Chapitre II Une articulation peu satisfaisante entre milieu ouvert et milieu fermé
I - La réforme des services d’insertion et de probation
A - Des comités de probation et d’aide aux libérés aux services pénitentiaires d’insertion et de probation
Créés en 1958, les comités de probation et d’aide aux libérés (CPAL) ont été les premières structures mises en place au sein de l’administration pénitentiaire pour prendre en charge les personnes condamnées à une peine alternative à l’incarcération. Installés dans les locaux des tribunaux, ils ont été d’emblée dans une position complexe : ils étaient en effet dirigés par un agent de la pénitentiaire mais, en même temps, soumis à l’autorité fonctionnelle d’un juge de l’application des peines (JAP) qui prescrivait les mesures individuelles dont ils étaient chargés de suivre l’exécution [1]. Leur intervention se heurtait à un autre type de difficultés : les CPAL étaient appelés à gérer des populations connaissant de graves problèmes matériels et sociaux ; or, depuis les lois de décentralisation de 1982-1983, les compétences en matière d’action sociale relevaient des conseils généraux alors que l’échelon départemental n’était pas identifié en tant que tel au sein de l’administration pénitentiaire.
Celle-ci a alors décidé de fusionner en une unité administrative unique, le SPIP, les deux catégories de services jusqu’alors en charge de l’insertion : les CPAL qui suivaient les personnes condamnées libres, d’une part, et les services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires, qui prenaient en charge les détenus, d’autre part. Cette réforme répondait à quatre objectifs [2] : mutualiser les moyens et les personnels, améliorer le suivi des populations par l’harmonisation des méthodes de travail et par une plus grande continuité dans la prise en charge, mieux articuler la mission d’insertion avec les politiques publiques d’action sociale en se situant à l’échelon départemental, contribuer au développement des mesures d’aménagement de peines alternatives à la détention.
La fusion a été réalisée par le décret n°99-276 du 13 avril 1999, complété par des arrêtés pris département par département : 100 SPIP se sont ainsi substitués aux 183 CPAL et 186 services socio-éducatifs. L’unification s’est concrétisée par la nomination d’un directeur du SPIP, cadre pénitentiaire à compétence départementale et par l’installation du service dans de nouveaux locaux. Soucieuses d’affirmer leur nouvelle identité, les antennes chargées du milieu ouvert ont, pour la plupart, quitté es juridictions pour s’établir dans des bureaux indépendants, fonctionnels et rénovés. Certains tribunaux, désireux de récupérer leurs locaux - ou de se séparer de services désormais indépendants- les ont parfois incitées à déménager.
L’opération a été matériellement lourde pour la pénitentiaire, puisqu’il a fallu trouver des bureaux et organiser la réinstallation de services dotés d’archives conséquentes, sans pour autant interrompre leur fonctionnement. Ces mesures ont mobilisé une part significative des ressources des SPIP et elles se sont traduites par une importante progression de leurs dépenses de fonctionnement (+200 % de 1999 à 2002).
Pour ce qui est des missions confiées aux SPIP, la réforme de 1999 s’est bornée à agréger les compétences des services sociaux des établissements pénitentiaires et celles des CPAL. Elle n’a opéré aucun choix ni établi aucune priorité ou spécialisation. Les SPIP doivent à la fois contribuer à la préparation et à l’exécution des décisions de justice et être le support de l’action d’insertion de la pénitentiaire. Ils doivent concilier les compétences d’un service social et celles d’un exécutant des décisions de justice, à charge pour un fonctionnaire, le directeur du SPIP, d’identifier une politique départementale d’insertion. Cette tâche est d’autant plus délicate que les SPIP doivent, au surplus, participer à la prise en charge de certaines mesures préalables aux jugements : enquêtes de personnalité (anciennement dites D49-1 en référence à l’ancien article du code de procédure pénale) dans le cadre des permanences d’orientation pénale, suivi des mesures de contrôle judiciaire, permanences de « sortie d’audience »... Dans cette hypothèse, ils interviennent parallèlement à des associations, sollicitées par les juges pour exercer le même type de missions sur les mêmes publics, ce qui a une incidence directe sur leur charge de travail et leur capacité à assurer leurs autres missions, selon que les associations en cause sont actives ou non.
B - Un fonctionnement administratif qui n’est pas satisfaisant
Cinq ans après leur création, il est difficile de porter une appréciation sur le fonctionnement des SPIP. Les données de synthèse les concernant sont à peu près inexistantes et la mise en oeuvre de la réforme de 1999 n’a fait l’objet d’aucune évaluation. L’enquête de la Cour a toutefois mis en évidence trois types de difficultés actuellement rencontrées par les SPIP.
1 - L’insuffisance des ressources humaines
L’un des objectifs de la réforme de 1999 était de mutualiser les ressources en personnel, mais cette mutualisation a été difficile compte tenu des besoins non satisfaits existant tant en milieu ouvert qu’en milieu fermé. Les tensions qui en résultent se manifestent à trois niveaux. Elles concernent d’abord les personnels administratifs. Les SPIP ont été conçus comme l’agrégation de services qui fonctionnaient grâce au support matériel et humain soit des établissements (services sociaux en milieu fermé), soit des tribunaux (CPAL). Quand ils ont été érigés en entités individualisées, ils ont été privés de ces moyens, indispensables à leur fonctionnement quotidien. Cinq ans après la mise en oeuvre de la réforme, tous les rapports d’activité communiqués à la Cour font toujours état de ces difficultés matérielles et soulignent la nécessité de recruter des personnels de secrétariat (SPIP du Pas de Calais ou direction régionale de Bordeaux par exemple).
Sont ensuite concernés les personnels socio-éducatifs. Dans l’Indre, une étude sommaire a mis en évidence que le temps disponible par travailleur social et par condamné n’atteignait qu’une douzaine d’heures par an et se réduisait à huit heures après déduction du temps passé en permanences et réunions. Dans le Nord, le même constat est dressé et, dans l’Aisne ou dans l’Oise, la situation est aggravée par un très fort taux de renouvellement des effectifs. Au plan national, les insuffisances sont difficiles à cerner car l’outil statistique de l’administration pénitentiaire ne permet pas de calculer les ratios les plus élémentaires. Le seul qui peut l’être aisément est celui du nombre de personnes suivies (milieu ouvert et fermé) rapporté au nombre de personnels socio éducatifs (hors directeurs). Son rapprochement avec le taux de détenus par surveillant donne une illustration certes caricaturale [3], mais révélatrice par son ampleur, du décalage des taux d’encadrement en fonction des « métiers » de l’administration pénitentiaire.
Tableau : Taux d’encadrement des personnes placées sous main de justice
Enfin, il faut relever la faiblesse de la fonction d’encadrement au sein des SPIP. Au-delà du problème des effectifs, la difficulté tient à l’absence de perspective réelle d’évolution pour ceux des travailleurs sociaux qui ont accepté de devenir directeur départemental ou adjoint. La faible attractivité du statut des chefs de services d’insertion et de probation (CSIP) au regard des responsabilités qui leur incombent a été à l’origine d’importantes difficultés de recrutement.
Aussi l’administration pénitentiaire a-t-elle engagé une importante réforme statutaire destinée à améliorer les perspectives de carrière de l’ensemble des agents [4]. Elle a obtenu des créations de postes significatives entre 1999 et 2005 pour toutes les catégories de personnel. Mais celles-ci n’ont pas encore produit la totalité de leurs effets, compte tenu des délais nécessaires au recrutement et à la formation des personnels concernés (24 mois de formation à l’ENAP pour les conseillers d’insertion et de probation). Il en résulte un taux de vacances qui tend à s’accroître (15,6 % au 1er janvier 2005 contre 14,7 % au 1er janvier 2004 et 9,3 % au 1er janvier 1999).
