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(2004) Lettre ouverte aux parlementaires : la « thérapie ultra sécuritaire »

Mise en ligne : 7 avril 2004

Dernière modification : 18 novembre 2004

Texte de l'article :

Laurent JACQUA
9959 Q.I.
M.C.
B.P. 41
03401 YZEURE

Yzeure le, 30 mars 2004

Objet : Courrier d’information prison pour les députés de l’Assemblée Nationale sur la « thérapie ultra sécuritaire »

Mesdames, Messieurs les députés,

Il y a quelques mois une jeune femme détenue accouchait menottée dans une maternité au mépris de tous respects humains et de toute dignité. Plus tard un jeune homme de 21 ans s’est retrouvé paralysé parce qu’en détention on ne lui a pas prodigué les soins nécessaires.

Dans nos prisons il y a des milliers de cas semblables et lorsque, comme ces deux cas, les faits sont dénoncés par les médias, monsieur le Garde des Sceaux n’hésite pas à intervenir pour réclamer une enquête administrative et s’indigner face aux caméras.

La situation est grave dans le pays des droits de l’homme où il faut être nanti ou ancien préfet pour sortir de prison pour raison médicale, les autres ils peuvent bien mourir en silence car ils n’intéressent personne, ce sont des exclus sociaux, oubliés, méprisés, rejetés, privés de leurs droits. Malades ils ne peuvent sortir en suspension de peine sauf dans un état proche de la mort. Si l’on traitait quelque animal que ce soit de cette façon il y aurait un tollé général, mais ce ne sont que des êtres humains emprisonnés et à ce titre ils ne valent pas plus que des animaux en cage...

Malade du sida, je me révolte contre l’injustice qui m’est faite au quotidien au sein de ce monde carcéral sans pitié, mais comment réagir autrement face à une administration aussi sourde ne privilégiant que le tout sécuritaire au mépris de toute humanité.

Aujourd’hui mon discours jugé « subversif » me vaut un retour au quartier d’isolement là, je peux vraiment crever sans que personne ne s’en inquiète.

Voilà comment l’on traite les malades du sida dans les prisons françaises !

Oui je tiens tête à l’administration pénitentiaire mais que faire d’autre puisqu’il n’y a pour l’heure que la matraque et les E.R.I.S pour me soigner.

Aujourd’hui la politique menée est celle de l’ultra sécuritaire qui conduit inévitablement à l’anéantissement des droits les plus élémentaires des détenus qui n’ont, pour réagir, aucun moyen légal. Alors contre ces abus de pouvoir nous multiplions les mouvements et évidemment cela n’est pas sans conséquences. Il faut sanctionner plutôt que de comprendre, c’est tellement facile.

Donc une fois de plus l’arbitraire frappe et je me retrouve à l’isolement à cause de ma soit disant mauvaise influence sur mes co-détenus. Grosse erreur de l’administration pénitentiaire, mes compagnons d’infortunes n’ont pas besoin de moi pour lutter contre l’injustice qui règne sans vergogne sur ordre du ministère.

La direction a décidé d’utiliser à mon encontre le placement à l’isolement, qui est, d’après toutes les études, reconnu comme un instrument de torture, ceci non pour des raisons de sécurité, mais simplement pour asseoir son autorité qu’elle estime bafouée par mon discours en détention. Je fais donc l’objet d’un délit d’opinion.

Ce genre de mesure est sans effet sur ma détermination, même si je dois en souffrir en raison de ma pathologie qui est incompatible avec ce régime de détention. Le médecin a d’ailleurs rédigé un certificat médical en ce sens.

En tous cas, j’emploierai tous les moyens pour dénoncer ces agissements que je considère criminelles.

A ce propos, je ne manquerai pas, tout comme mon avocat, de le rappeler devant les autorités et la direction présentes à la commission du 4 mai prochain qui statueront sur ma demande de suspension de peine.

Qu’importe si cette demande est rejetée ou, s’ils ne cèdent pas sur mes conditions de détention, l’essentielle pour moi est cette conscience qui traverse les murs et qui ne peut rester prisonnière et, que je compte répandre le plus possible dans l’opinion pour dénoncer le traitement réservé aux malades au sein de vos prisons.

L’oppression et la répression que l’on exerce à mon encontre, qu’ils l’assument honteusement.

Moi, de mon cachot, je leur prouve que je suis encore digne, libre et humain...

Veuillez agréer, Mesdames, Messieurs les Députés, mes salutations les plus distinguées.

Laurent JACQUA