Le Gouvernement nous propose, à travers cet article de la loi d’orientation et de programmation pour la justice, une série de mesures adaptées, justes et efficaces.
Ce texte apporte une première réponse globale permettant de traiter à la fois la question indispensable des moyens de la justice, la mise en place d’une justice de proximité, la nécessaire réforme du droit pénal des mineurs et l’amélioration du fonctionnement de nos tribunaux.
Il est aujourd’hui plus que jamais vital de défendre et de protéger notre institution judiciaire car elle est la première des fondations de notre République. Je voudrais insister ici sur un point primordial : la perception de la légitimité de la loi et, par là, de toutes les institutions de la République. N’en doutons pas, celle-ci est directement liée à la place et à la visibilité de la justice. Pourquoi dois-je respecter la loi ? Parce qu’elle me protège. Or cela n’est possible que si la justice peut, par les moyens dont elle dispose, par la qualité de ses personnels, par l’efficacité de ses procédures, rendre des décisions qui renforcent ce sentiment de protection et d’équité.
Dans le cadre du nouvel ordre juridictionnel de proximité que vous instaurez, deux des axes de ce projet me semblent particulièrement importants.
Vous répondez, monsieur le ministre, au premier devoir social de la justice qui est d’être l’un des représentants visibles de la République, en contribuant avec les forces de l’ordre à la paix sociale.
L’évolution des formes de la délinquance nous oblige aujourd’hui à nous pencher sur les réponses les plus adaptées à apporter, notamment à la délinquance des mineurs. C’est aussi un devoir social, et à un double titre.
Il s’agit d’abord de protéger de cette délinquance les victimes, qui sont parmi les plus démunies de notre société. Les mesures proposées en ce sens me semblent particulièrement importantes et appropriées.
Mais il s’agit également de protéger les auteurs mêmes de ces actes délictueux et d’éviter, dans les cas les plus difficiles, que leur présence dans le quartier n’en entraîne d’autres sur le chemin du non-respect de la loi.
Sans supprimer l’ordonnance de 1945, vous avez choisi de l’amender. Votre texte ne nie pas sa philosophie générale, mais parvient à l’adapter à l’évolution de notre temps. Vous réaffirmez l’absolue nécessité des mesures éducatives - qui sont largement renforcées avec, notamment, le recrutement exceptionnel, que je salue, de plus de mille éducateurs de la PJJ -, tout en ayant le courage de mettre en place ce que, il y a peu encore, tout le monde, y compris l’actuelle opposition, semblait appeler de ses voeux : je veux parler, bien sûr, des centres éducatifs fermés.
En cela, vous ne tombez pas dans l’opposition, aussi stupide que stérile, entre sanction et éducation, dans laquelle certains voudraient nous enfermer. Chacun sait ici combien les deux approches vont de pair, combien il est indispensable pour la protection même des mineurs de mettre de la contrainte dans l’éducation et de l’éducation dans la contrainte.
Oui, les mesures proposées dans cette logique sont équilibrées et justes. Oui, elles permettront de préserver l’avenir des mineurs délinquants en leur offrant d’autres alternatives que la prison ou la récidive. Oui, elles sauront, grâce à la célérité des jugements, rendre les décisions de justice mieux comprises et donc mieux acceptées.
Comme vous, monsieur le garde des sceaux, j’ai bien entendu les donneurs de leçons, plus aptes d’ailleurs à critiquer dans l’opposition qu’à agir quand ils sont au pouvoir. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.) Toutefois, je ne parviens pas à voir dans votre texte une loi liberticide qui permettrait demain d’emprisonner sans jugement de jeunes innocents. Je ne parviens pas à saisir en quoi les grands principes de notre démocratie seraient mis à mal par cette loi.
Mais cela est certainement lié à ma position. Maire d’une ville comptant plus de 76 % de logements sociaux et qui a connu en dix ans 100 % d’augmentation des faits de délinquance, étant chaque jour au contact des habitants des quartiers HLM de Surville à Montereau ou des quartiers nord de Melun, je ne vois, pour ma part, que la difficulté de vivre, que les tensions nées d’une justice trop lente et trop affaiblie. Je ne vois que la montée des exaspérations face à une délinquance des mineurs dont les gens des classes populaires sont les premières victimes en tant que citoyens mais aussi en tant que parents. Je ne vois que leurs demandes, sans cesse répétées, d’une république plus forte, plus visible, plus juste.
Avec les six millions de celles et ceux qui vivent dans des conditions particulièrement difficiles dans les mille quartiers urbains de notre pays, je ne vois dans cette loi que le rempart qui protégera le plus faible et le plus pauvre contre l’injustice, qui viendra soutenir l’effort éducatif des parents, qui confirmera les actions de prévention et d’insertion des collectivités locales et des associations.
Je ne vois, dans votre texte, que le point de départ d’une politique qui prend enfin en compte les réalités de notre pays, sans fantasmes ni fausse pudeur, qui refuse d’opposer grands principes et courage politique.
Je ne vois décidément, monsieur le garde des sceaux, aucune raison valable pour que notre assemblée ne vous apporte pas son plein et entier soutien en adoptant l’article 1er comme l’ensemble du texte.