Tableau : Evolution des créations d’emploi en loi de finances initiale
2 - Les défaillances des outils de gestion et de suivi des dossiers
Avant que les SPIP ne soient mis en place, aucun système ne permettait de gérer efficacement les dossiers des personnes suivies en milieu ouvert, en dépit du déploiement d’un logiciel baptisé MOUVE (gestion des mesures de milieu ouvert) qui a rapidement atteint ses limites : impossibilité d’y intégrer certaines mesures, telles le placement sous surveillance électronique (PSE), fiabilité douteuse des données conservées, suivi incertain des dossiers. Aussi, des outils locaux ont-ils vu le jour, en ordre dispersé, notamment en région parisienne. Ce n’est qu’en janvier 2000 qu’une dynamique plus ambitieuse a été lancée dans le cadre du schéma directeur informatique du ministère, avec le projet nommé APPI (application des peines probation et insertion).
Le système APPI entend être le support d’une véritable modernisation du fonctionnement des SPIP et des méthodes de travail propres à chaque intervenant : JAP, directeur du SPIP, travailleur social. Ses fonctionnalités sont ambitieuses, mais son succès dépend naturellement de la capacité des agents à se l’approprier. Or des difficultés sont d’ores et déjà apparues et le déploiement de l’application, prévu pour le premier trimestre 2005, a pris du retard : à cette date, 60 % seulement des services en disposaient effectivement. Ces retards, en voie d’être rattrapés (89 % de déploiement au 1er décembre 2005), ne sont, au demeurant, pas liés uniquement à des problèmes techniques, mais aussi aux réticences des utilisateurs, constatées notamment dans le ressort des cours d’appel de Bordeaux, Colmar, Metz ainsi que dans celles de la région parisienne.
3 - L’absence de procédure adaptée d’exécution des dépenses
Avant la création des SPIP, les aides directes (numéraire, tickets restaurants...) destinées aux publics du milieu ouvert étaient versées par les régies des tribunaux où les CPAL étaient installés. Quant aux services socio-éducatifs du milieu fermé, toutes leurs dépenses relevaient du budget et des comptes de l’établissement qui les abritait. Lorsque les SPIP ont vu le jour, aucune modification n’a, paradoxalement, été apportée à cette organisation. Or il n’est pas pensable de demander aux publics suivis en milieu ouvert de se rendre d’abord au SPIP, pour que les conseillers qui les suivent décident de leur allouer une aide, puis d’exiger d’eux qu’ils aillent encaisser cette aide à la régie d’un tribunal parfois éloigné. L’absurdité serait d’autant plus grande que les aides prennent souvent la forme de titres de transports...
Face à cette difficulté qui n’avait pas été anticipée, l’administration pénitentiaire a décidé, en accord avec le ministère des finances, de créer des régies d’avances auprès de chaque directeur de SPIP pour verser les aides et payer les dépenses de fonctionnement courant. Mais l’expérimentation, décidée dans 15 départements, s’est heurtée à des difficultés juridiques car elle soulevait le problème de la place respective des directeurs régionaux, des chefs d’établissement et des directeurs de SPIP dans le fonctionnement déconcentré de l’administration pénitentiaire. Cette dernière n’a pris la mesure du problème qu’après le démarrage des premières régies et elle a donc décidé de geler leur création.
Au total, quatre arrêtés ont été successivement adoptés pour redéfinir le mode d’exécution des dépenses des SPIP. Mais aucune solution satisfaisante n’a été trouvée et, aujourd’hui encore, les services connaissent trois situations également critiquables : dans les quinze départements choisis pour l’expérimentation, les régies se heurtent à de telles difficultés que certaines d’entre elles ont décidé de ne plus verser d’aides directes, en Essonne par exemple ; ailleurs, ce sont toujours les régies des tribunaux qui assurent l’approvisionnement des SPIP, ce qui impose aux bénéficiaires de s’y rendre pour pouvoir disposer de leur secours ; d’autres services (à Toulouse par exemple ou à Paris) conservent une « petite caisse » et distribuent eux mêmes des aides matérielles (tickets de métro surtout) en toute irrégularité et sans aucun titre pour le faire.
C - Les modalités d’une prise en charge efficace des populations placées sous main de justice tardent à être définies
1 - Les difficultés de l’articulation entre milieu ouvert et milieu fermé
La création des SPIP, en mutualisant les ressources humaines, aurait dû conduire à une polyvalence des travailleurs sociaux. Faute d’une véritable évaluation sur la mise en oeuvre de la réforme, il est difficile de savoir ce qu’ont effectivement été les choix organisationnels des nouveaux services. D’après une enquête effectuée par l’administration en 2001, 65 % des 141 antennes de SPIP qui y ont répondu avaient établi une sectorisation commune milieu ouvert - milieu fermé. Mais les contrôles effectués par la Cour montrent que les situations sont très contrastées.
Dans un certain nombre de départements, ceux où est implantée une maison d’arrêt de taille moyenne, une polyvalence s’est mise en place. C’est le cas, par exemple, en Côte d’Or, dans le Cher, l’Eure, ou l’Eure et Loir. La répartition des compétences a été redéfinie pour le milieu ouvert afin de créer une bonne articulation avec le milieu fermé. Généralement, une sectorisation géographique calquée sur les circonscriptions d’action sociale a été privilégiée et les travailleurs sociaux reçoivent, en milieu fermé, les dossiers des détenus qui résident dans « leur » circonscription du milieu ouvert. En outre, les travailleurs sociaux sont parfois spécialisés dans une problématique transversale, ce qui permet au service de disposer de compétences plus précises en matière de formation ou d’action culturelle par exemple.
Dans d’autres départements, la fusion des compétences milieu ouvert / milieu fermé n’a jamais été réalisée, le plus souvent parce qu’elle soulevait un obstacle de principe. Lorsque dans le ressort territorial du SPIP se trouve une très grosse maison d’arrêt ou un établissement pour peine, les détenus peuvent venir de n’importe quel endroit de France et il est alors difficile de trouver une articulation pertinente entre milieu fermé et milieu ouvert. En Haute Garonne, par exemple, deux établissements pénitentiaires sont situés sur des communes limitrophes, la maison d’arrêt de Toulouse Seysses et le centre de détention de Muret. Mais c’est une antenne spécifique « milieu fermé » qui fonctionne à Muret et qui n’a pratiquement pas de lien avec l’antenne mixte qui prend en charge, de manière globalisée, le milieu ouvert et la population incarcérée à la maison d’arrêt. Dans les grosses structures (Fresnes, Fleury Mérogis ou la Santé, par exemple), cette difficulté liée aux spécificités des populations accueillies est accentuée par un effet de taille qui rend difficile l’organisation de permanences prenant en considération les contraintes de chacun.
Dans de tels cas de figure, les passerelles entre milieux ouvert et fermé se limitent à des réunions de coordination ou des échanges ponctuels. Dans le Val de Marne, par exemple, des groupes thématiques ont été constitués pour définir en commun des priorités d’action en matière de formation, de culture ou d’hébergement. Plus généralement, les antennes « milieu fermé » s’assurent systématiquement de ce que les sortants de prison disposent des coordonnées des antennes « milieu ouvert » pour y avoir recours s’ils ont besoin d’une aide d’urgence [5]. Le faible pourcentage de sortants de prisons qui l’utilisent effectivement (8,5 % en 2003) traduit l’évolution des modes d’intervention des SPIP (notamment la généralisation des dispositifs de préparation à la sortie en milieu fermé) : les principaux demandeurs d’une aide matérielle sont aujourd’hui les détenus libérés en situation de très grande exclusion.
