Laurent JACQUA
9959 / 2D
M.C.
BP 41
034O1 YZEURE
Mardi 8 juin 2004
Objet : lettre d ‘information prison pour les Députés de l’Assemblée Nationale
Mesdames, Messieurs les Député(e)s,
Je reviens vers vous pour vous donner quelques nouvelles de ma situation carcérale et, par la même occasion vous intéresser au problème des prisons qui sont d’une façon générale une véritable insulte à la déclaration des droits de l’homme.
Comme vous le savez vous pouvez à toute heure du jour ou de la nuit vous rendre dans une prison pour voir ce qu’il s’y passe. Ce droit vous devriez l’utiliser plus souvent jusqu’à ce que l’arbitraire et le non droit subit par les citoyens détenus, cessent.
On ne peut pas aujourd’hui, dans un pays comme la France, se désintéresser de ce qui se passe derrière les hauts murs des prisons, les droits de l’homme doivent s’appliquer partout et plus encore pour ceux qui ont enfreins les lois. En effet comment leur apprendre à les respecter si dés le départ, la société elle-même, ne le fait pas envers ceux qui vivent au sein du monde carcéral.
Le 2 juin 04, Monsieur le député Noël MAMERE est venu me rendre visite dans mon cachot où j’avais décidé de le recevoir afin que nous ayons une discussion sur la réalité de ce que je peux vivre en tant que malade du sida condamné à une très longue peine et, dont la seule perspective est de mourir au fond d’une centrale à l’abri des regards.
Bien sûr, on va me parler de la loi 2002 qui concerne la suspension de peine, mais si je vous dis qu’elle n’est faite que pour PAPON et quelques nantis, vous ne me croiriez pas et pourtant c’est ce qui se passe !
Pour nous les anonymes, il nous faut être à l’agonie pour en bénéficier alors que nous sommes atteints de pathologie graves et qu’à tout moment un problème de santé peut arriver sans que l’on puisse être libéré.
Monsieur MAMERE a fait un acte politique en mariant deux homosexuels dans sa mairie de Bègles, depuis, beaucoup de responsables politiques le condamnent et, notamment les membres du gouvernement qui réclament des mesures ou autres procédures pénales et civiles pour punir cette action soi-disant contraire à la loi.
Les gardiens de l’ordre moral et les docteurs de la loi sont prêts à en découdre et à employer toute leur énergie pour cela.
Nous avons pu voir Monsieur DE VILLEPIN Ministre de l’Intérieur, Monsieur PERBEN Ministre de la Justice, y compris Monsieur RAFFARIN Premier Ministre réagirent contre cette atteinte à la loi de la République.
Mesdames, Messieurs les Député(e)s, je vous demande de bien vous rendre compte qu’aujourd’hui on laisse mourir des êtres humains au fond des cages sans que personne ne s’en préoccupe, sans que personne ne s’y oppose, sans que personne ne dise rien, alors que l’on est prêt à condamner un homme qui, lui, par son état d’esprit progressiste, a décidé de venir me rendre visite au fond de mon cachot pour voir la réalité de ce qu’un détenu malade du sida peut vivre abandonné par toute la communauté sociale et, qui crève de toute cette injustice.
En vérité ne doit-on pas, pour être juste, condamner Monsieur le garde des Sceaux pour tous ceux qu’il est entrain de laisser mourir dans toutes les prisons de France ?
Mesdames, Messieurs les Députés, je vous invite à venir me voir afin, tout comme je l’ai fait avec Monsieur MAMERE, que nous discutions de la réalité du monde carcéral et de ma situation pénale, ceci afin de faire avancer le débat et arriver enfin à ce que nos prisons ne soient plus une honte pour la France.
Je vous invite aussi à poser la question sur les malades en prison à Monsieur PERBEN lors des questions à l’assemblée Nationale en utilisant ce courrier qui est un témoignage de plus venu du fin fond des cachots de la République, mais qui éclaire de ses mots la dignité humaine.
Un jour la conscience et l’histoire jugeront ceux qui nous ont laissé mourir dans l’indifférence, ne soyez pas de ceux-là.
Mesdames, Messieurs les Députés, je vous prie d’agréer mes salutations les plus sincères et les plus respectueuses.
Laurent JACQUA
Centrale de Moulins YZEURE