convention. Ce sous-comité se réunit à plusieurs reprises d’abord sous la présidence de M. Peterson (Royaume-Uni), ensuite sous celle de M. Dupréel (Belgique).
Au cours de sa réunion des 8 et 9 mai 1963, il arrêta le texte d’un avant-projet de convention qui serait soumis au Comité plénier.
Le Comité plénier examina ce texte lors de ses 10e et 11e réunions tenues à Strasbourg respectivement du 28 au 30 mai 1963 et du 2 au 7 décembre 1963.
Au cours de sa 1le réunion, il adopta le projet de convention.
En janvier 1964, conformément aux Conclusions de la 115e réunion du Comité des Ministres, le Secrétariat Général adressa le projet de convention aux Gouvernements de tous les pays membres du Conseil de l’Europe. Ces Gouvernements furent priés de communiquer leurs observations éventuelles avant le 15 mars 1964.
Les observations formulées par les Gouvernements ont été examinées par le Comité plénier du C.E.P.C. lors de sa 12e session tenue du 8 au 12 juin 1964 sous la présidence de M. Cornil (Belgique).
Sur la base de ces observations, le C.E.P.C. a adopté, à l’unanimité de ses membres, le texte de la convention pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition.
A la suite d’une décision prise par le Comité des Ministres siégeant au niveau des Délégués lors de la 134e réunion (octobre 1964), la convention a été ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l’Europe le 30 novembre 1964.
COMMENTAIRES SUR LA CONVENTION
Elaborée par le Comité Européen pour les Problèmes Criminels, la Convention européenne a pour but d’organiser un système de coopération internationale susceptible de permettre, sur le territoire d’un Etat signataire, la mise en oeuvre des mesures conditionnelles (sursis, probation, libération anticipée ou mesures analogues), concomitantes ou postérieures aux condamnations pénales prononcées dans un autre Etat partie à la convention.
De nos jours, les mesures conditionnelles font partie du système pénal et on les utilise pour mieux protéger la société contre le crime tout en allégeant les charges financières de l’incarcération et de l’assistance aux familles des condamnés.
Mais, sauf de rares exceptions, l’application de méthodes de traitement en liberté n’a été réalisée que sur le plan national. Lorsqu’il s’agit de sujets étrangers ou résidant à l’étranger, les juridictions compétentes hésitent à prononcer des mesures dont l’exécution dans un autre pays n’est pas assurée. Le résultat de cet Etat de choses est que les délinquants qui, normalement, auraient pu bénéficier d’un sursis ou d’une libération conditionnelle, sont condamnés à des emprisonnements fermes, sont détenus jusqu’à la fin de leur peine ou ne sont libérés qu’en vue d’expulsion, ce qui rend probable leur récidive dans le pays vers lequel ils sont ainsi renvoyés.
Dans le passé, cet Etat de choses n’avait guère retenu l’attention parce qu’il ne concernait que des cas isolés. A l’heure actuelle les déplacements individuels à travers l’Europe se sont multipliés et il est devenu nécessaire de régler plus équitablement la situation. C’est ce à quoi tend la convention. L’entraide internationale qu’il organise facilitera la prévention de la récidive criminelle par la promotion au-delà des frontières des méthodes d’amendement individuel et de reclassement social qui ont fait leurs preuves dans le cadre national. Elle doit permettre non seulement de surveiller les libérés, mais aussi de les assister socialement lorsque cela est indiqué pour assurer leur reclassement dans leur pays de résidence.
Il est prévu que la convention s’appliquera exclusivement aux délinquants qui ont fait l’objet de décisions à caractère répressif, quel que soit leur âge. Ses dispositions ne visent donc pas les mineurs lorsque ceux-ci font l’objet de mesures sans caractère pénal.
L’ensemble de la convention comporte quarante articles répartis en six titres.
Le Titre I (articles 1 à 9) énonce les principes fondamentaux rappelés ci-dessus et prévoit que les autorités de l’Etat où le délinquant a été condamné ou libéré sous condition (Etat requérant) disposeront de trois possibilités d’action qui sont exposées séparément sous les Titres II, III et IV.