2 - La prise en charge des populations en milieu fermé
La création des SPIP n’a en rien modifié la nature et le contenu des missions exercées par leurs agents (conseillers d’insertion ou travailleurs sociaux) au sein des établissements pénitentiaires. Pour autant, elle a rendu leur positionnement plus difficile à cerner puisqu’elle les a détachés de l’autorité des chefs d’établissement pour les placer sous celle des directeurs de SPIP.
Les circulaires d’application de la réforme de 1999 avaient abordé le problème sans pour autant le résoudre. Elles prévoyaient surtout que l’élaboration d’une politique départementale d’insertion devait donner lieu à la rédaction d’engagements de services et à une refonte des règlements intérieurs. Dans les faits, ces derniers ont rarement été révisés ; quant aux engagements de service, ils se sont révélés difficiles à négocier et ont parfois achoppé sur des difficultés sérieuses (organisation de permanences d’accueil) ou dérisoires (conflit relatif à l’attribution d’un bureau). Ceux qui ont vu le jour se présentent comme des documents de compromis reflétant souvent les problèmes de cohabitation rencontrés par deux autorités devenues indépendantes et jalouses de leurs prérogatives respectives. Or la priorité accordée aux questions de sécurité et l’importance de ses pouvoirs en matière d’affectation et de discipline placent nécessairement le chef d’établissement dans une situation prééminente, qui peut avoir des conséquences sur la manière dont les conseillers d’insertion, et derrière eux le SPIP dont ils relèvent, exercent leurs fonctions.
La place du SPIP et de ses agents est d’autant plus ambiguë que leur intervention est censée être différenciée. Le plus souvent, leur rôle est de mettre en cohérence et de coordonner l’action d’acteurs (surveillants, enseignants, associations...) dont aucun ne relève véritablement de leur autorité : leur pouvoir est surtout d’influence, sauf dans le cas particulier de la préparation des mesures d’aménagement de peines. Or c’est précisément dans ce domaine que la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et les droits des victimes a apporté des modifications fondamentales aux modalités de prise en charge des détenus.
L’un des points essentiels de cette loi a été la juridictionnalisation des procédures d’application des peines, impliquant la décision motivée d’un magistrat prise après un débat contradictoire au cours duquel le détenu peut être assisté d’un avocat. Il en est résulté un renforcement du degré d’exigence à l’égard des SPIP pour la préparation des aménagements de peine, puisqu’ils doivent désormais contribuer à la préparation de l’avis écrit de l’administration pénitentiaire, qui figure au dossier. Le travail d’instruction correspondant doit être d’autant plus rigoureux que l’avis en question peut être utilisé comme moyen d’appel. Il en résulte une charge de plus en plus lourde pour les agents du SPIP.
La tendance ne peut que s’aggraver car la loi 2004-204 du 9 mars 2004 a mis en place un mécanisme dit de « sas » ou de « nouvelle procédure d’aménagement de peine » (NPAP), qui prévoit que la situation de l’ensemble des détenus sur le point d’être libérés et considérés comme « éligibles » [6], doit être examinée par le SPIP « en temps utile », afin de déterminer la mesure d’aménagement de peine la mieux adaptée à leur personnalité. Ce dispositif a soulevé un certain nombre de difficultés dès le stade de l’identification des populations dites « éligibles », mais la réforme est entrée en vigueur et la plupart des condamnés répondant aux critères se sont vu proposer le bénéfice d’une NPAP. Pourtant, en dépit de la mobilisation des services, les éléments dont dispose la Cour montrent que le nombre de propositions d’aménagement de peines a été limité (en mars 2005, 1,34 % de l’ensemble de la population éligible). Le pouvoir de substitution des SPIP est, pour sa part, à l’origine de 14 décisions seulement depuis novembre 2004.
Tableau : Premier bilan provisoire de la mise en oeuvre de la NPAP
Ce constat d’échec relatif a plusieurs causes. Il semble, tout d’abord, qu’une part non négligeable des condamnés n’a pas souhaité s’inscrire dans un projet d’aménagement de peines, à leurs yeux plus contraignant que la perspective d’une libération possible à brève échéance, compte tenu du jeu des réductions de peines.
Il peut aussi s’expliquer par le fait que les SPIP proposaient d’ores et déjà les mesures possibles à mettre en place compte tenu de la situation sociale (formation, travail) ou individuelle (hébergement) des condamnés. La NPAP a pour objectif d’obliger les SPIP à aller au-delà, pour mobiliser ceux des détenus qui ne sont pas spontanément demandeurs d’une mesure d’aménagement de peine. Or ce sont généralement ceux qui présentent les handicaps socio -culturels les plus lourds de telle sorte que les SPIP peuvent ne pas réussir à construire une proposition sérieuse dans les délais requis.
Il n’est pas impossible, enfin, que certains JAP aient anticipé la mise en oeuvre de la NPAP en se saisissant d’office de la situation des condamnés potentiellement concernés pour mettre en place un aménagement de peines « traditionnel » dans le cadre du débat contradictoire. La situation a pu être observée à Bois d’Arcy où, au troisième trimestre 2004, on a constaté une augmentation de 39,7 % des aménagements de peines « classiques » par rapport à la même période en 2003. Cette tendance pourrait s’expliquer par le fait que la NPAP est très lourde à mettre en place et que les acteurs administratifs et judiciaires s’accordent pour traiter le maximum de dossiers dans un cadre plus simple.
En milieu fermé, la juridictionnalisation des procédures et la NPAP ont donc eu un impact incontestable sur l’activité des SPIP qu’elles ont contribué à réorienter vers la préparation des mesures d’aménagement de peines. Sans être sacrifiées, leurs autres fonctions, notamment le dialogue quotidien avec les détenus et le montage d’activités socio-culturelles, en ont souffert puisque l’aggravation de la charge de travail du SPIP a réduit la disponibilité de ses agents.
3 - La prise en charge des populations en milieu ouvert
Comme en milieu fermé, la création des SPIP a profondément modifié le positionnement des agents qui prennent en charge le milieu ouvert. Leur relation avec leur « prescripteur », le JAP, s’est distendue et un nouvel intervenant s’est interposé, le directeur du SPIP. Cette situation aurait pu conduire à une plus grande professionnalisation dans la prise en charge des personnes suivies : elle était en effet l’occasion de sortir du dialogue individuel et dossier par dossier entre le juge et le travailleur social compétent ; elle devait permettre d’évoluer vers un travail d’équipe pour définir une réelle politique de prise en charge des personnes, en fonction de choix collectifs. Mais cette évolution tarde à se concrétiser.
La prise en charge des populations en milieu ouvert continue en effet de s’effectuer dans un contexte où, sur longue période, le nombre de mesures augmente et où les difficultés sociales et économiques des publics s’aggravent. Ces évolutions se traduisent par une augmentation du flux et du stock de dossiers qui doivent être suivis par les SPIP et sur lesquels ils devraient normalement intervenir le plus rapidement possible pour assurer l’effectivité de la peine. Or le circuit ne fonctionne pas toujours.
Il n’est pas rare en effet que les délais s’accumulent avant la transmission du dossier par les services judiciaires : certaines mesures sont notifiées tardivement par les JAP et les SPIP ne peuvent intervenir qu’avec retard. Parfois, ce sont les SPIP eux mêmes qui tardent à se saisir de dossiers parce que les travailleurs sociaux sont déjà mobilisés par d’autres affaires.
