II. Structures nationales de droits de l’homme et établissement d’un Défenseur des droits
10. La France dispose d’un nombre important de structures nationales indépendantes ayant pour mandat de promouvoir et protéger les droits de l’homme. Lors de sa visite, le Commissaire a eu l’occasion de s’entretenir avec la plupart d’entre elles. Il tient par ailleurs à saluer la désignation du Contrôleur général des lieux de privation de liberté survenue peu de temps après sa visite et invite les autorités françaises à lui conférer les moyens nécessaires à la pleine réalisation de son mandat.
11. A titre liminaire, le Commissaire note avec préoccupation le développement de pressions exercées sur des plaignants devant les institutions indépendantes et notamment la CNDS. Cette dernière a enregistré plusieurs cas où les policiers concernés par une plainte devant elle avaient engagé ou menacé d’engager des procédures pénales de dénonciations calomnieuses contre les victimes ou témoins. Le Commissaire estime que les pouvoirs publics doivent garantir que les plaignants devant les structures nationales de droits de l’homme ne puissent faire l’objet d’intimidations.
12. Lors de ses discussions avec les autorités françaises, le Commissaire a cru constater que le dialogue nécessaire entre pouvoir exécutif et autorités indépendantes pouvait être renforcé. Ainsi la CNCDH n’est que rarement saisie pour consultation alors même que son rôle principal est de fournir une expertise indépendante au Gouvernement sur des projets de loi. Il en va de même concernant les nombreuses réformes entreprises récemment où la consultation de commissions ad hoc composées d’experts nommés par les autorités publiques est privilégiée. Le Commissaire est convaincu que la création de commissions spécialisées ne doit pas conduire à écarter de la consultation les structures nationales indépendantes qui disposent d’une légitimité et d’une expérience dans leur domaine respectif. Il invite donc les autorités françaises à renforcer le dialogue ainsi qu’à consulter plus systématiquement les mécanismes nationaux de protection des droits de l’homme.
13. Au cours de sa visite, le Commissaire s’est entretenu avec de nombreux interlocuteurs sur le projet d’instituer un Défenseur des droits dans le cadre plus large du projet de réforme constitutionnelle des institutions françaises. Il salue la volonté des autorités françaises de donner un rang constitutionnel à cette nouvelle institution qui pourra par ailleurs être directement saisie par les individus. Les mécanismes existants de plaintes contre les abus de l’administration, et notamment le Médiateur et la CNDS, ne peuvent être saisis directement.
14. Le Commissaire note que le mode de désignation du Défenseur des droits demeure sujet à discussion. Institué pour formuler des pistes de réflexion sur la réforme constitutionnelle, le Comité présidé par M. Balladur proposait une désignation par le Parlement à la majorité qualifiée [1]. Cette proposition, en ligne avec les standards internationaux tels que repris par la Recommandation pertinente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe [2], permettrait effectivement la désignation d’une personne aux hautes valeurs morales rassemblant les suffrages de la majorité mais également de l’opposition parlementaire. Pour renforcer l’indépendance et la crédibilité d’une telle institution, d’autres éléments sont également importants : la durée du mandat, son caractère renouvelable ou non, l’indépendance financière, humaine et institutionnelle.
15. Le champ des compétences et leur étendue restent également à préciser, soulevant notamment des questions sur les difficultés à concilier les attributions de médiature et celle de contrôle. Le Commissaire se borne à relever à cet égard qu’il existe en Europe différents modèles reflétant la culture et la tradition politique, juridique et historique de chaque pays. Le projet de texte actuellement en discussion évoque le regroupement de plusieurs autorités indépendantes existantes au sein d’une même structure. Si la volonté d’améliorer la visibilité voire l’efficacité est louable, il faudra veiller à ce qu’elle ne se fasse pas au détriment de la protection des droits protégés par ces différentes instances.
16. Comme l’indique la Recommandation relative à l’institution du médiateur [3], il est nécessaire que cette nouvelle institution soit directement et facilement accessible par tous et que ses attributions dépassent la seule mal-administration pour couvrir le spectre plus large de la protection des droits de l’homme, comme l’avait d’ailleurs proposé le Comité « Balladur ».
17. Dans ce contexte, le Commissaire invite les autorités françaises à intégrer les standards internationaux tels que les Principes de Paris [4] ou les Recommandations du Conseil de l’Europe en matière de Médiateur dans leurs travaux de réflexion sur l’amélioration du mandat du Défenseur.