Les décisions à caractère répressif visées par la convention sont définies par l’article 2. Elles doivent être définitives et exécutoires (article 3). L’infraction qui motive la demande doit être réprimée par la législation des deux Etats intéressés en application du principe de la double incrimination (article 4).
Les cas dans lesquels l’Etat requis ne devra pas accorder l’assistance demandée ou pourra la refuser ont été précisés (article 7).
Le Titre II (articles 10 à 15), intitulé « De la surveillance », prévoit que l’Etat requérant pourra demander à l’Etat de résidence du condamné libéré l’exercice d’une surveillance destinée à contrôler l’observation des conditions. Dans ce cas, l’Etat requérant se réservera la décision finale, c’est-à-dire la constatation de l’amendement ou, au contraire, la mise à exécution de la peine suspendue.
L’article 10 porte notamment que l’Etat requérant fera connaître les mesures de surveillance à l’Etat de résidence « s’il y a lieu ». Ce membre de phrase a été introduit dans le texte pour le rendre applicable dans l’hypothèse du sursis simple, lorsque des mesures de surveillance n’ont pas été prescrites.
En vertu de l’article 15, l’Etat requérant reste seul compétent pour apprécier si le délinquant a satisfait ou non aux conditions qui lui étaient imposées et pour tirer de ses constatations les conséquences prévues par sa propre législation.
Le Titre III (articles 16 à 21 ) est consacré à l’exécution des condamnations. Il donne à l’Etat requérant qui aura révoqué une mesure conditionnelle la possibilité d’inviter l’Etat de résidence à exécuter, sur son territoire, la condamnation devenue effective.
Des dispositions sont prises pour que l’exécution se réalise conformément à la loi de l’Etat requis (article 17), lequel jouit d’un certain pouvoir d’adaptation de la mesure dont l’application lui est demandée (article 19).
Pour éviter les doubles poursuites, il a été prévu que l’Etat requérant ne pourra plus exécuter lui-même la condamnation, sauf s’il n’est pas donné suite à sa demande (article 20).
Le Titre IV (articles 22 à 25), consacré au dessaisissement en faveur de l’Etat requis, institue une procédure simplifiée qui permet à l’Etat qui a prononcé la condamnation de transmettre le dossier à l’Etat de résidence, lequel est alors chargé de mettre en oeuvre la décision comme si elle avait été prononcée sur son propre territoire.
Il est vraisemblable que cette procédure sera utilisée lorsqu’il résultera des éléments de la cause que le délinquant retournera sur le territoire de l’Etat requis sans intention de revenir dans l’Etat requérant.
Le Titre V (articles 26 à 32) contient un ensemble de dispositions communes aux trois types de procédure réglés par les titres précédents. Il organise la forme des demandes ainsi que les procédés de transmission et prévoit les langues à utiliser comme aussi le mode de règlement des frais.
Le Titre VI (articles 33 à 40) groupe les dispositions finales qui règlent notamment les conditions de ratification, d’acceptation ou d’adhésion à la convention ainsi que les formes dans lesquelles doivent être faites les déclarations et réserves formulées par les parties lors de la signature ou de la ratification.
La convention donne aux parties contractantes la possibilité de formuler des réserves (article 38, paragraphe 1 et annexe), concernant :
(a) l’exécution des condamnations et le dessaisissement de l’Etat requérant visés aux Titres III et IV. La possibilité de formuler des réserves à l’égard de ces titres permettra aux pays, si leur législation interne l’impose, d’établir des critères objectifs pour la détermination des cas de transfert de compétence du juge d’un Etat à celui d’un autre ;
(b) les dispositions du paragraphe 2 de l’article 37.
Les dispositions concernant l’exercice de la surveillance par un Etat à la demande d’un autre ne pourront pas faire l’objet de réserves. Le Titre II de la convention, qui ne porte aucune atteinte aux conceptions traditionnelles de la souveraineté, est en effet facilement acceptable par tous les Etats.
La convention forme un ensemble d’une grande souplesse qui laisse aux Etats intéressés de larges possibilités de choix dans les procédures et dans l’adaptation des mesures tant aux exigences de leurs lois qu’à celles de leur pratique pénale.