Les retards dans le déploiement d’APPI empêchent de cerner au niveau national l’ampleur de ce phénomène. Mais la situation n’en est pas moins alarmante. Certains services ont ainsi renoncé à traiter tous les dossiers qu’ils reçoivent et se bornent à gérer des « files d’attente » [7]. Dans le Val d’Oise, par exemple, le SPIP estime à environ 250 le stock de dossiers en attente d’affectation. Dans l’Essonne, d’après le recensement approximatif effectué à la demande de la Cour (le secteur de Longjumeau n’a pas été pris en compte), 324 dossiers étaient en attente sur les 998 pris en charge en janvier 2005, soit 32,5 %.
Cette proportion élevée n’est pas seulement le reflet des spécificités de la région parisienne et de la taille des SPIP en cause. Selon une enquête de l’administration centrale de 2001, sur les 138 antennes de milieu ouvert analysées, seulement 67 % des personnes avaient été affectées à un travailleur social. Ceci tendrait à démontrer que, loin d’être exceptionnelle, la situation de l’Essonne est en fait représentative de celle de la majorité des SPIP, y compris des plus petits. Dans le Cher par exemple, le directeur du SPIP estimait que son service était parfois considéré comme le « maillon faible » de la chaîne pénale, incapable de prendre en charge l’intégralité des dossiers.
Pourtant, certains départements ont su mettre en place des méthodes de travail qui permettent d’éviter de tels dysfonctionnements, à travers une approche qui vise à accroître l’individualisation des réponses apportées par le SPIP et se traduit par une différenciation du niveau du suivi selon la difficulté et l’urgence du dossier. Dans l’Indre, les mesures sont ainsi prises en charge en suivis « allégés », « intensifs » ou « dossiers sensibles » avec pour objectif de limiter à un mois le délai entre la saisine par la juridiction et la première convocation de la personne.
Une démarche plus ambitieuse a été mise en place dans le Val de Marne où la différenciation du suivi a été institutionnalisée et a conduit à réorganiser le fonctionnement global du SPIP. Elle a permis d’éviter la formation de « stocks » et a augmenté l’efficacité du service en termes de « productivité ». Elle a surtout contribué à ce que le SPIP apporte la réponse adaptée à chaque personne, en l’individualisant en fonction de critères objectifs. La démarche est le support d’une véritable politique de prise en charge à partir de priorités définies en accord avec les juges. Elle permet aux travailleurs sociaux et aux conseillers d’insertion de sortir de leur isolement pour prendre des décisions, par nature difficiles, qui ne sont plus l’expression de leur seule opinion mais celle du service dans sa globalité. Ainsi, le directeur du SPIP et le JAP ont-ils la garantie que les décisions sont prises sur une base cohérente, moins subjective, qui assure une égalité de traitement entre les personnes. La démarche renforce donc l’identité du service et sa crédibilité et va dans le sens d’une plus grande professionnalisation. Malheureusement, aucun soutien n’a été accordé au Val de Marne pour mettre en place sa nouvelle politique qui n’a fait l’objet d’aucune évaluation ni d’aucune diffusion à l’égard d’autres SPIP.
L’individualisation du suivi des personnes prises en charge par le SPIP du Val de marne
Une charte interne au service prévoit que chaque personne dont le service est saisi fait l’objet d’une évaluation pendant trois mois par un ou plusieurs travailleurs sociaux référents choisis par le directeur du SPIP. A l’issue de cette période, un diagnostic est établi par les travailleurs sociaux référents et il est présenté au sein d’une « commission d’orientation socioéducative interne au SPIP » créée à cet effet. Elle regroupe, en plus des référents, deux autres travailleurs sociaux et un des responsables du service.
La commission décide alors de l’intensité du suivi sauf si une prolongation de la période d’évaluation est nécessaire. Trois niveaux de suivi sont prévus : le suivi intensif (un rendez-vous mensuel environ), qui est assuré par une équipe de 21 travailleurs sociaux ; le suivi espacé (un rendez-vous trimestriel environ), qui est pris en charge par quatre travailleurs sociaux sous l’autorité d’un chef de service ; le suivi administratif, qui est effectué par quatre emplois jeunes encadrés par l’équipe du suivi espacé. Les critères de choix sont la difficulté de la situation sociale de l’intéressé, la gravité de sa situation pénale et aussi la difficulté qu’il rencontre pour remplir les obligations fixées par le juge.
Cette absence d’intérêt est regrettable car l’expérience du Val de Marne, qui a été reprise dans trois autres départements, mériterait d’être étendue à d’autres départements : la principale difficulté, qui tient à la nécessité de disposer d’une équipe d’encadrement suffisamment étoffée, vient en effet d’être partiellement résolue avec la création d’emplois d’adjoints aux directeurs des SPIP, décidée dans le cadre de la réforme statutaire des corps socio-éducatifs. L’administration pénitentiaire devrait impérativement se saisir de cette expérience pour en faire le bilan et en tirer des directives pour organiser le travail des SPIP, en fonction de ses priorités. Sans empiéter sur l’autonomie de ses services, elle exercerait ainsi la fonction de pilotage et d’évaluation qu’elle tarde à mettre en oeuvre.
RECOMMANDATIONS
En dépit de la réforme mise en oeuvre en 1999, les insuffisances constatées dans le fonctionnement des SPIP et la prise en charge des populations qui leur sont confiées justifient que l’administration pénitentiaire y remédie. A cet effet, il serait indispensable :
* de clarifier les missions des SPIP, en les hiérarchisant et en redéfinissant les conditions de leur intervention, notamment dans les domaines où ils agissent parallèlement à des associations (suivi préalable aux jugements, notamment) ;
* de mettre en place un suivi rigoureux des besoins en personnels administratifs ou socio-éducatifs en vue de répartir au mieux les emplois créés en lois de finances ;
* d’opérer, avec les services judiciaires, l’évaluation des conditions du déploiement d’APPI pour identifier sans délais les difficultés techniques ou d’appropriation par les agents et mettre en place les actions de formation nécessaires ;
* de créer des régies auprès des SPIP pour permettre la distribution des aides d’urgence, dans l’attente d’une réforme plus globale de leurs procédures de gestion ;
* de dresser le bilan des expériences de prise en charge différenciée des personnes en milieu ouvert, en particulier dans le Val de Marne, en vue de définir les modalités de leur généralisation.
II - Les alternatives à l’incarcération
A - Un foisonnement de mesures dont les effets restent limités
Les alternatives à l’incarcération peuvent intervenir à tous les stades de la procédure répressive : elles peuvent être décidées lors des poursuites (composition pénale) ou pendant l’instruction (contrôle judiciaire), mais également au moment du jugement (peine de jours amendes, TIG...), comme peine principale ou complémentaire (sursis simple ou avec mise à l’épreuve) ; enfin, lors de l’exécution de la peine, les condamnés peuvent bénéficier de mesures dans le cadre d’une libération anticipée (libération conditionnelle, semi-liberté, suspension de peine [8], placement sous surveillance électronique (PSE) chantier extérieur [9]...). A condition que la gravité des faits commis et que le comportement de leur auteur ne s’y opposent pas, elles peuvent concerner des prévenus ou des condamnés à qui elles permettent de rester libres sous réserve de se soumettre aux contrôles prescrits par les juges. Aux personnes incarcérées, elles offrent la possibilité de sortir plus vite de prison en exécutant leur peine ailleurs, sans être privées de leur liberté ou en subissant un régime de surveillance moins contraignant.
Peines de substitution à l’incarcération ou aménagement de peines, ces alternatives forment un ensemble hétérogène mais présentent un intérêt incontestable. Elles permettent non seulement de limiter les effets désocialisants de l’incarcération, mais aussi de soustraire les condamnés aux contacts criminogènes inhérents à la fréquentation de compagnons de cellule [10]. De ce double point de vue, elles contribuent à limiter la récidive, comme semble le démontrer la seule étude disponible en la matière [11] : à partir d’un échantillon de détenus libérés en 1982, elle met en évidence le fait que le taux de nouvelles infractions commises par les sortants de prison, quatre années après leur libération, était de 54,5 % pour les condamnés en fin de peine contre 39,6 % pour les libérés conditionnels.
Pour l’administration pénitentiaire, les alternatives à l’incarcération présentent deux avantages supplémentaires : celui de réduire la surpopulation carcérale et celui de limiter ses dépenses budgétaires ; leur coût est en effet très inférieur à celui de l’incarcération.
Tableau : Coût quotidien de fonctionnement de l’incarcération en maison d’arrêt, en semi-liberté et sous « PSE »
Paradoxalement, les dispositifs d’alternatives à l’incarcération sont peu utilisés et leur évolution est même marquée à la baisse depuis 2001. Les mesures qui concernent des publics qui ne sont pas condamnés à une peine de prison sont les plus nombreuses mais, après avoir régulièrement augmenté de 1994 à 2001, elles ont significativement diminué jusqu’en 2004.
Tableau : Evolution des mesures alternatives à l’incarcération
Les aménagements de peines sont, pour leur part, quantitativement limités et concernent une faible proportion des condamnés [12].
Tableau : Mesures d’aménagement de peines
B - Le placement sous surveillance électronique (PSE) ou « bracelet électronique »
1 - Une mise en place laborieuse
Evoqué officiellement pour la première fois en 1989, le placement sous surveillance électronique (PSE) a été consacré comme modalité d’exécution des peines privatives de liberté huit ans plus tard par la loi n° 97-1159 du 19 décembre 1997. Pour préciser les modalités de sa mise en oeuvre, un décret d’application n’est intervenu que le 13 avril 2002, soit après un délai de cinq ans. En outre, l’autorisation, donnée par la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence, d’utiliser le PSE à la place de la détention provisoire a été supprimée par la loi d’orientation et de programmation n° 2002-113 du 9 septembre 2002 (LOPJ), qui en a fait une modalité d’exécution du contrôle judiciaire. Cette loi, dont le décret d’application est paru le 17 mars 2004, prévoyait, en outre, la généralisation du dispositif pour parvenir, à échéance de 5 ans, au placement de 3 000 personnes sous surveillance électronique.
Le PSE est actuellement géré par la seule administration pénitentiaire qui a commencé à le mettre en oeuvre à partir de 2000.
S’inspirant d’exemples étrangers, elle a défini les modalités techniques du dispositif et décidé de recourir à une expérimentation sur quatre sites pilotes volontaires : Agen, Aix en Provence, Grenoble et Lille. Chacun d’entre eux a choisi les logiciels et les appareils de surveillance lui paraissant les mieux adaptés localement et a déterminé ses propres procédures. C’est également de manière dispersée que les quatre directions régionales concernées ont signé les marchés publics nécessaires pour disposer des équipements informatiques et des appareils de surveillance requis. L’éclatement de la démarche n’a pas été remis en cause lorsque l’expérimentation a été étendue à cinq nouveaux sites (Angers, Béziers, Colmar, Dijon et Osny-Pontoise) en novembre 2001.
En 2002 des évaluations conduites sur les quatre sites pilotes initiaux ont conclu, sur le plan technique, au bon niveau de fiabilité et de sécurité des systèmes. Un travail a également été mené en lien avec un organisme de recherche (le CNRS- CESDIP) pour évaluer la mise en oeuvre du bracelet électronique du point de vue de chaque acteur concerné [13].
Dans le courant de l’été 2003 de nouveaux centres de surveillance ont été installés dans les maisons d’arrêt de Paris la Santé, Lyon - Montluc et Orléans, ainsi qu’au centre pénitentiaire de Ducos (Martinique). Aujourd’hui, treize centres de surveillance sont en fonctionnement et le PSE peut intervenir dans l’ensemble des directions régionales. Pour rationaliser sa démarche, l’administration pénitentiaire a envisagé la passation d’un marché national afin de couvrir les besoins de l’ensemble des sites. Mais ce marché n’a pas été conclu et les directions régionales ont dû continuer à s’approvisionner localement auprès des fournisseurs qu’elles avaient elles-mêmes sélectionnés. En 2003 et 2004, l’ensemble des marchés passés par les directions régionales ont représenté un montant total de, respectivement, 0,9 M€ et 2 M€.
Cette dispersion des procédures a eu des conséquences préjudiciables à l’efficacité du dispositif. En premier lieu, elle entraîne une grande lourdeur de gestion au sein de directions régionales dont les effectifs de personnels administratifs sont limités, alors que l’administration ne traite, en fait, qu’avec deux fournisseurs. En deuxième lieu, elle se traduit par une grande différenciation des solutions locales qui ne favorise pas la comparaison de leurs avantages et inconvénients respectifs. Enfin, elle engendre des surcoûts, chaque direction régionale gérant ses propres stocks de bracelets en vue de répondre aux décisions des juges dans les meilleurs délais, de telle sorte qu’on observe un écart important entre le nombre de bracelets disponibles et ceux effectivement utilisés. A l’évidence, une mutualisation des moyens consacrés au dispositif s’imposerait.
Tableau : Ecart entre le nombre de bracelets disponibles et ceux effectivement utilisés
2 - Un dispositif contraignant
Le PSE permet aux personnes condamnées à des courtes peines [14] de les exécuter hors de prison. Lorsqu’ils acceptent la mesure, les intéressés sont astreints à ne pas quitter leur domicile ou tout autre lieu désigné par le juge en dehors des périodes fixées par lui et pendant lesquelles ils peuvent exercer une activité professionnelle, d’enseignement ou de formation. Un procédé électronique permet de contrôler à distance leur présence au cours des périodes d’astreinte.
Sur le plan technique, le mécanisme se compose de trois éléments : un émetteur (le bracelet électronique), un récepteur placé au lieu d’assignation qui reçoit les signaux de l’émetteur et un centre de surveillance qui centralise les messages émis par les récepteurs. Si le niveau de réception des signaux devient trop faible, le récepteur envoie automatiquement, via la ligne téléphonique, un message d’alarme au centre de surveillance. Celui-ci apprécie si l’absence est licite ou non, en fonction des horaires d’assignation fixés par le juge.
Du point de vue du « placé », le dispositif du PSE est exigeant puisque l’intéressé doit avoir un domicile ou justifier d’un hébergement stable. De surcroît, il doit disposer d’une ligne de téléphone et être à jour dans le paiement de ses factures. En effet, dans le dispositif retenu en France, à l’image de ce qui se fait dans la plupart des pays étrangers ayant adopté le système, c’est le placé qui supporte le coût des communications téléphoniques.
Pour le SPIP, le PSE suppose la réalisation d’une enquête qui comprend une visite à domicile. Elle est plus lourde qu’une enquête socio-éducative classique dans le cadre d’un aménagement de peine [15] car elle comprend la vérification de la faisabilité technique du PSE et celle de la motivation de l’entourage du condamné, qui subira avec lui le PSE.
En outre, la mise en place du dispositif suppose l’intervention de surveillants qui peuvent contribuer à l’enquête de faisabilité technique, mais qui sont surtout chargés de la pose du bracelet émetteur sur le placé et de l’installation du récepteur à son domicile. Ils doivent programmer et mettre à jour les horaires d’assignation dans le logiciel de suivi du PSE et assurer le traitement des alarmes pour décider s’il y a lieu d’alerter les autorités judiciaires et les forces de l’ordre. Généralement, les surveillants procèdent par vérifications téléphoniques. Seuls certains centres prévoient le déplacement in situ au domicile du placé : c’est le cas, notamment, à Agen où un surveillant spécialisé dans le suivi du PSE a été doté d’un téléphone portable et d’un véhicule.
3 - Un dispositif peu utilisé
Au 31 décembre 2004, le nombre de placements accordés depuis le début de l’expérimentation s’élevait à 4 361 sur l’ensemble du territoire national, hors contrôle judiciaire. Les personnes sous PSE sont plus souvent des condamnés à de courtes peines d’emprisonnement que des condamnés incarcérés en fin de peine. En outre, peu de juges recourent au dispositif du PSE pour les personnes qu’ils placent sous contrôle judiciaire : depuis la publication du décret du 17 mars 2004, seules 13 décisions ont été prises en ce sens.
Après avoir plafonné jusqu’en 2001, la montée en charge du dispositif se révèle très progressive, comme le montre le tableau suivant. Mais en dépit de l’accélération observée, le nombre de placements à l’instant « t » reste très en retrait par rapport aux objectifs fixés au plan national par le législateur.
Tableau : Suivi du PSE
Cette situation reflète les trois obstacles majeurs auxquels se heurte le PSE. Le premier est qu’il ne concerne qu’un public limité. Les femmes et les mineurs y ont difficilement accès, faute d’un nombre suffisant d’établissements pénitentiaires susceptibles de les accueillir à proximité de leur lieu d’assignation, si le bénéfice de la mesure devait leur être retiré. Surtout, pour que le PSE puisse être proposé et mis en place, l’intéressé doit disposer d’un logement et être capable de prendre en charge ses frais de téléphone [16], ce qui peut s’avérer lourd pour certains, puisque le coût des communications atteint 30 € par mois environ, en plus des frais d’installation. Ces exigences conduisent à exclure une part importante de la population pénale du bénéfice du PSE car les condamnés sont souvent dans une situation de grande précarité socioprofessionnelle. L’étude précitée, réalisée en 2003 par le CESDIP, a montré la spécificité du profil des « placés » de la première génération du PSE : seulement 20 % d’entre eux se déclaraient illettrés (contre 48 % des entrants en détention) et 74 % avaient suivi un enseignement secondaire ou supérieur (contre 47 %).
Pour atténuer le caractère sélectif du PSE et accroître le nombre de ceux qui pourraient y prétendre, des initiatives ont été prises localement. Certains SPIP ont ainsi passé des conventions avec des organismes partenaires (avec l’office HLM local à Pontoise, avec un CHRS à Reims) pour proposer un logement à des condamnés qui pouvaient alors effectuer leur peine sous le régime du PSE. D’autres ont consenti des aides financières pour prendre en charge les frais de téléphone et leur démarche a été relayée au plan national : l’administration centrale a ouvert des crédits budgétaires à cette fin.
Le second obstacle à la mise en oeuvre du PSE est lié à la place qu’il occupe par rapport aux autres mesures alternatives à l’incarcération, qui peuvent apparaître plus simples à organiser. Le PSE fait en effet intervenir plusieurs acteurs (le juge, le SPIP et le surveillant) selon des procédures qui requièrent des délais tels que, parfois, ils aboutissent à l’échec du placement lui même. Au plan national, ces facteurs expliquent la faible proportion des PSE décidés dans le cadre du contrôle judiciaire ou de l’aménagement des courtes peines. L’évaluation réalisée en 2003 par le CESDIP avait en effet montré que le cumul des délais d’enquête et d’attente pour que le dossier soit examiné en commission d’application des peines pouvait conduire à ce que le temps écoulé entre l’écrou et le début du PSE atteigne 3 mois : pour les personnes condamnées à des peines inférieures à 4 mois, le système est, dès lors, dépourvu d’intérêt.
Enfin, le dernier obstacle auquel se heurte le développement du PSE est l’insuffisance des moyens de suivi. En termes de fonctionnement, le PSE a été organisé à partir des budgets des établissements et des directions régionales, les dotations additionnelles de l’administration centrale ne couvrant que les frais directement liés à l’exécution des marchés. Lors de l’expérimentation, un poste de surveillant spécialement dédié au PSE a été créé dans chacun des quatre premiers sites. Mais, ultérieurement, tous les autres « surveillants PSE » ont été choisis parmi le personnel de surveillance des établissements supports. Les SPIP, de leur côté, n’ont bénéficié d’aucun renfort spécifique. Ce n’est qu’après l’adoption de la loi du 9 mars 2004 et la relance du PSE avec des objectifs très volontaristes que des créations de postes sont intervenues (23 postes de surveillants et 50 postes de conseillers). Tant que ces créations n’auront pas produit leurs effets, les tensions en termes de personnel contribueront à limiter le recours au PSE.
C - La semi-liberté
1 - Un cadre juridique souple
Le régime de la semi liberté est défini par l’article 132-26 du code pénal qui précise que « le condamné admis au bénéfice de la semi liberté est astreint à rejoindre l’établissement pénitentiaire selon les modalités déterminées par le JAP en fonction du temps nécessaire à l’activité, à l’enseignement, à la formation professionnelle, au stage, à la participation à la vie de famille ou au traitement en vue duquel il a été admis au régime de la semi liberté ». Les personnes qui en bénéficient quittent l’établissement où elles sont incarcérées pendant les horaires prévus par le juge. Elles ne sont soumises à aucune surveillance pendant ces horaires, leur seule obligation étant de réintégrer leur cellule à l’heure prescrite et de se conformer aux vérifications et contrôles prévus par le juge et exécutés par les SPIP.
La semi-liberté peut être prévue « soit lorsqu’il reste à subir par le condamné une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas un an, soit lorsque le condamné a été admis au bénéfice de la libération conditionnelle, sous la condition d’avoir été soumis à titre probatoire au régime de la semi liberté. ». Elle est généralement exécutée dans des établissements spécifiques, les centres de semi-liberté (CSL), dont la liste est fixée par arrêté du Garde des Sceaux [17] et qui fonctionnent comme des établissements pénitentiaires dotés d’un budget, d’un personnel de surveillance et d’un règlement intérieur. Leur spécificité tient à ce que, dans la journée, la majorité des détenus quitte le centre. Mais la semi-liberté peut également être exécutée dans des quartiers de semi-liberté (QSL) constitués au sein d’un établissement pénitentiaire traditionnel. Les personnes concernées sont alors incarcérées dans des zones bien identifiées afin d’éviter les contacts avec les autres détenus et limiter les risques de trafic.
2 - Une mise en oeuvre qui plafonne
Alors qu’il avait progressé de 1990 à 1999, le nombre de mesures de semi-liberté n’a cessé de diminuer depuis lors.
Tableau : Evolution des placements en semi liberté
La semi-liberté a surtout été utilisée par les JAP comme un substitut à l’incarcération pour les personnes condamnées à des peines de moins d’un an (près de 52 % des cas en 2003) et comme une modalité d’aménagement de peine pour faire sortir les détenus d’établissements pénitentiaires « classiques » (45 % des cas en 2003). Dans la très grande majorité des cas, le bénéfice de la semi-liberté a été accordé à des personnes incarcérées qui avaient un contrat de travail ou suivaient une formation, rémunérée ou non.
Tableau : Motifs des placements en semi liberté
Au plan national, le taux d’occupation des centres ou des quartiers de semi-liberté est très inférieur à celui des établissements pénitentiaires classiques. Il s’établissait ainsi à 60,6 % en octobre 2004. Mais la situation est très contrastée entre les différents centres. Certains, comme Rochefort (300 % en octobre 2004), Evreux (150 %) ou Gagny (133,3 %) souffrent d’une sur occupation chronique. D’autres sont sous-utilisés, comme Limoges (20 %), Chalon (22,2 %), Beauvais (20 %) Corbeil (55 %) ou Montargis (20 %).
3 - Des freins qui ont été identifiés
En 2003, à la suite du rapport Warsman et à la demande du Garde des Sceaux, l’administration a lancé une consultation auprès de l’ensemble des directions régionales et des chefs de juridiction, dont les réponses permettent d’appréhender les trois types d’obstacles qui fragilisent la mise en oeuvre de la semi-liberté.
Les premiers tiennent à la précarisation de la situation des détenus et au contexte économique. Le travail reste en effet le motif principal justifiant l’octroi du bénéfice de la semi-liberté. Or la dégradation du contexte économique conduit parfois à ce qu’avant même d’être exécutées, certaines mesures de semi-liberté deviennent caduques du fait de la disparition de l’emploi promis. Ces contraintes sont d’autant plus fortes que la précarisation des détenus s’aggrave. L’enquête sur le niveau d’instruction des détenus arrivants effectuée en 2002-2003 a ainsi montré que seulement 45 % des personnes interrogées indiquaient avoir exercé au moins une fois une activité professionnelle avant leur incarcération.
Le second frein au développement de la semi-liberté tient à l’inadéquation des structures d’accueil. Dans de nombreux départements, l’insuffisance du nombre de places disponibles est particulièrement grave pour les mineurs (deux places en région parisienne) et les femmes, ce qui conduit, de fait, à exclure ces populations du bénéfice de la mesure. Dotées d’un nombre de places insuffisant, les structures de semi-liberté sont, au surplus généralement en mauvais état du fait de leur surpopulation même ou, plus simplement, de leur vétusté ou de leur absence d’équipements nécessaires à la vie des détenus (cour de promenade, salles d’activités, unité de soins...). La localisation de certains centres est susceptible de poser problème et explique leurs faibles taux d’occupation : le fait qu’ils puissent être isolés constitue, en soi, un frein à la possibilité d’octroyer une mesure de semi-liberté car les personnes qui pourraient en bénéficier ont souvent été privées de leur permis de conduire à la suite d’une condamnation, principale ou connexe, pour conduite en état d’ivresse...
Tous ces facteurs ont un impact sur les décisions des magistrats appelés à se prononcer sur une mesure de semi-liberté : ou ils ajustent le nombre de bénéficiaires sur celui des places existantes, quitte à priver un bénéficiaire potentiel de l’octroi d’une telle mesure ; ou, au contraire, ils ne « s’auto-limitent » pas, et la décision de placement peut ne produire ses effets qu’après de longs délais ; dans cette hypothèse, l’exécution de la mesure est différée jusqu’à ce qu’une place se libère, avec le risque de voir, dans l’intervalle, la situation du condamné changer. C’est ainsi qu’à Gagny, par exemple, les délais d’attente varient de 4 à 6 mois, ce qui est peu compatible avec le caractère souvent précaire ou temporaire des emplois qui justifient la semi-liberté. La même contrainte explique que la mesure de semi-liberté ne peut pas être mise en oeuvre, dans le département de Seine et Marne, pour environ 20 % des cas qui pourraient y prétendre.
Le troisième frein au développement de la semi-liberté est lié à une rigidité qui n’est que le reflet d’une insuffisance de moyens. En 2003, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance (TGI) de Marseille faisait valoir, par exemple, que les horaires des mouvements au QSL des Baumettes conduisaient à enfermer les détenus entre 20 heures et 6 heures, ce qui est radicalement incompatible avec un aménagement de peine fondé sur un emploi flexible correspondant souvent à la réalité du monde du travail. Certains JAP essaient bien d’ajuster les horaires de sortie des détenus pour tenir compte de ces contraintes, mais ces ajustements ne sont pas toujours possibles et ne conviennent pas nécessairement à tous les condamnés pour qui ils représenteraient un allègement trop important de la peine. En outre, dans certaines structures, seules quelques heures de permanence sont organisées par les travailleurs sociaux, généralement en journée, pendant les jours ouvrables, de telle sorte que les détenus qui travaillent sont contraints de demander une autorisation d’absence à leur employeur pour pouvoir rencontrer un travailleur social.
Cette situation pèse évidemment sur la qualité du suivi social ou judiciaire. Consultés en 2003, les magistrats ont admis quasi unanimement qu’ils accorderaient davantage de semi-libertés s’ils avaient l’assurance que l’effectivité et la régularité des contrôles étaient renforcées et les manquements signalés plus systématiquement. Aussi nombre d’entre eux préfèrent-ils privilégier d’autres dispositifs alternatifs à l’incarcération, dont les modalités sont proches de celles de la semi-liberté : tel est le cas des placements extérieurs mis en place avec le concours d’associations qui accueillent et encadrent les détenus et, parfois, les hébergent. A Toulouse, par exemple, le Centre de préparation à la vie active (CPVA) spécialisé dans la prise en charge des toxicomanes, se charge de placer les détenus dans des studios et de les aider à construire un projet professionnel.
D - Les travaux d’intérêt général (TIG)
1 - Un dispositif qui régresse
Inspirée par les expériences mises en oeuvre notamment en Grande Bretagne (le « community service »), la peine de travail d’intérêt général (TIG) a été instituée en France par la loi n° 83-466 du 10 juin 1983. Elle consiste pour le condamné à effectuer un travail non rémunéré au bénéfice d’une personne morale de droit public ou d’une association habilitée (article 131-8 du code pénal).
Le nombre de TIG ne cesse de baisser. Depuis 2001 (25 411 TIG), il a diminué d’un tiers en raison de la réduction du nombre de mesures ouvertes et de celle de leur durée moyenne de prise en charge. La durée moyenne de suivi n’atteignait ainsi que 14 mois en 2003, contre 16,3 mois en 2002 et 17,2 mois en 2001. Ces évolutions dénoncées par le rapport Warsmann ont conduit le Garde des Sceaux à décider d’une relance des TIG. Des objectifs quantitatifs de progression ont été assignés aux directions régionales et aux SPIP en 2004.
Pour ce qui est du « profil » des bénéficiaires de TIG, la seule étude disponible date de 1993. Elle montrait que l’âge moyen des intéressés n’était que de 28 ans et que 45 % d’entre eux étaient au chômage lors de leur condamnation. Depuis, d’après les éléments recueillis par la Cour dans un échantillon de SPIP, l’orientation des TIG vers les publics les plus jeunes s’est renforcée. Dans le Val de Marne en 2004, 43 % des TIG concernaient les jeunes de 18 à 20 ans et 39 % ceux de 21 à 25 ans. A Metz, le bilan de la journée organisée en juin 2004 pour le vingtième anniversaire de la loi de 1983 soulignait que les bénéficiaires d’un TIG constituent un public de plus en plus jeune et souvent difficile. A Paris, la proportion des « tigistes » de moins de 25 ans est de 68 %.
En outre, les éléments de bilan disponibles au niveau national en 1993 ou localement en 2003 montrent que les missions exécutées par les « tigistes » étaient principalement des travaux d’entretien et de rénovation de l’environnement (21,5 % en 1993) ou des équipements (23,5 % en 1993) et de la voie publique (11,5 % en 1993). Les collectivités publiques constituaient l’essentiel des organismes d’accueil, loin devant les établissements publics et les associations (respectivement 63,9 %, 12 % et
24 % en 1993).
Enfin, en 1993, le TIG était surtout prononcé pour réprimer des vols mais la proportion des infractions liées à la sécurité routière était en progression. Depuis, les situations locales se sont diversifiées, de telle sorte que, en ville, les bénéficiaires de TIG sont essentiellement des condamnés pour des problèmes liés à la toxicomanie tandis qu’en zone rurale ce sont surtout les auteurs de faits liés à l’alcoolisme qui sont concernés.
2 - Les difficultés de mise en oeuvre
Trois contraintes freinent le développement des TIG. Ils constituent, d’abord, une mesure exigeante pour l’administration : elle implique une collaboration soutenue avec les organismes d’accueil qu’il faut convaincre de recevoir des publics difficiles et de mobiliser durablement des moyens pour assurer leur encadrement. Il faut, de surcroît, que l’organisation du suivi au sein du SPIP permette de maintenir un véritable dialogue au cas par cas. Or dans certains départements, les partenaires de l’administration ont eu des difficultés pour identifier leur interlocuteur, ce qui a renforcé leurs réticences à proposer des postes de TIG.
Cette situation a conduit certains SPIP à mettre en place une organisation spécifique : dans l’Essonne, une équipe spécialisée a été constituée par des travailleurs sociaux volontaires, qui connaissent les personnels encadrant les « tigistes » et entretiennent avec eux des relations suivies ; à Paris, un pôle TIG a été constitué sur le même modèle en 1998 et s’est doté d’outils de travail qui lui permettent d’avoir une vue précise et actualisée des postes disponibles et des profils exigés pour les occuper. Mais tous les départements ne parviennent pas à se mobiliser de la même manière. Celui du Cher, par exemple, regrettait de n’avoir pas réalisé un état des lieux précis lui permettant d’avoir une bonne lisibilité des lieux d’accueil, des postes ou des habilitations à renouveler sur l’ensemble du département. Ce sont évidemment les contraintes de personnel qui expliquent de telles carences.
La mise en oeuvre effective des TIG se heurte, ensuite, aux limites du réseau de partenaires susceptibles d’accueillir des publics difficiles. Le dynamisme des équipes en charge des TIG contribue à l’entretenir (comme à Paris et dans le Val de Marne) ou à le diversifier, pour répondre aux évolutions du profil des condamnés (Morbihan, Yvelines). Mais les organismes habilités ne disposent pas toujours de personnels aptes à encadrer les tigistes. En outre, le potentiel de postes que peuvent offrir les collectivités n’est pas extensible et d’autres mesures peuvent venir concurrencer les TIG : les placements extérieurs, d’abord, dans lesquels certaines associations préfèrent se spécialiser, mais également le travail non rémunéré que le juge peut proposer dans le cadre d’une proposition de composition pénale.
Enfin, le TIG ne peut être utilisé que si le juge décide qu’il est approprié pour le condamné. La marge de manoeuvre de l’administration pénitentiaire est très limitée, puisqu’elle ne peut que s’attacher à convaincre. A Lyon, par exemple, l’évolution des places disponibles est régulièrement communiquée aux autorités judiciaires et des journées TIG sont organisées pour leur présenter les différents types d’accueil possibles. Mais il est difficile pour l’administration pénitentiaire d’aller au-delà.
De ce point de vue, on peut s’interroger sur la portée des objectifs quantifiés de progression des TIG qui ont été fixés par l’administration pénitentiaire à chaque direction régionale. Lors de sa conférence d’orientation, celle de Marseille avait souligné que les objectifs 2004 devraient être revus à la baisse compte tenu des charges de travail occasionnées pour les SPIP par l’entrée en vigueur de la loi Perben 2. Elle précisait que ses services ne devaient pas être « engagés sur des objectifs qui, de fait, prendront un caractère secondaire ». Cette prise de position illustre la faible portée des objectifs de progression fixés au niveau central. L’absence de pouvoir réel de l’administration pour accroître le nombre de mesures prononcées par les juges l’explique évidemment, tout comme la priorité donnée au suivi du milieu fermé pour mettre en œuvre des aménagements de peines.
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Décidée en 1999 pour accroître l’efficacité de l’action de l’administration pénitentiaire en matière d’insertion, la création des SPIP est loin d’avoir produit tous ses effets.
Sur le plan administratif, les dysfonctionnements relevés par la Cour démontrent que, nés de l’agrégation de structures qui fonctionnaient grâce à leur immersion au sein soit des établissements soit des tribunaux, les SPIP ont été mis en place sans que les moyens, les procédures et les outils nécessaires à leur fonctionnement aient été au préalable définis. La réforme de 1999 a, certes, permis d’accroître la lisibilité des services en leur donnant une véritable identité, comme le souligne l’administration centrale lorsqu’elle explique que les SPIP sont désormais bien identifiés par leurs partenaires institutionnels. Il y a là un acquis indéniable qui facilite le développement des partenariats indispensables pour mettre en place des actions en vue de la réinsertion. Mais, six ans après la mise en place de la réforme, ce résultat positif est le seul qui ait pu être enregistré.
S’agissant de la prise en charge des personnes placées sous main de justice, le bilan dressé par la Cour illustre une réelle difficulté des services à exercer l’intégralité de leurs compétences. Ils ne maîtrisent en effet ni le volume ni les modalités de leurs interventions au titre de leurs missions préalables aux jugements et ils doivent faire face aux impératifs d’une prise en charge du milieu fermé d’autant plus lourds que la juridictionnalisation et la systématisation des procédures d’aménagement de peines doivent être assurées dans un contexte d’augmentation de la population incarcérée.
Malgré les ambitions affichées en 1999, la prise en charge du milieu ouvert continue de jouer le rôle de variable d’ajustement des moyens disponibles. L’exemple de la Côte d’Or est significatif à cet égard : alors que la polyvalence avait été instituée sans difficulté en 1999, les travailleurs sociaux ont désormais le sentiment qu’elle conduit, de fait, à donner la priorité au suivi des détenus au détriment des personnes relevant du milieu ouvert.
Si tel était le cas, cette réorientation de l’activité des travailleurs sociaux serait le signe de l’échec d’une réforme qui entendait être le vecteur d’une amélioration de la prise en charge des personnes placées sous main de justice, en particulier en milieu ouvert : cela aurait des conséquences d’autant plus graves que l’insuffisance du suivi socioéducatif est l’un des freins principaux au développement effectif des mesures alternatives à l’incarcération.
RECOMMANDATIONS
Pour contribuer à un déploiement plus efficace des alternatives l’incarcération, il conviendrait :
* de développer, avec le concours d’organismes de recherche, le suivi de la mise en oeuvre effective des mesures, en particulier pour les sursis, avec ou sans mise à l’épreuve ;
* d’organiser au plan national, une gestion coordonnée des stocks de bracelets électroniques pour limiter le nombre de ceux qui sont inutilisés ;
* de systématiser, dans l’ensemble des départements, le déploiement de dispositifs permettant d’offrir à toute la population pénale un accès au PSE (convention de mise à disposition d’un logement, aide au paiement des frais téléphoniques...) ;
* de redéfinir les lieux d’implantation des CSL en fonction des besoins effectifs et des caractéristiques des bassins d’emploi dans lesquels ils se situent ;
* de mettre en place des modalités plus souples d’organisation des CSL et QSL pour répondre aux exigences de l’emploi du temps des condamnés concernés et accroître leur disponibilité ;
* de mettre en place, au niveau des SPIP, des schémas d’organisation ou des dispositifs d’accueil permettant aux associations et collectivités territoriales intéressées par les TIG d’identifier plus facilement leur interlocuteur ;
* de développer une politique d’information et de formation à l’égard des personnels des structures partenaires qui accueillent des « tigistes » en vue d’améliorer la qualité de leur prise en charge.